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Le Francophone.
14 décembre 2007

L' arrivée des premiers blancs `a Mbandaka/ Equateur/ DRC

Edition & Analyse / Edition & Analysis

Témoignages africains de l'arrivée des premiers blancs aux bords des rivières de l'Equateur (RD Congo)
African testimonies of the arrival of the first whites on the rivers in the Congolese Equateur region

Présentation générale

Le texte qui suit a été publié la première fois dans les Annales Æquatoria 16(1995)36-117. A cet endroit il est précédé d'une introduction de 23 pages. Qu'on se réfère donc à cette publication pour des plus amples détails.

En 1953 Edmond Boelaert lançait dans la Province de l'Equateur, au Congo Belge, une enquête chez les enseignants, catéchistes et autres lettrés concernant les souvenirs de l'arrivée des blancs dans leur villages le long des rivières de la Cuvette Centrale. Les réponses ont été conservées dans les archives Æquatoria à Bamanya. Boelaert avait fait lui même déjà quelques dizaines de traductions en français. Charles Lonkama, secrétaire du Centre Æquatoria a fait les restants. Les originaux et les traductions sont conservés à Bamanya et microfilmés en 1992 (film 6, fiches FB 111-128). Quelques textes avaient été publiés en lomongo dans le journal local de Coquilhatville Lokole Lokiso en 1955 (les nrs 401, 403, 404, 414, 420, 471, 679) et en traduction française dans Enquêtes et Documents d'Histoire Africaine 2(1977)57-60 (Les nrs 401, 468, 486, 491, en traduction par Hulstaert). Un texte était publié dans Annales Æquatoria 11(1990)368-370 (nr 440) et 12(1991)544-551 (nr 471). Boelaert a utilisé ces documents pour quelques études historiques dont la plupart sont restées inachevées ou inédites. G. Hulstaert a puisé dans ces textes pour plusieurs de ses publications.

Les événements relatés ici se situent principalement durant la période de la récolte du caoutchouc sous le régime léopoldien. Quelques fois il y a des digressions avant et après cette période. L'intérêt de ces textes réside en premier lieux à ce qu'ils traduisent les sentiments des colonisés. Mais en même temps ils nous livrent de multiples exemples de ce qui est resté dans la mémoire collective de cet événement majeur de leur histoire récente. L'historien pourra y appliquer toutes les lois de la critique historique.

Structure du texte

Les témoignages sont arrangés par rivière.

1.1. Villages autour de Mbandaka et la Ruki (jusqu'à Ingende) 1.2. La Momboyo (Luilaka)
1.3. La Busira - Tshuapa 1.4. La Salonga
1.5. La Lomela 1.6. L'Ikelemba
1.7. La Lulonga - La Lopori - La Maringa 1.8. Autour du Lac Tumba

Système de référence

Nous mettons pour chaque texte en premier lieu le nom du village selon son orthographe africain, suivi du numéro du document original et la pagination de l'original dactylographié (par Boelaert). Ensuite le nom de l'informateur avec quelques fois quelques indices sur sa situation au moment du témoignage. Le résumé qui suit est de Charles Lonkama. Enfin suit le texte proprement dit avec parfois quelques notes infrapaginales.

Légende

1.1. Villages autour de Mbandaka et la Ruki

Pour la situation globale de ces endroits voir l'étude de M.K.H. Eggert, 'Aspects de l'ethnohistoire Mongo : une vue d'ensemble sur les populations de la rivière Ruki', Annales Æquatoria 1(1980)I,1,149-168; de E. Boelaert, 'Charles Lemaire, premier commissaire de District de l'Equateur', dans Bulletin des Séances de l'I.R.C.B., 1953, 506-535; 'Les expéditions commerciales à l'Equateur', Bulletin des Séances de l'ARSC 1956, 191-211; 'Les premières explorations du Ruki et de ses affluents', Æquatoria 21(1958)121-133.

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WANGATA IBONGA
401/14
Antoine BOONGO, ancien boy de Charles Lemaire.

RESUME: Installation des premiers Blancs à Wangata. Mort de la mère d'Ikenge. Contrôle du passage des pirogues. Le Caoutchouc et les sentinelles dans les villages. Les missionnaires de Bolenge interviennent en faveur des indigènes. D'autres corvées. Reproches aux Wangata pour avoir amené les Blancs dans le pays. Les protestants installés à Bolenge

TEXTE

ARRIVEE DU BLANC
Les premiers Blancs venus ici sont Wefa et Bantzetse (1). Ils accostaient à Wangata, là où se trouve la factorerie S.A.B. Les Wangata les chassèrent, ils ne voulaient pas d'eux, parce qu'ils croyaient que c'étaient des manes. Une fois chassés, les Blancs allèrent s'établir sur une île appelée Bonkoso. Là-bas, au-delà du Fleuve, un certain Eluwa, originaire du Haut, esclave du patriarche Ikenge, les rencontre comme il revenait d'avoir été tirer du vin de palme à Ntsambala (2) Ils lui donnèrent deux bassins, l'un avec des perles, l'autre avec des cauris, ainsi que deux pièces de tissus befulunkoi (3). Ils 1'accompagnèrent.
Son maître lui dit: Tu est stupide. Ces mânes, je les ai chassés et toi, tu les amènes ici ?" Ikenge se fâcha, mais les autres patriarches le calmèrent, disant: "Non, laisse-les. Nous verrons bien. Les étrangers sortirent un mètre et on leur donna un peu de terrain, là où se trouve la S.A.B. on ne le leur donna pas gratuitement: ils le payèrent cinq bassins de cauris et de perles, et six pièces de tissu ifulunkoi.
Alors ils enlevèrent les tentes, ils construisirent une maison en nsese et ils établirent une clôture. Lorsqu'ils eurent achevé la clôture, des poules des habitants y pénétrèrent; ils les tuèrent et les mangèrent. Ces poules appartenaient à la mère d'Ikenge, Mbela.
Les premiers Blancs partirent et d'autres vinrent les remplacer. Deux Blancs vinrent succéder à Stanley: Mpumu Mbembo et Katamadala. Lorsque la mère d'Ikenge les questionna au sujet des poules, ils la frappèrent avec un bâton sur le cartilage du nez et elle mourut.
Les Wangata battirent le tam-tam de guerre. On se battit parce qu'on avait tué la mère d'Ikenge. Les Wangata tuèrent un soldat Hausa(4). Cependant ils ne tuèrent personne d'autre. Mais d'autres gens du côté de Bolenge tuèrent Matayembu.
Ikoka et un autre Blanc, son adjoint, vinrent les remplacer. Ikoka ne voulait pas que quelqu'un passe en pirogue. Si quelqu'un venait à passer, il l'appelait; s'il ne voulait pas venir, il le tuait avec son fusil.
Un jour, comme des gens dés Boloki revenaient d'un voyage commercial vers l'aval, il les appela, mais ils ne voulurent pas venir. Une sentinelle leur tira un coup de fusil. Ensuite, il s'embarqua. A cette époque, j'étais un jeune garçon. Mais il ne rattrapa pas les Boloki, qui avaient pris la fuite.
Au retour, Ikoka vit la terre de Mbandaka. Nous restâmes ici, à la S.A.B., une semaine, puis nous retournâmes pour commencer le poste de Coquilhatville. Ils construisit deux maisons. Lorsque les gens venaient, il leur disait: 'Sachez qu'un Blanc, un militaire, va venir".
Après un mois, M. Tembeleke arriva. C'était un militaire. Lorsque Tembeleke fut arrivé, Ikoka partit, lui abandonnant les maisons. M. Tembeleke s'établi. Il quitte le poste S.A.B. et le transporta à Irebu. Les Wangata assemblèrent des pirogues et naviguèrent vers Irebu.
Ensuite il appela les chefs des villages. Ils vinrent. Il leur dit, "Je vous ai appelés pour le caoutchouc". Les villageois répondirent: "Nous ne connaissons pas le caoutchouc". Après une semaine, il les appela de nouveau et leur dit: "Maintenant je vous donne une sentinelle avec un fusil dans chaque village". Aux sentinelles il donna cet ordre: "S'ils ne veulent pas faire du caoutchouc, vous devez m'apporter les mains des personnes que vous avez tuées". Dans 'le village qui n' apportait pas une hotte de caoutchouc, on tuait deux personnes, voire trois.
A cause de ces tués, il y eut une dernière bataille avec Mbandaka d'en Haut. On y tua tant de personnes que-le sang atteignait un mètre, il arrivait jusqu'aux cuisses. Un indigène de Mbandaka, domestique de M. Banks, s'enfuit en disant: "Le Blanc de 1'Etat a plongé le pays dans le désordre". M Banks, le missionnaire protestant, prit son cheval et partit à Mbandaka. En arrivant, il vit le sang couler comme une rivière. Il s'arrêta dans le hameau de Bofeka l'Asimba, et dit: "Le Blanc de l'Etat a plongé le pays dans le désordre. Il a tué tout le monde. Je vais envoyer une lettre en Europe, au Roi". Lorsqu'il eut envoyé le lettre en Europe, la guerre prit fin.
Ensuite le Blanc dit: "Donnez-moi des pains de manioc, des poissons, de viande, des ndele, des bekelenge, des nse
Un homme d'Ikoyo qui vit encore, Bokana Pius, est un petit-fils d'Ikenge, qui a accueilli les Blancs. Car c'est à Ikoyo qu'ils ont commencé à s'établir.
Les gens étaient furieux contre les Wangata, parce qu'ils avaient accueilli les mânes. Ils appelaient la mort sur eux à cause de cela.
Les Blancs sont venus à Wangata avec une baleinière en pagayant. Ils pagaient en tournant le dos à la direction où ils vont. Ils ne sont pas venus en canot ou en bateau.
Katamadala mourut à Wangata. Son tombeau se trouve à l'emplacement du bureau de la S.A.B. Ses ossements ont été transportés au cimetière de Coquilhatville; le cimetière des Blancs se trouvait à l'emplacement du bureau de la S.A.B. Bokukulu.
Les protestants s'établirent à Bolenge pour fuir les difficultés. Bokukulu et Ikoka et la Hollandaise se trouvaient chacun de son côté. Mais le Protestant dit: "Moi, je suis venu pour l'instruction, ce n'est pas possible dans le désordre. C'est pour cela qu'il est parti. Là,Hollandaise se trouvait d'abord à l'emplacement de la S.A.B. Ikoka était établi vers l'aval, dans la direction de Bolenge. Entre lui et la S.A.B. se trouvait le cimetière. La Hollandaise se trouvait derrière eux.
Eluwa mourut après son maître'Ikenge. Il mourut d'une maladie de la poitrine. Malade, il est resté couché pendant cinq jours.

NOTES
1.Les deux premiers Blancs cfr article de Vangroenweghe D., Les premiers européens à Equateurville, Annales Æquatoria 2(1981)109-119.
2. Ntsambala, la grande île, en face de Mbandaka, Autres graphies: Sambala.
3. Sing. ifulunkoi, nom d'une étoffe. Dict 772: oiseau Cenivallus oculeus Hartl. Rallidae.
4. Bousa Haussa, les premiers soldats et travailleurs de la cote ouest dans la région.
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BOANGI MBANDAKA
486/212
Paul YAMPALA, Catéchiste.

RESUME: Le premier établissement à Wangata. Le protestants à Bolenge. Les premiers blancs de l'état. Etablissement à Mbandaka. Caoutchouc et corvées.

TEXTE

Les derniers Blancs qui sont venus sont Wéfa et Sobola qui s'établirent à Bolenge (là où se trouve la mission protestante). Puis Ikoka arriva et s'établit à Wangata de la S.A.B. Bakola et Batsetse vinrent jeter des verroteries.
Alors qu'ils étaient allés couper des fruits de palme à Ntsabala, Ikenge et Eluwa rencontrèrent des Blancs Les Blancs les appelèrent; ils allèrent vers eux, puis les amenèrent au village de Wangata.
Pendant que Bakola et Batsetse se trouvaient là, ils apprirent la nouvelle que Ntange était arrivé à Ilebo. Ensuite Ntange quitta Ilebo (Irebu) et vint à Wangata retour ses compatriotes. Ntange opprima les gens; il les fit travailler pour lui et apporter manioc et poissons. Ensuite on lui donna du caoutchouc. Ce caoutchouc, on en l'obtenait en le frottant sur le ventre (1). Ce fut un massacre. Puis Ntange vint s'établir à Bonkena, chez Bola (2) Ntange extermina la population.
Quand Ntange eut fini son terme, un autre Blanc vint le remplacer, il s'appelait Wijima. On l'appelait ainsi parce qu'il faisait toujours la guerre de nuit.
Wijima mit fin au caoutchouc. Il ne garda que la livraison de pains de manioc, de poissons et de poules. Après lui c'est Lomame qui vint habiter à Bonkena.

NOTES
1. "Frotter le caoutchouc sur le ventre" cfr une description de ce procédé dans Vangroenweghe, a.c. p.11
2. Lufungola Lewono, Ilonga Boyela et Ibuka y'Olese. Annales Æquatoria 10(1989)241-251.
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BOKALA BAMANYA
491/219-220
Joseph MPONGO, ancien catéchiste à Bokala-Bamanya
RESUME: Le premier établissement des Blancs à Wangata. Les protestants à Bolenge. Boyela refuse le terrain pour les Blancs. Le sacrifice humain défendu. Combat entre le Blanc et Ikenge: Ikenge tué avec 4 de ses enfants. Caoutchouc par Ntange. Ntange chez les Bofiji. Recrutement pour Boma. Corvées. Impôt.

TEXTE

L'esclave d'Ikenge, Eluwa,'était allé inspecter ses nasses au delà du Fleuve. Il rencontra des Européens (nous les nommions bidumbu, c'est-à-dire albinos (1). Il les invita à venir avec lui, et ils accostèrent au port. Il alla dire à son maître Ikénge: "J'ai amené des albinos, ils sont à la rive". Lui et son maître y descendirent et ils saluèrent les albinos. Ils montèrent. Il leur demanda leurs noms; ils répondirent: Wefa, Batsetse et Ikoka.
Wefa et Batsetse dirent: "Donnez-nous une habitation". Ikenge les mena à l'extrémité du village, là où se trouve Bokukulu. c'est-à-dire S.A.B. Wangata. Ikoka demanda à Ikenge "N'y a-t-il pas d'autre terre ici ?" Ikenge dit: "Va vers l'amont, tu y trouveras la terre". Il partit et trouve du terrain chez le, patriarche, Bola, là où habite le Gouverneur. Il y fendit un arbre et y grava son nom.
Ensuite un quatrième Blanc arriva: Bangisi. Le cinquième fut Bakola. C'étaient des Protestants. Ils allèrent résider à Bolenge.
Ange et Wilima étaient des Blancs de l'Etat. Ils allèrent à l'endroit où Ikoka avait planté un arbre. Ils trouvèrent le patriarche Boyela et lui dirent: "Donne nous du terrain". Lui répondit: "Je n'ai pas de terrain. C'est ici la terre de mon clan maternel. Le terrain est trop petit pour que nous puissions y habiter, moi et vous". Ils se disputèrent et se battirent pendant deux jours.
Ntange dit: "La guerre est finie. Etablissons une limite. Wefa et Batsetse étaient venus avec trois Hausa. Nous ne connaissons pas le nom de celui qui est mort, mais les autres s'appelaient Baokini et Munyekambi.
Le fils d'Ikenge mourut de maladie et Ikenge alla lui tuer un lonkiji(2). Un des Hausa les trouva en train de tuer cet esclave et il dit: "Pourquoi tuez-vous cet homme ?" Eux répondirent: "C'est notre coutume ancestrale: quand un homme de rang meurt, on tue pour lui sans motif. Le fils d'Ikenge est mort et on lui tue un lonkiji sans autre motif". Les Blancs dirent: "Prenez les fusils, nous allons combattre.
On se battit. On tua quatre fils d'Ikenge, puis Ikenge lui-même. mais avant de mourir, Ikenge avait tué un Hausa. Les Blancs dirent: "Ikenges et ses fils sont morts. Comment faites-vous chez vous lorsque des hommes sont ainsi morts?" Les indigènes dirent: "Chez nous, on fait des paiements funéraires (nkunji). Wefa et Batsetse payèrent des verroteries et des tissus pour les funérailles d'Ikenge et de ses fils(3).
Puis Ntange vint et dit: "Faites du caoutchouc". Ils le fabriquèrent et le vendirent aux Blancs.

Ensuite Ntange alla combattre les Bofiji et les Injolo. Après cela, ils prirent nos enfants pour les envoyer à l'école de Boma, et d'autres pour en faire des soldats. puis ils devaient apporter de la nourriture, des poissons et de la viande. Après les aliments conservés, on imposa des bêtes vivantes, et si on n'avait pas de bêtes, des poules et des oeufs. Enfin on décréta l'impôt en argent.

NOTES
1. Bilumbu = albinos
2. Le sacrifice funéraire d'un esclave, voir G. Hulstaert, Les coutumes funéraires chez les Mongo, Anthropos 32 (1937)502-742.
3. Voir Lufungola Lewono, La mort d'Ikenge des Wangata et ses conséquences, Annales Aeauatoria 9(1988)201-208.
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LIFUMBA (M.C BAMANYA)
468/164-166.
Léon BANGELI, ancien moniteur et ancien catéchiste à Lifumba (1) Village entre Mbandaka et Bamanya.

RESUME: Rencontre avec le Blanc à Lukolela. Ils remontent le fleuve jusque chez Ikenge (Wangata). D'abord entente puis mésentente. Combat avec les Boloki à Boyeka et à Boangi. Ensuite armistice. Recrutement des soldats à Boyeka, Boangi, Lolifa et Bolombo. Caoutchouc. Vivres pour le personnel du Blanc. Multiples corvées.

TEXTE

Nous avons rencontré le premier Blanc à Lokolela. quand nous y allions vendre des défenses d'éléphants Nous étions allée avec six esclaves et huit défenses. Le Blanc acheta les défenses et les esclaves. En faisant le commerce, le Blanc ne comprenait pas notre langue. Le prix était indiqué par des lignes sur le sol. Il payait avec des fils de cuivre, des verroteries, et de petites pièces de tissu indigo. Mais nous ne portions pas ces étoffes.
Le Blanc nous suivit et arriva chez Ikenge et Eluwa. Ils se rencontrèrent alors que Ikenge et Eluwa étaient allés placer des filets à l'endroit nommé Ntsabala. Les Blancs les appelèrent en faisant des signes avec les bras; ils expliquaient par signes ce qu'ils désiraient. Mais Ikenge et Eluwa ne parvenaient que difficilement à comprendre leurs signes.
Ikenge et Eluwa leur apportèrent des aliments. Les Blancs les prirent et leur faisaient de nouveaux signes avec les bras. Ikenge et Eluwa les conduisirent dans leur village. Les Blancs établirent leurs maisons de tissu (tentes). Ils questionnèrent Ikenge et Eluwa: "Où habitent ces gens qui sont venus nous vendre des défenses d'éléphants?" Ikenge répondit: "Ce sont des Boloki" (2). Il le dit à Mangala c'est quelqu'un qui était venu avec les Blancs.
Mangala et les Blancs s'embarquèrent et arrivèrent chez Ioma, le grand patriarche, qui avait vendu les défenses aux Blancs. Le travail d'Ioma consistait à faire des expéditions sur les rivières. Mais dans la vente des défenses, Ioma était malhonnête. Car en les vendant, il le regrettait en son cœur et disait: "Voilà mes défenses qui s'en vont avec les mânes". Lorsque les Blancs et Mangala arrivèrent chez Ioma, celui-ci dit à ses gens:"Voilà ces mânes. Nous croyions qu'ils étaient partis définitivement, et les voilà encore revenus". Les Blancs étaient venus avec deux bateaux. L'un accosta à Boangi, l'autre à Boyeka. Ce fut une grande bataille, un massacre (3).
Lorsqu'il vit que ses gens étaient morts; Ioma prit la fuite avec ceux qui restaient et abandonna l'endroit aux Blancs. Mais après la bataille, les Blancs passèrent la rivière. Le lendemain, ils revinrent et tuèrent trois hommes. Et l'un des hommes du groupe d'Ioma tua un Blanc. Les Blancs-les mirent de nouveau en fuite. Ils demeuraient à bord des bateaux. Puis ils retournèrent chez Ikenge et Eluwa, à Bongonjo, leur village.
Ensuite les Blancs renvoyèrent Mangala chez Ioma, disant- "Pars avec cette balle de fusil. Si Ioma retient la balle, c'est qu'il veut la guerre. S'il ne la retient pas, c'est qu'il ne veut pas la guerre" (Mangala était un soldat des Blancs venu avec eux). Lorsque Mangala parvint chez Ioma, celui-ci ne retint pas la balle, il préférait faire la paix.
Les Blancs envoyèrent encore Mangala auprès d'Ioma pour lui dire: "Ioma et ses gens doivent venir ici". Les Boloki s'embarquèrent donc dans leurs pirogues et arrivèrent à Bongonjo. Les Blancs leur dirent: "C'est très bien d'avoir voulu la paix. Mais amenez-nous des soldats. A cette époque, on appelait les soldats "sentinelles". Ioma acquiesça et dit aux Blancs: "Je vais le dire à ma parenté".
Il le dit à sa parenté et ils donnèrent des hommes dans chacun des villages: Boyeka, cinq; Boangi, cinq; Lolifa, cinq; Bolombo, cinq; en tout, vingt hommes. On les conduisit au Blanc qui dit: "C'est bien, mais aller me fabriquer du caoutchouc". Eux demandèrent: "Comment devons nous faire ?" Les Blancs leur expliquèrent:"Lorsque vous aurez coupé les lianes à caoutchouc, frottez le latex sur le ventre, jusqu'à ce qu'il soit coagulé comme une boule". Ils fabriquèrent le premier caoutchouc et le leur portèrent. Mais les Blancs dirent: "Allez nous en fabriquer encore; chaque village, un panier". Et ils le fabriquèrent.
Ensuite il plaça dans chaque village une sentinelle, c'est-à-dire un soldat qui devait y résider et recueillir le caoutchouc. Si un village ne donnait pas assez de caoutchouc, on coupait les mains des habitants. Ce fut un temps d'extermination. Cette époque du caoutchouc a duré longtemps.
Ensuite Ikoka vint remplacer Ntange, pendant que les gens fabriquaient toujours le caoutchouc. Et Ikoka dit: "Le travail du caoutchouc est terminé. Maintenant apportez-moi des poules, des pains de manioc, des poissons, de la viande, chassez et apportez les bêtes. Si un village ne donne pas assez,,nous nous battrons". Chaque fois qu'on allait porter ces choses et qu'un village ne donnait pas assez, les sentinelles allaient y tuer quelques personnes, ou on saisissait les gens et on détruisait leurs villages. Cette guerre se nommait: Prise des mains. Quand on portait au Blanc des pains de manioc, on devait les couper pour qu'il inspecte l'intérieur. Si les pains n'étaient pas bien cuits, le propriétaire devait manger tous ses pains, la hotte entière; s'il n'arrivait pas au bout, on le tuait.
Après les pains de manioc, le Blanc nous dit: "Apportez -moi des tiges et des feuilles de palmier. Si un village n'apporte pas assez, il sera puni par la prison". On délaissa donc les pains de manioc, et on apporta des noix de palmes, et des poissons, et des bêtes. Après cela, il dit: "Tressez des tuiles végétales et apportez-les-moi". Il payait avec des fils de cuivre (ngelo), et des tissus indigo et du sel. Mais ce sel était appelé pelipeli.

NOTES
1.Les habitants de Lifumba sont les descendants d'esclaves d'origine terrienne (régions de l'Ikelemba et de la Lulonga). Leurs maîtres Boloki les avaient établis à l'intérieur pour s'y adonner à 1'agriculture et à la chasse. Ils accompagnaient aussi leurs maîtres dans des expéditions commerciales en aval du Fleuve, vers Lukolela, Bolobo et Tshumbiri (G. H.)
2.Boloki = groupe habitant l'embouchure de la Ruki.
3.Le combat a eu lieu le 14.et le 16 novembre 1891, d'après le journal de Ch. Lemaire (Annales Æquatoria 7 (1986)44).A l'origine du combat est une offense de 4 pirogues des Boangi qui naviguaient sans drapeaux, et dont les piroguiers ont refusé de se rendre aux ordres de Lemaire.
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CONGO (en général)
602/235
Pierre IYONGO, ancien menuisier à la mission de Bamanya, né en 1925 à Wele-Bombomba (Bokatola) dont il est originaire. Baptisé et marié religieusement à Bamanya le 27 novembre 1953. En vie au moment de la rédaction.

RESUME: Les Blancs vont à la recherche de leur frère Noir dont ils découvrent l'existence après lecture des Ecritures. Il s'ensuit le caoutchouc. Est aussi reconnu l'existence antérieure des luttes intestines et d'anthropophagie.

TEXTE

VOICI L'ARRIVEE DES BLANCS AU CONGO
Ecoutez, les anciens Blancs en Europe ne savaient même-pas qu'il existait ici d'autres homes de couleur noire. Mais après avoir lu les écritures transmises par Jésus ils se sont rendu compte que notre mère et notre père originels avaient mis au monde deux enfants: un Noir et un Blanc.
Mais où se trouvait le Noir? Ils se sont dit: t'Il convient que nous remontions le fleuve pour voir s'il y a des hommes là haut". Puis: "Comment allons nous voyager?" Là dessus ils conçurent l'idée de fabriquer un bateau.
En cours de navigation, ils rencontrèrent une fleur de régime de banane en train de flotter. Et ils étaient persuadés de la présence des gens dans les parages, et se sont dit: "Vraiment, ici existent des gens". Ils continuèrent à naviguer jusqu'à atteindre les hommes noirs.
Lorsque les hommes noires les ont vus, ils en ont été étonnés et voulaient même les combattre:pour les tuer. Lee Blancs ne sont repliée en Europe où ils ont fabriqué des fusils. Revenus, ils ont décidé de se battre avec les Noires. Ceux-ci se sont réfugiés dans la forêt. Craignant une extermination, les Blancs se sont résolue d'inviter ces gens pour signer un accord de paix moyennant la récolte du caoutchouc. Celui qui refusait de récolter le caoutchouc était abattu.
Mais entre nous des villageois s'entretuaient et se mangeaient. Terminé, moi Iyongo Pierre, à la MC. Bamanya.
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COQUILHATVILLE (WANGATA)
41la/40a-4la
Victor NKOINZALE, né le 1 juillet 1901; décédé le 16 septembre 1962.

RESUME:"A l'époque d'Ikenge apparaît sur les bords du fleuve un bateau à vapeur. A son bord deux Blancs. Ils seront suivis par d'autres plus belliqueux, mais n'ont pas tué des gens au début, sauf la grand-Mèredu narrateur. Plus tard ce fut la chasse à l'homme, enfants et femmes exceptés. Puis le caoutchouc. Mais comme les riverains n'y étaient pas aptes, on leur imposa la fourniture du poisson, et des chikwangues.

TEXTE

ARRIVEE DES BLANCS CHEZ NOUS
Jadis vivait chez nous un homme appelé Eange, fils de Mpokokoji. Il habitait près de Mbandaka, contrée que nous appelons actuellement Coquilhatville. Il avait son homme à lui nommé Ikenge. Ikenge aperçut au loin un grand bateau qui voguait avec bruits. il en demanda aux passagers des'arrêter. Il remarqua qu'ils avaient la peau blanche. Ils étaient venue de Ikolo, et sont sortis par l'affluent Ntsapala. Les Blancs qui étaient à bord, de ce bateau sont Wempa et Batsetsi.
En descendant du bateau, ils ont jeté des perles à la population. Et les enfants s'y sont jetés à qui mieux mieux. Ils ont été suivis quelques jours plus tard par leur ami Ikoka. Les deux premiers Blancs lui ont demandé de les rejoindre.
Après Ikoka, deux autres Blancs sont arrivés: Ntange et Wilima. Ils étaient accompagnés de soldats Haoussa. Ils avaient fait la guerre à la population. Pendant cette guerre, le Blanc leur avait donné le consigne de ne tirer qu'en l'air de peur de massacrer la population. Malgré cette consigne, ils ont tué ma grand-mère Ekot'Ekomba. Là-dessus, ils interpellent le Blanc: "si nous continuons à tirer en l'air, les gens n'auront pas peur et ils s'enfuiront dans la forêt, ce qui ne nous permettra pas de les soumettre. La paix ne sera jamais là, car nous continuerons à nous battre".
Lé Blanc leur permit de tirer-à bout portant, sans tuer les jeunes filles et les jeunes gens. Ce qui fut fait. Ayant constaté beaucoup de morts, la population se résolut de faire la paix avec ces gens. Elle alla à leur rencontre et leur dit: "Soyez les bienvenus, il n'y a plus de guerre". Après la guerre, le Blanc leur dit: "finie la guerre, mais maintenant je vais vous imposer le travail du caoutchouc. Ils répondirent: "comment récolterions-nous le caoutchouc alors que nous n'en savons rien du tout"? Tout l'entretien est mimé étant donné qu'ils n'ont pas une même langue de communication. Le Blanc prend une feuille sauvage et en fabriqua un entonnoir. Il y fit couler le jus du Costus, et le mélangea avec le latex. Le lendemain le latex se coagula. Fort de cette expérience, la population commença à récolter le caoutchouc. Le Blanc ordonna que chaque village en récoltât 10 paniers par semaine. C'était un travail pénible qui a causé beaucoup de morts et d'infirmités. Les Riverains Elinga ont eu peu de morts, car par nature, ils ne savent pas monter sur les arbres. Ceux qui n'avaient pas le caoutchouc étaient torturés, frappés et emprisonnés. S'étant rendu compte que les Elinga ne supportent pas le caoutchouc, on leur imposa la fourniture du poisson et de la chikwangue.
Quelques temps après, arrivent d'autres hommes blancs, habillés de longues robes blanches. On appelait ces Blancs: "Sango" (Pères) Les deux premiers chez nous se nommaient Pelabe (Père Abbé) et le Frère Paul. Le Blanc recrute les jeunes filles et les jeunes gens pour la plupart orphelins probablement dont les parents ont été victimes du caoutchouc"et en confia l'éducation aux Pères.
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BOKELE
410/37-39 (1)
Joseph EUKOLA, catéchiste

RESUME: Ikoka visite Bokele et prend 6 hommes pour le voyage Nkake chef. Envoi achat ivoire Ntange. Palabre avec Wijima attaque le village et exige du caoutchouc. 3 sentinelles. Combat avec voisins. Les voisins vont le chez Ntange. D'autres sentinelles. Bokele s'enfuit. Ntange vient imposer le caoutchouc. Les voisins se tuent les Bokele. Corvées de poissons. Les voisins tuent les Bokele qui approvisionnent le Blanc. Corvées.

TEXTE

L'ARRIVEZ DES BLANCS
D'abord nous apprîmes que des Blancs étaient arrivés à Wangata. Nos gens allaient' à Wangata pour la pêche à la et tuaient de petits poissons et les vendaient aux, des Blancs. Ikoka leur demanda: "qui êtes-vous ?" Ils dirent gens de Bokele (2). Ikoka monta la première fois. Il s'arrêta à Bokele, y prît six hommes et monta avec eux à Bonsela. Il revint et les débarqua à Bokele, disant: Bokele, venez chez moi à Wangata "Et Bokele y alla.
Quand ils arrivèrent, il nomma Nkake chef, prit 6000 mitako, les donna et dit: "A1lez m'acheter des pointes car il savait que les Bokele étaient des gens de traite. Quand il (Nkake), revint d'expédition, Ikoka était rentré. Nkake dit: C'est Ikoka qui m'a donné l'argent, à qui remettrais-je la pointe? Il va la revendre à Irebu, et Tange le trouve là. Il lui demande: "Ami, tu viens ici ? Nkake répond"Oui" Et Ntange: "Où est l'argent qu'Ikoka t'a donné?" Il dit: "Chez moi à Bokele; je viens ici en voyage,". Ntange dit: "Rentre chez toi, je t'enverrai un compagnon".
Nous ne connaissons pas leurs noms propres, seulement Ntange comme vous entendez au lokole: les gens de Ntange, chenilles qu'on ne peut enlever. Ce sont des chenilles de l'arbre bokongo appelées bikongo. On ne peut les toucher de la main, seulement les tuer avec un bâton.
Quand nous fûmes rentrés, il nous envoya Wilima, un Blanc qui était avec lui. Il vint tuer Bokele pour cela. Il dit:"Nkake, j'ai tué Bokele à cause de toi. Suis moi, je pars. Et les gens de Bokele sont partis avec Nkake. Quand ils sont arrivés, il a confondu Nkake: "C'est à cause de toi que j'ai tué Bokele. Mais tu seras chef et tu m'apporteras six paniers de caoutchouc" Il lui donna trois soldats pour rester à Bokele. Leurs noms sont: Ikomo Balia et Elenga.
Les gens de Bokele disent: "Nous ne savons pas faire du caoutchouc." Et il le leur montra.
Les Bokele vont au caoutchouc, mais les gens de Nkombo Boyela, Bokuma et Beloko disent: "les Bokele font la traite dans le haut et le bas et ils ont emmené les Blancs. Ils se battent avec les Bokele. Ceux-ci vont dans les Ngombe, et beaucoup furent tuée à la récolte du caoutchouc.
Les soldats vont se battre contre Ikwa et prennent 6 chèvres. Ils descendent avec Nkake et vont à Mbandaka avec paniers de caoutchouc. A Boyela quelqu'un dit à Nkake:,"Ne vas pas à Mbandaka, le Blanc:menace de tuer", Nkake s'enfuit, et les soldats s'emparèrent de celui-qui l'avait averti. Ils arrivent à Mbandaka chez le Blanc. Ntange dit: ''où est Nkake. Ils disent: Nkake s'est enfui. Il demande-'"pourquoi" Ils disent: "Voici l'homme qui lui a dit que vous le menaciez." Ntange a tué cet homme. Puis ils lui offrent le caoutchouc et les chèvres. Il demande: "d'où viennent ces chèvres?" Ils disent: "nous nous sommes battue avec les gens d'Ikwa qui s'étaient battue avec les chercheurs de caoutchouc". Ange leur demande si les soldats ne vont pas pour les surveiller. Quelqu'un répond: "ils allaient d'abord, maintenant plus". Alors il a infliga la chicotte à Ikamo et l'a jeté en prison. Il l'a remplacé par Lobaka.
Au retour ils ont réuni les Bokele. Lobaka avait des cartouches et les a jetés sur le sol: "Voici, dit-il, de grandes cartouches pour tuer les adultes, et de petites pour tuer les enfants". Les Bokele disent: "Il nous a montré des cartouches qui tuent; fuyons; d'abord ceux qui sont au fond; et quand, il les poursuit alors nous fuyons tous". Au.retour des soldats, tous étaient partis. Ils prennent quelqu'un qui travaillait avec eux et le mènent chez le Blanc. Ntange dit: "C'est quelqu'un qui travaille avec vous puisqu'il a la tête rasée; pourquoi l'amenez vous ?"
En forêt, les femmes et les enfants pleurent de faim, les Bokele rentrent chez eux. Ntange monte, accoste à Bokele, les rassemble et demande"Combien de clans comptez-vous ?" Quelqu'un répond:"Il y a le clan d'Eonga, d'Ikunjw'Ingange et les Bongolo". Ntange dit: "Les Eonga 4 paniers, les Bongolo 4 et les Ikunjw'Ingange 4, en tout 12 paniers de caoutchouc". Il y laisse 10 soldats et part.
Bokoyo de Nkombo vient se soumettre. Ekot'ea Mbuyi de Bonguma vient se soumettre. Bojoko d'Ikwa vient se soumettre. Le soldat Zanzibarite, Kindo, dit: "Il n'y a plus à se battre à Bokele, allons à Nkombo.
Ils laissent un soldat à Bokele. Et Bokele continue chercher du caoutchouc et à en acheter chez les Nkundo et chez les Ngombe. Les gens y étaient tués souvent.
Ntange, ou Termolle, part. Wilima reste. Il dit "Bokele et tous les villages d'aval doivent porter du poisson à Bolondo au Blanc de là-bas, Molo". Mais quand ils y vont avec du poisson les villages les arrêtent et les tuent: Mpama, Loselinga et Ifoma. Molo dit: "Les Bokele apportent beaucoup de poissons et on les tue". Wilima passe à Bolondo, supprime le poste et le déplace à Ikenge.Molo ne reste pas longtemps après et est succédé par Boweya.
Des soldat a d'Injolo de passage razzient Bokele et volent. Les Bokele descendent avec toute une pirogue et vont avertir Wilima. Wilima monte à Ikenge, appelle les villages et leur dit. "Le caoutchouc est fini". Et tous étaient très contents. Bokele devait payer du poisson, de copal et du bois; le poisson et le copal à porter à Ikenge. Mais ils ne savent ni les noms ni les dates.
Silence: j'ai fini.

NOTES
1.Texte parallèle au n. 414
2.Bokele, gens de traite cfr. E. Boelaert, bibliographie.
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BOKELE
414/46-47
François NKUMU

RESUME: La traite le long du fleuve, puis l'arrivée des Blancs. La guerre à cause de l'ivoire d'Ikoka, détourné par le patriarche Nkake. Caoutchouc. Copal. Vivres pour le personnel de la station.

TEXTE

EXPEDITIONS DE TRAITE
D'abord nos patriarches faisaient la traite. ils allèrent à Lukolela et dans l'Ubangi acheter des fusils à-piston et à silex et de la poudre. Après ils allèrent à Busira, jusqu'à Nkuse. Un voyage de dix mois. Une seule pirogue avait cent hommes. Un patriarche, nommé Nkake, était assis dans la pirogue comme un chef. Ses fusils à l'avant. Arrivés là, ils achetaient des esclaves et des pointes. A leur retour, les Nkundo arrivaient: "Nos Elinga sont de retour, allons prendre leurs marchandises". Les Nkundo avec des flèches, nos patriarches avec des fusils; ils se battent, sans résultat.
L'ARRIVEE DES BLANCS
Alors survint une famine. Cette famine s'appelle l'avertissement. Cette famine dura douze lunes. Après ils firent la seconde expédition.. A leur retour ils trouvèrent le premier Blanc, Ikoka. Ikoka demande à Nkake: "Où achetez-vous l'ivoire ?" Nkake dit: "Nous l'achetons du côte de Busira". Alors Ikoka donne à Nkake six mille fils de cuivre et dit: "va m'acheter de l'ivoire". Et Nkake va à Busira. Pendant qu'il est en expédition, Ikoka rentre en Europe. Nkake revient et apprend le départ d'Ikoka. Il dit: "Ikoka est parti, je vais vendre mon ivoire à Irebu". Mais il rencontre le Blanc Ntange. Ntange demande à Nkake: "Mpumu (patriarche), où est l'ivoire d'Ikoka? Vous pensiez peut-être qu'Ikoka est mort ? Rentrez, je vous enverrai quelqu'un".
Nkake retourne chez lui. Il bat le gong, appelle ses gens et leur dit: "Pendant mon voyage à Irebu j'ai rencontré Ntange qui m'a demandé: "Où est l'ivoire d'Ikoka ? Pensiez-vous qu'Ikoka est-mort ? Rentrez et je vous enverrai quelqu'un. Les gens n'ont pas répondu. C'était aux eaux hautes.
Sur cela les eaux ont commencé à baisser, et tous vont à la pêche de marais. A leur rentrée, un homme, nommé Bokwata, qui inspectait ses nasses, leur crie: "Bokele, fuyez, la guerre arrive". Mais les Bokele disent: Bokwata est un voleur, il pense voler chez nous; nous ne fuyons pas". Mais déjà la guerre est sur eux.
LA GUERRE
Ntange arrive avec ses hommes. Nkake est de l'autre côté du fleuve. Il fait dire: "Tuez les". Puis il arrive lui-même et fait la paix. La guerre est finie. Mais non. Quand les femmes allèrent au marché, ils en captèrent quatre. Ntange demande: "D'où viennent ces femmes ?" Ils disent: "des femmes de Nkake". Et Ntange dit:"Si ce sont des femmes de Nkake, elles doivent descendre à Boma". La-dessus il ordonne la récolte du caoutchouc. Il laisse tous les soldats à Bokele, d'où ils devront aller faire la guerre partout.
REOLTE DU CAOUTCHOUC
D'abord nous faisions le caoutchouc par frottement sur le ventre. Puis Ntange dit: "Ne frottez plus le latex sur le ventre, mais prenez des pots, mettez-y le latex et mêlez-y le suc du bokaako". Le Blanc part et laisse tous 1es soldats. Ils séjournent à Bokele et vont faire la guerre à Nkombo, Ikuwa, Bokuma, Mpaku, Ebila, Bonguma et aures villages.
CESSATION DU CAOUTCHOUC
Poolo arrive et fait cesser le caoutchouc, il nous donne le travail du copal et du bois de chauffage. Pour ce copal on grimpait sur les arbres, et beaucoup moururent. Le Blanc dit: "Cessez de grimper, il y a du copal en terre".
Le travail du copal cessa et on imposa le poisson et le manioc. La guerre débuta avec Nkake et le Blanc Ikoka.
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NKOMBO (BOKUMA)
494/222
Joseph IMOME, capita vendeur chez Kindt

RESUME: Ntange et Wijima. On cherche un fétiche de protection chez les Ekonda, Ils perdent quand même la bataille. Des blancs s'installent à Bokatola et Belondo.
TEXTE

L'ARRIVEE DES BLANCS ET LE TEMPS DU CAOUTCMOUC
Le Blanc qui est arrivé le premier est Stanley, puis Ntange et Wilima. Il a amené trois fusils (1): Njakomba, Enyala-Boloki et Efoluke; ils viennent nous surveiller et nous n'avons pas voulu. Nous sommes allés prendre un remède magique chez un magicien des Ekonda par Ilongatuka, et le maître du remède dit: "Vous ne pouvez pas écaler du manioc roui et pas coucher avec des femmes; chaque homme doit porter une amulette. Et les premiers qui vont à l'encontre du Blanc doivent porter la corne magique, un autre le chasse mouches un autre encore la lance. Et s'ils regardent dans la corne magique ils verront que la lutte s'approche.
Avec ce remède magique les balles ne blessent pas. Alors nous nous sommes battue contre les Blancs. Mais les gens ont enfreint les tabous et le remède a perdu sa force.
Alors Is'e'Iwange est venu habiter Bokatola (2). Ntange et Wilima sont venue l'installer. Il était chef, et Is'e'Iwange, s'est battu avec nous et nous avons fait la paix avec lui.
Après Bajunu est allé à Belondo et Is'e'Iwanga est resté seul chez nous. Après Is'e'Iwanga Ekuma. Après 1a mort d'Ekuma, Iketekelenge est venu. Après Iketekelenge, Njongonjongo. Après Njongonjongo, Amba, et après Amba, Engesi, et après Engesi, Njoku qui a introduit l'argent.
C'était la fin des Blancs de la guerre. Longwango est arrivé et nous avons vécu avec lui et avec Bondelakasi et avec le Blanc qui a fait sortir les indigènes et leurs répères, Itoko y'ongolomboka. Après Misonkai, Iketekelenge, Bambenga. Après eux Bakenje: est arrivé. Pendant la:période du caoutchouc le chef était Lomboto.
[Ajouté en note manuscrite de E. Boelaert]
"Nous sommes allée prendre un talisman dans les Ekonda, chez le féticheur Ilangakuku qui dit: ne mangez pas de ntule, ne vivez pas avec des femmes, et que chaque homme porte le médicament lokombe. En avant, un homme doit porter la corne magique et un chasse-mouches, un autre une lance et deux doivent marcher en avant contre les blancs. Et quand ils regardent dans la corne magique, ils verront si la guerre arrive.

NOTES
1. "Trois fusil" bendoki en lomongo; il s'agit de trois "sentinelles" armées d'un fusil.
2. Bokatola: voir une large documentation rassemblée par Boelaert, Archives F.B., Rist. 2,19. Ce poste a joué un rôle important dans la pacification de la région. Il se situe entre Mbandaka et Ingende.
3.Belondo, sur le Lolonge, donne accès à tout l'intérieur entre Salonga et Momboyo (Boangi, Injolo, Waka...)
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NKOMBO (BOYELA)
650/312-313
Pierre LOKULI, capita

RESUME: Refus de recevoir les protestants. Un représentant de la SAB s'impose. Bataille avec les Blancs de l'Etat. Le caoutchouc avec le capita des sentinelles à Nkombo, du nom Kindo. Extermination. Corvées. Deuxième caoutchouc 40-45.

TEXTE

L'ARRIVEE DES BLANCS ET LE TEMPS DU CAOUTCHOUC A NKOMBO BOYELA
Depuis longtemps nous avions entendu parler des Bambulumbulu; les Blancs. Ce sont les noms que nos pères donnèrent tout d'abord aux Blancs.
I. Tout au début nous n'allions pas d'un village à l'autre. Et les gens n'allaient pas partout. Un jour nous avons vu très tôt le matin, une grande pirogue, une baleinière. Quand nos pères virent cette baleinière, ils sursautèrent d'étonnement voyant que cette pirogue montait la rivière; mais ce qui était si étonnant c'était que les pagayeurs regardaient l'aval et que l'homme au gouvernail regardait en avant.
Ils accostent et nos pères se réunissent et trouvent un seul Blanc anglais (1) nommé Bakole. Il nous demande: "Vous, m'aimez-vous?" Et nos pères répondirent: "Comment aimerions- nous ce Blanc ? Que ferions-nous avec eux?" Nous ne voulons pas de vous, partez d'ici, et allez où vous voulez avec les vôtres". Et il est parti avec les siens.
Peu après nous voyons un autre Blanc, Bombulumbulu; c'était le Blanc de la S.A.B. Wangata nommé Matsetse nous réunit et dit: "Je viens faire le commerce avec vous" Il avait des perles et des perles allongées. Et voyant les gens réunis, il prend de ces perles et les jette, disant: "Ne fuyez pas, je suis un Blanc commerçant".
Là-dessus il part et monte la rivière. Quand nos mères virent ces perles, elles se sont beaucoup réjouies.
II. Après cela nous avons vu le Blanc de l'Etat, Ikoka, Mr Coquilhat. Mais Ikoka n'a pas accosté à Nkombo et Boyela; il ne fit que passer. Voyant cela nos pères disent: "Voyez, ce fou nous fuit, allons nous battre avec lui. Enlevons-lui ses perles et noyons-le avec sa pirogue".. Mais quand Ikoka vit qu'ils battaient les gongs et tambours et cloches, il retourne la pirogue et il tire au-dessus des têtes. La lutte n'était pas forte ce temps. Mais beaucoup d'hommes moururent (2).
III. Puis Ikoka est parti, et deux Blancs Ntange et Wilima imposent la récolte du caoutchouc. Ils placent des sentinelles dans les villages. Ils placent le chef des sentinelles à Nkombo. Son nom est Kindo.
A l'époque de Ntange et Wilima les tueries étaient à leur comble. Extermination des gens. Il n'y avait rien à manger, il n'y avait pas de moyen de vivre au village. Si une sentinelle trouvait quelqu'un qui avait mangé, s'il trouvait un os ou une arrête de poisson, immédiatement il tirait dessus et la mort s'en suivait.
Alors mon père Mbako est sorti de la forêt à Boyela et est venu faire la paix avec Kindo. Il lui dit: "Je viens faire la paix". Kindo l'a approuvé et lui a dit: "Bien, mais appelez votre famille pour faire du caoutchouc". A l'arrivée des gens Kindo a institué mon pire Mboko comme chef. Et les hommes ont accepté-de faire du caoutchouc. Ils ont fait le marché du caoutchouc. Puis la corvée du caoutchouc est finie et le Blanc d'Ikenge a imposé du poisson, du manioc et du copal. Beaucoup d'hommes moururent.
Et au travail récent du caoutchouc j'étais capita, depuis 1940 à 1945. Pourquoi n'ai je pas reçu une médaille ? Pourquoi me passez vous ?

NOTES
1."Un Blanc anglais". Les protestants étaient appelés les 'Ingelesa" = anglais, d'après la provenance des premiers missionnaires qui s'étaient installés à Wangata en 1883. Voir l'étude de D. Vangroenweghe, Annales Æquatoria 2(1981)109-119
2. Cette épisode est racontée par Lemaire dans Le Congo Illustré 1894, p.14-15 et 28-30. La bataille eut lieu en septembre 1892.
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NKOMBO (M.C. BOKUMA)
651/314-316
François BOMBUTE, séjourna à Boma entre 1906 et 1912. Date de naissance et de décès inconnues. Ancien serviteur d'un médecin italien; juge conseiller à Nkombo.

RESUME,:L'arrivée du premier Blanc, un missionnaire protestant qui décide de ne pas s'installer à Nkombo, mais à Bolenge, parce que mal accueilli. Un Blanc de l'Etat Ikoka arrive, mais l'accrochage fait peu de morts pour avoir tiré en l'air. C'est un troisième Blanc, Ntange, qui instaure le caoutchouc et d'autres corvées. Les Trappistes arrivent et punissent de maladie du sommeil tout village hostile à leur doctrine. Et c'est cela une raison de la dépopulation de cette région (?).

TEXTE

L'ARRIVEE DES BLANCS ET LE TEMPS DU CAOUTCHOUC A NKOMBO
Nous les Nkombo, pères, mères et enfants, avions entendu la nouvelle des Bambulumbulu par des gens qui avaient descendu le fleuve depuis Coquilhatville.
I. Bambulumbulu est le nom que nos pères avaient donné ici aux Blancs. Le premier Blanc qui est arrivé ici est un Blanc anglais de la mission protestante. Il nous a réunis et nous a dit: "Ne voulez-vous pas de moi ? Voulez-vous donc l'homme de la guerre ?" Nous n'avons pas répondu à sa question. Et il est retourné à Bolenge.
II. Peu après le Blanc de l'Etat, Ikoka (1) est arrivé. Mais il n'a pas accosté à l'embarcadère de Nkombo. Mais nous, habitants du village, nous avons pris nos pirogues et nous l'avons suivi pour l'attaquer. Alors les fusils ont parlé, mais il n'y eut pas beaucoup de morts, car ils ont tiré en l'air, pour effrayer les gens.
III. Troisièmement le Blanc Ntange a placé des sentinelles dans chaque village. Et le chef de toutes les sentinelles était à Nkombo. Il s'appelait Kindo.
IV. Dès lors ils imposèrent le travail du caoutchouc. C'est une histoire terrible et triste que cette histoire du caoutchouc. C'est une histoire qui a fait souffrir nos pères, nos aînés et moi même qui écris ceci: on a enduré des intempéries et la faim en forêt. Et la sentinelle Kindo qui nous exterminait par ses tueries! quand le caoutchouc ne suffisait pas, il tuait des gens et le chef du village qui surveillait le caoutchouc. A ce temps on n'avait rien de consistant à manger. S'il y avait des bananes à la bananeraie ce n'est que lui qui les coupait. S'il découvrait que vous avez mangé ces bananes, il vous tuait du coup. S'il trouvait un os ou une arrête, il vous tuait d'un coup de fusil.
V. Après le départ du Blanc Ntange c'est le Blanc Wilima qui lui succédait. Depuis le départ de Ntange c'était fini de la récolte du caoutchouc. Mais quoique Wilima trouvât que le caoutchouc était fini, les misères des gens ne firent que s'accroître. Du temps de Wilima on donnait aux gens jusqu'à 50 coups de chicotte.
VI. Un autre Blanc habitait à Ikenge, du nom de Boweya. Celui là imposait aux Elinga la corvée du poisson et aux Nkundo celle de l'huile et du manioc. Mais lorsque le poisson apporté par des Elinga avait des asticots ou était pourri, celui qui l'apportait devait le manger tout cru et complètement. Et quand il arrivait qu'il refusait, il était tué d'un coup de fusil et jeté dans la rivière. Et chez les Nkundo si le manioc n'était pas bon ou si l'huile était mauvaise, on était tué et jeté dans la rivière. Ce temps là était bien triste pour nous. Sans nourriture.. Les orages en forêt où nous vivons en fuite, jour et nuit, sans abri.
VII. Puis, Wilima part et le Blanc Lomame arrive. Aucun changement de vie. Aucune différence entre Lomame et Wilima. Les corvées du poisson, du manioc et de l'huile restaient très dures. Avec des punitions de toutes sortes jusqu'à la mort.
VIII. Puis le Blanc Ikoka, Coquilhat (2), retourna en voyage à Coquilhatville. A cette occasion il prit un garçon des Ekonda: Njoli et l'emmena en Europe. Ce garçon resta quelques années en Europe et retourna ici en 1901. Njoli était le boy du Blanc Ikoka, Mr Coquilhat.
IX. Le même part et Commissaire Paul arrive. Avec l'arrivée du Commissaire Paul nous avons commencé à vivre un peu mieux.
X. Commissaire Paul part. Le Commissaire Général Bongonjo arrive, avec sa femme. Quand nous avons vu arriver le Commissaire Général Bongonjo avec sa femme, nous sommes allés voir ce grand spectacle, une femme belge. Nous avions bien vu des Anglaises avant. Mais nous étions très heureux de voir un Blanc de l'Etat avec sa femme. Car nous avions idée que les gens de l'Etat n'avaient pas de femme. Nous l'avons appris en voyant le Commissaire Général Bongonjo.
A ce temps-là, moi, Bombute François, j'étais au service du médecin italien "Anjeral" pendant six ans. À la fin du terme de ce médecin italien, le Commissaire Général envoya sa femme avant avec le médecin, pendant qu'il attendait le Commissaire qui devait venir le remplacer. Je partis avec le médecin italien et la femme du Commissaire Général. Je les accompagnait à Banana et je retournai ensuite à Boma. Le départ du médecin et de la femme du Commissaire Général eut lieu le 19 octobre 1906.
XI. Là, à Boma, je trouvai le Gouverneur Général Mr. Antonio. Puis le Gouverneur Général Antonio partit et un autre Gouverneur Général Pukusu, arrive. Pukusu part et le Gouverneur Général Ngile arrive. Ngile part, et un nouveau Général Henry arrive. Au temps de ces Gouverneurs, j'étais, au service de Monsieur Bertolotsi, du10 octobre 1908 au 22 septembre 1910. Après je travaillai chez le sous directeur agricole de Boma, Mr Robert. Ensuite je retournai chez moi, en l'année 1912.
XII. Puis ce fut le caoutchouc de 1940 à 1945. J'ai fait et gagné ces deux campagnes. J'ai reçu la Médaille de l'Effort de guerre coloniale 19401945.
XIII. Avant l'arrivée des Blancs chez nous, nous n'avions pas tant de décès. Mais nous autres autochtones, nous nous tuions et nous nous mangions entre Nkundo et Elinga. Beaucoup mouraient dans les embûches du combat. Mais peu mouraient de maladie. Quand l'Etat arriva avec sa corvée du caoutchouc cela changea. Mais quand les Pères Trappistes, les Pères d'autrefois, arrivèrent et qu'ils arrivèrent dans un endroit qui n'admettait pas leur doctrine, ils le punissaient par la maladie du sommeil. Lors de cette maladie on n'enterrait plus les gens. C'est une raison de notre dépopulation,, de l'extermination des gens. Puis par l'arrivée du Blanc chez nous, il a réuni les gens de différentes régions, et c'est le commencement de toutes sortes de maladies. Autrefois nous n'avions pas beaucoup de maladies. Voici nos maladies: la pneumonie, le pian et les hernies. C'étaient les maladies de nos pères. Mais celles que nous voyons maintenant de toutes sortes, elles viennent de l'arrivée des Blancs et des étrangers chez nous.
Nous qui avons connu le monde d'autrefois, nous sommes tristes de ce monde actuel. Car malgré que vous Blancs, vous nous avez apporté toutes sortes de connaissances et de choses, nous mourons. Nous sommes très tristes. Vous avez apporté la mort. Et voici une question personnelle. J'ai fait les deux campagnes du caoutchouc et j'ai gagné. J'ai bien la médaille de l'Effort de guerre colonial 1940 à.1945, mais pourquoi ne reçois-je pas un permis pour acheter un fusil de chasse ? Je suis devenu vieux et je suis le patriarche du village et "juge-conseiller" des Lifumba Beloko. Pourquoi ne me répondez-vous pas quand je vous demande cela? Croyez vous que je ferai des bêtises quand j'aurai acheté ce fusil de chasse ?

NOTES
1.et 2.4 Remarquez la confusion dans l'homonymie. Est-il possible que Lemaire et Coquilhat aient porté un même sobriquet? Pour Vangroenweghe, le nom indigène de Coquilhat était Wefa (Lire Annales Æquatoria 2(1981)110). Boelaert avait déjà réagi en lomongo en soulignant que Ikoka (ou Ikoka), c'est Lemaire et que Stanley, c'est Tendele: Lokole Lokiso 1 Mars 1955, p. 7.
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NKOMBO (M.C. BOKUMA)
664/339
Nicolas MPONGO, catéchiste.

RESUME: Les circonstances de la rencontre avec le premier Blanc, un anglais surnommé Matsetse. Il est suivi de la SAB Bokukulu, et les Blancs de l'Etat qui imposent le caoutchouc et corvées. Pacte de sang entre Ntange et le patriarche Bokoyo.

TEXTE

L'ARRIVEE DES BLANCS ET LE TEMPS DU C.TC
A Nkombo, le tout premier Blanc que nous avons vu et qui a accosté à l'embarcadère de Nkombo est Matsetse. C'était un Blanc anglais. Ce qu'il fit: il appela des danses. Les femmes dansèrent la danse Ilengelo et les hommes l'Ikonga. Il leur donne des récompenses: des perles, les cauris, des boubous, et il partit.
Bokukulu au marché. Nous lui avons vendu un peu de caoutchouc, pas beaucoup, et il est parti. Il ne s'est pas battu avec nous.
Puis Ikoka est arrivé. Il a crié: "venez avec du caoutchouc". Ils n'ont pas voulu, mais ont voulu se battre. Ils se sont battus. Des gens sont morts. Les autochtones qui regardaient le combat se sont étonnés voyant les tués. Ikoka le leur a crié de venir l'écouter. Il est arrivé avec Ntange et Wilima. Ils viennent avec le massacre de l'extermination. Conclusion de la paix.
Les patriarches ont fait une assemblée. Ils se sont présentés devant le Blanc Ntange, qui a fait la paix avec un patriarche nommé Bokoyo. Il a sucé le sang avec Ntange et Ntange l'a fait chef de Nkombo.
Récolte du caoutchouc. Imposition de toutes les corvées. Après le caoutchouc ils ont placé des sentinelles dans tous les villages.
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IKUWA (M.C. BOKUMA)
652/317-318
Jean ELIMA (témoin direct)

RESUME: Arrivée des Blancs pour acheter de l'ivoire. Début des difficultés avec les indigènes à cause de l'un d'eux qui avait provoqué les Blancs alors qu'ils passaient en pirogue. La paix, puis le caoutchouc avec ses exactions. Paix à cause de l'intervention d'Ibuka.

TEXTE

L'ARRIVEE DES BLANCS ET LE TEMPS DU CAOUTCHOUC
Quand le Blanc arriva, je le vis moi-même, je ne l'ai pas entendu des autres. Quand vous Blancs êtes arrivés, vous n'êtes pas arrivés pour vous battre, mais pour acheter de l'ivoire. Et vous vous êtes battus contre nous parce que nous vous avons provoqués. Nous vous appelions "bambulumbulu".A Ikuwa on a tué un homme d'un coup de fusil devant mes yeux. Les Blancs passaient en "itukutuku", un canot. Il les provoqua. Ils tirèrent sur lui de la rivière et il mourut. Le nom de cet homme est Iluwa. C'est là le début de la guerre entre nous et les Blancs, parce que Iluwa leur tirait des flèches.
Dans la lutte contre les Blancs nous n'étions pas forts. Nous avons fui. Ce Blanc était Ikoka. Après un autre Blanc vint et nous jeta des perles et des cauris. Ce Blanc était un Anglais. Et son losako était: la volonté de Dieu.
Après on nous dit: "acceptez la paix et faites du caoutchouc". Nous l'avons acceptée et nous avons fait du caoutchouc. Nous prenions la sève du caoutchouc et la frottions sur le ventre. Quand elle était coagulée.nous l'enrourions en boule. Mais quand ce caoutchouc arriva chez les Blancs ils n'en voulurent pas parce qu'il était rouge: dans ce temps nous nous enduisions du fart rouge. Le Blanc nous apprit à le faire autrement. Nous devions mettre la sève du caoutchouc en un pot et la mélanger avec du bosanga. Il y eut trois Blancs pour qui nous avons fait du caoutchouc et à qui il fallait porter des mains d'hommes. C'étaient Ntange, Wilima et Ikomakoma. Eux, ils résidaient à Mbandaka et le chef des soldats, nommé Kindo, résidait à Nkombo pour surveiller le caoutchouc. Les soldats qui surveillaient le caoutchouc à Ikuwa étaient Bokolomba, Bateko et Eboa. Ikuwa devait livrer quatre paniers de caoutchouc. Et à chaque livraison ils tuaient quatre hommes, et à chaque panier de caoutchouc ils ajoutaient quatre mains d'hommes qu'ils avaient tuée, ils mettaient ces mains au-dessus du panier et les envoyaient ainsi à Ntange, Wilima et Ikomakoma à Mbandaka. Mais les Ikuwa étaient mécontents et fachée de ces tueries et s'enfuirent, le village mourut complètement, sans âme qui vive. Bokuma, Nkombo, Bokele, Mpaku et Ebila restèrent, ils ne fuyèrent pas ces tueries. Mais ces villages étaient tristes de ce que Ikuwa était en fuite. Ils choisirent trois hommes qu'ils envoyèrent à Ikuwa pour prier Ntange et Wilima de supprimer le caoutchouc. Et Ibuka alla prier Ntange et Wilima. Ils écoutèrent là voix d'Ibuka et supprimèrent le caoutchouc. Alors les Ikuwa sont revenus dans leur village; c'était la fin du travail du caoutchouc.
Moi, qui ai vu et qui ai fait ces travaux.
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IKUWA (M.C. BOKUMA)
660/332 333
Joseph NJOLI

RESUME: Les Blancs tuent un homme parmi ceux qui leur barrent la route en leur montrant le derrière. Ils continuent à Bokuma où ils ne trouvent personne. Ils installent des sentinelles pour le caoutchouc. Puis introduction de l'argent. Implantation de la SAB.

TEXTE

L'ARRIVEE DES BLANCS ET LE TEMPS DU CAOUTCHOUC
Tout d'abord nos pères ont vu un tout petit bateau passer sur la rivière. Ils ont vu les Blancs et les ont appelés "bambulumbulu". Le temps du caoutchouc. Au passage de Bambulumbulu les gens d'Ikuwa lui montrèrent le derrière en lui barrant la route. Bambulumbulu tirèrent des coups de fusil et un homme fut touché au derrière, la balle sortit par la bouche et il fut tué. Il s'appelait Embwa. Boyaka fut blessé à la cuisse. Les patriarches furent saisis d'étonnement: "laissons les passer; dirent ils, leurs lances sont trop mauvaises". Et ils sont passés, sans accoster, remontant la rivière. Ils ont accosté à Bokuma et les gens de Bokuma se sont enfuis.
Bambulumbulu sont allés jusqu'aux Nkundo voisins, nommés Bombomba. Là ils ont tué un certain Bomanga au bout du village puis ils sont rentrés chez eux, à Wangata, où ils ont convoqué les patriarches, disant:"'Faites la paix, c'est la guerre si vous ne voulez pas". 'Les patriarches se sont enfuis. Mais un patriarche, nommé Ikenge, a fait la paix. Ils lui ont imposé le caoutchouc. comme. t ache principale. Les gens d'aval ont accepté le caoutchouc. Ce sont les villages suivants: d'abord Wangata et Mbandaka, chez Ibuka; Bantoi, chez Esiba; Boyeka chez le patriarche Iyoma; Lolifa chez le patriarche Loemba. Là nouvelle s'est répandue dans tous nos villages et nous avons tous fait la paix.
Le Blanc qui est venu le premier, est Ikoka, qui nous a imposé le caoutchouc.
Puis nous avons vu d'autres Blancs venir placer des sentinelles chez nous. C'étaient Ntange et Wilima. Ils ont placé une sentinelle à Bokele et une autre à Nkombo, du nom Bousa Kindo. Une autre Bateko à Ikuwa; Ekombo à Bokuma. Ce sont eux qui nous ont tués dans ce pays. A Ikuwe les sentinelles ont imposé à chaque village 30 paniers. Quand un panier n'était pas rempli, ils prennent le capita de ce village, lui coupent le bras et l'envoient à Ntange et Wilima.
Après le caoutchouc ils nous ont imposé du poisson et du manioc. Après poisson c'étaient des huiles végétales et des poutres à livrer à l'administrateur à Ikenge. Son nom était Molo, le Blanc qui résidait à Ikenge, des Riverains. Nous avons connu beaucoup de corvées chez nous.
Le travail du caoutchouc a pris fin chez nous à cause d'Ikuwa. Ils avaient manqué aux impositions et s'étaient enfuis en forêt. Et l'administrateur Molo Ekumankunja et Is'e'Iwanga ont rappelé Ikuwa en fuite: "Vous avez fait cesser mon travail, et vous devez payer dix mille mitako". Ils ont payé. Le travail du caoutchouc a cessé pour tous nos villages Elinga et Nkundo. C'en était fini.
Puis un autre Blanc est venu, nommé Lokoka. Il fit cesser les travaux antérieurs et nous apporta l'argent. Il dit: "Vous pouvez payer l'impôt en argent. Chacun doit payer 4,50 frs". C'était l'introduction de l'argent chez les Noirs. Et maintenant encore nous sommes dans l'esclavage des Belges.
C'est fini. Ce sont les misères que nous avons endurées sous Bambulumbulu.
A l'arrivée des Blancs, le premier Blanc venu ici s'appelait Bantsetse. C'était un Blanc commerçant. Il nous a appris aussi le travail du caoutchouc à être acheté par lui. Il payait avec des mitako et des étoffes tachetées. Les vieux récoltaient du caoutchouc qu'il achetait. Ensuite il a visité nos villages riverains. Après lui, nous avons vu venir le Blanc anglais. Il a distribué du sel aux vieux disant: "moi, je viens pour la prière".
.Puis noue avons vu un autre Blanc, nommé Bokukulu. Lui aussi venait vendre des étoffes. Après lui, nous avons vu arriver un autre Blanc, nommé Ikoka. C'est lui qui vint faire la guerre.
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BOKUMA
669/351-353
Joseph EKUKU

RESUME: Un Blanc de la SAB y arrive. Puis un autre de 1'Etat. On le combat et il rentre à Mbandaka prendre le renfort et y revient, en ouvrant le feu. Caoutchouc et soumission des villageois. Paix. Abandon de raphia au profit des habits européens. Impôts et monnaie européenne.

TEXTE

ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Ici chez nous, le premier Blanc que les ancêtres et nos parents avaient vu fut un Blanc de la SAB. Il était venu vendre des perles. Et eux les achetaient avec des laitons de cuivre. Bokukulu, de la SAB, était-il un missionnaire protestant ou un Blanc de l'état ? Les villageois ne le comprenaient pas. Tout simplement, on le contemplait et on s'en émerveillait. On disait: "Jamais vu pareil homme tout blanc". Alors beaucoup l'appelaient tantôt "fez-rouge du soldat", tantôt "blanc", tantôt "albinos".
Bokukulu retourna à Mbandaka. Puis après, on apprenait qu'un autre Blanc avait accosté à Ikenge. Ce Blanc s'appelait Ikoka. Après avoir accosté, les villageois sont allés le voir, mais ils l'insultaient:"Petite tête couverte de Longa cheveux, mèches de cheveux non dressées, jeune faible comme le poisson Clarias, pieds sans orteils, où va-t-il ? Il n'a même pas de chevilles. Est-il originaire de Nkole? Il est bon que vous éteigniez du feu pour qu'il meure de froid et de faim". Peu après, ils remarquaient que le Blanc fumait une cigarette et ils s'exclamèrent: "Qui lui a donné du feu ?" Les villageois ne savaient pas que lui-même avait du feu dans ses habits (des allumettes). Là-dessus, ils sont venus le combattre. Peu après, Ikoka rentra de nouveau à Mbandaka. Il est allé prendre un grand nombre de Blancs, et est arrivé avec eux. Etaient arrivés: Ikoka, Ntange, Wilima et d'autres Blancs ainsi que leurs travailleurs: Botoji, Nkindo, Loola et tant d'autres. Ils avaient accosté à Ikenge. Lorsque la nouvelle de son arrivée à Ikenge s'est répandue, les villageois sont de nouveau allés le contempler. Le Blanc commença à faire apprêter des fusils. Pendant qu'il tirait des coups de fusil, les villageois disaient: "De quoi est cette détonation ?" Les crépitements du bois de l'arbre Musanga?"
Les Blancs disaient: "Nous sommes venus dans votre village; récoltez du caoutchouc et apportez-le. Si vous refusez, nous allons vous tuer". Les villageois répondirent: "Vous, originaires de Nkole vraiment, par surcroît de véritables femmes, ordonneriez-vous que nous récoltions du caoutchouc pour vous ? Et si nous le refusons vous allez nous tuer ? De quelle véritable arme êtes-vous porteur pour nous tuer ? Avez-vous des flèches ? Avez-vous des javelots ? N'êtes vous pas comme une femme ? N'êtes-vous pas originaires de Nkole"? Là-dessus, les Blancs intimèrent l'ordre aux gradés Bengenwa et Baluki et aux soldats de tuer les villageois. Et les soldats tuaient beaucoup de villageois à coup de fusil. Les villageois en sont morts beaucoup.
Lorsque les assassinats étaient devenus exagérés, les Blancs ordonnèrent aux soldats d'initier les Noirs au caoutchouc.
Ce qui fut fait. Après l'initiation à la récolte, l'exécution de la corvée devenait très sévère. Les fournisseurs dont le village avait récolté moins qu'imposé étaient tués, et on faisait la guerre aux survivants: Chaque soldat devait couper la main gauche de sa victime pour en faire le compte. Tout cela se passait dans notre village Ikenge. On y avait affecté des sentinelles pour activer la récolte du caoutchouc. En pleine guerre, les Blancs sont allés créer des postes à Bolondo, Waka et Bokatola. Les villageois transportaient de lourds fardeaux sur des épaules d'Ikenge à Bokatola. Ils en avaient beaucoup souffert. Bokatola est situé à 200 ou 300 km de Bolenge. C'est Ilinga qui était le chef de tous les villageois à Bongale. Il empressait les Noirs à exécuter tout ce que les Blancs demandaient. Puis les Blancs sont allés pour un bref séjour à Mbandaka avec ordre aux soldats de surveiller les villageois à la récolte du caoutchouc, sans jamais tuer les gens. Mais après le départ des Blancs, les sentinelles se sont considérés comme leurs remplaçants. Ils ont dit: "Ne sommes nous pas successeurs des Blancs ?" Vous n'ignorez pas la mentalité des Noirs. Les villageois venaient vendre du caoutchouc. Il y avait 3 gradés: Baluki, Bangewa et Bofondela. Ils parcouraient des villages et tuaient des gens. Ils tuaient des villageois qui mangeaient des chikwangues ou des bananes. Là dessus les villageois décidaient de les surprendre pour les combattre. Lés villageois sont allés prendre un puissant talisman Ikakota. C'était un talisman très performant, qui rendait invulnérable aux belles. Les interdits en étaient: pas manger des chikwangues coupées en morceaux, pas de rapporte sexuels avec une femme. Les soldats avaient tué beaucoup de gens à coups de fusils, mais les villageois avaient tué beaucoup de soldats à coups de javelots. Le soldat le plus gradé, Baluku, a trouvé la mort au cours de cette guerre.
De retour des vacances de Mbandaka, les Blancs ont été confrontés aux désordres perpétrés par les soldats. Ils les ont réprimandés, leur ont ravi des fusils et ont interdit la guerre. Les Blancs retournèrent encore dans leur station de Coq et 1e Blanc Esofe vint les remplacer. Il demanda au chef Ilinga de sonner le tamtam, et de réunir les villageois pour une communication:"Désormais plus d'assassinats. Signons un accord de paix". Après tant de tueries les villageois ratifièrent cet accord. Esofe retourna à Coq chez d'autres Blancs. Et un autre Blanc Angelota le remplaça. Il dit aux villageois: "Maintenant que vous avez la paix, il n'y a plus de corvée de caoutchouc. Vous fournissez plutôt des chikwangues, de l'huile de palme, le copal, et vous cultiverez des plantations de café. Les contrevenants seront passibles à la chicotte". Effectivement, les paresseux avaient reçu beaucoup de coups de chicottes. Les sentinelles à Bongale étaient: Baluki, Bengewa et Bofondela. A Ikenge, il y en avait Bompondo et tant d'autres. Puis le Blanc Angetola dit: "Sachez que la Belgique va venir, mais elle va échouer". Peu après les villageois commençaient à remarquer que la Belgique échouait.
Sous la Belgique, l'Etat ordonna aux villageois hommes, femmes et Batswa d'abandonner des tenues traditionnelles en raphia, écorces d'arbres et autres et de les remplacer par des vêtements de civilité apportés par la Belgique. Les villageois se sont ainsi débarrassés des haillons qu'ils portaient en faveur de beaux costumes. Lorsque arriva un administrateur nommé Lokoka, on commença à payer l'impôt à 4,50 fr. C'est le début des impôts. Dès lors les Blancs parcouraient des villages pour payer de l'argent, faire habiller les gens. Ils étaient assistés de greffiers noirs Félix Njoli et Efalai
Et voici que la Belgique est en décadence. Sachez aussi que les pères ne connaissaient pas les noms propres des Blancs, mis à part ces surnoms leur imposés.
Longtemps avant 1'arrivée des Blancs chez nous, les villageois s'entretuaient aussi. Ils n'avaient pas de chef auquel ils obéissaient comme actuellement. Une moindre palabre suffisait pour que les gens s'entretuent. On se nourrissait aussi de la chair humaine lorsque sévissait la famine.
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NKOMBO
41/88-91
Louis EFONGE (témoin direct)

RESUME: Un missionnaire protestant d'origine anglaise arrive d'abord. Sans heurts. Puis un Blanc commerçant qui réagit aux insultes d'un patriarche. S'en suit la guerre. Pour une fausse information, Ntange tue le patriarche Nkake qui l'a pourtant hébergé et traité d'ami la veille. Consternation. Caoutchouc. Copal et huile de palme. Instauration de l'argent.

TEXTE

L'ARRIVEE DES BLANCS ET LE CAOUTCHOUC
Il y a très longtemps, nous nous réjouissions de nos jeux nommés: tokonga, balinda, bayaya et yeinbombo.' Nous n'avions aucune connaissance des Blancs.
A ce temps là un patriarche blanc arriva d'en bas du fleuve. C'était un grand événement, mais nous ne savions pas son nom. Il nous salua et on lui répondit: "O". Nous en étions étonnés: "Ha. nous n'avons jamais vu un Blanc pareil, d'où vient il ? Et voilà qu'il nous salue ?" Nous lui demandons son losako. Et il répondit "Ordre de Dieu". Quel étonnement.
Il avait avec lui certains objets: cauris et perles. Et il en a jeté aux femmes et enfants qui se sont jetés dessus. Les gens disaient: "c'est un féticheur". Mais nous ne savions toujours pas son nom. Aussi nos patriarches dirent: "nommons-le d'après sa propre salutation: "ordre de Dieu". C'était un Blanc de la prière, un patriarche anglais. Alors que nous nous souvenons encore de son œuvre, arrive un premier Blanc, Ikoka, ayant accosté à Bokuma. La nouvelle se répand qu'un autre Blanc a accosté à Bokuma. Nos patriarches disent: "Un Blanc a passé auparavant et nous n'avons pas demandé son nom; celui ci, allons le lui demander". Et nous lui demandons: "Blanc ?" Et il dit: "alors"?"Quel est votre nom ?" et lui: "Je suis Ikoka un commerçant, je viens d'en bas et je monte le fleuve et un patriarche nommé Etenda, se moque de lui, l'insulte et lui lance des flèches. Là-dessus, Ikoka se fâche et dit: "Soldats, tuez ces gens". Alors les Bokuma prennent la fuite, la lutté arrive jusqu'à Bonguma. Mais Bonguma est à là chasse et les soldats ne trouvent qu'une femme nommée Bondala. Et ils la tuent, ainsi que son frère Yondo y'Ondulu; ils coupent mains et pieds de Bondala et de bon frère, ils volent les anneaux des jambes de Bondala. Puis Ikoka remonte sur le bateau et part.
Mais, revenant de la-fuite, nous découvrons les deux morts. Mains et pieds manquent. Nous commençons à avoir peur. Nous nous disons: "Quelle guerre cruelle ? Où sont les mains et les pieds ?" Les deux premiers tués dans les Beloko sont bien Bondala et son frère Yondo, tués par Ikoka.
Une semaine passe et voilà deux autres Blancs. Ntange et Wilima ont accosté à Bokele chez un nommé Nkake. Ils se lient d'amitié et y passent la nuit. Le lendemain, Ntange demande à Nkake: "Y a-t-il des gens à l'intérieur ?" Et Nkake répond: "non, personne". Mais pendant qu'ils sont là, ils voient un patriarche, nommé Wangala w'Osoki, qui arrive de Ngombe Beloko. Ntange et Wilima demandent à Nkake "Nkake, qui est là avec vous"? Et Nkake dit: "C'est moi et un ami à moi". Alors Ntange et Wilima demandent à Wangala: "D'où venez vous" Et Wangale répond: "Je viens de chez nous à Ngombe". Ntange et Wilima disent: "Nkake, demandez à Wangala de venir ici". Ntange fit venir Wangala qui accepta provenir de chez eux.
Et Wangala dit: "Ntange, venez vous battre chez nous". Ntange appelle Nkake et lui dit: "Menteur, vous me disiez qu'il n'y avait personne à l'intérieur. Et celui-ci ? Il m'appelle au combat. C'est que vous avez menti". Et il le tue d'un coup de fusil. Il tue Nkake, Nkake meurt. Les patriarches disent: "Comment est-ce qu'un ami tue un ami" Ntange et Wilima congédient Wangala: "Partez, nous viendrons après, voir vos villages et nous battre avec vous. Mais, demande Ntange, contre qui me battrai-je"? Wangala dit: "j'ai captivé une femme Ngombe, nommée Tswambe (1) et son enfant et les ai vendus à Ebila". Là-dessus Ntange commence à réprimander Wangala. "Partez, dit-il, je viendrai chez vous dans deux semaines".
Après ce délai, nos Beloko se rendant au marché d'Ikwe y trouvent Ntange et Wilima qui ont débarqué la nuit sur la place du marché. Ils sont venus tuer, vraie tuerie d'hommes sans nombre; les cadavres pourris jonchent la terre, puanteur horrible. Pendant sept jours Ntange tue. Extermination. Des enfants meurent de faim, femmes et hommes exterminés. On ne peut les compter; ils coupent mains et pieds.
Nous nous demandions: "Les coupez vous aussi en Europe" Là-dessus, après les sept jours, Ntange et Wilima nous appellent; disant: "Venez et faites du caoutchouc." C'est le de but du caoutchouc.
Mais nous disons: "Nous ne savons pas faire du caoutchouc". Mais Ntange et Wilima: "nous partons, mais nous vous laissons nos sentinelles pour vous l'apprendre". Et nous l'acceptions car la mort a sévi.
Voici comment il affecta les sentinelles chez nous à Beloko: Nkundu à Nkombo; Bomolo et Beola à Bonguma; Bombatsi à Mpaku, Bokolomba à Ikwa, Mbaka à Bokele, Embemba à Bokuma. Puis Ntange et Wilima retournent à Coq, laissant les sentinelles. Et sur leurs ordres nous avons fait du caoutchouc. Nous voyons que deux Blancs, Boweya et Bongetola, viennent construire un poste à Ikenge. Peu après Boweya retourne à Coq, Bongetola reste à Ikenge et appelle du caoutchouc' Nous le livrons. Peu après il rentre aussi à Coq. Et nous voyons arriver un nouveau Blanc, Bonseja. Il nous appelle et nous impose du copal, de l'huile et du manioc. Et nous livrons cela. Vite après Bonseja supprime le copal, l'huile et le manioc.
Après lui le Blanc Lokoka arrive sur ordre de Bosenja et nous fait payer l'impôt en francs. D'abord nous payions 5 F seulement.
La guerre est finie et nous faisons ces corvées. Puis un autre Blanc, Esof'ea Yongo, arrive et enlève à chaque village un homme, et dit: "Faites du caoutchouc en paquets". Mais nous lui disons: "Ne revenez pas avec cela; le caoutchouc nous a exterminé et vous nous dites de recommencer "? Et Esofe se fâche, prend son fusil et recommence à tuer des gens.
Voyant qu'il se remet à tuer, les patriarches disent: "non, non, cette guerre est mauvaise, la voulez-vous encore"? Et nous récoltons du caoutchouc, assez vite supprimé encore. Mais nous qui avons vu, nous sommes étonnés de ce que nous avons vu. Vous qui nous demandez (ces histoires), expliquez. Je ne vais pas nommer les Blancs actuels.
Mais c'est cela que nous avons vu chez nous. J'ai dit tout ce qui est arrivé dans les Beloko depuis l'arrivée du Blanc jusqu'à la fin de la guerre, chez les habitants de l'intérieur: Bonguma, Bokolongo, Bosanga, et chez les-riverains d'Ebila, Mpaku, Bokele, Nkombo, Ikwa et Bokuma.
Voici les Blancs: 1. l'anglais, qui ne s'est pas battu, Ikoka, 2. Ntange la Wilima; 3. Molo et Boweya; 4. Bongetola, 5. Esof'ea Yongo, 6. Bonsenja, 7. Lokoka et à Bokatola: 8. Isiwanga (à Bokatola ainsi que:) 9. Djoku Etoa,10. Ekume, 11. Ikeke, 12. Itumbambilo, 13.Bajunu, 14.Bondel'Akasi. Mais nous ne connaissons pas les histoire de Bokatola ni leurs Blancs qui n'ont fait que passer ici. C'est cela que se rappellent nos pères. Nous avons décrit le temps avant l'arrivée des Blancs et après. C'est fini.

NOTES
1.S'agit-il de la maman de Tswambe dont parle Lufungula Lewono, dans "Tswambe notable", Mbandaka hier et aujourd'hui (déjà cité), p.112-11.5 ?
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BONGUMA
667/345-347'
Arsène PAMBI, chef des Beloko, Bonguma, M.C. Bokuma

RESUME: Un Blanc remontait constamment le fleuve et les Riverains Elinga l'attaquent un jour. Il s'arrêta et riposta avec ses soldats. Il tue un notable pendant que les hommes étaient à la chasse. Ses soldats tuent une femme. Après avoir tué les villageois qu'ils voyaient, on signa une sorte d'accord de paix. Caoutchouc. Soumission. Oppression.

TEXTE

ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Le premier Blanc Ikoka, qu'on appelle actuellement Coquilhatville, est passé à bord de son bateau "itukutuku" sur la rivière. Il remontait constamment le fleuve. Là-dessus, les Riverains Elinga de Bokuma le provoquèrent et il s'arrêta avec ses soldats. Puis un vieux appelé Etena ey'Enkonga lança des flèches. Et eux le poursuivirent. Lui pénétra dans la forêt entre Bonguma et Bokuma. Puis ils débouchaient parmi les gens, dans un hameau de Bonguma, appelé Bombomba. Mais ils n'y ont pas trouvé des hommes mais plutôt des femmes et des infirmes. Les hommes étaient allés à la chasse.
Après irruption, ils tuent le notable Yondo y'Ondulu, fils de Yondo y'Ampele, petit-fils de Bombolo, lui-mémé fils aîné de Longonga et une vieille femme nommée Bozidela la mère de Likangola. Ceux qui étaient à la chasse percevaient des détonations pendant qu'il pleuvinait. Les uns disaient: "Ce sont des détonations de fusils". Les autres: "il s'agit d'une corbeille que casse le léopard après que se femelle ait mis bas". Pendant ce temps, les détonations ne cessaient de crépiter. Ils délèguent finalement une personne pour aller s'en rendre compte. Là-dessus, le vieux Boyamba s'y présenta. Il les trouva assis avec des boulettes de fard rouge sur la tête. Il se dit: "Ces gens ne sont pas les nôtres. Comment se fait-il qu'ils ont mis des boulettes rouges sur la tête"? Là-dessus, il leur demanda des nouvelles. Ils se levèrent, et lui tirèrent un coup de fusil. Il n'en fut pas touché, et s'enfuit. Mais on ne l'a pas poursuivi.
Lorsqu'ils sont venue avant. après avoir tué cette vieille femme, ils passaient à travers le village sans jamais y entrer. Arrivés entre Bolenge et Bombomba, ils sont devant un barrage de Canna indiqua. Ils rentrent à Bombomba. Arrivés à Bombomba, ils égorgent et dépècent toutes chèvres qui étaient dans-des étables. Lorsqu'ils ont perçu les vrombissements d'un bateau, ils se sont rendus au beach.
A la sortie de ceux qui étaient à la chasse, ils remarquent encore deux cadavres: celui d'Ekolo et celui de l'ancienne femme de Esoko appelée Likafo, ce qui fait 4 cadavres. Ensuite un vieux, en état d'ébriété chantait: "La guerre à laquelle est confronté Bombomba, pourquoi épargne-telle Mpongo"? Puis Ikoka partit. Le temps est passé et il n'est plus revenu avec la guerre chez nous.
Puis on apprenait que le bateau avait accosté à Elinga, près de Bokele. Mais il retourna. Et on apprenait encore qu'il avait accosté à Bokele. Et ils se sont battus avec les Nkole de Boyela, puis le bateau rentra. On partit au marché à Nkombo la nuit. Mais le lendemain, le bateau rentra pour la guerre. On pourchassait et les Nkundo et les Nkole par la terre. On était sur leurs traces. A leur sortie à Bonguma, ils pénétrèrent dans la forêt. Là, ils ont tué des gens: hommes, femmes, petits enfants, des femmes enceintes. Quel massacre: Un mari ne sait pas où sont sa femme et ses enfants assassinés. Les femmes ne savent pas où les maris étaient partis. Un homme cherche-t-il femme et enfants mais ne voit que ceux d'autrui, il les tue en se disant:"Je ne vois pas les miens, je ne peux pas vous épargner".
Il était chez nous pendant un mois et 7 jours. Le 8è jour, un homme appelé Ilombe à Bokuku, et Botongola W'Ekoto ea Mbuli à Nkiyo, sont allés chez lui pour signer un accord de paix. Tels sont les grands hameaux de Bonguma.
Là-dessus le Blanc Ntange leur dit: "allons à Nkombo pour signer cet accord". Et ils étaient partis pour Nkombo. Il leur dit: "Vous, Ilombe qui êtes venu le premier, vous devenez chef; Botongola sera votre adjoint". Ilombe répliqua: "Moi, je ne peux pas prendre cette fonction de chef. Ce n'est que lui, notre porte-parole dans tout Bonguma, lui qui demande des nouvelles aux visiteurs, qui peut être chef". Le Blanc ne refusa pas, et le voilà qui instituait Botongola chef des Beloko et Elinga. Puis le Blanc leur dit:"Vous avez fait la paix avec moi, mais je vais affecter mes sentinelles. Vous allez récolter le caoutchouc" Ils lui demandèrent: "Comment récolter le caoutchouc" ? Il leur répondit: "Les sentinelles vont vous y initier. Kindo sera affecté à Nkombo et Bokolombe à Ikuwa." A Bonguma on institua, un deuxième chef, un vieux appelé Njoji Elofa. Il était chef à Bombomba. Son caoutchouc était expédié à Ikuwa chez la sentinelle Bokolomba. On imposa à chacun 3 à 4,boulettes. La 2e fois, on impose un petit panier. La 3e fois, on imposa un grand panier par village. Dès lors on fit remplacer des sentinelles Haoussa par Bomolo et Eola, leurs adjoints, promus sentinelles à Bonguma.
Là-dessus, récoltant le caoutchouc, si la quantité est inférieure à celle requise, on tue la personne ou le groupe concerné. A leur arrivée à Bonguma, les sentinelles ont recruté des soldats qui combattaient les autres et les tuaient.
Lorsque d'autres contrées ont appris que les Bonguma et les Elinga ont signé un accord de paix pour la récolte du caoutchouc, ils ont pris la décision suivante à l'encontre du Blanc et des soldats: "Qu'ils restent là. Si jamais ils arrivent ici, nous allons nous battre". C'est pourquoi lorsque les Elinga et les Beloko ont essayé de se battre avec les soldats et le Blanc, ils n'ont pas tué beaucoup de soldats. Ils n'avaient tué que 2 ou 3 ou 4 soldats. Et les lianes à latex devenaient rares dans la forêt de Beloko et,des Elinga. On allait vers Bakaala. On se battait avec eux. A chaque marché, il y avait un combat. La population diminuait. Les soldats étaient armés de fusils et de munitions pour tuer à chaque jour du marché, et ils tuaient beaucoup de gens. Puis les Beloko obtenaient un fétiche Ikakota. Et on se battit avec les sentinelles restées à Bonguma. Incroyable. Les villageois étaient devenus invulnérables aux balles, à moins d'en feindre les interdits, tels que: ne pas coucher avec une femme, ne pas manger des poissons tilapia, ne pas manger des chikwangues, ne pas enterrer un mort fût-i1 un parent. Mais comme ils n'avaient pas observé ces interdits, le fétiche ne fut plus efficace. On en mourait au premier coup. C'est pourquoi les sentinelles ont quitté Bonguma pour s'installer à Mbengi. Puis ils y ont recruté des anciens combattants en lances et flèches et en ont fait des fusiliers comme eux, afin d'exterminer les Beloko, les Elinga et les Bakaala. Puis ils édictaient des interdits: ne pas consommer des bananes, ni n'importe quelle bête. Remarquait-on même un os de serpent, on tuait tout le groupe.
On ne sait pas si c'était sur ordre du Blanc, on convoqua les capitas de Beloko et leur chef Botongola. On les installa sur des chaises, Et d'un coup on les tua tous. Puis, ils appelaient Ikgolongolo, le frère cadet de Botongolo: "Venez prendre le pouvoir, nous avons tué votre frère aîné". Par la suite, Ingolongolo prenait la place de son frère. Il rouait des gens de coups comme bon lui semblait. S'il n'y avait pas assez de caoutchouc, il vous déclarait la guerre. il tuait les gens et en coupait des mains droites, devant être expédiées au Blanc pour-qu'il sache le nombre de gens tuées. Une autre fois, on infligea 100 coups de chicotte aux hommes et 50 aux femmes. Somme toute, les. Noirs diminuaient en nombre en se tuant et en se mangeant comme des bêtes.
Quelle oppression. D'autres choses sont restées.
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NKOMBO (M.C. TOKUMA)
666/342-344 (1)
Victor IMBAMBA, juge secondaire à Bokolongo, informé par Bongengele M.

RESUME : Ikoka aux prises avec les Bonguma. Bilan: 3 morts un homme et sa sœur, et un Botswa. Cause: 19 provocation d'Ikoka par un indigène Etend'Afenda de Bokuma.
Arrivée de Ntange et Wilima chez Nkake, leur ami, qu'ils vont tuer pour "trahison", caoutchouc et corvées. Le Blanc Ekuma, tueur réputé, se suicide à Bokatola après qu'on lui à signifié son arrestation, et son transfert à Coquilhatville. Mention sur le premier Blanc, un missionnaire protestant.

TEXTE

L'ARRIVEE DES BLANCS ET LE TEMPS DU CAOUTCHOUC (1)
Les autochtones, ce sont les vieux de tous les villages. Le patriarche, c'est Bongengele: Michel de Bokolongo.
Le premier Blanc, Ikoka monte le fleuve. Un nommé Etend'Afenda de Bokuma a insulté Ikoka et a tiré une flèche sur sa pirogue. Ikoka demande: "qui est cet homme qui m'insulte?" Il dit: "C'est moi Etend'Afenda de Bokuma qui t'insulte". Alors il prend ses aides et dit: "Battez-vous contre des gens qui m'insultent parce que je suis de passage; Etend'Afenda m'insulte, battez-vous contre ces gens, mes aides!". Et les aides se battent contre eux à cause d'Etend'Afenda de Bokuma. Et tous les gens de Bokuma s'enfuient.
Avec l'arrivée des aides d'Ikoka, le combat arrive jusqu'à Bonguma et y fait les trois premiers morts. C'étaient un frère et une sœur de même mère et un Botswa de Bonguma. Le premier mort était Bondala, le second son frère Yondo et puis le Batswa Iloko.
Voici comment mourut Bondala: elle était allée chez son frère Yondo, juste quand la troupe d'Ikoka arriva à Bcnguma. Bondala et son frère Yondo moururent. Bondala était le femme d'Ekonya de Bokolongo. Ainsi elle et son frère furent tués à Bonguma. Cette femme portait des anneaux de cuivre aux pieds. Les aides d'Ikoka coupèrent ses pieds et prirent des anneaux de cuivre.
Quand nous sommes arrivés pour prendre le cadavre de notre femme Bondala, nous avons eu peur à la vue de ces pratiques et nous avons pris la fuite. Puis Ikoka a remonté le haut de la rivière.
Après peut-être trois marchés, les Blancs Ntange et Wilima sont arrivés à Bokele chez Nkake, leur ami. Un vieux, oncle maternel de Nkake de Bokele, nommé Wangala w'osoki, était allé visiter Nkake à Bokele et avait trouvé Ntange et Wilima chez lui. Wangala dit "Oncle Nkake qui est cet homme rougeâtre "? Et Nkake "C'est mon ami, nommé Ntange. C'est l'homme énergique qui s'est battu avec les Bonguma. C'est lui''. Et Wangala:"Confie-le-moi pour aller combattre un village Iyonda appelé Bokala. L'homme qui a ouvert les hostilités avec moi est Ngombo".(Wangala w'Osoki était lui même originaire de Ngombe dans les Beloko).
Quand Ntange et Wilima apprirent cela de Nkake à Bokele, ils se fâchèrent contre Nkake : "Vous êtes un ami très mauvais ! Wangala w'Osoki vient me demander d'aider Ngombe dans la guerre contre Iyonda, et vous m'avez dit qu'il n'y a pas de gens à l'intérieur. D'où vient donc Wangala w'Osoki ? Aussi, moi, Ntange, je vais vous tuer, parce que vous êtes un mauvais ami". Ainsi Ntange tua Nkake à Bokele parce que Nkake avait caché l'existence des Beloko, Bakaala et autres villages de nos clans. Et Ntange ajouta : "C'est par Wangala w'Osoki que je connais tout le pays et je vais vous tuer tous". Et il nous a exterminés. Pendant sept jours il n'a fait que nous tuer, nous les gens de Nkombo. Il avait accosté à minuit. Tous les villages de Beloko sont venus au marché de Nkombo. Ils ont trouvé Ntange et. Wijima ici avec leurs aides. Les Blanc ont fait là guerre avec Beloko et ont tué pendant sept jours. Véritable extermination.
Puis:il a dit "Moi, Ntange et Wilima, je vous ai tuée pendant sept jours, et si vous ne me suivez pas à Nkombo pour vous soumettre, je continuerai à vous tuer". Pris de peur nous l'avons suivi à Nkombo faire la paix. Il dit: "Je vous avais dit de me suivre et vous êtes venus. Voulez-vous la paix ?" Nous avons répondu: "Oui, nous voulons la paix, parce que nous avons trop de morts, nous sommes exterminés et notre pays est mort. Aussi nous voici nous sommes chez vous". Alors Ntange et Wilima dirent: "Faites-moi du caoutchouc. C'est pour cela que je vous ai appelés, vous Botongola à Bonguma, vous Lomate j'Etuka à Bokolongo, vous Lombe a Ngombe, vous Bofele à Booma, vous Itela à Ingonge; ce sont là les hommes que Ntange et Wijima ont choisis pour le travail du caoutchouc.
Les aides que Ntange et Wilima nous ont laissés à Beloko sont Loola et Bomolo à Bonguma. Leurs chefs étaient Kindo et Ilange à Nkombo. Comme leurs chefs restaient à Nkombo, Loola et Bomolo, devaient porter le caoutchouc à Coq. Après Ntange et Wilima sont partis et un autre Blanc est venu s'installer à Ikenge. Nous devions porter le caoutchouc à Ikenge chez le Blanc Boweya.
D'autres Blancs de ce temps étaient Molo, Is'e'Iwanga, Bajunu et Ekuma. Ekuma a tué beaucoup de gens après la guerre de Ntange et Wilima. Un jour que les Blancs envoyèrent des soldats chez Ekuma à Bokatola, Ekuma prit un fusil et se tua.
Voici pourquoi Ekuma se suicida. Les soldats apportèrent Ekuma une lettre de ses supérieurs: "Vous tuez encore des gens et les chefs vous appellent à Coq, parce que ils ne veulent plus qu'on tue des gens comme vous le faites". Ekuma vit cette lettre, la lut et se tua d'un coup de fusil à Bokatola. C'étaient là les Blancs du caoutchouc.
Le Blanc qui arriva après la période du caoutchouc était Ongetola qui imposa le copal. Un autre Blanc, Bosenja, continua le copal. Un autre Blanc Esofe vint razzier et tuer beaucoup de gens.
Après Esofe on nous dit que la corvée du copal était finie et qu'on allait nous l'acheter. Les compagnies l'achetaient mais l'Etat y renonça parce qu'il avait imposé trop de caoutchouc, de copal, de manioc, d'huile, de légumes, de flèches et d'étoffes. Ce sont toutes ces choses que les Blancs avaient imposées chez nous.
Puis on signa un accord avec la Compagnie pour l'achat du copal. Et c'est le début de la quiétude chez nous les Noirs. Car l'Etat nous a vraiment exterminés à cause de sa méchanceté. Il tuait beaucoup et imposait beaucoup de corvées aussi, entre autres des vivres pour ses gens. Si toi, Blanc, n'avais pas abandonné les tueries, nous, les Noirs on serait exterminé complètement.
Voici ce que fit Ikoka à sa descente de la rivière. Il descend et vient faire la guerre à Nkombo et Boyela. Après sa guerre contre Etend'Afenda à Bokuma, Ikoka descend la rivière. Quand il arrive à Nkombo, il vient faire la guerre à Nkombo et Boyela. Un patriarche de Boyela, Ekot'ea Mbuji, capture un soldat d'Ikoka, nommé Esese. Puis Ikoka descend la rivière, et Ntange et Wilima viennent avec une grande armée à Nkombo. C'était la veille du marché, et quand les gens vinrent au marché, c'était une tuerie, une extermination. Puis il dit: "Nkombo, si vous ne me rendez pas le fusil du soldat d'Ikoka qu'Ekot'ea Mbuji a pris quand il a tué mon soldat Esese, je vous tue tous". Puis les gens de Nkombo et de Boyela lui rendirent son fusil. A cause du fusil que Nkombo et Bola avaient pris, nous avons été décimés. A cause du fusil d'Ikoka, Ntange et Wilima ont tué chez nous des gens sans nombre.
A propos du Blanc de la religion protestante
Le Protestant est arrivé avec des hommes et des enfants. A qui voulait lui demander son losako il répondait: "bososo boki Njakomba", mais lui, il n'a tué personne. Il avait avec lui des cauris et des perles. Mais il ne s'est battu avec personne chez nous. Il était le premier Blanc dans le pays du Congo.
Ceci est la réponse à tout ce que vous, Blancs, nous avez-demandé de vous dire, tout ce que nous avons vu chez nous.

NOTE
1.Comparez avec le récit 431/88-91 de Louis.Efonge.
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ELANGA (BAKAALA/INGENDE)
492=493/221
ILONDO Is'ey'Oongo, témoin dire

RESUME. Un Blanc de la SAB qui remontait le fleuve fut provoqué par les villageois. Il retourne à Mbandaka informer ses chefs. Il en revint avec deux autres Blancs qui tuèrent des gens, en multipliant des cadavres Deux Blancs arrivent ensuite et on conclut un accord de paix, moyennant la récolte du caoutchouc. Impôt et monnaie européenne

TEXTE

ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Tout au début, un Blanc de la SAB remontait la rivière jusqu'à la source. À son retour, les Ikenge le provoquaient pour un combat. Ce Blanc descendit en aval en informer ses supérieurs. Peu après, il revenait avec deux compagnons: Ntange et Wilima. Et ils s'arrêtèrent à Ikenge où ils tuaient des gens comme des herbes. Ils arrivèrent au beach de Bongale. Ils y débarquaient et les tuaient aussi. Ils sont arrivés même chez nous à Isanga et ils ont tué aussi des gens. Ils firent la reconnaissance d'une bonne partie de villages, et partout ils tuaient par fusillade. Pendant que le Blanc tuait les gens, il en faisait d'autres prisonniers, coupait mains et pieds de certains autres. Il brûlait des maisons ou les saccageait. Ils. habitaient Ikenge, et ne venaient ici-que pour le commerce.
Puis d'autres Blancs, Molo et Badunu, arrivaient. Ils y avaient trouvé Ntange et Wilima. Mais sur le point de nous tuer, nous sommes allés signer un accord de paix. Et ils disaient: "D'accord avec le traité de paix, mais récoltez le caoutchouc pour nous". Nous, on acceptait de récolter le caoutchouc. Et dans chaque village on affecta une sentinelle armée de fusil pour surveiller la récolte. Et on récoltait le caoutchouc. En récoltait-on assez, on recevait des perles et des vêtements. On tuait ceux qui n'en récoltaient pas assez.
Tout au début lorsque Ntange et Wilima sont venus nous combattre, nos ancêtres sont allés chercher le talisman Ikakota pour prendre le dessus. D'abord, ils observaient des interdits liés à ce talisman. Ensuite, ils n'observaient plus rien et désormais les Blancs les faisaient soumettre.
Puis, pendant que nous récoltions le caoutchouc, un Blanc Iketekelenge arriva, et dit: "Cessez désormais de récolter le caoutchouc, récoltez plutôt le copal et fournissez des chikwangues et de l'huile de palme". En contrepartie on nous payait des laitons de fer et des morceaux d'étoffes. En plus, le Blanc du nom Iketekelenge disait: "Maintenant, vous allez commencer à payer l'impôt, au départ 4 FR". Et on paya 4 FR 4 fois. Puis 30 francs 4 fois, enfin 40 francs quelques fois. Depuis lors nous voici payant l'impôt. Tel est tout ce que j'ai vu chez nous.
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ISENGA MONENE
407a/28-30
Paul EFALA, témoin direct

RESUME: L'Anglais vient le premier, répond même à la salutation solennelle losako des Mongo et demande aux patriarche le leur. Puis vient Ikoka qui fait la guerre. Ntange et Wilima lui succèdent et agissent de même. Ils font la paix avec Bakeke et Boulu, les patriarches. Caoutchouc. Corvées. Bakeke et Ntange font un pacte de sang. La sentinelle Botuli le tue sur l'ordre de la sentinelle Njakomba épris de sa femme. Ntange fait tuer Botuli. Arrivent la SAB et les missionnaires. Finies les misères.

TEXTE

DES TUERIES ET DU CAOUTCHOUC
Le premier Blanc qui vint dans notre pays fut l'Anglais. Il vint avec des perles et des cauris. Il jeta des perles aux enfants qui se les disputèrent. Nous lui demandions son losako. Il répondait: la volonté de Dieu. Puis il demanda aux patriarches qui répondirent: Ioo ! C'était pendant les grandes eaux basses. Il vint avec une baleinière pagayée à rebours. Nous l'appelions Elumbu. Puis il partit. Pendant les eaux hautes, deux mois après, nous vîmes des bateaux qui tiraient des coups de feu. Entendant ces coups, nous fuîmes en forêt avec nos femmes et nos enfants. Le nom de ce Blanc est Ikoka. Il ne nous a pas suivis en forêt. Il ne faisait que tirer. Il tue beaucoup d'hommes. Aux uns il coupa les deux bras, aux autres un bras ou un pied seulement. Quels tourments ! Et nous n'avions rien à manger. Pour protéger ses enfants de la pluie, la mère devait les placer sous elle. Sans refuge en forêt. Quelle misère.
Pou après nous entendîmes l'arrivée d'autres Blancs. Leurs noms Ntange et Wilima. Ils vinrent aussi faire la guerre et nous tuèrent comme Ikoka avait fait. Quelles souffrances. En vain nous fuyions en forêt ou sur l'eau. Ils tuaient la mère et la donnèrent à manger à son enfant. Ils forçaient la mère de coucher avec son enfant. Abomination.
Ntange et Wilima prennent nos patriarches Bakeke et Boulu wa Lokoka et leur ordonnent de demander à la population de porter les feuilles de palmiers pour conclure la paix. Ils fuyaient mais revinrent se soumettre. Ntange dit à Bakeke: ''Faites du caoutchouc. Dites à vos gens de faire du caoutchouc. Compris"? Ils y consentent. Il leur donnent quatre surveillants du caoutchouc: Njakomba, Sengasenga, Fangafanga et Botuli.
A ce temps, celui qui n'avait pas assez de caoutchouc était tué. Ntange et Wilima allèrent habiter Bolondo. Ils y laissèrent un Blanc nommé Molo. Nous devions porter le caoutchouc à Bolondo. Dix hommes avec un soldat devaient porter le caoutchouc chez Molo. Pendant le voyage en pirogue il fallait chanter: "Ntange a envoyé une lettre, il va faire la guerre à Bonsela". Un autre chant était: "Maata'ilole maboma ee" C'était un temps de tueries sans fin. Etait sauvé qui récoltait assez de caoutchouc.
Le chef qui avait fait le pacte de sang avec Ntange était Bakeke. Il avait une femme et sa sentinelle que Ntange nous avait donnée s'éprit de la femme du chef Bakeke; Bakeke se fâcha et alla dire au blanc Molo que Njakomba avait sa femme. Molo appela Njakomba et Njakomba ne voulut pas y aller. Il prit et Botuli et Bakeke et dit: "Portez le caoutchouc". Mais Njakomba dit à Botuli: "Prenez cette balle et tuez Bakeke en route. Ne le laissez pas arriver à Bolondo". Et il le tua en route.
Botuli arrive à Bolondo. Le Blanc Molo demande à Botuli: "Où est le chef"? et Botuli répond:"Je l'ai laissé en route". Molo prend Bafoluke: "Allez chercher Bakeke". Bafoluke part et trouve Bakeke mort. Il demande: "Qui a tué le chef de Ntange "? Ils disent: "Botuli l'a
Il ne nous a pas tué". Et Molo appelle des soldats:"Prenez-le et tuez-le". Ils le tuent. Botuli a suivi Bakeke dans la mort.
Le Blanc Molo prend Bafoluke et le met à la place de Botuli. Et Bafoluke vient surveiller le caoutchouc d'Isenga avec Njakomba.
A ce temps l'Etat ne voulait pas qu'on tue des petits enfants. Mais les soldats le faisaient par méchanceté.
Autre chose: nous avons vu une grande pirogue avec vingt hommes assis et deux pagaies: une à l'avant et l'autre derrière. Ils passaient tous les jours. Nous leur demandâmes: "qui êtes-vous?" Des Anglais, répondirent-ils. Nous les appelions Ewewe Etsiya (1).
Après l'extermination. La mère ne sait où est l'enfant, l'enfant ne sait où est sa mère. Chacun prend son chemin. Les bateaux de cette époque:.Bangoundonguande, bateaux de guerre.
Quand le caoutchouc était fini, il nous imposa la coupe des herbes à Ikenge. Chacun devait apporter un lot de poisson, des lianes râpées et des lianes non rampées. Après ces travaux l'Etat nous payait très bien: des pièces d'étoffe bleue et blanche et des mitako. On nous donna alors un autre Blanc, nommé Bokukulu. Celui ci alla à Bonsela. Peu après le missionnaire arriva. A la venue du missionnaire le pays était pacifié. Pas d'autre maître, notre seul maître, c'est l'Etat.

NOTE
1-Ewewe ou Ewowo est une procession exécutée par quelques groupes mongo pour éconduire une épidémie ou toute maladie, attribuée traditionnellement au héros légendaire Lianja de l'épopée mongo. Modalités de la procession dans: G. Hulstaert, G. Hulstaert', Dictionnaire Lomongo-Français, Tervuren, 1957, p.632, 2) et E. Boelaert,"La procession de Lianja", Æquatoria 25 (1962)1-9. Néanmoins, "Il y a lieu d'ajouter, écrit G.Hulstaert, qu'on ne peut participer à la procession sans tenir en main quelconque objet. Pendant une maladie grave toute communication avec un pygmoide peut entraîner la mort. Pour éviter la contagion, c'est-à-dire l'attaque de Lianja, les jeunes filles s'habillent de tissus vieux ou à la vieille mode et se coiffent à la mode ancienne beleku; cheveux tournés en boules avec de l'huile et du fard rouge", dans Petit Lexique des Croyances Magiques Mongo, CEEBA,série II, vol-70, Bandundu, 1981, p,36-37.
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ISENGA MONENE
407b/31
Paul EFALA

RESUME: D'abord des bateaux de la SAB. Ensuite l'Anglais qui est retourné aussitôt. Puis Ikoka qui a riposté à l'attaque d'un des nôtres. Ntange lui a succédé. Il a institué Bakeke chef pour la récolte du caoutchouc, avec qui il conclut un pacte de sang. Ikenge fondé par Molo. L'Anglais en question et Elumbu sont homonymes. Les missionnaires protestants et catholiques mettent fin aux misères.

TEXTE

LA VENUE DES BLANCS
La première chose que nous avons vue brusquement chez nous: des bateaux. Bokukulu a passé deux fois mais n'a pas accosté à Isenga.
Deuxièmement nous avons vu l'Anglais, il a accosté, est venu à terre et s'est promené dans le village d'Isenga; mais il n'est pas allé jusqu'au bout. Il est retourné sur ses pas avec sa femme. Il est descendu à la rive, nous l'avons suivi et il nous a jeté des perles que nous avons ramassées. Puis il est parti.
Après lui nous avons vu arriver Ikoka avec son bateau et un de nous lui a tiré deux flèches. Il a accosté et a tué cet homme. Cet homme s'appelle Yanda y'Ompanja. Puis il est parti.
Après Ntange est venu tuer les gens. Aux uns il a coupé les bras, aux autres les jambes et il en a tué beaucoup. Il a placé des sentinelles et des chefs et il est allé en amont. A la descente, il a encore accosté, et il a dit: "Ne fuyez pas, venez tous écouter". Nous sommes tous venus. Il a pris Bakeke, l'a placé devant tous les hommes, et il lui a dit: "Vous êtes mon grand chef et je viens imposer le caoutchouc à vos gens. Quand le caoutchouc n'est pas suffisant je les tuerai, mais quand je les tue, ne fuyez pas, vous. Je ne vous tuerai absolument pas. Venez avec un rasoir, nous allons faire un pacte de sang". Et il a pris un rasoir, il se sont fait une incision et ils ont bu mutuellement du sang. C'était comme un contrat.
Le Blanc qui a fondé le poste d'Ikenge est Molo. Il nous a imposé du copal, des tuiles végétales et du poisson. Celui qui ne donnait pas satisfaction était tué Quant à 1'Anglais et Elumbu, ce n'était pas deux hommes mais un seul. Nous l'appelions autrefois Elumbu, mais maintenant nous savons que c'était l'Anglais. Après, à l'arrivée des Pères et des Protestants, nos misères étaient finies. Le pays était devenu très bien (1).
NOTE
1.Remarquez la contradiction avec la version du même auteur dans 407a
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ISENGA MOKE
423/79-80
François ETAKA, catéchiste à Isonga Moke au moment du récit.

RESUME: Débarquement de Ikoka, et aussitôt tuerie. Caoutchouc et institution des chefs à qui on payait mitako et étoffes. Exactions des sentinelles. Ensuite la SAB.

TEXTE

L'ARRIVEE DES BLANCS ET LA RECOLTE DU CAOUTCOUC
Au début le premier Blanc était Ikoka. Il voyageait en bateau. Il vit des gens au marché et accosta. Il tua cinq hommes et en coupa aussi cinq mains. Six cadavres, six mains droites coupées. Ikoka n'imposa pas de caoutchouc. Puis le Blanc Ntange vint imposer le caoutchouc aux vieux du village. Il choisit des chefs de villages: à Bongale, Belola, le premier chef; à Ikenge, Ikolongo, chef aussi. A Bolima, Bompuku; à Isenga Monene, Bakeke; à Longa, Is'Eyele. Il conclut un pacte de sang avec eux. Puis il leur laissa des soldats pour surveiller le caoutchouc. Si un homme n'allait pas au caoutchouc en forêt et que les soldats le surprenaient au village, ils le tuèrent. Si le panier n'était pas rempli de caoutchouc, ils tuaient l'homme et lui coupaient la main. Si un soldat coupait une main gauche, on le tuait. Uniquement la main droite. Ces mains, les soldats les boucanaient, et le jour qu'ils allaient livrer le caoutchouc, ils allaient compter le nombre de mains des hommes tués devant le Blanc.
Le paiement donné par le Blanc aux indigènes, les soldats le prenaient et ne le donnaient pas aux récolteurs. Ils détournaient le paiement destiné aux gens qui récoltaient le caoutchouc. Uniquement aux chefs ils donnaient un peu de mitako et d'étoffes car en ce temps il n'y avait pas d'argent, seulement des mitako et des étoffes. C'était un temps de malheur extrême. Si vous aviez alors une belle femme, les soldats vous la prenaient. Si vous refusiez, les soldats vous tuaient, vous le mari. Si vous aviez une bête et si les soldats la trouvaient, ils venaient chez vous, tuaient parce que vous ne leur aviez pas donné la viande. Quand ils trouvaient une pelure de banane dans votre main ils vous tuaient. Quand ils trouvaient les restes d'un grand poisson dans la maison ils vous tuaient. À cette époque les soldats expédiaient leur butin à leurs familles.
Les premiers Blancs qui venaient dans notre pays à cette époque étaient Ikoka, Wilima et Molo. Ce dernier alla fonder un poste au-delà de Boteka, à Bolondo. C'étaient les premiers Blancs dans notre pays. Et parmi les Blancs en chef, le premier que nous vîmes fut Bokukulu, Esabe. Nous appelions ces Blancs d'abord bambulumbulu. Tel est commencement de notre pays.
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LONGA
409/34-36
Joseph ILANGA, Premier Sergent Major de la Force Publique, ancienne sentinelle de Ntange.

RESUME: L'auteur précise que Stanley est le premier Blanc venu. A été suivi par Wefa, Ikelenge et Isofa. Ils achètent un terrain et fondent un poste (l'auteur ne précise pas où). Corvées. Ikoka arrive et est succédé par Ntange, Wilima et Ikomakoma. Ayant vu à Wangata des gens jouer avec une balle en caoutchouc, ces Blancs obligent les Wangata à fabriquer des boules de caoutchouc et les envoient en Europe. De là, on exige la récolte du caoutchouc moyennant étoffes, mitako, sel et savons. Itumbambilo fonde Bongili. Le talisman Ikakota rendent invulnérable l'utilisateur indigène aux balles des sentinelles.

TEXTE

HISTOIRE DE L'ARRIVEE DU BLANC ET DU CAOUTCHOUC
L'arrivée des Blancs s'est déroulée comme suit: D'abord Mr Stanley est venu; il est arrivé avec une baleinière à pagaies. Après lui, trois autres: Wefa, Ikelenge et Isofa; ils ont trouvé Bongese wa Is'e'Ifale, Is'Ompwe, Ejim'Osoo et Ejimo Lokalango; ils ont payé pour le terrain et ils ont commencé à construire le poste.
Wangata, Ifeko et Ikengo devaient apporter du manioc et du poisson, aussi Boloki, et ils payèrent avec des mitako et du sel. Puis un Blanc nommé Ikoka, et d'autres Blancs, arrivèrent à bord de son bateau.. Il remonta nos rivières, Tshuapa et Momboyo et s'installa à Wangata. Il fut succédé par Ntange, Wilima et Ikomakoma. Ils ont vu jouer les gens de Wangata avec une balle en caoutchouc. Puis ils leur ont demandé de faire deux boules en caoutchouc. Ils l'on fait, et eux les ont envoyées en Europe. La réponse est venue d'Europe et ils ont rassemblé les gens de Ikenge, Wangata, Ifeko et Bonsole: "Faites du caoutchouc". Ifeko l'a fait, ainsi que Boyeka, Lolifa et tous les villages des Wangata. Ils l'ont apporté et il les a payés avec des mitako, des étoffes, du sel et du savon. Il nous a pris sur le bateau pour fonder le poste de Bolondo. Il y a laissé le Blanc Molo et Iboto. Et Molo a imposé le caoutchouc aux Wangata, Bongili et Bonkoso. Puis il a pris un autre Blanc, nommé Itumbambilo, et il a fondé le poste de Bofiji. C'était le temps de la première guerre.
Ntange nous a divisés, il nous a donné Kanja comme chef des soldats. Il m'a pris et m'a donné 40 soldats pour aller nous fixer dans les Lifumba. J'ai placé deux sentinelles dans chaque village pour surveiller le caoutchouc. Enyala devait habiter à Longa avec ses soldats. Et il a placé deux soldats-sentinelles dans chaque village pour surveiller le caoutchouc. On tuait chacun qui n'en apportait pas assez.
Kindo était Zanzibarite. Il était mon chef et de tous les soldats. Ils devaient habiter Nkombo.
Pendant que nous laissions du caoutchouc, un nommé Lokolonganya vint avec son talisman Ikakota. Il était originaire d'Ikoko. Il avait pris le talisman chez Mpets'Elombo par colère parce que les Blancs l'avaient emprisonné.
Ntange est parti alors et Wilima lui a succédé comme chef. Lokolonganya s'est battu avec les sentinelles. Il a tué beaucoup d'hommes. Il enlevait les fusils. Quand les Ekonda de Lonyanyange apprirent que Lokololonganya avait tué beaucoup de soldats à cause de son talisman Ikokota, un patriarche nommé Ilongantuku alla s'initier à l'Ikokota. Lui aussi vint se battre, et il tua des sentinelles, depuis Bonkoso, Bongili, Bomwanja, Bakaala et Bongale. La guerre des indigènes était une extermination. Puis les Lifumba aussi prirent ce talisman et vinrent se battre contre moi et mes soldats. Ils m'ont blessé de sep flèches, mes soldats n'ont pas été tués. Et j'ai tué beaucoup de gens.
Puis ils m'ont mis comme sentinelle à Bokele.
Wilima a pris alors une grande armée et est venu tuer énormément d'indigènes à cause du meurtre de ses soldats et il est allé fonder un nouveau poste à Mbala. Puis Mr Abaki est venu fonder le poste d'Ikenge et Mr Is'e'Iwanga nous a pris pour aller fonder le poste de Bokatola, et les Nkundo devaient faire du caoutchouc.
Wilima est parti et Paul lui a succédé. Après lui Lomame; après Lomame Bongonjo est arrivé. Bongonjo est parti et Mr Bromicht que nous appelons Sokela arrive. A ce moment la guerre s'est apaisée et l'impôt en caoutchouc aussi. On ne tue plus quelqu'un sauf si un village n'a pas apporté du caoutchouc. Pour moi, mon temps de service est fini et je viens chez moi à Longa.
C'est ainsi que les Blancs sont arrivés au début.
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INGENDE
403a/7-8
Paul IMPOTE (Agent T.P.P.)

RESUME: La SAB s'installe, ensuite l'Etat qui crée des postes: d'abord à Bolondo, et enfin à Ingende.

TEXTE

LA VENUE DES BLANCS DANS NOTRE PAYS DU TERRITOIRE D'INGENDE
Les premiers furent des commerçants blancs qu'ils appelèrent Bokukulu et qu'ils appellent maintenant S.A.B. On pensait qu'ils étaient venus faire la guerre. Mais ils ne cherchaient pas de palabres. Mais quand nos pères les ont provoqués, ils se battèrent, selon l'adage: bofeja w'oswela batakotaola
Ils passaient régulièrement chez-nous sur la rivière. Ce sont surtout les Riverains qui se battaient avec lui. S'agissait-il des Nkundo, c'étaient uniquement ceux proches des Riverains.
Ses postes étaient en amont de chez nous: Ifulu Bombimba et Bonsela de Lokumo.
Après eux d'autres vinrent accoster. Ils se battèrent aussi avec eux. Il dit: je ne viens pas faire la guerre, cessez de me combattre, je demande du caoutchouc, cherchez-moi du caoutchouc et je vous l'achèterai". Cela après les combats avec des morte des deux côtés. Quand la guerre se fit trop cruelle, nos pères vinrent faire la paix (c'est à dire ils demandèrent pardon, ils ne voulaient plus se battre). Alors les Blancs leur imposèrent cette corvée du caoutchouc. Et ils acceptèrent. Ils allèrent en forêt chercher du caoutchouc.
Quand ils revinrent avec ce caoutchouc, il leur donne de l'argent. Mais ils ne voulurent pas d'argent. Puis il paye avec des mitako et des étoffes. Les étoffes de cette époque étaient l'indigo, drill blanc et l'étoffe rouge.
Ils voulaient bien être payée, mais les soldats recevaient la paie et prenaient tout. Ils donnaient une seule brosse au chef ou capita et gardaient tout le reste. Les indigènes n'en disaient rien. Ils avaient peur car ils vous tuaient s'ils savaient que vous aviez réclamé. Ainsi ils faisaient ce travail du caoutchouc uniquement pour ne pas être tuée, mais seuls les soldats étaient payés.
Notre premier poste était Bolondo. Après sa suppression, ils sont allés à Ikenge. Après Ikenge le poste fut à Bokatola. Après Bokaole à Ingende, parce qu'ils constatèrent qu'Ingende st au confluent de la Momboyo et de la Tshuapa. Jusqu'à présent il est à Ingende. C'est fini.

NOTE
1. Littéralement,: "Refus de lutte seulement quand on ne t'a pas attaqué". En d'autres termes: "On aime la paix et la tranquillité. Mais si l'on est attaqué il faut bien se défendre". Cf. G. Hulstaert, Proverbes Mongo, Tervuren, 1958, p.91, n°282.
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INGENDE 403b/912
Peul IMPOTE, Commis T.P.P.

RESUME: L'influence des protestants sur le langage de leurs adeptes. Puis vient la SAB qui est pacifique jusqu'au jour où ses agents sont provoquée par les villageois. L'Etat s'installe et impose caoutchouc et corvée.

TEXTE

LA VENUE DES BLANCS DANS NOTRE PAYS DU TERRITOIRE D'INGENDE
Les premiers Blancs qui arrivèrent chez nous furent les Anglais. Leur tache était la doctrine divine. Ils habitèrent d'abord à Grand Longa (Longa Ekonde), mais leur poste véritable était Bolenge. A cette époque, quand quelqu'un parlait trop longtemps, on disait de lui: cet homme est un protestent de Bolenge, car le premier poste des Anglais était Bolet. Là entre S.A.B. Wangata et Wendje (Secli). On se moquait de lui ainsi: êtes-vous un homme de Bolet ? Qu'avons nous à faire avec vous et la doctrine de Bolet? Parce qu'ils avaient remarqué que si un chrétien de Bolet se mettait à parler, c'était pour deux et même trois heures.
Après eux vint Bokukulu, appelé Esabe (S.A.B). Il venait pour le commerce. Il ne venait pas pour se battre, mais il passait par 1a rivière et habitait à Ifulu près de Lotumbe. Un autre poste à Bonsela de Lokumo et un autre à Bomputu. Un jour, aux villages d'Ilongo et Bokuma, deux hommes de même père et de même mère, nommés Bokongo et Mbeke se dirent: "Qui sont ces gens qui passent et repassent sur la rivière et capturent le poisson de nos clôtures de pêche ? Cette fois-ci nous allons les arrêter et les combattre. Ils montent à deux dans une pirogue et leur tirent des flèches. Ils disent: "Nous ne voulons pas de lutte, nous ne venons pas nous battre, nous venons pour le commerce". Mais ils ne les écoutent pas et continuent l'attaque. Bofeja w'Oswela mpe o ntakotaola !(1) Il leur tire une balle. Cette balle atteint l'aîné à la poitrine et traverse pour toucher le plus jeune. L'aîné meurt sur place; le puîné pagaie de toutes ses forces et atteint la rive où il meurt. La famille arrive et ne trouve que cadavres. Ils les retrouvent et voient la blessure de la balle. Petite à l'entrée, large à la sortie. Ils disent: "C'est la guerre des esprits. Une blessure qui est petite à l'entrée du corps et grande à la sortie". Les gongs sonnent, la guerre est déclarée. Il y eut des morts. Du côté des Nkundo le premier mort est Bokonji wa Ngola, de Boombaomwa, après Bokongo et Mbeka. Je ne connais pas le nom des morts du côté des Elinga. Ce faisant la guerre s'aggrave. Bokukulu rentre à Mbandaka en faire le rapport au responsable de la SAB qui habitait à Wangata. Le gouverneur de Province était Ikoka. Ikoka mobilisa des sentinelles armées sous le commandement de son adjoint Ntange. Il y affecta des sentinelles dans chaque village. A Ilongo, Bokuma, Ingende et Bakako, les sentinelles étaient. Babomi et Bonyengu. A Mpema; Lomboto. A Longa: Enyala et Nsinga. Enyala était originaire de Enyala-lez-Coq. Il avait caché son nom propre pour se présenter sous le nom de son village Enyala. C'est par exemple comme si moi Impote, originaire de Ikonji, en affection de service quelque part, je cachais mon nom pour me faire appeler par celui de mon village Ikonji. Le pseudonyme devenant habituel tel est le cas avec Enyala. A Isenga, c'était Njamba; à Ikenge: Bompondo et Bokele le caporal Kindo un Haousa.
La guerre continuait. Effectivement nos ancêtres avaient un talisman Ikakota. Ils devenaient invulnérables aux balles. Les soldats étaient exterminés. On continuait à se battre et comme nos ancêtres étaient plus puissants les soldats-sentinelles affectés dans les stations dés Blancs étaient tués. Devant cette avancée des villageois le Blanc Molo ainsi que les survivants de sa troupe se replièrent à Mbandaka. Après son rapport, un renfort fut envoyé avec des soldats sans nombre.
A ce temps où ils sont restés, les ancêtres enfreignent les interdits du talisman Ikakota qui les rendait invulnérables aux balles. Ils pensaient que la guerre avait pris fin. Les Blancs les surprenèrent sans qu'ils ne sachent quoi faire. Le talisman avait comme interdit: pas de relations sexuelles. Mais lorsque Molo est allé prendre le renfort à Coq, les villageois restés commencèrent à s'unir avec dés femme si et le talisman perdit de son efficacité. D'où ce proverbe bien connu: "Bote l'osise, ndeki nko bosise"(2).
À son arrivée à Mbandaka, Ikoka leur chef désigna Wilima pour commander d'autres soldats réquisitionnés pour la guerre chez nous. Et la guerre reprit. Et comme les hommes du Blanc étaient plus forts que les ancêtres qui n'avaient plus ni abris ni nourriture, ils décidèrent de conclure la paix. Ceux qui, les premiers, avaient conclu cet accord sont: Bola-Loso et Bongele à Ingende, Bonyonu à Boombaomwa, Banyomola à Buya, Bolankombe à Ikonji, Wanja à Ilambasa, Iyeli ya Mbole à Mbonje. Puis les gens sortirent de la forêt et le Blanc leur dit: "Moi, je ne veux pas la guerre, je veux le commerce. Alors allez me chercher du caoutchouc. Même si c'est en petite quantité, pas de problèmes, venez je vais l'acheter". A ce temps, il alla fonder un poste à Ikenge. Il avait accosté à Bolima, Bokenda, Boombe, Elanga, Batsina, Bolet, Bokakya, Boal'a Ngombe, Bowele, Boulema et Bokatola.
À ce temps Molo retourna à Ikenge. Quand le poste de Bokatola grandit, il alla à Bokatola. Alors le travail du caoutchouc faisait rage: s'il manquait quelque chose au caoutchouc de votre village au marché, un homme était tué. Extermination. Des étoffes et des mitako payée par leBlanc pour le caoutchouc, les récolteurs eux mêmes ne recevaient rien. Les sentinelles prenaient tout et l'expédiaient chez eux. Personne n'osait parler par peur de la mort. A la moindre question ils vous tuaient. Aussi on récoltait pour rien, uniquement pour ne pas être tue.
Le premier Blanc venu chez nous était Molo. Après Molo, Iboto, puis de nouveau Molo qui revint. Ces deux nous ne sont pas les vôtres, mais des surnoms donnée par nos gens.
Quant au paiement, les Blancs voulaient payer avec de l'argent. Mais nos pères ne voulaient pas d'argent. Ils disaient: "nous ne voulons que notre argent, dés mitako". Les Blancs consentirent. Ils payèrent alors en étoffes: mpili, bankee et mbenja.
La première sentinelle à Bokatola fut Papapa. Longtemps après la fondation du poste de Bokatola, un Blanc nommé Itumbambilo conclut qu'Ingende sur le confluent de la Tshuapa et de la Momboyo convenait pour un territoire, Bokatola. étant trop éloigné de la rivière. Aussi il commença le poste d'Ingende. Mais notre premier territoire était à Bokatola.
Voici les premiers Blancs dans notre contrée: Molo, Iboto, Is'e'Iwange, Bajunu, Polo. À Mbandaka étaient alors : Ikoka, Ntange, Wilima. Ntange partit pour Nouvelle Anvers. A Mbandaka restèrent Ikoka et Wilima, ainsi que leurs aides blancs, qui allèrent faire la guerre et les travaux. Si un de ces aides n'y suffit pas, un d'eux y alla, comme Wilima vint finir la guerre chez nous.

NOTES
1. Voir noté texte précédent (403a)
2. Littéralement: le talisman, et son interdit; le plus important c'est l'interdit(le respect de l'interdit rend un talisman efficace).
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INGENDE
445/122-123
Louis BONGWENDE, capita à bois Ingende

RFSUME: L'arrivée d'un Blanc est rapportée par ceux qui ont été au marché chez les Boloki. Puis un bateau de la SAB passa, avec un Blanc à bord qui tire sur 2 villageois qui demandaient des marchandises à acheter. Un mourut sur le coup et un autre peu après. D'autres Blancs vinrent encore tuer les gens. Les gens se réfugièrent dans la forêt. caoutchouc et sentinelles. Ikakota.

TEXTE

CONCOURS SUR LES RECITS DIARRIVEE DES BLANCS ET DE LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Quand nous habitions entre nous, on ne connaissait pas le Blanc. Mais lorsque nos gens partis au marché chez les Boloki en étaient revenus, nous apprenions d'eux que certaines personnes appelées albinos, ou Basomanyi ou Ecailles, étaient en train de venir. Soudain, nos ancêtres virent sous leur ciel une étoile briller fortement, comme sous une forêt entre deux villages. Mais ils étaient restés sans connaître la signification de ces signes '
Ensuite ils virent voguer un bateau qui est passé trois fois sans s'arrêter malgré leur demande de commercer. Ce qui passait là c'est la SAB. Les villageois se sont amassée au beach pour les contempler, mais deux d'entre eux, Bokongo et Mbeka, allaient les rejoindre par pirogue pour demander ce qu'ils vendaient. Le Blanc se résolut de tirer un coup de feu. Un des pagayeurs mourut sur place. L'autre rentra et mourut à peine arrivé au quai.
La SAB remonte là rivière. Le Blanc qui était à bord fut Ikoka. Descendant la rivière, il rencontra les Ingende au marché. Il les combattit et tue beaucoup de gens. Puis il rentre à Mbandaka. Les survivants se réfugièrent dans la forêt. Après cet incident arrivent 3 Blancs: Ntange, Molo et Iboto. Ils sont allés s'installer à Bolondo. Et Ntange revînt tuer les gens. De rares survivants se réfugièrent de nouveau dans la forêt. Il y affecte deux sentinelles: Babomi et Benyongu. Puis les sentinelles invitèrent des gens pour signer un pacte d'amitié.
Les gens sortirent de la forêt et les sentinelles leur ordonnèrent le caoutchouc. Ce qu'ils acceptèrent. Mais ils en sont morts et dans la forêt et à cause du Blanc. Si le caoutchouc n'est pas assez fourni, on est tué ou on a des mains coupées, qu'on envoie chez les Blancs à Belondo. À ceux qui en fournissent assez, on donne perles et bracelets.
Là-dessus, les Nkundo des chefferies Bongili et Bombwanja sont allés se procurer un talisman l'Ikakota. Ils se sont alors battue avec les fusiliers. Voyant que les villageois étaient devenues invulnérables, les fusiliers et les sentinelles se réfugièrent de l'autre côté de la rivière. Ils allaient en faire rapport aux Blancs à Bolondo. Les Blancs entrèrent alors dans la guerre. ils ont beau tirer des coups de feu, les gens étaient tous dans la forêt. Ntange résidait à Mbandaka, il envoya 2 Blancs: Bajunu et Bonginda. L'un par l'eau, l'autre par la terre pour faire sortir les fugitifs de leurs retranchements. Les gens en étaient sortis et on leur imposa la fourniture du copal, des pointes d'ivoire et du poisson. Et ainsi va la vie jusqu'à présent. Tout cela nous l'apprenons par ouï dire. Peut-être que cela était ainsi.
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INGENDE
500/231-232
Joseph MBILE, moniteur

RESUME: La SAB est attaquée par les indigènes. Le Blanc Ikoka va demander le renfort chez les Blancs de 1*Etat. Ntange installe des sentinelles. Caoutchouc et corvées.

TEXTE

LA VENUE DES BLANCS DANS NOTRE PAYS
Un jour nous entendons comme la tonnerre kilili et des étoiles brillantes. Une semaine après nous voyons arriver une embarcation. Les gens s'étonnent: qu'est-ce que cela? Deux frères prennent des flèches et tirent. Les gens du bateau crient. Non, non, je viens trafiquer, je viens trafiquer. C'est le Blanc Ikoki. Les gens l'attaquent. Ikoki et ses hommes prennent le premier fusil, tirent et tuent le plus jeune, Mbeka; l'aîné, Bokengo survit. Puis le bateau tourne et redescend. Le Blanc Ikoki va le raconter au second Blanc, Ntange, et au troisième Molo: "Je n'ai pu monter, ils m'ont combattu. J'en ai tué un avec le fusil".
Les Blancs Ntange et Molo sont arrivés et ont attaqué les gens sans demander quoi. Extermination. Les gens ont fui en forêt. Là-dessus le Blanc Ntange a laissé le Blanc Molo à Bolondo. Il a pris des sentinelles et en place un à Botoka, un à Longa, un à Ifoma, un à Mpama, un à Ingende et un à l'autre Longa. Il leur dit: Vous autres, vous devez rester dans ces villages, vous devez faire rentrer les gens de la forêt et puis leur faire faire du caoutchouc.
Puis le Blanc Ntange part, le Blanc Wilima lui succède. Au départ de Wilima, le commissaire Paul succède. C'est ce Blanc qui arrive avec une fanfare qui joue toujours. Il commence 1e travail du copal. Au départ du commissaire Paul il est succédé par le commissaire Bongonjo, qui vient avec sa femme. Après le commissaire Bongonjo arrive le commissaire Sokela. Celui-ci commence le travail des noix palmistes, des fruits batofe et du copal. Au départ du Blanc de Bolondo, Molo, le Blanc Ekumankunja lui succède, après lui le Blanc Bajunu; après lui le Blanc Bosenja. Au départ de Bosanja le Blanc Amba arrive. Au départ de ce dernier, c'est Is'e' Imbole. C'est sont là les premiers blancs de notre pays.
LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Au début quand le Blanc Ntange place les sentinelles, il leur,dit: "Allez les faire sortir de la forêt qu'ils fassent du caoutchouc". Les gens sortent et commencent à faire du caoutchouc. Puis ils le portent au marché chez le Blanc. Celui qui est trouvé en défaut c'est-à-dire celui dont le caoutchouc se brise quand on l'étire, ils leur coupent la main droite.
Voici le nom des lianes à caoutchouc : bondonka et bombuté. Pour le préparer on prend du bosanga, que l'on cuit avec le caoutchouc ainsi il coagule et devient élastique. Ou bien on mélange du bongee et-du bondongo, et on y ajoute du bosanga pour le coaguler. On peut aussi cuire le bombute seul.
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INGENDE
639/299
Bertin WETSI, moniteur.

RESUME: Après résistance, les Noirs se soumettent devant la force de la poudre des Blancs. Les Noirs admirent une femme européenne, Mme Bonjolo, qu'ils voient pour la première fois.

TEXTE

ARRIVEE DES BLANCS AU CONGO
Le Blanc qui est arrivé le premier, c'est Ikoka. C'est un Blanc de la Compagnie (1). Lorsqu'un village le combat, il avertit le premier Commissaire qui était Ntange. Celui-ci prend des soldats et va attaquer ce village. Et Wilima vint remplacer Ntange.
Ayant remarqué qu'ils ne peuvent pas supporter la guerre contre les Blancs, les Noirs sont sortis signer l'armistice. Le Commissaire Ntange imposa le caoutchouc aux indigènes. C'est lui et Wilima qui avaient imposé le caoutchouc aux Noirs.
Le Commissaire Paul remplaça Wilima. Il instaura le travail des noix palmistes et du copal. Le Commissaire Bonjolo était arrivé avec sa femme. C'est. la première fois que les Noirs ont vu une européenne. De chaque village, on venait admirer cette femme européenne. C'est lui qui avait remplacé le Commissaire Paul. Sokele vint remplacer Bonjolo. C'est lui qui draina les Belges. Il dit: Maintenant, il n'y aura plus de troubles. Si deux personnes se battent, qu'ils viennent se plaindre. Les Pères viendront enseigner les choses de Dieu et les choses des papiers" (2). Le Commissaire qui avait importé des Belges, c'est Sokele.

NOTES
1. Pourtant, Ikoka, Charles Lemaire, était un Blanc de l'Etat.
2. "Enseigner les choses des papiers" signifie: apprendre à lire et à écrire
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NKOMBO (BOKUMA)
432/92-96
Paul BOFUMBO, originaire de Bokakya. A.T. Kindt, à Nkombo sur la Ruki

RESUME: Un missionnaire protestant d'origine anglaise est suivi d'un Blanc de la SAB à qui on jette des pierres. Ikoka arrive avec ses soldats et tue 4 personnes. Boweya imposa le caoutchouc. Les Noirs utilisaient un fétiche Ikakota pour charmer les Blancs. En vain. Détermination sans précédent.

TEXTE

HISTOIRE DE L'ARRIVEE DES BLANCS ET DU TEMPS DU CAOUTCHOUC
Tout au début nous vivions très heureux, sans penser à rien et nous vivions comme nous voulions. Nous avions nos jeux et danses de toutes sortes. Et nous vivions en paix avec nos voisins. Nos disputes concernaient les femmes et les injures faites par des voisins en colère. Mais ces disputes ne duraient pas plus d'une ou deux semaines. Car les patriarches arrêtaient ces disputes entre villages et groupements. Mais pendant que nos patriarches goûtaient ainsi la bonté de la vie et des jeux, la nouvelle tomba: "la guerre des esprits arrive !" Elle était arrivée à Eyala. Ils étaient blancs comme les jeunes feuilles de bananier; ils n'avaient ni orteils ni talons. C'étaient vous, les Blancs. Ils apprirent qu'un Anglais avait passé par la rivière, parlant de Dieu. Puis ils apprirent qu'après lui un autre Blanc, nommé Bokukulu, était arrivé par la rivière. Et les riverains lui avaient jeté des pierres et des noix palmistes. Il était parti, nous ne savons où.
Et voici que le village de Boyela, qui est près de Longa, vint appeler mon village de Bokakya pour aller danser à Boyela. Le troisième jour qu'ils étaient là ils virent le premier Blanc, Ikoka, arriver avec son armée à Boyela. Dès son arrivée, mon village s'enfuit et revint à la maison sans même avertir leurs hôtes. Après avoir tué des gens de tous les côtés, ce premier Blanc Ikoka arriva chez nous et tua d'abord quatre hommes: Bolemba w'Etoko, Longulu, Efembe Bakosulu et un Botswa Mbande. Les patriarches se demandaient: "Que faire ! Nous n'avons jamais pensé à des choses pareilles; la guerre des esprits vient nous tuer, que faire"? Et ils s'enfuirent partout dans la forêt. Ils n'avaient pas de refuge ni de nourriture.
Le Blanc retourna et dit: "vous partez le matin, nous vous retrouverons le soir". Il avait peut-être tué les gens à cause des pierres jetées sur le Blanc Bokukulu lorsqu'il vint pour acheter, ou bien commençait-il à dompter les gens pour s'emparer du pays. C'était un Blanc de la S.A.B.
Ikoka partit, mais Boweya vint et ordonna de faire de caoutchouc en petits paquets. Après la fuite, ils firent la paix. Et ils acceptèrent le travail du caoutchouc. Quand ils avaient fait du caoutchouc, ils l'apportèrent pour la pesée. Mais l'homme qui n'en avait pas assez, ils le tuèrent et lui coupèrent la main. Le caoutchouc et les mains étaient fumés ensembles.
Moururent ainsi dans notre village à cause de la paresse: 1. Lokwa Ikolo, 2.Bolokwa Lokanga, 3. Iyembe, 4. Ilonga, 5. Ifambe Loosamela, 6. Boliko, 7. Byambe Yolonkoi, 8. Imbomba.
On donnait le caoutchouc au Blanc Boweya qui l'envoyait par ses hommes chez Ntangé à Enyala. Boweya part, mais arrive et fait comme lui. Il fait comme Boweya avait fait. La seconde fois qu'il le faisait, Is'e'Iwange ordonna les paniers. Il payait avec des tissus, des perles, du sel. Pendant ce temps du caoutchouc, nos pères étaient fâchés parce qu'ils voyaient la misère et la mort à cause du caoutchouc insuffisants. Pendant ce travail du caoutchouc, des sentinelles étaient placées dans tous les villages, pour activer le travail et pour enlever des gens pour le travail de l'Etat.
Voici les sentinelles par villages: Kindo et Kanja à Nkombo rive, Enyala (1) à Bonguma, Bompende à.Bolima, Bokoko et Iketa à Mbeke, Boteleka à Bokenyola, Bontolu à Ifambu, Ingonde et Mpingoa à Wafe, Mbuyekambi à Bongale de Botolo, Bomolo et Eala (1) chez nous, Mbuamanga à Boal'a Ngombe, Eale à Bokatola, Ilanga de Longa à Lifumba.
C'étaient des gens qui étaient soumis à l'aval et qui avaient pris le travail de sentinelles (fusils). Ils faisaient le travail de surveiller les gens au travail du caoutchouc. Ils tuaient ceux qui n'en avaient pas assez. Ils payaient alors: du sel, des tissus et des perles, pour ceux qui apportaient assez de caoutchouc. Is'e'Iwanga va à Bokatola voir les sentinelles et s'y installa. Il devint le poste principal.
Is'e'Iwanga s'en va et deux Blancs, Bajunu et Molo arrivent, et imposent aussi du caoutchouc par paniers. Il y eut encore une vraie extermination. Des hommes, par peur de la guerre et de la mort essayaient de rester en forêt. Mais ils ne pouvaient le supporter que deux ou quatre mois. Puis ils sortaient et se joignaient aux autres pour le travail du caoutchouc.
Pendant qu'ils habitaient Bokatola, Molo et Bajunu continuaient à faire la guerre aux gens et à tuer, et les indigènes prirent 1'Ikakota. Ils se battirent contre ces deux et leurs fusils. Jusqu'à ce que ces deux durent s'enfuir à travers la forêt, après s'être battus contre Boulama, Bowele. et Boala et après avoir été battue, parce que Ikakota était très fort. Car les balles ne traversaient plus la peau, mais s'aplatissaient. Et ils passèrent Bokakya et Bolet à travers la forêt. Ils connurent ce chemin par un boy qui travaillait chez eux, un homme de Bolet, près de chez nous, nommé Lokututu. Il connaissait cette forêt parce que c'était la sienne. Ainsi ils ne se battirent plus contre notre village. Bolet et Wafe venaient régulièrement au marché.
Pendant que nos pères avaient l'Ikakota, même s'ils étaient touchés par les balles, celles-ci ne les blessaient pas.
Mais par l'endurance, les Blancs ont vaincu nos pères et les dominèrent jusqu'à maintenant, parce que nos pères ont enfreint les tabous d'Ikakota de ne pas coucher avec les femmes, ils ont eu le désir de coucher avec des femmes et le médicament a perdu sa force.
Après le départ de Molo et Bajunu, Njongonjongo est venu et leur fait aussi la guerre et il fait comme les autres. Tous ceux qui sont arrivés après Is'e'Iwange se sont fixés à Bokatola pour rayonner de là dans tous nos villages. Njongonjongo n'est pas resté longtemps. Mais Ntange et Wilima étaient les premiers chefs. Ils habitaient Eyala; ils sont venus y placer aussi le Blanc Amba qui opprimait aussi le pays. Aussi Ekume, qui l'a trouvé à Bokatola. A son arrivée Ekuma a fait beaucoup de tapages, jusqu'à brûler les habits de nos femmes et leurs ceintures.
Je peux donner aussi l'histoire de Bokatola parce que nous formons avec eux une seule agglomération, différente seulement de nom.
Voici les Blancs qui ont été avec nous au commencement : Ikoka, Boweya, Is'e'Iwange, Molo, Bajunu, Njongonjongo, Amba. Ekuma s'est suicidé à Bokatola où il est enterré. Ils avaient des noms européens mais nous connaissons leurs noms de chez nous. D'autres Blancs sont venus après eux, mais beaucoup ne sont pas venus chez nous.
Plus tard, le Blanc Nkai, Mr. Pien est venu imposer le caoutchouc de 1940. Il n'a pas duré, nos pères le redoutaient trop, ils croyaient que les Blancs allaient recommencer les tueries d'antan. Ils étaient trop tristes parce qu'il avaient été exterminés par les fusils.
Les Blancs qui ont arrêté les premières tueries sont: Bongetola, Ikawakwa. Ils ont donné l'ordre de cesser toute tuerie. Ce sont les récits des patriarches de notre village Bokyakya.
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ETOONTALE
608/244
Gabriel ITOKO, moniteur

RESUME: D'abord un émissaire noir arrive et les Noirs le combattent. Viennent ensuite deux Blancs. Caoutchouc et oppression.

TEXTE

ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Nous vaquions à nos occupations lorsque nous apprenions que la guerre avait commencé à partir de l'aval. Peu de temps après, on voyait un premier émissaire venu de l'aval lequel s'appelait Enyala. Il avait des gens à son service. Nous lui avons livré un combat. Et les gens étaient décimés. C'est un souvenir auquel on n'y revient plus. Après son retour, nous apprenions l'accostage des hommes à la peau claire. Ils s'appelaient Nteedele et Bondele. Le premier poste était à Ikenge. Peu après le Blanc Ekuma alla au deuxième poste à Bokatola. Avec son arrivée, nous commençons le caoutchouc, dans nôtre contrée. Nous récoltions le caoutchouc pendant 6 jours. Le 7è jour nous devrions l'apporter au marché. Si la récolte est jugée insuffisante chez vous, on vous tue ou vous coupe la main droite. C'est un souvenir amer. Nous avons récolté le caoutchouc trois fois: la première fois en forme de noix de palme envoyé à Bokatola; la deuxième fois, le caoutchouc. C'était envoyé à Ikenge, puis à Bosaa où le Blanc résidait désormais; la troisième fois est celle au cours de laquelle on vendait aux Blancs des Compagnies suivant le poids. Les lianes à latex qu'on utilisait sont bondongo (Olitandra cymulosa) rencontrée dans la forêt; bombute. rencontrée dans la forêt et dans des marécages; bonkele (Dalbergia isangiensis De Wild) rencontrée dans des palmeraies abandonnées; bongee, rencontrée dans la foret et dans les marécages.
Chers amis, si nous allons dans la forêt ou dans les marécages, et si nous rencontrons telle liane, ne la détruisons pas en la coupant. Elle est comme un homme qui vous sauve de la mort.
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MBOMBE ENGENDE-EKONDA
609/245-250
Jean BOLAMPUNGA, moniteur.

RESUME : Les guerres intestines précèdent l'arrivée des Blancs. Elles sont occasionnées par divers motifs : rapt d'une femme mariée, etc. Les sentinelles-fusiliers étaient recrutées dans les villages Nkundo, mais étaient basées à Bokatola. Ils tuaient hommes, femmes, enfants, Botswa ou Nkundo, avec mutilation de cadavres pour justifier la perte de cartouches chez les Blancs. Ikakota. Les Batswa signent un accord de paix moyennant le caoutchouc. Et un vrai Blanc arriva. Fin du caoutchouc. Un ordre nouveau.

TEXTE

ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
La guerre contre les autochtones n'était pas provoquée que par les Blancs. Longtemps avant, nos ancêtres vivaient dans leur égarement dans notre contrée des Ekonda. Il est vague de parler des Ekonda. Il ne manque pas de village important comme Mbombe Engende. Jadis nos ancêtres ne connaissaient pas de Blancs. Ils vivaient entre eux mêmes. Ils mangeaient et s'habillaient de leurs propres manières. Ils s'habillaient entre autres d'étoffes de raphia, de haillons de peaux de bêtes. Ces vêtements étaient cousus de raphia par une machine appropriée appelée bosako. Pour installer la bosako, on fixe deux arbres l'un en face de l'autre. On relie ces deux arbres ayant chacun un crochet, au moyen de cordes. On fait entrer les fibres d'un côté et on les fait sortir d'un autre. Et c'est comme cela que se fait le tissage.
Concernant les guerres, ils ne se battaient qu'entre eux. En voici les causes : une femme qui est prise de force par un autre homme alors qu'elle est déjà mariée. Alors on va le massacrer. D 'abord le mari va chez le père et la mère de sa femme réclamer: "Donnez-moi ma femme". Ils répondent : "Votre femme a convolé". Il rétorque: Que voulez-vous que je fasse "? Eux d'ajouter: "Vous êtes un mâle, faîtes ce que vous voulez". Le gendre prend congé d'eux et rentre chez lui. A son village, il appelle son père et s'adresse à lui en ces termes: "Moi, votre fils, voici que la femme pour laquelle vous avez versé la dot, m'a été ravie par un ami. Que ferai-je? Et le père répond:"Si tu es vraiment un homme, vas dans ce village et tues quiconque tu croises. Et si on te tue, qu'on me tue moi aussi". Le fils met sa ceinture et s'enfonce dans la forêt. Il croise le notable de ce village et le blesse à mort à coup de flèche. Il coupe sa main gauche et rentre chez lui. Le père resté prêt à faire la guerre à tout moment, apprêté le nécessaire pour la guerre. L'enfant en revient et lui dit: "Papa, j'ai tué quelque, il est mort". Et le père de demander : "Où est donc la main de la victime ?" Et l'enfant la lui présente Et le père congratule l'enfant: "Mon fils, tu es vraiment un mâle". Il prend le tam-tam et annonce ceci: "Lance et bouclier renforcez-vous très fortement. Nous barbouillons la vase. Trop parler n'est pas bon kikikikiki"! Les mâles accourent, se rassemblent pour demander la cause de la communication : "Qui est mort" ? Et le père du garçon leur dit: "Mon fils avait épousé une femme, qui lui a été ravie par quelqu'un. Moi-même je me suis déshabillé, et j'ai ordonné mon fils à se rendre dans ce village et d'en tuer un habitant. Et il a effectivement tué quelqu'un. Regardez-en la main". Il prépara cette main que lé père consomme. Là dessus, on voyait leur petit-fils qui habitait ce village venir avec une jeune feuille de palmiers. Il dit: "demain matin vous allez vous battre avec les autres" Il leur donne ensuite le bâton qui leur avait été envoyé en signe de déclaration de guerre. Le lendemain, on se battait avec des flèches, des lances, des boucliers. Le tambour de guerre ndungu ou bonkenja excitait les belligérants, en même temps qu'ils les invitait à la modération. Si on tue ceux qui sont venus pour la guerre, ce n'est pas bien. Mais si on tue dans le groupe où la femme a été ravie c'est bien. Cela est un match nul. Mais si on tue encore dans le groupe du ravisseur, cela fait deux cadavres, alors il faut qu'on reprenne le combat.
Voici comment en enterre les victimes d'une pareille guerre. Le cadavre est tout entier enduit de cendres, et il est enseveli le même jour. Si on ne fait pas comme ça, on ne parviendra pas à faire des victimes dans le camp adverse. Si les victimes de la guerre n'appartiennent pas aux familles directement concernées par la guerre, aigre de part et d'autre des deux familles, on doit payer une indemnité de mort. On payait cette indemnité de la manière suivante: une botte de 50 flèches pour deux personnes mortes. Car jadis une personne coûtait 25 flèches. On s'échangeait aussi des esclaves.
Une femme ne traversait pas seule une forêt mitoyenne: elle risquait d'être tuée. A cette époque personne ne mourait des suites d'une maladie. Ceux qui en mouraient étaient rares. A la mort d'un grand chef, ses gendres viennent avec des personnes humaines devant être immolées comme des chèvres. Et l'on s'adresse au mort en ces termes: "Tu est mort, mais ton enfant que tu as laissé t'a fait tuer un homme, protège-le, emportes les maladies, donne nous une progéniture nombreuse donne-nous des vivres, dissipe les maladies". Puis on commence à dépecer la personne capturée à 1'occasion. On commence par couper raz la tête; on en dépèce le corps qu'on consomme par la suite. Pour clôturer le deuil du notable, sa parenté va dans la forêt capturer une personne humaine. On tue l'homme et on procède à la fête circonstancielle. A la mort du notable, on capture un homme, on brise jambes et bras, et on enterre le notable sur cet homme encore vivant et on se moque de lui en disant:"Le notable s'en va avec un berceur qui va le bercer".
Un jour a un village appelé Mbombe Engende, il arrive qu'on percevait des tam-tams résonner à partir du village Losofi, chez les Undo de la chefferie Bombwanja. Ils se levèrent et allèrent à Losofi. Ils demandaient: "Nous avons perçu les sons du tam-tam qui communiquaient: "Lance et bouclier, nous sommes de plus en plus forts. Que se passe-t-il" ? Les Losofi répondaient: "Ecoutez, le frère de la femme de Emama dans le village Lolimola, a tué un éléphant. Il a alors fait appel à sa sœur pour dépecer la bête". Le frère s'appelait Bongele. Il habitait Losenge. Et sa sœur s'en est allé. Là où la sœur était partie, le frère ne lui a donné qu'un tout petit peu de viande. La sœur protesta: "Sapristi! Bongele de ma mère, m'inviterais-tu à dépecer un éléphant pour que tu m'en donnes une toute petite quantité ! (Que dirai-je chez mon mari"? Et elle pleura. Elle quitta Bongele et retourna chez son mari à Lolimola. Elle dit à son mari: "Bongele m'a frappée"! Et Emama de s'indigner: "Le frère de ma femme appellerait-il ma femme qui vaquait à ses occupations sous prétexte de dépecer un éléphant, alors que c'était pour la tabasser" ! Lolimola s'en alla envahir Losenge pour la guerre. Lolimole et Losenge se battaient et se tuaient mutuellement. Les Losofi décidaient de prendre le parti pour Lolimola. Les Mbombe Engende, c'est-à-dire les Ekonda prenaient le parti pour les Losofi. La coalition Mbombe Engende-Losofi-Lolimola s'en alla en guerre contre Losenge. Pendant qu'ils se battaient avec les Losenge, ils croyaient que seules les flèches constituaient leurs armes de guerre. Tout-à-coup, une détonation résonnait. Ils voyaient 4 victimes gisant à terre. Ils voyaient aussi 4 personnes armées de fusils et habillées.
ARRIVEE DES FUSILIERS ET DES BLANCS
Ces gens sont venus faire la guerre. Et les autochtones ont pris fuite. Ils les pourchassaient en disant: "Arrêtez-les". Les autochtones percevaient cet ordre comme suit: "Herbes, arrêtez-les-moi"! Les fusiliers poursuivaient les Lolimola, les Losofi et les Mbombe. La troupe des fusiliers provenait des villages Undo parmi lesquels Losenge, Lolimola et Losofi. On déboucha à Mbombe, c'est à-dire à Ekonda. On avait tué beaucoup de gens à coup de fusils. Et le même jour, ils retournaient à Bokatola, leur poste d'attache.
Après leur passage, c'était terrifiant. Quelques autochtones disaient: "Depuis l'époque de nos ancêtres, nous nous n'avons jamais entendu pareil bruit. Comment une toute petite chose comme une branche d'arbre peut-elle émettre un bruit aussi fort que la foudre. Que ferons-nous ? Les gens sont décimés. Où passerons-nous ?
Le lendemain de leur retour à Bokatola, ces gens continuaient à Bongili via Losofi et atteignaient les villages Ekonda que voici: Mbunga, Loponde, Njale Njombo, Bolobola, Ibitale et Losenge jw'Ekonde. Dans ces villages ils tuaient sans distinction: hommes, femmes, enfants, les Undo et les Batswa. Tous passaient par les fusils. Ils mutilaient la main droite de tout cadavre. C'était un génocide. Puis ils retournaient à Mbombe Engende. Ils y créaient définitivement leur poste et y installaient différents articles. Ainsi se dispersèrent les Mbombe dans tous les villages. Dans les villages où se réfugiaient les Mbombe Engende, les villageois les tuaient. Ils disaient: "C'est vous qui avez provoqué la guerre avec les Undo, raison pour laquelle on est venu nous tuer. C'est pourquoi nous mourons à cause de vous". Cette guerre allait tuer des gens dans chaque village. On mutilait les mains droites des cadavres, puis on les expédiait à Bokatola où résidaient les Blancs, très blancs. Au début les Blancs, très blancs n'arrivaient pas à Ekonda. Ils n'envoyaient que des fusiliers, en fait leurs soldats. Cette guerre était appelée "Enyala". Ces soldats, on les appelait fusiliers. Ils pillaient poules et chèvres, kidnappaient des jeunes gens, des esclaves et-prenaient des femmes parmi des jeunes filles, qu'ils maltraitaient comme des esclaves. Que de mauvais traitements. Et les gens disparaissaient.
LA GUERRE ENTRE LES FUSILIERS ET LES AUTOCHTONES
Tous les autochtones tinrent conseil à Penjwa et décidèrent d'aller combattre les fusiliers. Les autochtones étaient. prémunis de leur talisman Ikakota qui, après avoir été préparé, était placé dans une corne d'antilope. Le talisman interdit de manger ce qui a été préparé par une femme, ni de boire de l'eau qu'elle a puisée. Ils sont partis nombreux à la guerre. La première personne portait la corne, la deuxième portait une flèche, et une autre un goupillon. Ces trois menaient les rangs. La troupe s'ébranla et ils chantaient : "Petite fumée de fétiche dans la corne, oh petite fumée tu es partie en promenade, tu dois rentrer au village, oh petite fumée, que nous avons malaxée et mise dans la corne, oh petite fumée! Apporte-moi un fusil que je l'y mette, apporte-moi le goupillon que je l'arrête, oh petite fumée"! Ils débouchaient sur Mbombe Engende. Ils se partagèrent les positions de combat: ici et là les vieux qui avaient des lances et les boucliers. Les jeunes et ceux qui tiennent la corne, sur le chemin. A leur arrivée près de la clôture, ils furent perçus par des fusiliers qui voyaient se diriger vers eux des colonnes des gens. Ils prirent leurs fusils et disaient: "Les autochtones sont vénus pour la guerre". Et les villageois traversèrent la porte de la clôture. Ils demandèrent aux villageois "Qui est là" ? Celui qui tenait la corne répondit: "Dés amis". C'est à dire : des frères. Il s'agit des gens exténuée par la guerre et qui sortent auprès de vous pour que vous en fassiez de que vous voulez. Puis l'homme à la corne dit au fusilier: "Tirez sur moi"
Les soldats vinrent tirer les fusils, crépitant les balles. Les villageois criaient: "En vain"! Un fusilier blessa à la jambe un homme appelé Nsingi. Celui-ci le perça de sa flèche. La guerre devint atroce. L'homme à la corne disait: "Fusil, ne me reconnaît pas. Que toute balle tirée aille en l'air". Les gens tombaient sans nombre. Les fusiliers se repliaient dans des maisons et tiraient à travers des fenêtres. C'est de là qu'ils ont décimé les villageois. Ne sont pas morts ceux qui tenaient la corne, la flèche et le goupillon. Les villageois se sauvaient dans la forêt. Le lendemain, on les y poursuivait et on les tuait.
Deux jours plus tard, deux Batswa couverts de jeunes feuilles de palmiers sortirent pour signer la paix. Ils pénétraient dans la clôture où habitaient les soldats. Ils leur demandèrent: "Qui est là "? Ils répondirent : "Des amis". Ils leur demandèrent de s'approcher et leur posèrent la question suivante:"Pourquoi êtes-vous venus ici"? Ils répondirent: "Nous avons marre de la guerre, nos pères et mères en sont morts. Nous-mêmes, d'ailleurs, on a assez de rester dons la forêt". Leur chef suprême appelé Bokenge w'Elima dit : "Appelez les gens, la guerre a.pris fin". Il y avait en tout 50 soldats. Tout le monde sortait muni de jeunes feuilles de palmier. Bokenge dit: "La guerre prend fin". Les gens venaient chaque matin au travail; on en tuait des idiots et dès récalcitrants. Mais Bokenge était comme un Blanc. Il ordonna à tout le monde de sortir de la forêt et de venir s'installer dans des maison.
INIES LA GUERRE FRATRICIDE. RESTE LE CAOUTCHOUC
Le Blanc, vrai blanc, arriva. Les autochtones venaient le contempler. Un événement prodigieux On surnomme le Blanc Ema. Le Blanc leur demanda de récolter le caoutchouc. Il dit: "Moi, je rentre à Bokatola, vous allez récolter le caoutchouc. Votre chef Bokenge le recevra et l'enverra à Bokatola". Le Blanc rentra. On institua des chefs pour le caoutchouc: Ilumbe Y'Oluku., Bobangi et Buka.. On s'enfonça dans la forêt pour la récolte Les noms des lianes à caoutchouc exploitées sont : la liane caoutchoutifère Apocynac, l'arbre Funtamia elastica Stapf. Apocynac, la bombute, la Clitandra cymulosa, l'alphanostylis mannii, l'Eremosphatha laurentii, la lobobe, et tant d'autres. Les unes étaient mélangées de liquides amers, les autres étaient bouillies. Chacun devait en faire 40 boules. Et on commençait à payer le caoutchouc. Le Blanc arriva et les villageois apportaient le caoutchouc. Quelques-uns en récoltaient 40 boulettes. Ceux qui n'y parvenaient pas étaient tués. On en mutilait les mains droites qu'on expédiait avec le caoutchouc à Bokatola chez le Blanc. La population diminuait. Certaines personnes s'entretuaient aussi, ou se suicidaient car la souffrance matin et soir était au paroxysme. Chaque matin, on tuait à peu près 50 personnes. D'autres s'enfuyaient. le Blanc lui-même arrive pour résider à Bombe Engende. De là il affectait 2 fusiliers par village. Ceux qui résidaient à Mbombe Engende étaient: Bokenge, Moto, Engemb'a Mbombe, Baluti, Pataki, Betofe, Njei, Basapili. Ceux qui résidaient à Mbunga jusqu'à Ntondo étaient: Bopita, Kamenyenge et Bakelele. A Ebekoli, c'étaient Etuwe et Ngombo. A Waya résidaient Itumbambilo, Etenaka, Bolombi, Ekangambngo et un autre. A Itendo, c'étaient Ekumampulu et Botombo. À Bongili: Epalakwango; à Penjwa: Mbwayeme. D'autres étaient à Bokatola avec d'autres Blancs.
On a récolté le caoutchouc pendant 2 mois. Les gens n'avaient jamais autant souffert. 2 mois Plus tard, 8 Blancs arrivaient à Mbombe. Ils y convoquaient tous les fusiliers affectés dans les villages. Ils y avaient répondu. On rassembla tout le monde et ils informèrent: "Le caoutchouc est terminé ". Les Blancs et les soldats rentraient à Bokatola. Ces Blancs disaient: "La guerre a pris fin. Ne tuez plus les gens, ne tirez plus des coups de fusils, n'achetez plus des hommes". Car à cette époque celui qui récoltait plus de caoutchouc pouvait prendre enfant ou femme de celui qui n'en était pas capable et qui demandait ses services. Si vous tuez les gens, on va refaire la guerre.
Ils sont rentré avec beaucoup d'esclaves, jeunes gens et jeunes filles, aussi bien que les vieux innombrables. On institua chef Bentendi, un homme très sévère. Il résidait toujours à Mbombe Engende. Les deux premiers postes que nous connaissions avant étaient Mbombe Engende et Bokatola-Ingende.
Après une semaine, un Blanc vint inscrire les noms des gens, les noms du père et de la mère et retourne à Bokatola. Puis il revint donner aux gens des livrets d'impôt. Le Blanc disait: "Gardez-les bien. Celui.qui perd le sien est jeté en prison"'. Puis leur parla encore "Récoltez le copal et les noix palmistes".
Ils vaquaient à leurs occupations lorsque arrivèrent 6 Blancs, des Blancs de grande autorité, munis de balances pour peser le copal et les noix palmistes. Un grand panier coûtait 2 FR ou 3. Le Blanc dit: "Que chacun me donne 3 FR et le livret que je lui ai confié" ! C'était le premier impôt. Puis, 4, 5, 7 FR, etc. Mais nous ne voyons plus cette monnaie actuellement..
Nos ancêtres nous disaient: "On a commencé à payer l'impôt à 3 FR". Puis un autre Blanc venait avec la prière et enseignait "Au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit, ainsi soit-il". Il leur disait: "Exécutez les travaux de lundi à samedi. Le 7è jour, ne travaillez pas ce jour-là. C'est le dimanche, car le jour où Dieu n'avait pas travaillé". Depuis lors le pays devenait amélioré. On se sentait à l'aise. Plus de tueries. Ces tueries étaient dénommées "koboma". Cette guerre s'appelait Enyala. Chez nos vieux, dire à-quelqu'un "tu es tombé dans la guerre" est comme si vous l'avez injurié sa mère ou son père.
Il convient que nous bavardions avec les grand-parents et avec nos pères pour qu'il nous racontent les choses qui se sont déroulées dans les temps passées. Un proverbe dit: un régime qui n'est pas lié à un arbre ne mûrit pas.
Bien aimés, au cours de ce concours sur l'arrivée des Blancs et la récolte du caoutchouc, je ne vous ai écrit que ce qui s'était passé dans ma contrée. Mais ne cherchez pas à relever des fautes en lomongo mais corrigez-les-moi.
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BOKUKU( BOKATOLA)
610/251-252
Louis YENG9, moniteur

RESUME: Molo et Iboto sont les premiers Blancs qui arrivent dans les parages, à bord d'un grand bateau. Les villageois leur déclarent la guerre. Accrochage. Les Noirs meurent nombreux. Renfort. Les Noirs se réfugient dans la forêt. Puis. en sortent sur l'initiative de Yenge, institué chef par les Blancs à cause de son courage. Fin du caoutchouc et arrivée d'une compagnie huilière.

TEXTE

HISTOIRE DE L'ARRIVEE,DES BLANCS ET LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Au début-les Blancs qui étaient venus chez nous sont Molo et Iboto. Molo et Iboto accostaient d'abord à Ikenge, quittèrent Ikenge et arrivèrent au beach de Bolondo. Ils étaient à bord d'une grande pirogue sans bout, accompagnés de leurs serviteurs. Ce grand bateau, nous l'appelions ememele.(l)
Les riverains ayant remarqué que personne ne les approchait et qu'ils occupaient leur terre, ils leur déclarèrent la guerre. Mais Molo et Iboto ont presque exterminé ces riverains. Les survivants décidèrent de se réfugier dans la forêt non loin des bords. Molo et Iboto envoyèrent le message suivant à leurs chefs restés en aval: "Les gens d'ici sont méchants. Ils nous ont fait la guerre et ont tué quelques-uns de nos serviteurs. Envoyez-nous d'autres Blancs et beaucoup de gens. Ici ils n'aiment pas exécuter la mission dont je suis chargé". On envoya encore 2 Blancs.
Is'e'Iwanga et Ekume. Ils s'installèrent à Bokatola. Ces Blancs et leurs gens répétaient chaque jour: "Donnez nous du caoutchouc". Exaspérés nos ancêtres vinrent attaquer ces Blancs et leur suite. La revanche prit impitoyablement le dessus, et les Blancs devinrent plus meurtriers. Tous les Noirs se réfugièrent dans la forêt même les Elinga. Les Blancs appelaient encore le renfort. La guerre se généralisa sur toute la contrée. Chaque village était occupé par une sentinelle et sa troupe. Deux Blancs sont restés à Belondo et deux autres à Bokatola. Ce ne sont que les sentinelles et les soldats qui semaient la terreur dans la contrée.
Ayant trop souffert, les gens se sont décidés: "Mieux vaut sortir, qu'ils nous tuent tous". Tout cela, c'est à cause de l'arrivée des Blancs, et de ce qu'ils ont commis sur la terre.
RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Dans mon village Bolet il y avait un homme méchant appelé Yenge. C'est lui le premier à sortir chez les soldats. Il coupa une jeune feuille de palmier et le brandissait (2). On le vit et on l'arrêta. On lui demanda de s'expliquer et il dit: "Ma famille et moi nous sommes fatigués de la forêt et nous sortons pour conclure un pacte d'amitié, donnez-nous le travail dont vous avez la mission de faire exécuter". On l'envoya chercher toute la population. Et on lui dit: "Si vous y réussissez, vous serez institué chef du caoutchouc pour votre village". Et les voilà qui sortirent tous. On leur apprit comment récolter le caoutchouc et on dit à Yenge: "Toi Yenge, tu iras à Bokatola vendre le caoutchouc avec ces gens. Chaque village récoltera un panier. Mais d'abord vous emballerez le caoutchouc comme vos femmes emballent les chikwangues. Le jour du départ fractionnez tout le caoutchouc et mettez-le dans un petit panier". On les trompa comme cela au début. Le marché était à Bokatola chez Is'e'Iwang et Ekuma. Et on commerçait ainsi. Puis ces Blancs dirent: "Maintenant n'apportez du caoutchouc que dans un grand panier". Mais lorsque ce panier n'était pas rempli, ces Blancs tuaient les gens. Pour un panier rempli, les propriétaires bénéficiaient d'un couteau et des pièces d'étoffes blanches ou noires: 4 pièces d'étoffes blanches et 4 pièces d'étoffes noires. Une pièce mesurait à peu près 2 mètres.
On allait fréquemment à Bokatola jusqu'au jour ou les Blancs qui y étaient dirent: "le marché de Bokatola est supprimé, allez avec le caoutchouc à Ingende". On rencontra 6 Blancs à Ingende. Leurs noms sont: Bajunu, Ekumbakula, Itumbambilo, Moto; EkumaII, Bakasi, Bonjongo, Njoku ea etoa. La corvée du caoutchouc était identique à celui de Bokatola: tuer ceux qui n'ont pas récolté la quantité exigée, et rétribuer ceux qui ont rempli le panier.
Après avoir envoyé le caoutchouc à Mbandaka, et ayant appris le nombre de morts à chaque marché, les Blancs de Mbandaka demandèrent à Is'e'Iwanga et Ekuma de communiquer à tous les Blancs que le caoutchouc est supprimé, et on ne peut en aucun cas tuer les gens.
Nos ancêtres apprirent comme une plaisanterie: "Les Blancs qui étaient à Bokatola, à Bolondo et à Ingende sont rentrée dans leurs pays, le caoutchouc est supprimé". Et peu de temps après on voit d'autres Blancs arriver, mesurant la forêt avec leur longue corde. De là l'arrivée de la compagnie "Mbile"(3).

NOTES
1.Idéophone reprenant le vrombissement du moteur de ce bateau.
2.En signe de paix. Botembe cfr Dictionnaire, p. 387
3.Mbile en lomongo signifie noix de palme. Ne s'agit-il pas des débuts des Huileries du Congo Belge à Boteka ?
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FLANDRIA-BOTEKA
617/262
François BOMPUKU, élève.

RESUME: Un premier-Blanc, Molo arrive à Bolondo à bord de son bateau. on le prit pour un revenant. Une provocation d'un vieux entraîne un coup de fusil. Un autre Blanc Ekuma arriva, un mauvais Blanc. Un autre encore: Stanley. Un bon Blanc qui distribue à profusion. Ekuma se suicida parce que son chef lui a ravi un instrument de musique envoyé de l'Europe par ses parents.

TEXTE

ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Chez nous, longtemps avant que les Blancs ne viennent, nous ne possédions pas des vêtements. Nous nous habillions d'étoffes ou de tissus de raphia, et des sacs. Le premier Blanc qui arriva fut Molo. Il était venu à bord d'un bateau que les gens virent accoster à Bolondo, on entoura le bateau en s'exclament: "Qu'y a-t-il ? des mânes ou des esprits ?": un vieux prit un morceau de bois. Là dessus, et on tira un coup de fusil sur les Noirs.
Avant l'arrivée des Blancs, nous n'avions ni sel ni cigarettes. La nourriture était assaisonnée d'ingrédients traditionnels et on se nourrissait d'une nourriture fade. On ne fumait que du chanvre et ses variantes. A cette époque, après Molo, un autre Blanc était venu, appelé Ekuma. C'était un très mauvais Blanc. Un autre Blanc qui était venu apprendre la nature du Congo fut Stanley. Il était venu de l'Europe. Il a voyagé dans toutes les contrées au sud, à l'est, à l'ouest. C'était un Blanc d'une si grande libéralité. Ils distribuait des choses aux gens comme voulait son cœur. Un autre Blanc. aussi était à Bokatola, c'est Ekuma. C'était lors de la récolte du caoutchouc. On cherchait le latex du haut des arbres. On coupait une liane appropriée qui faisait couler le latex dans un tesson assez large de calebasse.
Ekuma s'était suicidé par fureur. On lui avait envoyé un instrument de musique à Bokatola. Là-dessus, l'autorité qui était à Coq l'interpella: "On t'a envoyé un instrument de musique qui est passé par ici sans que j'en sois au courant. Ramenez cet instrument ici". Puis on ravit le fusil à Ekuma, et on le remit à l'autorité. Ekuma écrit à sa mère et à son père pour leur informer qu'on lui a ravi son instrument de musique. Il se suicida à coup de fusil après réflexion. Après avoir demandé à son boy de lui donner la nourriture qu'il mangea. Aussitôt, il lui ordonne: "Prenez le fusil, tuez-moi"! Le boy répondit:"Moi, je ne tue pas un Blanc". Là-dessus, il se renferma dans la maison et se fusilla. Le Blanc Ajunu qui était à Ifome appris la nouvelle et y arriva par camion. Ayant constaté qu'il était effectivement mort on enterra le cadavre. Puis il fit le remplacer par Lomboto.
Lorsque Lomboto aperçut que quelqu'un portait un beau vêtement il s'empressa à lui dire: "Donnez-moi votre vêtement"! Cet homme lui répondit: "T'a-t-on institué chef pour mon vêtement" ? On voulut tuer cet homme lors d'un combat, mais on lui coupa seulement le bras. Cet homme alla se plaindre chez Ajunu à Ifoma. Il alla mener l'enquête à cet effet. La culpabilité de Lomboto fut établi. On l'envoya condamné, à la prison. On le fit remplacer par son frère, un autre Lomboto.
Dès lors la guerre diminue. Tel est le récit sur 1 'arrivée des Blancs et de la récolte du caoutchouc.
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BOKALA-FLANDRIA
441/114-11.5
Pierre NKOLOBISE, moniteur.

RESUME: Avant l'arrivée d'un Blanc, les sentinelles font la chasse à l'homme. Mais les villageois inventent Ikakota. Puis, C'est la paix du caoutchouc des Blancs et leurs sentinelles. Triste souvenir.

TEXTE

DES GUERRES ANCIENNES A MBOMBENGENDE
Auparavant, nos ancêtres vivaient seuls, sans la présence des Blancs. Ils se tuaient, ils se faisaient prisonniers les unes des autres, ils se maltraitaient à qui mieux mieux, ils se revissaient des femmes, tout cela entre eux, sans qu'il y ait un Blanc. Un soldat habitait à Losenge et à Lolimola. Il se rendit dans la forêt entre Undo et Ekonda. Il y rencontra les propriétaires de cette forêt nommée Bokonda Bongoi en train de chasser le gibier. Il les avait repéré en suivant leurs traces. Les autochtones ne l'avaient pas remarqué. ils ont été seulement surpris par la détonation du fusil. Ils se demandèrent: "Qui a frappé contre l'écorce du parasolier"? On surprit ce soldat en train de boucaner la chair d'un pygmée Botswa qu'il avait tué. Il s'apprêtait à en apporter la viande à ses amis restés à Losenga où ils habitaient. Il alla les rejoindre après un jour. Ils arrivèrent à Mbomb'Engende.
Il est resté avec leur chef Bosenge et tous les soldats.. Ils avaient créé un posté à Mbombe et puis généralisèrent la guerre. Ils tuaient des personnes humaines comme des bêtes. Dans la forêt et partout où ils allaient, c'était du carnage. Constatant que la population diminuait, les autochtones allèrent consulter un féticheur qui leur remit un fétiche : Ikakota. Le féticheur habitait Bongili. Pour l'efficacité du talisman, il leur était interdit d'entrer dans une maison où se trouve une femme; de manger tout ce qui est préparé par une femme. Ils ne pouvaient manger que des pains ou des carottes de manioc ou des maniocs doux cuits ou rouit sur des braises. Vient alors la guerre avec les soldats. Nos villageois sont munis qui de la corne à fétiche, qui du balai chasse-mouches. Un des villageois dit: "Fusil, ne me vois pas". Là dessus, ils tuaient beaucoup de soldats. Mais les activités des Noirs ne réussissent pas à cause des femmes. Nos villageois n'observaient plus des préceptes concernant l'efficacité du talisman, tels que recommandés par le féticheur. Et le talisman perdit de son efficacité. Les soldats reprirent alors le dessus. Avant cela, ils livraient un combat égal étant donné le respect aux recommandations concernant l'efficacité du fétiche. Lorsque la guerre devenait plus meurtrière, les villageois prirent fuite. Peu après ils sont sortis munis de jeunes feuilles de palmiers parfois portés au cou. Les corvées étaient diversifiées. Les uns gardaient des poules, les autres les étangs de maniocs, les autres encore étaient des boys et des manutentionnaires..
Les soldats Bokenge et Bosenge et leurs compagnons sont rentrés à Bokala chez le Blanc Ekumampulu. C'est lui le premier Blanc que les ancêtres ont vu. Il avait imposé la récolte du caoutchouc à tout le monde. Celui qui n'accomplit pas la quantité exigée est tué ou a la main coupée. Le chef de la récolte fut Bentendi (un Blanc). Il était remplacé par un autre: Itumbambilo. Il avait agi comme son prédécesseur. On avait acheté le caoutchouc contre du sel européen, mais on ne voulait pas l'utiliser dans la nourriture. Et un autre Blanc Ememe arriva. Il avait imposé et le caoutchouc et les amendes palmistes. Les noms des lianes à caoutchouc sont: Clitandra cymulosa, l'arbuste Balbergia isangiensis et une certaine espèce rare.
Le chef Bentendi obligeait les autochtones à vendre le caoutchouc à Bokatola. Cela a fait souffrir beaucoup d'Ekonda qui en sont mort inutilement.
A cette époque l'impôt n'était payé que par le caoutchouc. Peu après, ils le payaient à 3 frs prélevés de l'achat des amendes palmistes.
Les autochtones ne sont pas contents lorsque nous leur posons ces questions. Beaucoup de leurs parents en sont morts. Et cela à cause des Blancs à qui Dieu donna l'intelligence de fabriquer des armes à feu.
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FLANDRIA
442/116-117(l)
Jean-Ambroise YOLO, moniteur

RESUME: 4 Blancs arrivent d'autres contrées de Noirs, notamment de chez les Ngwaka, Ngbandi, Bakongo, Ngombe et Basankoso, où ils ont recruté des soldats. Guerre. Ikakota. Pacte d'amitié à la demande des Blancs. De nouveau la guerre du caoutchouc. Le roi interdit la guerre.

TEXTE

CE QUI S'EST PASSE ENTRE NOS ANCETRES ET LES BLANCS
Au début ce sont les Blancs suivants qui étaient venus: Nkake, Nkume, Is'e'Iwanga et leur chef Wilima. Tels sont les noms que les vieux leur avaient donnés. Ils avaient néanmoins leurs noms d'Europe. A leur arrivée, ils ont commencé d'abord chez les Ngwaka, les Bangwandi, les Bakongo, les Ngombe et les Basankoso. C'est là qu'ils ont recruté quelques Noirs qu'ils ont fait soldats. Voilà comment ils sont arrivés jusqu'ici chez nous les Undo
Lorsqu'ils sont arrivés chez nous, nos ancêtres disaient: "Ce sont des revenants". C'est parce qu'ils étaient blancs. Ils décidèrent alors de combattre les Blancs, mais ils avaient peur d'eux, car ils avaient des fusils. Ils sont allés alors à la recherche d'un fétiche Ikakota qui les rendrait invulnérables. Le fétiche interdisait entre autres: de manger ce qui a été préparé par une femme et d'avoir des relations sexuelles. On ne se nourrissait que du jus de Costus pressé, par des hommes. On sépara même les habitations entre hommes et femmes. Et pendant qu'on fait bouillir le fétiche, une femme ne peut pas s'y approcher ou tenir le bois. Si elle tient le bois, c'est son mari qui sera tué à la guerre. Et pendant qu'on bouillit le fétiche on chante: "la fumée, embrouillez. Si tu vas en mariage, songes de rentrer dans ton village. La fumée, embrouillez. Le Blanc est venu nous exterminer. La fumée, embrouillez"' Et dans le pot on voit les rangs de la troupe en guerre. A là guerre, si un soldat tire un coup de fusil, et qu'un de nous crie: "ne me voit pas", le fusil ne peut le tuer. Par contre nos gens ont tué les gens du Blanc à coup de lances et de flèches. C'était très spectaculaire. Le diable est puissant. Car ne peut mourir à coup de fusil que le détenteur de ce fétiche qui n'a pas observé des interdits. C'est pourquoi, ceux qui n'avaient pas ce fétiche sont morts par centaines. Les détenteurs avaient exterminés les soldats.'
Lorsque les Blancs remarquaient la diminution de leur personnel, ils ont demandé la fin des hostilités, et la signature d'un pacte d'amitié. Un de vos vieux, Likatsi j'Engambi, s'arma de courage et prit les devants. Il se présenta. Les Blancs lui donnèrent une couverture et un chapeau et l'investirent chef. On lui demande d'aller chercher tous ceux qui s'étaient enfuis dans la forêt.
Après leur sortie de la forêt, les fusiliers en tuèrent un bon nombre pour semer la panique. On leur ravit ensuite femmes et enfants, qui étaient les plus agréables à la vue. Celui qui s'y oppose est tué. On vous ravit une belle ceinture et on la fait remplacer par une liane de bananier. Les puits de chasse, et tout ce qui est planté derrière les maisons, sont pris de force. Qui s'y oppose est tué.
Après cela, on impose la récolte du caoutchouc devant être vendu aux Blancs. Le caoutchouc est-il de bonne qualité, lé chef du village est gratifié de pièces d'étoffes et des morceaux de sel. Si il est de mauvaise qualité, on tue les gens, à l'exception du chef du village. Cette guerre meurtrière avaient duré longtemps. Finalement le Roi interdisait la guerre et rappela les Blancs et leurs fusiliers de rentrer en Europe (2).

NOTES
1. Récit parallèle à 480.
2. Texte du chant en lomongo: "Ilinga lokekola! Ilinga lokekola ! Otswaka liala. Otswak'ola! Bondel'aoy'atooma.
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FLANDRIA
479/195-196
Louis IKILINGANYA, élève

RESUME: Les Blancs.. au nombre de 3, arrivent d'abord à Mbandaka. Faisant la reconnaissance des lieux avec leurs sentinelles, les Ikenge les attaquent. Ces derniers s'enfuient dans la forêt, mais ne peuvent y rester longtemps. Ils sortent faire la paix. A Bolondo, on les attaque aussi. Fuite des villageois dans la forêt, puis la paix. Même phénomène à Waka. Ils créent un poste à Bokatola. Caoutchouc et représailles. Un mauvais Blanc se suicide à Bokatola lorsqu'il fut blâmé. Et un Blanc catholique à Boimbo.

TEXTE

ARRIVEE DES BLANCS AU CONGO
Jadis, on ne connaissait pas des vêtements, ni toutes autres choses des Blancs. Les Blancs étaient venus de l'Europe et se sont installés à Mbandaka. On chargea 3 Blancs: Ayuni, Longende et Is'ea Liwanga, et quelques soldats d'une mission de reconnaissance, à partir de la source, d'un terrain devant être amenagé pour un poste. Et ils partaient pour ce faire. Arrivés à Ikenge, ils s'arrêtèrent et retournèrent à Mbandaka. Quelques jours passaient et ils retournèrent encore pour continuer. Les Ikenge ne voulaient pas et leur barrèrent la route. Les soldats les combattirent et ils se réfugiaient dans la forêt pendant 6 jours. Dans la forêt ils se nourrissaient de fougères et de jeunes pousses blanches de Sarcophyrnium. Ces Blancs occupaient leurs-maisons. Ils avaient eu faim et avaient envoyé un d'eux aller voler un régime de banane au village. Mais cet homme fut tué. Le soir, tout le monde sortait de la forêt par l'extrémité du village. Ils disaient: "Nous voici, nous sommes sortis pour signer un traité d'amitié. Nous avons marre de la forêt". Ces Blancs acceptaient de signer le pacte et ils vivaient ensemble. Ces Blancs et soldats continuaient jusqu'à Bolondo. Les Bolondo les combattirent. Mais les Bolondo ne pouvaient pas faire face à cette guerre et ils se sauvèrent dans la forêt. Les villages environnants se disaient: "On apprend qu'une guerre des mânes se déroule à Bolondo, et les soldats ont occupé les maisons des Bolondo". Eux (les soldats) occupaient toujours le village, et les Bolondo se réfugiaient toujours dans la forêt. Huit jours plus tard ils envoient un message en ces termes: "Nous sortons pour signer un pacte de paix, nous ne voulons pas de guerre". Et ils agréaient le message. Ils acceptaient de créer d'autres postes à Bolondo et y affectaient seulement quelques soldats arrivés pour Waka.
Arrivée à Waka, les Waka les combattirent. Mais comme ils ne pouvaient pas y résister, ils firent de même que leurs amis. Et ils créèrent un poste a Waka. Là-dessus ils rentrèrent à Mbandaka.
Et on affecta le Blanc Ekuma. Il avait créé un grand poste à Bokatola. Il y résidait. Il ordonna à Lomboto, le chef des Noirs, d'envoyer un message à tous les villages d'aller dans la forêt récolter le caoutchouc pour en faire le marché. Mais à celui qui ne récoltera pas assez, on coupera une main ou une oreille, ou il sera tué par balle. Cela était arrivé effectivement à ceux qui ne récoltaient pas la quantité de caoutchouc exigée. Mais ayant appris que le Blanc tuait les Noirs, on lui dit: "Vous êtes venu pour tuer les Noirs?" Il eut honte et se donna la mort à coup de fusil. On l'à enterré à Bokatola.
Deux autres Blancs arrivèrent: Ambe et Is'e'Intole. Mais eux, ils arrêtaient des femmes et tuaient des hommes. La toute première corvée fut: tisser des couvertures des toits avec les feuilles du palmacée Delesperma mannii. Celui qui n'atteint pas le maximum est tué. Puis on imposa la chikwangue. Celui qui n'en fournit pas assez est tué. Ce n'est qu'après qu'ils ont imposé la corvée du caoutchouc. Les gens qui n'en récoltaient pas suffisamment étaient attachés contre un arbre, ensuite fusillés. Puis un Blanc de Compagnie, Mbile, arriva. Puis, une activité fut instaurée : les noix de palme. Ceux qui y travaillaient avaient 2 fr comme rémunération.
Un Blanc est venu interdire de tuer les gens, ce fut le Blanc de la SAB Bokukulu. Il résidait à Ingende, mais expédiait le caoutchouc à Mbandaka.
Puis un Blanc catholique commençait à enseigner se doctrine à Boimbo. Il était avec un Blanc de caoutchouc appelé Bakasimingi. Depuis lors les Blancs sont venue au Congo chacun avec son activité.
Si vous percevez le silence, c'est que c'en est fini.
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FLANDRIA
480/19'7-198 (1)
Atoine WINA, élève

RESUME. 4 Blancs viennent de chez les Bakongo, Ngombe, Ngbandi et Ngbaka, etc. Ils étaient accompagnés de soldats originaires de ces contrées. Les villageois décident de les combattre moyennant un talisman Ikakota. A cause de l'efficacité de ce talisman qui diminue l'effectif du personnel des Blancs, ceux-ci prennent l'initiative de faire la paix. Ce ne fut qu'un stratagème. On en profitât pour soumettre les villageois au caoutchouc. Et le Roi interdit la guerre.

TEXTE

ARRIVEE DES BLANCS ET LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Au début, les Blancs qui étaient venus furent: Nkake, Nkuma et Is'e'Iwanga, ainsi que leur chef Wilima. Tout au début leur action a d'abord eu lieu dans les contrées suivantes: chez les Bakone, chez les Ngombe, chez les Ngbandi et Ngbaka, et les autres. Après avoir vaincu ces gens, on donna à certains d'entre eux des fusils, et les voici dans nos villages Undo
A leur arrivée chez nous, les Bombwanja, nos vieux remarquant leur peau claire, se disaient: "Ce sont des mânes, ils ne peuvent pas cohabiter avec nous, en tout cas, nous devons les combattre". Mais se rendant compte qu'ils étaient armés de fusils, ils (nos vieux) sont allés à la recherche d'un talisman. Ce talisman, c'était Ikakota. Le talisman avait beaucoup d'interdits: ne pas manger ce qui a été préparé par une femme; ils ne mangeaient que ce qui était préparé par eux-mêmes; ils pilaient eux-mêmes le manioc. C'est pourquoi ils avaient séparé leur habitation d'avec celle des femmes. Et quand on fait bouillir le pot magique, une femme ne peut s'y approcher. Si une femme parvient même à toucher un bois de chauffage, eh bien à la guerre, c'est son mari qui sera tué. Et pendant qu'on chauffe le talisman, on chante:"fumée, barrage seulement, fumée barrage seulement. Si vous allez-en mariage, songez a avenir au village. Fumée, barrage seulement. Les Blancs sont venus nous tuer. Vapeur, barrage seulement'. Et on regardait dans le pot magique. Si on voit une ligne, c'est que la guerre va arriver. Pendant qu'on se bat, même si le fusilier tire à bout portant, le villageois ne sera pas touché par la balle, car ce faisant il crie: "ne me vois pas", ou encore "en vain". Eux les tuaient à coup de flèches ou de lances. C'était un fétiche très puissant. Car le détenteur ne peut mourir par balles que s'il n'a pas observé les interdits. Les Blancs en sont beaucoup morts. C'était une affaire très étonnante. Vraiment le diable est très puissant. Mais ceux qui n'avaient pas le fétiche sont morts de balles.
Lorsque les Blancs se sont rendus compte que beaucoup de leurs gens mouraient, que les effectifs diminuaient à cause de la guerre, ils ont demandé aux Noirs de signer un accord de paix. A ce temps, un vieux courageux s'est présenté et on l'a institué chef. On lui donna une couverture et un chapeau, et on lui demanda de faire appel à tous ses frères et sœurs. Ce vieux s'appelait Likatsi-Senior. A leur sorti, les fusiliers avaient tué quelques-uns par intimidation pour diminuer leur puissance. Ensuite, on leur ravissait femmes et filles, celles qui étaient jolies. Portez-vous une ceinture faite de la peau de l'antilope zébrée, on vous la ravit et vous ceint d'écorce sèche de bananier. Les clôtures de pèches dans les étangs, les sa fous ou des bananes, tout était ravi. Si vous ne cédez pas ces biens, on vous tue.
Après cela, on imposa aux gens de fournir le caoutchouc, pour le vendre aux Blancs. Au marché on testait la qualité en piétinant le produit. Est-il de bonne qualité parce que non dégonflée, on l'apporte au chef. On rémunérait par des pièces d'étoffes et des morceaux de sel. Mais, si c'est le contraire, alors on tue les gens excepté les chefs. Cette guerre meurtrière avait duré longtemps.
Ensuite le Roi interdisait la guerre, et les Blancs rentraient en Europe avec leurs fusils. On ne redonna par après que les chefs affectés un peu partout, rentrent chacun dans son village d'origine. Et là-dessus les gens recouvraient la propriété de leurs biens ravis. Chacun reprenait ce qui lui appartenait. Ceux dont les femmes n'étaient pas encore mortes, renouaient avec joie avec leurs conjointes. Et la terre devint moins chaude de façon agréable. La guerre a pris fin.

NOTES
1.Récit parallèle à 442.
2.Texte en lomongo: Ilingo o lokekola ! Ilinga lokekola àtswaka liala otswak'ola. Ilinga o lokekola. Bendele baoy'otooma.Ilinga o lokekola!
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FLANDRIA
616/261-262
Pascal-Joseph BASAMBI, élève

RESUME: Les Blancs résidaient d'abord à Mbandaka, puis vont à Ikenge où on les chasse. Puis la guerre Ikenge. Paix. Ils continuent à Bolondo où les flèches des villageois les accueillent. Guerre, Puis paix. Puis Bokatola. Caoutchouc. Un Blanc, missionnaire protestant, vient mettre fin à la guerre.

TEXTE

ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Jadis, nous ne connaissions pas beaucoup de choses, entre autres les vêtements, du sel, et tant d'autres articles des Blancs. Un jour, les Blancs débarquèrent en premier lieu à Mbandaka. Les villageois n'avaient d'ailleurs rien fait contre eux. Les Blancs résidaient d'abord à Mbandaka, mais ils envoyèrent en mission vers l'amont jusqu'à la source, un Blanc Molo à la tête des soldats. Puis ils remontaient le fleuve. Là-dessus, le père d'Ikenge les chassa: "Rentrez d'où vous êtes venus". Et ils rebroussaient chemin. Quelques jours plus tard, ils reprenaient l'itinéraire, mais ils leur barrèrent encore le passage. Les Noirs leur livrèrent la guerre, Mais les Blancs prenaient le dessus. Les Noirs se sauvèrent dans la forêt. Là, ils ne se nourrissaient que des fougères et des jeunes pousses blanches de Sarcophrynium. Ils y sont restés pendant 6 jours. Et la faim sévissait. Ils envoyèrent un d'eux chercher des bananes, mais on le tua. Un jour, tous les fugitifs sortirent par une extrémité du village, et disaient:"Nous sortons pour faire la paix. Ce qui veut dire : nous nous rendons. Les Blancs agréèrent cette déclaration et on vivait en paix. Ils affectèrent à Ikenge quelques soldats et un Blanc, surnommé Mbwamanga. Les autres remontaient vers la source avec leurs Blancs. Il étaient à Bolondo lorsque les villageois leur lançaient des flèches au bateau. Furieux, les Blancs tirèrent des coups de feu. Là-dessus les Bolondo et d'autres contrées riveraines voisines acceptèrent de faire la paix avec les Blancs. Puis ils vivaient en paix. Puis les Blancs rentraient à Mbandaka, mais ils ont affecté leurs sentinelles, les uns à Ikenge et les autres à Bolondo. Un autre Blanc y était affecté: Ekuma. Il est chargé de créer un poste à Bokatola, en collaboration avec le chef Lomboto. C'est le chef noir qui a commencé à cohabiter avec les Blancs à Bokatola.
La première corvée était la fourniture des tuiles végétales. Tous les villageois allaient les vendre à Bokatola. Le village qui n'en fournit pas assez est arrêté. Et on abandonna cette corvée. On instaura la fourniture des chikwangues. Ceux qui n'en fournissaient pas assez, avaient des mains coupées. Puis on abandonna la chikwangue. Les Blancs qui étaient à Mbandaka communiquèrent à leurs collègues d'ordonner la récolte du caoutchouc. Ceux qui n'en récoltaient pas assez étaient attachée à un arbre, puis fusillés. Et comme Ekuma faisait trop de mal aux Noirs, ses collègues lui avaient envoyé une lettre dans laquelle, il était écrit: "Vous êtes venu travailler, comment se fait-il que vous tuez encore des gens "? Couvert de honte, il se suicida par son propre fusil, à Bokatola.
Et deux autres Blancs arrivaient: Ambe et Is'e'Intole. Ils sont venus arrêter femmes et hommes. Mais un Blanc des missionnaires protestants vint mettre fin à la guerre. C'était Is'a Mpela. Et les Blancs commençaient à faire travailler les gens. Puis on commença la récolte du caoutchouc. Et on commença à payer des impôts sous le Blanc Bakasimingi.
A leur arrivée, les Pères ont d'abord résidé à Bokuma. Mais les protestants avaient créé leur mission à Bokatola. Dès lors arrivaient à profusion missionnaires catholiques et protestants au Congo. Et arrivaient aussi de même manière d'autres Blancs avec chacun sa spécialité professionnelle.
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FLANDRIA
632/285
Victor EKINDA, menuisier H.C.B. à Boteke (Flandria).

RESUME: Arrivée de Bokukulu; Ikakota. Révolte. Replie des Blancs à Ikenge. Iloko chef à Bontole. Récolte de caoutchouc. Sentinelle à Bontole. Tueries. Fin du caoutchouc et arrivée de la compagnie et vêtements.

TEXTE

ARRIVEE DES BLANCS ET LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Il y-a longtemps, pendant que nos ancêtres vaquaient à leurs occupations, ils voient un Blanc qu'on appelait Bokukulu, venir avec des gens. Ils disait: "Moi je ne suis pas venu pour la guerre, je suis venu pour le Commerce". Eux le dévisageaient avec ruse. Ils voulaient l'arrêter pour lui ravir ses biens. Ils voulaient lui percer de lances. Lui la rivière et rentra.
Après cela, en 1885, ils voient la guerre les envahir. Ils avaient un talisman appelé Ikakota. Et ils se battirent. Là-dessus, les Blancs se replient à Ikenge se préparer pour une grande guerre. Ce talisman exigeait qu'on ne pouvait pas faire des rapports sexuels. Maintenant que les Blancs sont rentrés, ils s'unissent avec leurs femmes. Et lorsque la guerre est arrivée, nos gens sont morts par milliers, et on prit fuite dans la forêt. Les Blancs avaient arrêté d'autres personnes et leur dirent: rappelez vos familles, qu'on conclue un pacte et qu'ils récoltent du caoutchouc". En ces temps-là, dans mon village Bontole, Iloko y'Omboli sortit le premier. On l'institua chef. On lui demanda d'appeler tous les autres de sa famille, et il le fit.
Les Blancs rentrèrent à Ikenge et laissèrent un fusil à Bontole. Là-dessus tout le monde sortit pour récolter le caoutchouc. Et ce fusilier ordonna: "Ne mangez plus de viande, ni poisson, ni bananes. Il envoya les hommes au caoutchouc et les femmes à la péché. Mais au cours de ce caoutchouc nos gens sont beaucoup morts. Si le caoutchouc est insuffisant ou de mauvaise qualité, on est tué. Les Blancs qui étaient là sont: Bosenje, Amba ea Yeba, Is'e'Iwanga et Bajunu. Ils habitaient Ikenge. Tels sont les noms des Blancs qui jadis ont habité Ikenge et avaient lutté avec nos ancêtres. Ikumengongo habitait Ingende, Ikoka Coquilhatville, voilà pourquoi les Blancs ont baptisé Coq à cause de ce Blanc. Et une lettre vint d'Ikengo à destination de ce fusilier lui interdisant de tuer les gens. Maintenant il n'y a plus de tuerie; et les Blancs des compagnies vont venir. Il convient maintenant de rétribuer quelqu'un qui récolte le caoutchouc. C'est à partir de ce moment que nos gens se sont procurés des vêtements. On les payait avec des chemises lignées. Nos gens de Bontole avaient surnommé ces chemises njela-ngomo (chemins de tambour cylindrique avec pattes). Après, on licencia ce fusilier, et on envoya le Blanc Ndombe. C'est fini.

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1.2. LA MOMBOYO (LUILAKA) ( back to top / haut de page )

INTRODUCTION
Nous entendons sous ce vocable la partie de la rivière qui continue la Ruki, donc de l'embouchure de la Busira jusqu'à sa source. Les groupes qui peuplent la région sont tous des fractions du peuple mongo ( Nkundo, Imoma-Mpongo, Booli ). Ils côtoient plusieurs groupes de pygmées (Batswa, Bilangi, Iyeki).
L'occupation coercitive par la SAB d'abord, puis par l'Etat y a été aussi active qu'atroce.
C'est encore von François qui a l'honneur de nous informer le premier sur le cours de la Momboyo et sur les peuples riverains de cette rivière, navigable sur 378 Km. Dans son excursion en 1985 il atteignit Yete.
Thierry a également reconnu l'endroit en vue d'en étudier les implantations de la SAB (1893). Jespersen ouvre son livre relatant son séjour dans les postes de la Momboyo.
Au début du siècle les missionnaires catholiques sillonnaient la région, mais ne s'y sont établis qu'en 1917 (Wafanya). Les protestants étaient déjà présents à Lotumbe en 1910. Le rapport Malfeyt "Inspection des régions Busira et Momboyo (cfr D. Vangroenweghe, Du Sang sur les lianes. o.c., p.213 et 281) en évoque l'exploitation économique et ses répercussions humaines en 1904.

BIBLIOGRAPHIE

1888 von FRANCOIS C., Die Erforschung des Tchuapa und Lulongo.
Reisen in Central afrika, Leipzig, 1888, p. 102123
1894 BRUNFAUT E., Le Mouvement Géographique, 1894, p. 102 (Carte jointe au n° du 8 décembre 1895).
1895 FIEVEZ L., Le District de l'Equateur, Le Congo Illustré, 1895, p. 7375; 8495; 9799.
1952 BOELAERT E., "Ntange", Aequatoria 15 (1952) 5862
1984 KANIMBA M., Aspekte der Kulturkontakte und des Kulturwandels am Beispied der Ruki-Momboyo Region (Hässler H.J. et Dotzler G., éds), Archäologie-Uberregional und interdisziplinar, Peter Lang, Frankfurt am Main, 1984, 4145.
1984. PREUSS J. FIEDLER L., Steingeräte aus dem inneren Kongobecken und ihre geomorpbologische Eiribindung. Beiträge zur Allgemeinen und Vergleichenden Archäologie 6 (1984) 220-247
1986 KANIMBA M., Aspects écologiques et économiques des migrations des populations de langues bantu, P. Lang, Frankfurt am Main, 1986, p. 466471
1987 EGGERT M.K.H., Imbonga and Batalimo: ceramic evidence for early seulement of the equatorial rain forest, The African Archaelogical Review (1987) 129145
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BOLONDO
640/300
Pierre BOTONDO, Moniteur à Batsina Nord

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Lorsque vivaient jadis nos ancêtres, ils ne connaissaient pas des Blancs. Sur ces entrefaites, les Riverains qui habitaient les bords des cours d'eaux, virent des gens blancs en train de voguer à bord d'un bateau. On les appelait des mânes. Ces Blancs étaient accompagnés de leurs hommes noirs. Puis, on commença à leur lancer des pierres dans le bateau. Et ils criaient: Nous ne voulons pas la guerre. D'ailleurs nous avons des lances plus nocives". Après cela, ils sont venus s'installer à Bolondo. Nos ancêtres n'en étaient pas d'accord et les combattirent. On s'est battu 3 fois. Au cours de la dernière, ils brûlèrent des maisons, et tuèrent un Blanc. Puis, ils sont rentrés acquérir un renfort, et c'était une guerre très meurtrière. C'était un événement de triste mémoire. Les Blancs qui étaient venus à ce moment étaient: Ntange, Wilima, Bajunu, Engende, Is'e'Iwanga, Ekuma, Njongonjongo et Batalatala. Au même moment, les ancêtres avaient leur fétiche ikakota. Le fétiche les rendait invulnérables aux balles. Après, les Noirs n'en respectaient plus les interdits et les Blancs prirent le dessus. En conséquence, ils sortaient faire la paix avec des Blancs et ceux-ci les soumettaient.
RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Là-dessus, les Blancs ordonnèrent la récolte du caoutchouc. Les ancêtres répondirent: Nous n'en savons pas les méthodes. Les Blancs répondirent: Quoi, allez-vous nier que vous n'avez pas de lianes à latex? Si vous refusez cette corvée, eh bien, on va vous tuer. Il s'en est suivi une épreuve de force. Les Blancs arrêtèrent un homme et l'attachèrent contre un arbre, puis le fusillèrent. Devant ce spectacle, les ancêtres sont entrés dans la forêt récolter le caoutchouc. Ce n'est pas qu'ils n'en connaissaient pas la récolte, mais ils refusaient tout simplement cette corvée. Finalement ils sont venus montrer aux Blancs la boule de caoutchouc et le Blanc en était d'accord. Ils tuaient les ressortissants d'un village qui n'avait pas récolté assez dé caoutchouc et coupaient leurs mains. On vendait ce caoutchouc à Bokatola.
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BOKATOLA/IWANGA
482/200
Joseph BOMBONGO, élève à Flandria

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC (1)
Les Blancs qui étaient arrivés avant dans notre contrée et à Iwanga étaient Ajunu, et Bongenda. Puis, on se battait. Ensuite, on signait un accord de paix. Là-dessus, on nous imposa le caoutchouc. Nous avons exécuté cette corvée, mais elle n'était pas agréable. Ceux qui n'en récoltaient pas assez étaient tués par balles. Les autres avaient des mains coupées qu'on boucanait, et qu'on emportait. C'est pourquoi, un proverbe dit: ce que fait le père, le fils ne le laisse pas. Vous mêmes, vous n'ignorez pas ce proverbe.
Lors de cette corvée, frères et soeurs étaient exterminés. Je ne peux pas déterminer le nombre de morts tombés dans mon village à cette époque.
Là-dessus le Blanc Ekuma arriva à Bokatola. A son arrivée le caoutchouc est interdit. On exécutait seulement des travaux convenables. Puis différentes choses arrivèrent dans notre contrée. Telles sont les choses que je connais, qui s'étaient déroulées dans notre contrée. Je ne vais pas chercher à allonger encore d'autres lignes. Excès de propos réveille un crocodile. Si vous percevez le silence, c'est que la flèche a percé la souche (2).

NOTES
1.Add. Boelaert: cfr 481"
2. Formule de conclusion.
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IKENGE/WAKA/BOKATOLA/BOLONDO
483/201202
François Robert BOSULU, élève à Boteka Flandria

RESUME:
En passage pour créer des postes, les Blancs sont attaqués par les villageois à partir d'Ikenge. Guerre entre les Blancs et les villageois. Refuge des villageois dans la forêt. Sortie et paix. Même scénario à Bolondo, à Waka et à Bokatola. Le caoutchouc est imposé à Bokatola où le Blanc Ekuma tue ou coupe un membre à ceux qui n'en récolte pas assez. Ekuma se suicide de honte à cause de son comportement qui est connu d'autres Blancs. D'autres corvées, e.a. les noix de palme. Missionnaires catholiques et protestants à Bokuma et Boimbo.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Jadis, on ne connaissait pas d'habits ni autres choses de Blancs. Les Blancs sont venus de l'Europe et se sont installés à Mbandaka. Trois Blancs, Ajunu, Longende et Is'a Liwanga, furent envoyés en amont pour faire la reconnaissance d'un endroit où on pourrait ériger un poste. Et ils partirent. Arrivés à Ikenge, on leur barra le passage. Et ils retournèrent à Mbandaka. Quelques jours passèrent, et ils revinrent pour passer. Ils ne furent pas d'accord d'être arrêtés comme la fois passée. Les soldats les combattirent et ils se réfugièrent 6 jours dans la forêt. Dans la forêt, ils ne se nourrissaient que de fougères et de jeunes pousses blanches de Sarcophrynium. Ces Blancs avaient occupé leurs maisons. Ils avaient eu grand faim et avaient envoyé un d'eux voler un régime de bananes au village. Mais cet homme fut tué. Le soir, tout le monde sortit de la forêt pour l'extrémité du village. Ils disaient: Nous voici, nous venons signer un traité d'amitié. Et ils répondirent: Nous en sommes d'accord. Et ils sortiront de la forêt et vivaient en paix.
Ces soldats et ces Blancs continuaient à remonter la rivière, et arrivèrent au village Bolondo. Et les Bolondo les combattirent. Mais comme les Bolondo ne pouvaient pas faire face à cette guerre, ils se sauvèrent dans la forêt. Et les villages environnants se disaient: "On apprend qu'une guerre des mânes se déroule à Bolondo". Et les soldats occupaient les maisons des Bolondo. Ils dormaient dans la forêt pendant 8 jours. Et ils sortirent de l'extrémité du village en disant: "Nous sortons pour signer un pacte de paix". Et ils en étaient d'accord.
Ils commençaient à créer d'autres postes à Bolondo. Ils y affectèrent quelques soldats et continuèrent. Ils arrivèrent à Waka. Les Waka les combattirent, et ce fut le même scénario qu'avant. Et on créa un poste à Waka. Puis ils rentrèrent à Mbandaka.
On affecta un autre Blanc Ekuma. Il avait créé un grand poste à Bokatola, et y résidait. Il ordonna à Lomboto, le chef des Noirs d'envoyer un message à tous les villages d'aller dans la forêt récolter le caoutchouc pour commencer. Mais à celui qui n'aura pas récolté pas assez, on coupera une main ou une oreille, ou il sera tué par balles. Cela arriva effectivement. Mais lorsque ses amis apprirent qu'il tuait beaucoup de Noirs, il en eu honte et se suicida par balles. On l'a enterré à Bokatola. Deux autres Blancs arrivèrent, c'étaient Amba et Is'e'Intole. Mais eux, ils arrêtaient des femmes et tuaient des hommes. La première corvée fut: tisser des couvertures des toits avec les feuilles de la Palmacée Lolesperma manii. Celle qui n'en livre pas assez est tuée. Après cela, on impose la fourniture de la chikwangue. Celui qui n'en fournit pas assez est tué. Ce n'est qu'après qu'ils ont réintroduit la corvée du caoutchouc. Ceux qui n'en récoltaient pas assez étaient attachés contre un arbre, ensuite fusillés. Puis un Blanc de la Compagnie
Mbile, arriva. Et on imposa une autre corvée, celle des noix de palme, qu'on achetait à 2 francs.
Un autre Blanc qui est venu interdire de tuer les gens fut un Blanc de la SAB. Il résidait à Ingende mais expédiait le caoutchouc qu'on récoltait à Mbandaka.
Puis un Blanc catholique commençait à prêcher à Bokuma. Et le Blanc protestant prêchait à Boimbo. Il résidait avec le Blanc du caoutchouc Bakasimingi. Depuis lors, les Blancs se sont installés au Congo, chacun avec sa spécialité. Si vous percevez le silence, c'est que ce dont je disposais a pris fin

NOTES
1.Add.E. Boelaert: "le D.483 = 479"
2. Formule de conclusion.
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IWANGA
481/199
Louis NKANGE, élève à Flandria

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Le Blanc qui arriva le premier dans notre contrée fut Ajunu, puis Bongenda. Il arriva au village Iwanga. A cette époque les Blancs et les Noirs ne se connaissaient pas. Ajunu et Bongende demandaient aux Noirs de signer un accord de paix. La guerre avec les Blancs était tellement atroce que les Noirs décidaient de signer cet accord.
Là-dessus on imposa la corvée du caoutchouc. On exécutait cette corvée, mais la mère des corvées (1). Si vous n'en récoltez pas assez, on vous coupe une main ou un pied. Après que la guerre était devenue atroce, quelques-uns se réfugiaient dans la forêt. La guerre les poursuivait jusque là. Les uns étaient tués à coup de fusil, les autres étaient faits prisonniers. On les reléguait très loin. Les autres avaient des têtes coupées, et les corps boucanés, puis le butin emporté dans les villages.
Lors de cette corvée, les frères et les soeurs étaient morts nombreux. Je ne peux pas vous donner le nombre exact des morts chez nous a cette époque. Là-dessus, le Blanc Ekuma arriva à Bokatola. A son arrivée, le caoutchouc est interdit. On exécutait seulement des travaux convenables. Puis, différentes choses arrivaient dans notre contrée.
Telles sont les choses que je connais concernant notre contrée.

NOTE
1. La corvée la plus désagréable
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MBANGE (BONGILI)
623/269270
Joseph LIKOOLA, charpentier H.C.B./Flandria, originaire de Mbange (Bongili)

RESUME: La SAB s'installa dès 1885 pour le commerce. Avant, elle a été l'objet de provocations par les Noirs. Guerre, et les Blancs rentrent en Europe. Les Noirs croient a les avoir vaincus, alors qu'ils sont allés recruter des sentinelles pour les combattre. Ikakota. Caoutchouc. Autres corvées, par des femmes. Fin du caoutchouc. Impôt et introduction de l'argent.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
En 1885, nous avons vu quelques Blancs commerçants. C'étaient des Blancs de la SAB appelés tous Bokukulu, car nos ancêtres ne connaissaient pas leurs noms. Ils étaient là dès 1885. A cette époque, ils n'étaient pas venus se battre avec nous, les Noirs. Ils étaient venus seulement vendre leurs articles: des perles, du sel, des vêtements et divers autres articles.
Ils étaient d'abord arrivés chez les Bakongo. Puis ils arrivaient à Wangata, à Coquilhatville. Puis ils atteignaient: Ikenge, Longa, Ingende, et tous les Riverains de notre contrée.
Les Noirs, dans leur stupidité, leur ont lancé des pierres, des flèches; ils ont fait la guerre avec eux. C'étaient nos Riverains. Et Blancs disaient: "Comment? On nous combat alors que nous sommes venus commercer". Là-dessus, les Blancs rentrèrent dans leurs villages. Et les Noirs disaient: "Ils nous ont craints à cause de notre férocité". Les Blancs sont allés prendre des fusils albini et des pistolets. Les Blancs revenaient avec la guerre des fusils. Ils ont enrôlé des soldats à Bofiji ainsi que chez tous les peuples de l'aval. On les a entraînés à manier des fusils. Ils accostaient chez nos populations riveraines d'Ingende et d'ailleurs. Puis ils commençaient une guerre générale. Ils ont créé un premier poste chez les Riverains d'Ikenge.
Les Blancs de la guerre étaient Ajunu et Is'e'Iwanga.
C'étaient des Blancs belliqueux. Et la guerre atteignit notre village Mbange, chefferie Bongili, territoire d'Ingende.
Les Moange les combattaient. Ils avaient pris le talisman "ikakota". C'était un fétiche très puissant. Ce fétiche a été acquis à la chefferie appelée Iyonda. On se battait alors. Puis les interdits du fétiche étaient transgressés progressivement. Cette guerre était appelée Nsong'a Lianja. Les Blancs étaient plus féroces que les Mbange. Les Mbange prenaient fuite, tantôt dans la forêt, tantôt sur les bords de la Jwale, vers Iyonda. Les Blancs ont tué la population de Mbange. Ils les tuaient très massivement, hommes, femmes, même des petits enfants. Tous les cadavres avaient des mains coupées.
Les soldats disaient Venez signer un accord de paix. Le notables Ifaso des
Mbange, sortit avec des jeunes feuilles du palmier. Les soldats lui ordonnèrent d'aller chercher tous les autres dispersés partout. Et notre village sortit de la forêt. On institua un chef d'hommes, Ifaso, et un chef des femmes Bakea. Les hommes étaient chargés de récolter le caoutchouc, un panier par village. Si la récolte n'est pas n'est pas suffisante, le chef en est tué, ou toute la population
de Mbange. Les femmes étaient chargées de fournir de chikwangues, de maintenir la propreté du poste. Les enfants étaient faits boys des sentinelles, et étaient aussi chargés de chercher du gibier. Ils ne pouvaient manger ni viande ni poisson, ni bananes. Si la récolte est suffisante, on paie au village du sel, des vêtements et autres articles.
Puis les Blancs abolissaient la récolte du caoutchouc. On démobilisa tous les fusiliers et on resta seulement avec des chefs. Et la terre devint pacifiée. L'argent fut introduit. On paya des impôts. Les Blancs de la prière arrivaient, et la terre devenait paisible.
Il n'y avait pas de poste à Mbange, mais dans un village proche, Bontole. Les fusiliers y résidaient, et c'est là qu'on a signé un traité de paix, et qu'on apportait le caoutchouc
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INGENDE
484/203-204
Jean ESONA, élève à Flandria

RESUME: La SAB arrive pour le commerce, mais se bat avec les Elinga. Le Blanc Ikoka affecte des sentinelles chez les Elinga. Ils font ainsi la guerre contre tous ceux qui ne récoltent pas assez de caoutchouc. Résistance par le talisman ikakota, puis soumission, et corvées. Finies les guerres. Succession des Blancs et suicide du Blanc Ekuma.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS AU CONGO ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Nous étions entre nous, et la SAB arriva. Elle disait: Le but de mon voyage, c'est le commerce. Et ils accostèrent au beach. Nous, avec fureur, on leur demanda: "Quoi? Qu'êtes vous venus faire ici?. Ils répondirent: Nous faisons le commerce, que voulez vous?". Ces Blancs vendaient des perles que jadis on appelait "bendeli". Puis, ils se battaient avec les Elinga. Là-dessus, ils tirèrent un coup de fusil sur les Elinga. Quelques temps après, nous apprenions qu'ils avaient aussi tiré le long de la rivière Busira, c'est à dire chez les Bonsela.
Nous étions encore là, et Ikoka accosta à Ingende. Il coupa un grand arbre par sa scie, et l'arbre tomba. Et il rentra à Wangata Buya, c'est à dire à Coquilhatville. A ce moment, un mois n'était pas encore écoulé qu'on nous envoya une guerre qui nous avait exterminés. Et on affecta des soldats dans les contrées riveraines que voici Bokele, Nkombo, Bokuma, Ikenge, Isenga, Mpombi, Longa, Ingende,Mpama, Ifoma, Longa-moke, Boteke, Bolondo jusqu'au Lomata-lonene. Toutes les sentinelles apportaient des vivres et du caoutchouc à Bolondo. Ils ont traversé Bempumba, et d'autres Bosaa Loolo. Lors de la cohabitation les villageois n'étaient pas maîtrisables: le matin la guerre, le soir la guerre. Peut-être Dieu leur suscita un talisman appelé "ikakota". Voilà pourquoi ils en ont été un peu sauvés car c'était un fétiche très puissant. En voici les interdits: ne pas associer un lit avec une femme, ne pas manger des chikwangues coupés en morceaux, et tant d'autres. Ce fétiche rendait invulnérable aux balles. Lors du Combat avec les Blancs, ils chantaient: "Petite fumée, originaire du ciel, Oh petite fumée, fait monter le pigeon, pigeon, eau du ciel."Là-dessus, Léopold II décida qu'on arrête la guerre. Stanley arriva de l'Europe avec des lettres interdisant la guerre.
C'est pendant la guerre qu'on récoltait le caoutchouc. Et on affecta un vrai Blanc à Bokatola, et un autre à Ifoku. On ne faisait que récolter le caoutchouc. Puis on exigea le caoutchouc en forme de boule, de l'huile de palme, le copal, et du poisson. Mais nous, on n'en fournissait pas assez. Et Molo affecta les soldats un peu partout. Et les vieux chantaient: Molo a exterminé la parenté. "Empompo fils de Lonola". Là-dessus l'Etat ordonna: Tuez les". Wilima affecta des soldats partout. Ne restez pas chez les Elinga. On nous tuaient... impitoyablement. "Nous vous tuons ainsi à cause d'ikakota. Maintenant soyez des amis, et récoltez le caoutchouc pour nous. Les gens sortent avec des jeunes feuilles de palmier pour sceller l'amitié. Et ils reprennent la récolte caoutchouc. S'ils en récoltent moins, on les tue au cours d'un combat. Si on tue les gens, on leur coupe des mains qu'on envoient en Europe. C'est la main droite. Et ils continuaient à récolter le caoutchouc.
La première station fut Bolondo. Après Bolondo, c'est Bokatola. Léopold II dit: "Ne tuez plus les gens". Il s'en est rendu compte à cause du nombre impressionnant des mains. Il mit fin au caoutchouc. Il ordonna: "Fournissez le caoutchouc en boule, le copal, la chikwangue et de l'huile. Les riverains, du poisson". Puis Molo partit pour son village d'Europe. Et Iboto restait. Quelques temps après, Iboto tomba malade, et partit pour son village, et Esukafaya le remplaça à Mbala. Itumbambilo vint remplacer Boweya à Ikenge. Et il partit pour l'Europe. Bongetola arriva et remplaça Boweya. Là-dessus, Menemene vint remplacer Bongetola. Esofe remplaça Baki, et Boseya remplaça Esofe. Itumbambilo quitta Mbala et alla créer Ingende.
Itumbambilo résidait longtemps à Ingende. Le Blanc Makasi remplaça Amba. Itoko de Bongolomboka arriva à Bokatola. Ekuma is'ea Nkoso fut rappelé par sa famille en Europe. Il refusa et se suicida à Bokatola. Il s'était tué parce qu'on interdisait de tuer les gens, mais lui, tuait (1).
Telles sont l'arrivée des Blancs au Congo et la récolte du caoutchouc. Silence, c'est que c'est fini.

NOTE
1. Ekuma est le nom mongo de Charles Liwenthal (1866-1902),
le chef de poste, suicidé à Bokatola.
Biographie dans BCB V, 561-562, Version proche de la réalité sur sa mort par l'administrateur S. Veys, dans An.Aeq. 16(199.5)129-133
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INGENDE
677/Papiers Hulstaert
IMPOTE Polo (1)

Paul Mpetsi, témoin direct, raconte ses souvenirs sur l'arrivée des Blancs d'abord à Ikenge, puis à Ingende. Grâce à ikakota, on mit en déroute le Blanc et ses hommes. Après s'être repliés, les Blancs, profitant de la non-observance des interdits d'ikakota, réapparaissent et attaquent les Noirs. Le père du narrateur est tué, mais son fils le venge en tuant la sentinelle assassin de son père. Le fils de l'assassin a tenté plus tard de venger son père, mais en vain.

TEXTE:
CE QUE J'AI ENTENDU DU VIEUX MPETSI PAUL, CONCERNANT L'ARRIVEE DES BLANCS CHEZ NOUS A INGENDE
Longtemps avant, nos ancêtres et nos pères ne s'attendaient pas à ce qu'une guerre allait venir chez nous. Mais une information étant comme un oiseau, on apprenait une débandade totale d'Ikenge. C'est pourquoi, les ancêtres et les pères sont allés contracter le talisman ikakota qui exigeait des interdits suivants: ne pas coucher avec une femme, ne pas consommer les vivres préparés par une femme; la femme qui garde le talisman ne peut même pas causer avec un petit garçon pendant que les adultes sont en guerre. Elle ne cause qu'avec de petites filles.
Quelques temps après, la guerre fit irruption. Ils avaient beau appuyer sur la gâchette, en vain, pas de détonation. Beaucoup de soldats tombaient sous les flèches des villageois. Les Blancs, exténués, se repliaient à Mbaka(2). Là, ils demandèrent à leurs conseillers: "c'est quoi, ce phénomène? on appuie sur la gâchette et pas de détonation"! Les conseillers répondirent: Ils ont leur fétiche ikakota dont les interdits sont liés à une femme. c'est comme cette femme d'Ikenge qui nous a logés. Elle garde ce fétiche pour les Ikenge; il en existe d'autres ailleurs. Vous comprenez la cause? Attendons un peu, nous allons rentrer chez eux, et vous verrez. Quelques temps après, les soldats faisaient de nouveau irruption, mais les ancêtres et les pères croyant la guerre terminée, ont repris à manger la nourriture préparée par des femmes, se félicitant que les soldats les ont fuis. Deux jours plus tard, la guerre s'aggrava. En premier lieu, ils tuèrent notre mère d'Ikenge qui les avait hébergés. C'est pourquoi, un proverbe dit: "Il ne faut pas héberger un Blanc, car les Blancs ont tué la dame qui était à Ikenge qui les hébergea". C'est à cause de cet incident. De là, la guerre se répandit jusqu'ici chez nous. Ceux qui étaient à la chasse et qui en revenaient trouvaient la population décimée. Les enfants erraient partout. Le vieux Mpetsi apprit la nouvelle selon laquelle son père avait été tué par les Blancs. On lui demanda de ne pas y aller car la guerre devenait grave. Mais le vieux Paul Mpetsi n'écouta pas ces interventions et alla voir où gisait son père. Et comme il voulait pleurer, les femmes réquisitionnées pour leur préparer la nourriture lui
prévinrent de s'en abstenir car il risquait d'être tué. Il se résigna, mais on lui indiqua celui qui avait tué son père. Il se prépara à la manière d'un homme courageux, et vit l'assassin de son père qui inspectait la nourriture préparée par les femmes. Là-dessus, lé vieux Mpetsi fit sortir son couteau qu'il enfonça énergiquement dans le coeur de Longenga. Les gens accoururent pour le sauver, en vain et l'homme mourut. On arrêta le vieux Paul Mpetsi, on voulait le tuer. Mais, le Blanc s'interposa en disant: "c'est un vaillant garçon. Il convient que nous en fassions un soldat". Il travailla longtemps comme soldat, et regagna en fin son village. Après le service militaire, il devenait catéchiste dans son village Bokulu, secteur Duali, territoire Ingende.
Après quelques années, un soldat originaire de Bobwa vers Wele, appelé Katau Honoré était sergent à Ingende. Ce soldat est le fils de l'homme que le vieux Mpetsi avait tué. Et il savait bien que Mpetsi le catéchiste de Bokulu était l'assassin de son père. Il cherchait à tout prix à venger son père, car il était plein de rancoeur. Il cherchait à le tuer par tous les moyens, mais en vain. Il essaya même de l'empoisonner au cours d'une fête qu'il avait organisée, mais Mpetsi déclina l'invitation. Jusqu'à son départ pour la guerre de 40-45, Katau n'a jamais réussi à avoir le vieux Paul Mpetsi.
Tel est le peu que j'ai reçu de la bouche du vieux Mpetsi Paul.

NOTES
1. Avec 26 titres, P Impote a collaboré entre 1944 et 1959 aux périodiques: Le Coq Chante, Etsiko et Lokole Lokiso, sur divers sujets: chroniques et moralité.
2. Ne s'agit-il pas de Mbala qui est dans les parages?
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BONKOSO/IAMBO
485/2056211 Jean BOENGA, moniteur à Flandria (1)

RESUME: Molo est le premier Blanc qu'on voit ici. C'est un esprit pour les villageois. Il est suivi par la SAB dont les agents sont tués par les Bombomba. Viennent le caoutchouc, les corvées et la guerre. Le Blanc Ekuma se suicide.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS A BONKOSO IAMBO
Le Blanc qui est venu chez nous fut Molo. Molo avait accosté à Bolobo. Les gens qui sont allés au marché l'y ont trouvé installé. Les hommes et les femmes s'en étonnèrent. Ils dirent: "Ce Blanc, d'où vient-il"? Les uns disaient: "un esprit". Les autres: "un esprit". Il est accompagné des gens qu'on appelait pistonniers. De retour du marché, Ils racontaient la nouvelle à ceux qui étaient restés au village: "A Bolondo où nous sommes allés au marché, nous avons vu un être effroyable. C'était un Blanc ou un esprit, ou un revenant qui était entourée de plusieurs personnes". Cette nouvelle se répandit dans tous les villages qui nous étaient proches. Les gens disaient: "Restons attentifs, voyons ce qu'il va faire à Bolondo".
Molo habitait Bolondo. Il prit les vieux de Bolondo et les ordonna de récolter le caoutchouc. Il surnomma les garçons njakala (2), et ils plantaient le café et le cacao.
Les Elinga, ne sachant pas monter sur les arbres, déclarèrent: "Nous ne savons pas monter sur les arbres, il convient que nous allions échanger du poisson contre le caoutchouc chez nos Nkundo: Iambo, Besombo et Likoli". Tous les leur se mirent d'accord.
Un des nôtres nommé Bosekola Senior est tiré à bout portant par des pistonniers. Voici qu'un autre Blanc accompagné de soufflets et de beaucoup de gens vint passer. On l'appelait Bokukulu. Mais les Bombomba le tuèrent.
Molo ne restait qu'à Bolondo. Nous remarquions que les Riverains Elinga apportaient du poisson à profusion. On leur demanda: "Mais de quoi s'agit-il"? Ils répondirent: "Le Blanc que vous avez entendu chez nous a créé un poste, et il a planté du café. Les adolescents nettoient le poste, et plantent le cacao. Nous autres, nous ne savons pas monter sur les arbres. Nous sommes venus troquer du poisson contre le caoutchouc chez vous". Ces Riverains Elinga sont: Bolondo, Boteka, Longa et Bempumba. Ils étaient venus avec des paniers et des paniers de poissons échanger contre le caoutchouc: 8 boules de caoutchouc contre 10 poissons Clarias.
les Riverains étaient venus plusieurs fois pendant près d'une année. Et lui, Molo, toujours à Bolondo. Nous autres, toujours au village.
On avait entendu aussi une autre nouvelle de la part des Bombwanja: "La guerre des mânes est à Bokatola. Molo posta alors des sentinelles dans les plantations. Il y avait ainsi une sentinelle à Longa, à Ifoma, à Boteka, à Bempumba, et lui-même à Bolondo. Et il demanda aux Elinga: "où allez-vous récolter du caoutchouc"? Ils lui répondirent: "Nous échangeons du caoutchouc contre du poisson". Molo appela alors Itongola le chef de Bolondo et lui demanda: "D'où vient le son du tam-tam que j'entends souvent"? Il lui répondit: "Cela vient des Nkundo". Et Molo de répliquer: "Qui sont les Nkundo"? Itongola répondit: "Bonkoso et Bongili sont des Nkundo". Molo demanda: "Qui en sont les patriarches"? Itongola répondit: "Mbango à Bonkoso; Bofeke Is'Ekula à Bongili (Boamba)". Molo lui dit: "Communiquez-leur de m'envoyer deux chèvres". Molo demanda Itongola: "Ces Nkundo, sont-ils proches"? Le chef répondit: "Ils sont proches. C'est là que les Bilinga achètent le caoutchouc. C'est par exemple Iambo, Besombo et Likolo, et les autres (villages)". Molo répondit: "Bien, un jour les fusiliers iront là-bas".
Sur ces entrefaites, les fusiliers arrêtèrent les Elinga venus acheter le caoutchouc. Ils en tuèrent beaucoup parmi les Elinga et les terriens. Les cadavres jonchaient la terre comme des troncs d'arbres. Tout le monde prit fuite dans la forêt. Et les fusiliers rentrèrent à Bolondo. Et les fugitifs sortirent de la forêt. Ils ne trouvaient que des cadavres étendus à même le sol. Ils dépeçaient les cadavres et les mangeaient, surtout ceux des Elinga venus acheter le caoutchouc.
Et voilà que les vieux déclarèrent: "Comment se fait-il que ce Blanc, peut-être Lianja, qui est venu chez nous envoie des fusiliers pour nous tuer. Il faut que nous allions nous battre contre les Bolondo, qu'ils partent de chez nous. D'ailleurs, c'est le rival de Lianja". Les villages qui se réunirent en coalition furent: Bonkoso, Iyonda et Bombomba. Les vieux s'en allèrent et déclarèrent la guerre aux Bolondo. Molo d'une palissade de parasolier, prit tous les garçons qui plantaient du café à son compte, et prit aussi des fusiliers.
Iyonda et Bombomba traversèrent la Jwafa, et accostèrent au beach de Bosaa à Boala. Il s'agit de notre Bosaa de Bonkoso.
Les Bonkoso étaient allés du côté de Bakoka. Iyambo, Besombo et Likolo passèrent du côté de Bongale des Bolenge. Iyonda et Bombomba attaquèrent par la rive. Iyonda et Bombomba sortirent les premiers et le combattaient à Bonkoso même. Iyabo, Besombo, Likoli et Bongili n'étaient pas encore arrivés. La lutte s'engagea. Les détonations de fusils se firent graves. Certains n'y arrivèrent pas fuyant ces détonations. Ils se dispersèrent et se sauvèrent à qui mieux mieux parfois sans ceinture ni habit. Ils retournèrent chez eux à Iyonda et Bombomba.
Lors de la trêve, les coeurs ne sont pas tranquilles. Ils disent: "Rentrons encore le combattre. Chassons-le, qu'il parte de Bolondo". Pendant qu'ils préparent la guerre, Molo envoie ses sentinelles se cacher dans chaque village. Une à Nseke, une autre à Bonkoso et une autre encore à Wofa. Il n'y avait plus moyen pour eux de continuer à conspirer.
Les Elinga reprirent le commerce du caoutchouc. Les sentinelles les poursuivirent encore. Ils étaient à leurs trousses. Ils trouvèrent les Elinga et les Nkundo en train d'échanger le caoutchouc contre le poisson. C'étaient Iyambo, Besombo et Likoli qui commerçaient avec les Elinga. Les gens étaient vraiment en mouvement. Tant Elinga que Nkundo, personne ne s'inquiétait. Vers 4h00, le soir, les fusiliers qui avaient poursuivi les Elinga rencontrent quelqu'un qui s'appelait Lianja Nkange. C'est lui la première victime des fusiliers dans notre contrée. Il fut tiré à bout portant. La guerre se généralisa et n'épargna personne: hommes comme femme, jeunes comme vieux. Tous les Elinga venus pour acheter le caoutchouc furent exterminés à coup de fusil. Les clients des Elinga n'en furent pas épargnés. La guerre prit fin et les fusiliers regagnèrent leurs postes d'affection à Bonkoso. Molo lui-même toujours à Bolondo.
De retour de la fuite, les villageois trouvèrent des cadavres gisant partout. Ils enterrèrent les leurs, mais dépecèrent et mangèrent ceux des Elinga. Tous les Noirs s'enfuirent dans la forêt ou dans d'autres villages, à cause de la guerre des mânes qui se répandait. Tous les Bonkoso se réfugièrent à Bongili et à Bombwanja.
Les fusilier qui résidaient à Ifoma se mobilisaient et allèrent en guerre. Ils sortirent à Elinga, Etoontale et Bokuku. Empole les combattirent. Ils prirent aussi fuite et se réfugièrent dans d'autres villages comme à Boamba. La plupart des Bonkoso et des Bongili résidaient à Boamba.
Là-dessus, un homme nommé Is'Itoko avait un fétiche appelé "Ikakota ". Les Noirs pensaient. qu'ils pouvaient convaincre les Blancs par ce fétiche. Un certain Ntaa de Boamba alla chercher ce fétiche "Ikakota" chez Is'Itoka à Bokala d'Iyonda. Ntaa vint avec le fétiche. Il raconte les interdits et les intérêts liés à ce fétiche. Il dit: "Frères et Soeurs, venez tous voir ce fétiche. Même si on vous tire un coup de fusil, vous ne serez pas blessé; des balles, en vain. Voici les interdits de ce fétiche ikakota:
1) ne pas manger des morceaux de chikwangues, mais des beignets;
2) ne pas manger les mbaala;
3) si vous préparez quelques chose, que les bois ne se heurtent pas;
4) que maris et femmes s'abstiennent des rapports sexuels.
Et pour les hommes qui vont en guerre: qu'ils se lavent avec le fétiche, et qu'ils le portent en bandoulière. Ce n'est que comme cela que personne ne sera atteint d'une balle.
On construisit une maison pour ikakota, et on l'y installa lui seul. Et on clôtura cette maison. On mit le fétiche dans un pot en terre. On coupa la tête de quelqu'un et on mit son sang et des poumons dans le pot où se trouvait le fétiche. On les mélangea d'autres fétiches et les hommes s'en servaient pour prendre bain. Ceux qui s'étaient induit d'ikakota ne pouvaient plus s'enduire du fard rouge, mais seulement du kaolin blanc.
Les fusiliers partirent en patrouille dans la contrée. Itela y'Ebongola à Etoontale. A Bongili, c'est Is'Emela venu du côté de Bokatola. Après l'acquisition d'ikakota, tous les vieux décidèrent de faire la guerre. Ils sont allés combattre is'Emela. Ils encerclèrent sa maison.
Ils étaient 9 fusiliers. Et ils crachèrent des coup de feux. Les vieux répliquaient en criant: "Ulumo; ulumo" (3). Mais les soldats continuaient à tirer. Là-dessus 2 soldats trouvèrent la mort. Bakea est mort, il était originaire de Bonkoso. Is'e'Iwanga alla rendre l'âme à Bonganga où était affecté un autre fusilier appelé Ekombe ea joso j'Eyenga.
L'efficacité magique du fétiche fut édulcorée. On viola les interdits d'ikakota. On faisait des rapports sexuels. Et ce fétiche perdit sa puissance. Si les vieux avaient pu tuer 2 soldats, c'est grâce uniquement à ce fétiche. Les vieux de Bonkoso, Bongili et Elongo se dispersèrent fuyant la guerre. Il traversèrent la Jwale et allèrent s'installer à Iyonda chez Is'Otoka à Bokala où ils avaient pris le fétiche.
En ces temps-là, un Blanc surnommé Ekuma arriva de l'Europe et débarqua à Bolondo. Beaucoup de soldats, innombrables. Ekuma n'était pas désigné pour occuper Bolondo, il était désigné plutôt pour Iyonda où habitaient les gens au fétiche ikakota, à Bokala. Ekuma envoya ses gens en guerre à Iyonda. Une bataille subite alla par Balemba et une autre par Isoombo. Et toutes les factions furent irruption à Bokala. Aucun vieux ne fit face, tous s'enfuirent, et allèrent s'installer à Wele. Et Ilange et Iyonda prirent fuite. Wele est un village d'Iyonda.
Ekuma habitait toujours à Bokala. Il affecta des sentinelles dans toute la contrée de Bokala. Les vieux d'Iyonda et d'Ilanga se liguèrent et partirent combattre Ekuma et ses soldats. La sentinelle qu'Ekuma avait placée à Iute fut tuée à coup de lance la nuit. Il parvint à rejoindre son collègue près du feu, et là il tomba et mourut. Le Blanc Ekuma réunit tous les soldats. Les vieux l'attaquèrent par surprise lui et ses soldats. Les vieux prirent leur fétiche ikakota. Ils crièrent fort: "égares-toi devant moi, fusil". Ekuma et ses gens tiraient, mais les vieux répondaient toujours: "égares-toi devant moi, fusil". Quelques soldats moururent sur place. Ekuma et d'autres prirent fuite. Ils allèrent très loin. Ils traversèrent la Jwale et arrivèrent chez le Ngombe. Il quitta Ngombo et alla à Iyambo où était affecté le soldat Loola. Molo l'avait affecté à Iyambo. Ekuma rencontra Loola. Ekuma fuyait la guerre de Bolondo jusqu'à Iyambo. Il descendit à Bolondo chez Molo.
Ekuma ne mangeait que les frites de bananes et des carottes de manioc. Les provisions qu'il avait apportées de l'Europe étaient systématiquement pillées. Ekuma fuyait la guerre et alla habiter Bolondo avec Molo. Quelques temps après, on réaffecta Ekuma à Bokatola.
On fit appel à 2 Blancs avec 200 ou 300 soldats. Les noms de ces Blancs sont Bajunu et Bongena. Ils partirent en guerre à Iyonda. Ekuma fuyait ikakota. Arrivés à Iyonda, ces Blancs combattirent les vieux. Ils prirent le dessus sur les vieux. Ils en tuèrent beaucoup. Les uns faits prisonniers, les autres s'en fuirent. Encore une fois leur fétiche ikakota perdit de sa puissance magique.
Les Ilanga qui étaient partis pour Iyonda devenaient comme esclaves. A la moindre incartade, ils étaient tués. Bajunu et Bongena s'installèrent à Mbala. Ils créèrent une station à Mbala Iyonda. Les Ilanga, excédés par l'esclavage à Iyonda dirent: "Venez et allons au village, retournons à nos emplacements délaissées du village. Que le Blanc nous tue au village". Là-dessus, les Bofili viennent, ils sont désignés sentinelles. Leur chef Ekombe et Wilima. Sans tarder on les fit traverser la Jwale. Ils vont s'installer à Boamba. Ekombe ea Wilima, le chef, habitait Boamba. Ekombe ea Wilima dispersa ses hommes dans tous les villages et forêts pour tuer les gens. Tous ceux qui étaient dans la forêt en sortirent craignant la mort. Ils se dirent: "Sortons, demandons au Blanc de conclure la paix et demandons lui pardon".

PACTE DE PAIX ET DE NON AGRESSION RECIPROQUE
Le chef des soldats, Ekombe ea Wilima des Bofiji. dit: "Venez avec vos arcs pour les garder sur l'étagère et revenez le lendemain matin les rechercher pour que nous allions dans la forêt à la recherche des gens".
Ils vinrent avec leurs arcs et les déposèrent sur l'étagère. Les soldats le reprirent et s'en approprièrent. C'était un ruse. Ekombe ea Wilima dit: "Je vous ai ravi les arcs. La guerre a complètement pris fin. Mais le Blanc veut que vous récoltiez le caoutchouc".
Les vieux répondirent: "Nous ne savons pas récolter le caoutchouc". Les soldats répliquèrent: "Venez que nous vous apprenions comment récolter le caoutchouc. Les vieux étaient d'accord. Et ils partirent récolter le caoutchouc dans la forêt avec les soldats. Les soldats dirent: "Que chaque village remplisse un panier de caoutchouc sinon on va tuer les contrevenants".
On sort de la forêt. Ceux qui ont récolté la quantité exigée ne sont pas tués. Mais ceux qui n'en ont pas accompli sont tués. "Vites au gibet". On tuait sans exception, hommes et femmes. Tous les vieux allaient vendre le caoutchouc à Bokatola. Si la quantité n'est pas suffisante, on les tue sur place. Ils y allaient deux fois par mois. Le vendredi, on rassemble le paquet. Le samedi, ils vont à Bokatola. Et les vieux continuaient à récolter ainsi le caoutchouc, Et on continuait toujours à tuer ceux qui n'en récoltaient pas assez. Et le mot d'ordre contre eux était: "Vite au gibet".
A ce moment, Lomboto et Itota étaient des chefs. Lomboto, originaire de Bokatola, et Itota, originaire de Boulama. Et les Blancs: Ekuma et Bajunu, Botigena Is'Ewanga, et à Bolondo, Molo. Is'Ewanga partit pour Iyoko. Bajunu quitta Bokatola et alla combattre les Bolondo. Molo qui voulait s'installer à Bolondo ne faisait que la guerre aux vieux, et ce matins et soirs. Il ne put donc résider à Bolondo. Il partit. D'autres Blancs se disséminèrent ailleurs dans de nouvelles stations.
Ekuma resta à Bokatola. Quelques temps après, Ekuma commanda une fanfare de chez son père et sa mère en Europe. La musique résonna à Bokatola. Ekuma accueilli la fanfare. Ekuma appela toutes les sentinelles des villages à Bokatola chef-lieu du poste administratif. La guerre prit fin. Mais les vieux continuaient le caoutchouc et la vente des chikwangues. Ils les vendaient en même temps que le caoutchouc. Les chefs livraient le caoutchouc et les chikwangues. Si la quantité est inférieure on les tue. N'a la vie sauve que le chef qui fournit assez de caoutchouc et de chikwangues.
Et Ekuma dit: "Maintenant que la guerre a pris fin, que tous les soldats viennent ici à Bokatola faire la parade au rythme de la fanfare. Commandant Polo résidait à Mbandaka. A ce moment Mbandaka n'était encore qu'une brousse, sans encore l'aspect d'une ville. Commandant Polo apprit qu'une fanfare résonnait à Bokatola chez Ekuma. Il envoya une lettre à Ekuma lui demandant de venir avec sa fanfare. "Ekuma dit-il, serait-il devenu un autre commandant à Bokatola"? Ekuma reçut la lettre, mais répondit: "Cette fanfare, je né l'ai pas obtenue de leur service; c'est la fanfare que mon père et ma mère m'ont envoyée de l'Europe. Je refuse, je n'y vais pas". Ekuma répondit ainsi donc à la lettre du Commandant Polo. Ce dernier répliqua: "Lui, Ekuma a usé de la désobéissance; il cherchera par où aller dans son village en Europe. Je l'ai d'ailleurs communiqué même à ses parents en Europe. Le Commandant quitta Mbandaka et alla à Bokatola accompagnés de soldats pour reprendre la fanfare. Il voyageait à bord du vapeur Ngbangba. C'était une sorte d'allège, mais motorisée. C'était un moteur abasourdissant. D'où l'idéophone ngbangba. Le vapeur accosta à Ikenge. Ils débarquèrent et s'en allèrent. Tous le villageois et les soldats se rassemblèrent à la station de Bokatola. Le Commandant prit la fanfare et sans y passer la nuit, retourna pour passer la nuit à Ikenge. Et il rentra à Mbandaka avec la fanfare.
Un Blanc était à Ikenge et s'appelait Boweya w'isok'Etoko. S'il avait ainsi barré la rivière, c'est parce que les Bofiji enlevaient nos gens vers eux. Boweya installa une alarme et des surveillants pour suivre le passage des gens. Touchait-on à la corde, l'alarme sonnait. Les surveillants l'entendaient et réveillaient le Blanc. Les soldats sortaient avec des fusils et tuaient tous les récalcitrants. Les surveillants passaient des nuits au beach. Les morts et les blessés flottaient sur la rivière. On n'enterrait pas des victimes.
Ekuma toujours à Bokatola. Il communiqua à son père et sa mère que le Commandant lui a ravi la fanfare qu'ils lui avaient envoyée. Son père et sa mère le réprimandèrent sévèrement. Ils lui dirent: "Vous avez tort. Il fallait tout simplement remettre la fanfare au Commandant". Il se fâcha violemment. Il se dit: "Je n'irai plus jamais en Europe". Il rassembla nourriture et boissons; mangea et but. Il écrit une lettre et la déposa sur la table. Il appela son domestique appelé Efumbu, originaire de Ngombe Etoontale. Ekuma lui dit: "Prends ce fusil et tue-moi". Efumbu répondit: "Moi, je ne tue pas un Blanc". Ekuma s'habilla de ses plus beaux habits et se coucha dans un fauteuil. Il plaça le canon sous le menton, décrocha la détente par le pied et le coup de fusil se fit entendre. Ekuma mourut.
Les gens se dirent: "D'où sort ce coup de fusil"? Le clairon sonna, la troupe se rassembla, et remarqua par la fenêtre que le Blanc s'était suicidé. Tous les gens se rassemblèrent, on sortit le cadavre. On cria: "Ekuma s'est tué lui même, par coup de fusil. Là-dessus le Blanc qui était à Ikenge, Boweya w'Isok'Etoko et les soldats partirent pour Bokatola.
Le Blanc Boweya prit connaissance de la lettre (testament) d'Ekuma. Il s'est vraiment suicidé. Boweya enterra le cadavre à Bokatola. Il appela tous les soldats et les permutèrent. Les uns furent envoyés à Mbandaka et les autres à Iyoko. Il leur dit: "Si un Blanc arrive à Bokatola, on fera alors appel à vous". Il n'y a que Lomboto qui resta à Bokatola au même titre qu'un Blanc. Itota était à Boulama. Les deux avaient le même âge. Les deux imposaient aux autochtones: de l'huile de palme, du poisson frais, même séché, ainsi que toutes sortes de nourriture. Ils les envoyaient ensuite à Ikenge chez le Blanc Boweya. Lomboto en faisait aussi beaucoup de prélèvements, la majeure partie était à lui. Il arrêtait des gens, en tuait les uns, et en faisait d'autres ses esclaves. Si un de ses parents venait a mourir, il lui sacrifiait un homme comme on sacrifie une chèvre ou un chien. Aucun Blanc n'arrivait plus à Bokatola. Il n'y avait qu'un Blanc à Iyoko, nommé Is'Ewanga, et un autre à Ikenge, Boweya.
Un certain Efoloko, originaire de Bowele était venu du service avec un grand manteau imperméable, de couleur noire. Et Lomboto l'ordonna: Efoloko apporte moi ce manteau qui me convient à moi qui suis chef". Efoloko répondit: "j'ai acheté mon manteau avec des mitako, je ne vous le donne pas. Vous n'êtes pas chef pour les biens d'autrui. Lomboto ne supportait pas la réponse. Il envoya une expédition punitive à Bowele. Un homme fut tué par balles. Il s'appelait Nkondo. Efoloko lui coupa la main et l'apporta au Blanc à Ikenge. Il dit au Blanc: "Maintenant on a interdit d'utiliser des fusils et de tuer des gens, alors pourquoi Lomboto tue-t-il des gens? Voilà qu'il vient de tuer Nkondo à cause de mon propre manteau. Si doute il y a, voici la main de Nkondo après que Lomboto l'ait tué". Ce Blanc, c'est Abaki qui avait créé le poste de Boweya. Et Abaki répondit: "Donc Lomboto continue à user du fusil, et de tuer les gens?. Alors qu'il ne se conforme pas aux instructions de l'Etat. Il convient ainsi de prévenir les Blancs Bajunu et Bongena, que nous leur envoyons cette main qu'ils la voient".
Là-dessus les commandants s'en allèrent en guerre. Ils accostent à Ikenge chez le Blanc Abaki. Ils débarquèrent à Bokatola. Ils demandèrent: "Dites-nous ce que fait Lomboto ici". Les gens répondaient: "Il tue les gens et en vend d'autres. Il tue les gens qu'il arrête. Il vient d'en tuer un Bowele à cause du manteau d'Efoloko. Il avait demandé à Efoloko son manteau que ce dernier lui a refusé. Il déclara alors la guerre et Nkondo fut tué". Le Commandant ordonna: "Demain matin, Lomboto et son frère Bongoso viendront m'accompagner à Ikenge".
Lomboto et son frère cadet se levèrent et l'accompagnèrent à Ikenge. De passage à Boulama et à Bowele les gens déclarèrent: "Commandant, ne remettez plus Lomboto et son frère ici". Et c'est comme cela que tous les villages déclaraient.
On arriva à Ikenge. Les juges leur firent perdre le procès et les arrêtèrent. On les achemina à Mbandaka. Lomboto était un vieillard, très âgé. On le relégua à Boma.
Son frère Bongoso fut empoisonné par une purge et rendu impuissant. Il ne pouvait plus épouser. Là-dessus le Commandant Polo partit et aucun Blanc ne revint plus.
Quelques temps après, les Blancs arrivaient en grand nombre, hommes et femmes. Au début ils n'étaient pas aussi nombreux. A leur arrivée, ils ont vécu en bons termes avec les Noirs. C'est le règne de la Belgique, en d'autres termes, le début de la civilisation. Voilà les Noirs au service des Blancs. Les noms des soldats qui étaient dans chaque village: à Iambo, Loola et Bokali et les autres; à Esombo, Bampoko et Kongo; à Ilongo, Ifumbwanjanga et Lofele, à Engonjo et Boyeka, Ebote et Boyeka. Les premiers Commandants à Mbandaka étaient: 1) Ntange, 2) Wilima, 3) Ampoloso. Wilima alla à Bolondo. Il fut chassé par la guerre comme Molo. On l'a chassé à coup de flèches et il s'en alla à Bankanja. Ntange resta à Mbandaka. Ampoloso aussi. Celui qui était à Kitambo Léo ordonna: "Cessez de tuer les gens, la guerre a pris fin". Ntange ne voulait pas que la guerre prenne fin. Ils remplissaient des paniers avec des mains mutilés des cadavres humains.
N.B.: J'ai oublié une chose lié à la relégation de Lomboto. C'est au moment où on avait interdit de tuer les gens.

NOTES
1. Auteurs de 7 articles, entre 1938 et 1959 dans le Coq Chante, et Lokole Lokiso, sur les fables, la chronique de Boteka et environs et sur les funérailles. En 1956, il pose une question au Père Boelaert sur le Concours de l'ARSOM (Lokole Lokiso, 15 nov. 1956, p.2).
2. Mot d'origine étrangère, signifiant adolescent (D.1442)
3. Cri de guerre pour rendre inopérants les coups de feu.
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FLANDRIA
615/260
Justin ITOKO, élève à Flandria

RESUME: Les guerres intestines précèdent l'arrivée des Blancs. Les Blancs viennent pour le commerce, mais les Noirs les importunent, et la guerre de Lofembe s'en suit. Les Noirs tuent un Blanc de la SAB. Fuite des Noirs dans la forêt par suite des représailles. Les Noirs prennent des Blancs pour des mânes. L'Etat interdit de tuer. Caoutchouc. Exactions, puis la paix.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Aux temps où vivaient les ancêtres, dans le village, les gens s'entre-tuaient et se blessaient; les gens se décimaient par des guerres intestines. Les Blancs ont ensuite cherché des voies et moyens pour atteindre notre terre. Ils y sont venus et ont trouvé cette terre. Les gens ont aussi cherché les voies et moyens pour tuer les Blancs. Et les Blancs avaient arrêté beaucoup de gens. Et comme les gens ne cessaient de les importuner, les Blancs ont fait appel aux gens qu'ils connaissaient: les anciens combattants. Ceux-ci avaient fusillé beaucoup de gens et en avaient fait d'autres prisonniers. Cette période est appelée la guerre de Lofembe.
Les Noirs avaient tué un Blanc de la SAB à Lokongwa Wilima. Dans certains villages, il n'y a plus de survivants, à l'exception de ceux qui avaient pris fuite. Devant ce spectacle, on arrêta de les tuer, mais la guerre de Lofembe continuait quand-même. Certaines personnes en étaient terrifiées et se réfugiaient dans la forêt. D'autres y étaient restées. Ceux qu'on arrêtait étaient conduits à un village appelé Ekombe où on les tuait à l'ombre dé l'arbre Pseudospondias microcarpa. Les gens commençaient à résister. Mais les Blancs les tuaient à cause de leur propre stupidité. Ils prenaient des Blancs non pour des hommes mais pour des mânes. Ils s'en exclamaient: "Quel genre d'hommes avec une peau si claire". Mais l'Etat interdit de tuer. Et ce fut la fin des tueries massives. Mais, ils se tuaient en cachette entr'eux. l'Etat ne se lassait pas de pacifier par la guerre et trouva un moyen qui mit fin à des tueries.
DU CAOUTCHOUC
Lorsque les villageois ont commencé à abandonner de mauvaises habitudes, la première corvée que l'Etat a imposé fut le caoutchouc. Il demanda à celui qu'il avait institué capita de venir avec des gens au jour et à l'heure fixés. Il en fit le recensement avec indication du nom, du père, de la mère et du village d'origine. Puis il ordonna à tout le monde de récolter le caoutchouc. Et l'on se dispersait. On rapporta le caoutchouc, et rien d'autres. Ceux qui n'avaient pas de caoutchouc étaient fusillés devant tous, non en cachette. Puis il imposa à chacun le poids précis à apporter, à défaut de quoi le récalcitrant était tué. Par peur de mourir, ils commençaient à en fournir autant qu'imposé. Mais avant c'était très compliqué, car ils ne savaient pas comment récolter le caoutchouc. Ce n'est qu'après que les autochtones ont retenu de bonnes lianes à caoutchouc: la Clitandra cymulosa, la bomuke et l'intsic.
Les gens commençaient à se rendre visite, et passer seul à travers une forêt mitoyenne. On n'en sortait pas survivant jadis. Actuellement, c'est bien. Si vous percevez le silence, c'est que ce récit est terminé.
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BOLONDO
611/253-255
Albert ILUO, moniteur à Flandria

RESUME: Ikoka arrive en bateau. Il est attaqué près de Flandria. Un soldat originaire de cet endroit aide à riposter et le village est attaqué par 50 soldats. Le patriarche Iyole de Bolondo conclut la paix avec Ntange. Imposition du caoutchouc.

TEXTE:
La venue des Blancs et le temps du caoutchouc à Bolondo. Au retour d'une inspection de chasse, nous apprenions qu'un Blanc appelé Ikoka avait remonté la rivière jusqu'à Ifoma d'aval, où il est descendu à terre. Il est allé à Nkelengo, et y a tué deux hommes. Il retourna au beach, reprit place à bord de son bateau, et rentra en aval.
Nous sommes restés et six mois s'écoulèrent. Après ces mois, un autre Blanc nommé Ntange arriva en bateau et accosta à Benkombo, près de Longa d'aval, dans une crique nommée Botendo. Lui, il ne voulait pas se battre, il voulait que les indigènes fassent paix et s'unissent à lui. Mais beaucoup ne voulaient pas la paix. Aussi il se fâcha, tira et tua des gens. Puis il débarqua chez les Nkundo de Bolondo et Ikengo. Il y resta un jour et retourna au beach monter à bord du bateau et remonter la rivière. Pendant cette montée, il ne s'est pas battu en route. Mais arrivé au grand Longa d'Eambela c.à.d. le Longa près de Boteka, on l'attaqua. Ils lui barrèrent la route et il ne put accoster à la rive, car les gens l'y attendaient. Aussi il resta au bateau, sur la rivière, avec beaucoup de soldats. Parmi ces soldats, il y avait un nommé Ilanga originaire de Longa d'aval. Il dit à Ntange: "N'accostons pas, pour ne pas être tués. Mais donnez moi 50 soldats, je les conduirai par Ifoma d'aval et le sentier Bansende". Le Blanc lui donna 50 soldats. Ilanga les mena par un chemin raccourci. Ils débouchent sur un étang près de Longa et attaquent le village qui est battu. Le Blanc fait cesser le combat, puis il dit aux soldats: "Passez par terre tandis que je continue par eau, et rejoignez-moi à Belondo". Partout où ils passent ainsi à l'improviste les soldats tuent toute personne qu'ils rencontrent.
Les soldats qui sont passés par route, venaient de Longa. Ils passèrent par Bongale et arrivèrent à l'improviste à Belondo. Et Ntange s'installa ici à Bolondo sans faire la guerre. Il dit: "Que le chef d'ici vienne, que je l'informe". Iyole, le patriarche de Belondo, alla chez Ntange conclure la paix. Ntange le félicite, et lui dit: "C'est bien comme tu as conclu la paix avec moi; je vous informe que je veux habiter ici. Vos enfants et vous d'un côté, et moi de l'autre".
Après que Ntange s'est installé, il dit à Iyole,: "Appelez tous les Elinga du bas que je leur dise ce qu'ils doivent faire". Iyole appela les Elinga, mais deux jours passèrent sans qu'ils ne viennent. Ntange se fâcha et ordonna à ses soldats de poursuivre les Elinga partout dans les marais pour les tuer, leur couper la main et lui apporter ces mains. Et les soldats partirent en pirogues, traquant les Elinga et tuant un grand nombre. Voyant qu'ils ne pouvaient y résister, les Elinga viennent demander la paix au Blanc.
Quand ils sont venus se soumettre, Ntange était content, mais il leur dit: "Vous êtes des imbéciles. J'ai d'abord envoyé Bokukulu (un Blanc) pour faire du commerce avec vous, et les gens d'Ifulu l'ont tué, et quand je m'amène moi même, Bekombe m'attaque. Maintenant vous aussi vous m'avez attaqué en négligeant mes ordres. C'est pour cette négligence que je vous ai tués. Mais ma colère est finie. Je vous donne mes soldats pour vous surveiller dans les travaux que je vous impose. Ces travaux sont faire du caoutchouc, tant par les Elinga que par les Nkundo".
RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Ce sont les Elinga qui ont commencé la récolte du caoutchouc. Voici comment Ntange leur apprit le travail. Ils devaient couper les lianes à caoutchouc; puis enduire le latex sur le ventre. Quand ce latex est séché, ils devaient l'enlever du ventre et en faire des caillots mais sans les salir. Là-dessus Ntange affecta des soldats comme sentinelle dans chaque village, pour surveiller le travail du caoutchouc. Chaque fois qu'on apporte du caoutchouc la sentinelle doit regarder s'il y en a assez et s'il n'est pas sale. Quand il n'y en a pas assez ou quand il est sale, il vous tue. Quand la sentinelle a inspecté ce caoutchouc, il conduit tous les hommes avec leur caoutchouc chez le Blanc. Puis le Blanc pèse le caoutchouc et paye les récolteurs avec des chapeaux de feutre, des mitakos, des couvertures et du sel.
DEPART DE NTANGE
Ntange part pour fonder le poste de Nouvelle Anvers. Molo lui succède et vient occuper le poste de Bolondo-Isili. Mais pendant qu'il est là, les Elinga ne supportent plus le travail du caoutchouc. L'un après l'autre s'enfuit.
Voyant cela Molo comprend que les Elinga ne supportent plus ce travail, et il le supprime. Mais il leur impose d'autres corvées: du poisson, le copal, les lianes.
Et voici qu'apparaît le talisman ikakota. Les Nkundo avaient ce talisman. Ils l'apportèrent chez les Elinga tuer des soldats qui surveillent la pêche, pour qu'eux, ils volent des poissons. Voyant que les Nkundo tuent beaucoup de sentinelles avec leur talisman ikakota, on envoya une lettre à Ntange, à Bankanja (1) pour lui faire part de la situation. Ntange écrit une lettre au Blanc Wilima qui résidait à Coq pour prendre 300 à 400 soldats. Il doit les répartir en deux groupes qui doivent aller tuer les Nkundo parce qu'ils ne veulent pas prendre l'initiative de conclure la paix. Ils ont tué les sentinelles de Bolondo par leur talisman ikakota.
Wilima rassembla les soldats, et les répartit en deux groupes. Il prit 300 soldats et les confia au Blanc Bajunu. Il dit: "vous passerez par Bikoro et vous irez jusqu'à Bombomba. Partout où vous passerez, après avoir tué les gens, vous placerez immédiatement des soldats et vous imposerez la corvée du caoutchouc à tous les Nkundo et ces soldats vont les surveiller".
Voici comment les Nkundo devaient faire du caoutchouc: Ils devaient couper des lianes et en recueillir le latex dans des récipients, puis y ajouter du suc de bosanga; ils devaient mélanger ce suc avec le latex et en faire des boules qu'ils devaient apporter au marché où le Blanc les achèterait, comme il fait avec le caoutchouc des Elinga.
Un autre groupe de soldats, il le confia au Blanc Bongenda. Il dit: "Vous prendrez ces soldats-ci à bord du bateau Ewolo, et vous irez jusqu'à Boyela. Partout où vous passerez, l'un tuera les gens de l'intérieur, l'autre ceux de la rivière. Et vous placerez des sentinelles". Wilima voulut ainsi que ces deux groupes se rencontrent à un même endroit.
Après cela arriva une lettre d'Europe, du Roi Léopold II, disant: "La guerre est finie dans les chefferies Bongili et Bonkoso; les indigènes sont fatigués et n'ont plus de force pour se battre. Supprimez le poste de Bolondo-Isili et commencez un nouveau poste à la contrée des Iyonda et Bombomba". Molo supprima le poste de Bolondo sur ordre du Roi Léopold II.
Après, un autre Blanc nommé Ememe, venant de Bikoro, arriva à Bolondo, mais n'y resta que six mois. Alors le Blanc Bongenda de Mbandaka, prit Ememe et alla avec lui fonder le poste à Mbala. Bongenda ne fit que conduire puis redescendit avec son bateau.
Pendant qu'Ememe était au poste de Mbala, Léopold II mourut en Europe. Le Roi Albert prit le pouvoir et promulgua ses nouvelles lois, défendant les guerres au Congo. Il envoya au Congo les Blancs du commerce et ordonna aux Blancs de l'état de gouverner le pays. Il envoya les Blancs de la Prière pour enseigner la religion. C'est le commencement de la civilisation. Nous remercions le Roi de nous avoir libéré du règne des Arabes. Deuxièmement nous le remercions d'avoir défendu les guerres entre région au Congo; 3è d'avoir envoyé les Blancs des compagnies et de l'Etat. mais surtout d'avoir envoyé les Blancs de la prière pour que tous les hommes connaissent Dieu, pour que la civilisation accroisse dans notre pays, le Congo.

NOTE
1. Bankanja = Makanza (ex Nouvel Anvers)
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FLANDRIA
613/258
Petelo WENGA, élève à Flandria (1)

RESUME: cfr celui de 612

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS AU CONGO (2)
Pendant que nous étions entre nous, S.A. arriva et nous informa: "Le but de mon voyage, c'est le marché". Puis ils accostaient au beach. Nous y accoururent pour la guerre en leur demandant: "Qu'êtes vous venus faire ici?". Et ils répandirent: "Nous vendons des articles, mais que voulez-vous?" Ces Blancs vendaient des perles qu'on appelait "Bendeli". Puis ils se battaient avec les Elinga. Ils tirèrent un coup de fusil sur les Elinga. Nous apprenions par la suite qu'ils ont remonte la Busira jusqu'à Bonsela. Là-dessus, Ikoka accosta à Ingende. A peine débarqué, il coupa un grand arbre à l'aide de sa scie et l'arbre tomba. Puis il rentra à Wangata-lez-Coq. En moins d'un mois, on nous surpris par une grande guerre qui nous décima sans pitié. On affecta des soldats dans tous les villages Elinga que voici: Bokele, Nkombo, Bokuma, Ikenge, Mpama, Isenga, Mpombi, Longa, Ingende, Longa Moke, Boteka, Bolondo. Toutes les
sentinelles acheminaient la chikwangue et le caoutchouc à Bolondo. Les sentinelles traversaient Bempumba. Les autres Loolo. Les villageois étaient têtus. Ils ne se laissaient pas faire: la guerre le matin, la guerre le soir. Là-dessus, peut-être Dieu suscitât un certain talisman appelé ikakota. D'où un peu de salut pour eux, car c'était un fétiche très puissant. Ce fut vraiment un talisman de Dieu en ce qu'il imposait des interdits que voici: ne pas avoir des relations sexuelles avec une femme, ne pas manger des chikwangues coupées en morceaux. Pendant la guerre le talisman rendait les villageois invulnérables au balles. Ce que faisant, ils chantaient: "Fumée originaire du ciel remonte comme un pigeon". Là-dessus, Léopold II interdit la guerre. Stanley apporta une lettre de l'Europe, lettre selon laquelle la guerre avait pris fin.
RECOLTE DU CAOUTCHOUC
C'est pendant la guerre qu'on récoltait le caoutchouc. On envoya alors un Blanc de l'Europe pour résider à Bolondo. Il s'appelait Molo. Molo affecta des soldats partout. A ce moment on chantait: "Molo a décimé les parents; tourterelle qui déplante. Puis on affecta un autre Blanc appelé Wilima à Bolondo. Il nous a tués en grand nombre et sans pitié. Les Blancs disaient: "Nous vous avons tués à cause d'ikakota, maintenant concluons la paix, et fournissez le caoutchouc, le copal, les amendes palmistes et les chikwangues pour nous". Là-dessus, les Noirs sortaient avec des jeunes feuilles de palmiers pour conclure la paix. Ils cueillaient le caoutchouc, mais ceux qui en fournissaient moins étaient tués et la main droite coupée, puis envoyée en Europe. Léopold II dit: "Il y a trop de mains, cessez de tuer les gens". Il interdit le caoutchouc et en recommanda ceux en forme de boulettes. Il exigea aussi le copal, de la chikwangue, de l'huile de palme, et aux Riverains Elinga du poisson.
Après cela, Molo partit pour l'Europe, et Imboto le remplaça. Imboto, malade, retourna dans son village, et fut remplacé par Esukafaya, à Mbala, et à Bolondo Itumbambilo prit sa place. Boweya qui était à Ikenge retourna en Europe. Il fut remplacé par Botetola. Puis Esofe, révoqua Baki Bosenja. C'est fini. Si vous percevez le silence, c'est que la machette a coupé la souche.

NOTE
1. Auteur d'une moralité et d'une chronique de Bokuma dans Lokole Lokiso 1 et 15 déc. 1955, p.5 et 15 juillet 1956, p.2.
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ELANGA
661/334335
BOKETSU Is'a Mbangela (témoin direct)

RESUME: L'arrivée de la SAB précédée des prodiges dans le ciel. Le Blanc avait des marchandises, mais il a été attaqué lors de son passage, et dépossédé de ses fruits par les Noirs. Le Blanc Ikoka arrive et tue un homme. Il lui coupe la main. D'autres Blancs viennent, et c'est le génocide. Occupation policière des villages. Caoutchouc. Exactions et tueries. Révocation des sentinelles et fin du caoutchouc. Copal, huile de palme, Argent.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Nous vivions entre nous, mais d'abord on disait: "Les grains de maïs sont arrivés". Puis une épidémie de jiques nous envahissait. Quelques-uns en moururent. Un mois plus tard, c'était "là torche de Lianja": pendant que nous fermions les poules, une grande étoile fila à l'Est. Nous avons crié croyant que c'était la guerre. Après le passage de cette étoile, de nombreuses autres fusaient dans le ciel.
Après cela, un Blanc de la SAB arriva avec des cauris, de longues perles assez minces et d'autres marchandises. Il naviguait vers la source. A son retour, on lui barra le passages. Nous lui avons ravi ses Mbole. Un mois seulement après, le tout premier Blanc, Ikoka, arriva. Il avait tué une personne, et lui avait coupé une main. Il remonta là rivière. Après Ikoka, ce furent successivement, Ntange Wilima et Molo. Le génocide s'installa. Et nous ne disposions même plus de forêt où se réfugier. La guerre devenait atroce. Des mères jetaient leurs enfants. Ces Blancs disposaient d'à peu près 80 mille soldats. C'était seulement pour décimer les Congolais. Un village comptait-il 200 habitants, il n'en restait que 50; un autre avait 400 habitants, il en resta 130 seulement.
Ils continuaient en amont mais laissaient des sentinelles fusiliers, à raison de 2 par village. Ils convoquèrent les villageois et leur dirent: "Venez pour que nous vous apprenions à récolter le caoutchouc". Nous allions vers eux et ils nous disaient: "Laissez coaguler le latex sur votre poitrine et détachez-en le caoutchouc en boulette. Des poitrines furent écorchées. Ces boulettes étaient données aux sentinelles qui les faisaient expédier chez le Blanc Molo à Bolondo. Puis, on imposa l'usage des paniers. Chaque village avait 5 à 6 paniers. En récolte-t-on moins qu'exigé, on tue 10 personnes du village concerné. On en coupait des mains qu'on expédiait ensuite à Bolondo. Et comme Bolondo, était loin, nous allions à Bokatola chez Is'e'Iwanga. Lorsque le caoutchouc était encore expédié à Bolondo, Molo arrêta 50 personnes qu'il ligota et jeta dans la rivière. Du génocide. Molo fut révoqué. Puis c'était à Bokatola et à Ikenge. Is'e'Iwanga fut remplacé par Ekumankunja.
Longtemps après, pendant que nous vivions ainsi, une lettre parvint à Ekuma avec l'ordre suivant: "Renvoyez des sentinelles, la guerre a pris fin. Et les fusiliers étaient révoqués. On fournissait seulement du copal et de l'huile de palme. Ainsi, l'introduction de l'argent.
D'abord ce fut la SAB, ensuite Ikoka, puis Ntange, Wilima et Molo. La SAB n'avait pas tué des gens. Ce n'est qu'Ikoka qui a tué. Il avait tué deux hommes et leur avait coupé des mains.
Mais le plus grand nombre d'assassinats ont été commis par Ntange, Wilima et Molo. La SAB n'était venue que pour son commerce. Elle allait en amont acheter ses fruits comestibles du Canarium. Revenue pour passer, nous lui avons ravi ses fruits que nous avons ensuite emportés. Peu après Ikoka arriva. Nous ne nous sommes pas battus avec lui. On le fuyait plutôt. Il ne faisait que tuer. Wilima, Ntange et Molo étaient escortés d'au moins 8.000 soldats. On ne s'est pas battu. On fuyait seulement la détonation des fusils. Mais il nous décima littéralement. Il est venu nous apprendre le caoutchouc. Il voyait comment on pourrissait dans la forêt et en plein air. Voyez, on pouvait se battre si on y était resté. On l'a essayé en vain, car on ne supportait être exposé à l'extermination croissante.
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BAONJE (FLANDRIA)
607/243
Jacques NJOKU, moniteur

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Les Blancs qui étaient venus les premiers au Congo étaient: Ikoka, Ntange et Wilima. Les subalternes en étaient:.Molo, Is'e'Iwanga, Molo, Iboto, Bajunu, Longenda. A la fin de la guerre, on affecta Boweya et Bongetola à Ikenge. Au départ de Ntang'ea Wilima, on affecta Lomami, chef à Coq. Puis Abaki remplaça Boweya et Longetola à Ikenge. Abaki fut remplacé par Esofe.
C'est Ntang'ea Wilima qui leur avait imposé le caoutchouc. La première récolte se faisait par des paquets; la deuxième par des petits paniers; la troisième par des paniers à écopage; la quatrième par des paniers fermés lorsqu'il s'agissait du copal. Si ces récipients ne sont pas remplis, on fusille le capita.
Le premier poste où on achetait le caoutchouc fut Bolondo. Mais à cause de la guerre, on le transféra à Bokatola. Puis on le transféra à Mbala Loonje pour que le caoutchouc soit acheminé en aval, à Ikenge. Les Blancs étaient appelés de différentes manières: Nsong'a Lianja, Ntendele, Bondele, Etumba ey'ambulu mbuli.
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FLANDRIA
612/256-257
Joseph ILOKO, élève école HCB

RESUME:SAB arriva. Le commerce des perles contre vivres; les Blancs se battent avec les Elinga; ils remontent la Busira vers Lokumo; Ikuka (Ikoko?) à Ingende; Suicide de Ekum'is'ea Nkoso à Bokatola.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS AU CONGO
En ces temps là, la SAB arriva. Elle disait: "Le véritable but de mon voyagé, c'est acheter des vivres". Puis ils accostaient au beach. Et notre réponse fut: "qu'êtes-vous venus faire ici?". "Nous vendons des vivres, nous vendons des vivres" répondirent-ils. Et ils disent encore "Nous vendons des vivres, mais que voulez-vous?" Et on acheta les premières perles vues chez nous. Puis ils se battirent avec les Elinga. Entre temps, ils ouvrirent le feu sur les Elinga. Ensuite ils passèrent par la rivière Busira à destination de Lokumo. Sur ces entrefaites, Ikuka accoste à Ingende. Après avoir accosté à Ingende, il coupa un grand arbre à l'aide d'une scie. Et il retourna à Wangata, vers Coquilhatville. Quelques temps après, ils nous livrèrent une grande guerre qui extermina tout le village. il commença par Bokele, et affecte des soldats dans tous les Elinga. Au-delà de Bokele, il installa quelqu'un à Nkombo; de Bokuma, Ikenge, Isenge, Mpombi, Longa, Ingende, Mpama, Ifoma, Longa-moke, Boteka, Lomata lonene jusqu'à Bolondo. Les sentinelles apportaient les chikwangues et le caoutchouc à Bolondo. Ils traversaient Bempumba. Les autres à Bosaa-Loolo. Lors de la cohabitation, les indigènes étaient têtus: la guerre le matin, la guerre le soir. Ils dirent: "Vous autres, combattez toujours".
LE FETICHE APPELE IKAKOTA
Voilà qu'advint un fétiche appelé "Ikakota". Et les gens se firent initiés à cette pratique magique. On fit alors la guerre aux Blancs qui étaient à Bolondo. Et Blancs se réfugièrent sur l'autre rive. Et ainsi "Ikakota" se répandit partout. Là-dessus les Blancs écrirent une lettre, Ici nous ne sommes pas en paix nous nous sommes réfugiés de l'autre côté de la rivière, car les indigènes nous attaquent. Ils ont un talisman très puissant. Quelques temps après, le talisman perdit de sa puissance. Les interdits en étaient: ne pas coucher avec une femme, ne pas déplacer le bois du foyer. Les hommes ne peuvent pas manger le poisson etate (Gnathonemus), mais plutôt le poisson bosombo (Gephyronglanis conginus), manger, sans laisser des reliefs. Si vous mangez du poisson etate, on vous abat dans votre maison. Ils s'enduiront du kaolin blanc et s'affrontèrent. Au coup de feu, ils répondent:"A côté". Ils sont rangés comme suit: le premier porte la corne à fétiche, le deuxième avec la lance, et le troisième tenant la liane rotin. Et ils invoquent: "O fumée qui enlèves les obstacles, O fumée originaire du ciel! Fais monter une colombe originaire du haut". Et ils accostent de nouveau à Ingende.
Ils nous dispensèrent d'un trait. Ce talisman veut qu'on ne partage pas de lit avec une femme. Entre-temps, le talisman perdit de sa puissance, et on nous tua. Ensuite Léopold II interdit les tueries. Il envoya Stanley. Un autre Blanc s'appelait Wilima. Et Léopold II ordonna qu'on tue de mauvaises gens.
LE TEMPS DU CAOUTCHOUC
Après la guerre, on commença à récolter le caoutchouc. On envoya un Blanc à Bokatola, un autre Ifoko, pour faire récolter le caoutchouc. Là-dessus on commanda de fournir les fruits Anthoclitandra robustior, de l'huile, du copal et du poisson. Mais nous ne leur avons pas suffisamment fourni ces produits. Et Molo envoya partout hommes et soldats. Et les vieux de faire observer: "Molo a fait changé de parenté - Empompo à Lonola". Et l'Etat ordonna:"Tuez-les" et. Wilima affecta des soldats partout. "Ne restez jamais à Elinga". On nous tua impitoyablement: Nous vous tuons ainsi à cause de ikakota. Maintenant, concluons la paix et récoltez du caoutchouc pour nous. Les gens sortirent avec des jeunes feuilles de palmiers pour conclure la paix. On récoltait le caoutchouc. Et si les gens n'en apportent pas assez, on les tue, à la guerre. Lorsqu'on tue les gens, on les coupe la main droite. Et on envoie (ces mains) en Europe. Et on continuait à récolter le caoutchouc.
Le premier poste, c'est Bolondo, puis Bokatola.. Léopold II ordonna: "Ne tuez plus des gens". Cela veut dire qu'il a vu beaucoup de mains. Il supprima le caoutchouc. On ne fournissait que les fruits Anthoclitandra, le copal, la chikwangue et de l'huile de palme. Les Elinga fournissait du poisson.
Ensuite Molo rentra dans son village en Europe. Iboto resta. Par après Iboto devint malade et rentra chez lui. Et Esuk'afaya remplaça à Mbala. Et Botetola remplaça Boweya. Et Manemane remplaça Botetola. Esofe remplaça Baki. Et Bosenja licencia Esofe. Et Itumbambilo remplaça Imbala. Et Imbala alla travailler à Ingende. Itumbambilo habitait longtemps à Ingende et il fut rejoint par Amba. Après, le Blanc Bakasi vint remplacer Amba. Itoko y'ongolomboka arriva. A Bokatola, c'est Ekuma is'ea Nkoso. Ses parents le rappelèrent en Europe, mais il refuse. Il avait contracté beaucoup de dettes de ses amis. On lui avait tellement envoyé des lettres réclamant des dettes qu'il se suicida à défaut de les payer, parce qu'on avait interdit de tuer les gens. Et il se suicida. C'était un dimanche. Il s'habilla élégamment, s'assied sur une chaise et se suicida à coup. de fusil. Terminé.
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BOLONDO
649/310-311
Gaston WABI, moniteur Bolondo-Plantation

RESUME: Boyau w'onkandela et Enyala sont les noms de tous les Elinga. Refuges dans là forêt après coups de feu; Ikakota. Dans la fuite les villageois se tuent entre eux. Paix. Buka institué chef. Comment on fonde un village. La forge.

ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Jadis, nos ancêtres ne connaissaient pas des Blancs. "Boyau w'onkandela", tel est le surnom qu'on avait collé aux Blancs. Les Blancs qui sont venus faire là guerre chez nous étaient tous appelés Enyala. Ils sont venus de chez les Nkundo. Nos gens avaient pris fuite après avoir entendu une détonation de fusil. Ils abandonnaient vivres et bétail. Ils se cachèrent loin, dans la forêt ou dans d'autres villages. Ils pensaient que la guerre ne pouvait pas arriver aussi loin. Mais on les poursuivait jusque là et on les tuait.
A cette époque, même les autochtones étaient des criminels. Ils tuaient des femmes enceintes dans la forêt. Les Bambulu étaient comme des soldats des Blancs. Ils rapportaient la main gauche du cadavre à leur chef. Les ancêtres avaient utilisé le fétiche "ikakota" lors de cette guerre. Il rendait les villageois invulnérables aux balles des soldats. Le fétiche interdisait de consommer la nourriture préparée par une femme. A la guerre, ils exécutaient des chants de guerre.
Après la guerre, celui qui s'était présenté le premier chez le Blanc s'appelait Buka. Il fut institué chef. Puis il sonna le tam-tam pour rassembler tous les fugitifs. Et on tua beaucoup de gens. On déporta d'autres. Mais au début les Blancs étaient venus vendre des perles.
LE PROPRIETAIRE DU VILLAGE
Nos ancêtres, pérégrinaient avec leurs vassaux Batswa. Arrivaient-ils dans la foret, ils s'y installaient. Le maître se reposait, mais demandait au vassal de le précéder par un sentier. S'il y trouve un cours d'eau ou une forêt inhabitée, il s'en approprie. Ensuite, il retourne chercher le maître. Il lui informe: J'ai obtenu un ruisseau et une forêt. Ils s'y rendent, défrichent le terrain et posent des fondations pour des maisons. Ils s'y installent. Puis d'autres personnes les suivent et viennent habiter avec eux. Et un grand village est créé. Dès lors, c'est celui qui était arrivé le premier qui est le propriétaire du village, car il en est à l'origine.

SOUFFLEMENT DU HAUT FOURNEAU
On active le haut-fourneau par des mains. On chauffe des pierres qu'on ne rencontre pas n'importe où, mais au fond des ruisseaux. On utilise du charbon à partir de l'arbre Uapaca guieenis. La pierre devient une arme après avoir été forgée. Le forgeron ne mange jamais le serpent cobra.
Le soleil se couche, c'est que l'obscurité est devenue totale (1).

NOTE
1. Formule de finale.
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NGONDA
(WAKA)
459/141-144
Robert EALE

RESUME: SAB responsable de la récolte du caoutchouc; un Blanc à Ifulu; sentinelles dans le groupement Besombo; 6 mois de marché de caoutchouc sans problèmes; Blanc tué à Iyonda-Bombomba; les Besombo refusent de tuer les sentinelles; sentinelles tués à Lotumbe par Isenge; On pensé être libérés dés Blancs; deux Blancs et 3 sentinelles à Mbala pour le caoutchouc; les sentinelles tuent, les Blancs emprisonnent; contrôle sur la consommation de vivres; les sentinelles installent des capitas; Tueries pour le caoutchouc; on quitte Mbala pour Belondo et après à Lotoko; répression à Boangi; récolte de copal.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS DANS LA PROVINCE DE L'EQUATEUR (1)
On a beaucoup souffert à cause du caoutchouc. L'Etat ne faisait pas récolter le caoutchouc pour tuer les gens. Mais la SAB était autorisé à acheter le caoutchouc. Cette compagnie agissait de son propre chef. On lui concéda toutes les contrées pour y surveiller la récolte du caoutchouc entre les années 18951909.
RECOLTE DU CAOUTCHOUC
A ce moment, à Besombo, on, n'avait pas encore vu un Blanc. Puis, nous apprenions qu'un Blanc était arrivé à Ifulu. Là-dessus, il envoya trois sentinelles Eanga, Ngoleangombe et Ebunabuna. Ces sentinelles allèrent s'installer à Ngonda de Esukulu. C'est alors que les gens récoltaient le caoutchouc et le vendaient chez un Blanc qui était à Ifulu. Ce Blanc était surnommé Ifumo. Il échangeait le caoutchouc contre les objets suivants: diverses sortes de perles, des cauris, et des vêtements. Ils ne donnaient pas de vêtements à n'importe qui, seulement au capita: une pièce d'étoffe d'environ un mètre. Et les gens venaient contempler cette pièce d'étoffe. Le marché du caoutchouc dura à peu près 6 mois sans incident.
Puis, les Bombomba et Iyonda nous communiquèrent: "Nous avons tué un Blanc. Alors, vous, les Besombo. attaquez ses sentinelles qui sont chez vous". Mais nous ne les avons pas attaqués, et ils sont rentrés dans leurs villages. On les tua plutôt à Lotumbe, lorsqu'on les fit traverser la rivière. C'est Isenge qui les noya.
C'est Bompengo qui nous informa que les Bombomba et Iyonda avaient tué un Blanc. Après la mort du Blanc, nous n'avons plus été soumis à la corvée du caoutchouc. On s'amusait beaucoup, on buvait. Nous pensions que les Blancs ne reviendraient plus, que nous ne récolterions plus du caoutchouc. Cela a duré longtemps.
RECOLTE ULTERIEUR DU CAOUTCHOUC
Là-dessus on apprit que deux Blancs étaient arrivées à Mbala. Leurs noms: Ememe et Longwango. Les deux ont créé un poste pour habitation des Blancs à Mbala. Puis, ils y affectèrent 3 sentinelles: Embembele, Etuku et Ikanjambo. Ces gens sont arrivés ici, pour la corvée du caoutchouc, à envoyer à Mbala, chez le Blanc. Ce caoutchouc était sous la forme ovale, et chaque village devait en fournir 3 à 5 paniers. Si la quantité n'est pas suffisante, on tue 4 à 6 personnes. Ce sont des sentinelles qui tuaient ces gens. Mais lorsqu'ils arrêtent quelqu'un, ils l'acheminent chez le Blanc à Mbala; les Blancs ne tuaient pas des gens mais les mettaient en prison seulement.
Ces gens que les Blancs avaient envoyés étaient très mauvais. Si un autochtone mange une banane, ils le tuent. S'ils apprennent que les autochtones ont mangé de la viande, ils les tuent. Si quelqu'un est dans leur champ visuel ils le tuent. A cette poque, les sentinelles avaient institué des capitas pour: la viande de l'huile du poisson, du sel, des bananes, des noix de palme, et du fard rouge. Il suffisait qu'un capita dénonce quelqu'un pour avoir mangé ceci ou cela pour qu'on le tue. Les indigènes ne consommaient que des légumes belu, des feuilles de manioc banganju ou imbondo.
Les sentinelles avaient beaucoup d'adjoints qui ne se nourrissaient que de la chair humaine. Ils prenaient en esclavage certaines personnes qu'ils expédiaient dans leurs villages d'origine.
Puis Ememe et Longwango quittèrent Mbala et rentrèrent en aval. Et deux Blancs les remplacèrent: Bajunu et Bongende. Eux deux habitaient Mbala et faisaient récolter le caoutchouc suivant les mêmes méthodes que Ememe et Longwango.
Les sentinelles avaient des serviteurs qu'ils instituèrent capitas du caoutchouc. Puis Bajunu rentra en aval. Bongende alla à Byanga. Puis le Blanc Ngonga remplaça Bajunu et Bongende.
LE BLANC NGONGA
Le Blanc Ngonga remplaça ces Blancs. Et les sentinelles qui étaient à Ngonga quittèrent. On les fit remplacer par Bombenga. La récolte du caoutchouc continuait. Proportionnellement au nombre de ses habitants, chaque village devait en fournir 4 à 6 paniers. Lorsque la quantité n'est pas suffisante, ils tuent 5 à 6 personnes. Et voilà que Ngonga partit de Mbala et le Blanc Yambayamba le remplaça. Là-dessus le sentinelle Bombenga partit et Janga le remplaça.
YAMBAYAMBA
Yambayamba arriva à Mbala et affecta une sentinelle à Ngonda. Mais maintenant on ne tue plus les gens. Si on n'a pas récolté suffisamment de caoutchouc, on est arrêté et acheminé à Mbala chez le Blanc. La sentinelle de Yambayamba fut Janga, originaire de Ngombe. Maintenant les Blancs quittent Mbala et le Blanc Bafutamingi va à Belondo chez les Boangi.
BAFUTAMINGI
Bafutamingi arriva à Belondo. Mais il n'y fit pas longtemps. Il était sévère pour la récolte du caoutchouc, car il arrêtait les gens. A ce moment les Besombo et les Boangi apportaient leur caoutchouc à Belondo. Puis Bafutamingi quitta Belondo et rentra en aval. Sous Bafutamingi, c'est la fin du caoutchouc en paniers. Le poste fut transféré à Lotoko, pour compte de l'Etat. Le Blanc Isweswe alla créer ce poste.
ISWESWE A LOTOKO
A ce moment Isweswe envoya à Ngonda un homme en fusil, appelé Biofe. C'est en même temps la période du caoutchouc, non dans les paniers, mais dans de petites calebasses. On ne tue plus les gens, seulement la chicotte. Lorsque la fourniture du caoutchouc n'a pas été suffisante, on prend en otage le chef du village, quitte à ces sujets de le délivrer par le caoutchouc. Là-dessus, Isweswe quitta Lotoko et fut remplacé par Ikomakoma.
IKOMAKOMA A LOTOKO
Ikomakoma arriva à Lotoko et envoya à Ngonda un fusilier appelé Biofe. Et notre village lui fournit du caoutchouc comme à Isweswe. Puis Ikomakoma quitte et la station des Blancs à Lotoko fut supprimé, car abandonné par les Blancs et leurs sentinelles fusiliers. A ce moment, les Blancs n'étaient pas arrivés chez nous, seulement les sentinelles fusiliers.
LE BLANC MOTO
A l'improviste, le Blanc Moto arriva à Boangi, brûla des maisons et tua 3 personnes. Mais lorsque nous apprenions qu'il brûlait des maisons et tuait des gens, nous nous sommes sauvés dans la forêt. De nouveau il brûla 4 maisons dans notre village et continua sa route ailleurs. Après lui, on sortit de la forêt. Seul le Blanc Moto arriva dans notre village. Et finie la guerre.
LE BLANC EKATAMBA
Après le Blanc Moto, nous avons connu le Blanc Ekatamba qui n'était que de passage. Il n'a rien fait d'autre.
LE BLANC YACHINON
Après le Blanc Ekatamba, Yachinon arriva nous montrer ' les premières pièces de monnaies, et nous informa de la récolte du copal dans les marais.
NOTE
1. Un texte de 49 pages dans le cahier original. Les 34 premières pages constituent l'histoire livresque du Congo/Zaïre. Copie et traduction des pages suivantes, (Add.E.Boelaert).
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BOKALA (Boangi)
633/286-289
Jean-Robert NGUA, chef de secteur Lolongo à Bokala/Boangi

RESUME: Iyambo à Mbilankamba Bongende le premier Blanc rencontre Is'Esanga à Mbilankamba. Au début ça marche bien; les tricheries provoquent la guerre, querelles locales à Lotoko. Marchés à Lotoko, à Mpombo. La répression; Poste de Belondo; un Blanc tué à Ifulu. Poste de Belondo; placement des sentinelles; guerre entre sentinelles et gens de Lokondola; siège de Lokosa. Tueries; caoutchouc des Boangi et Injolo. SAB arrive: l'huile de palme; nouvelle campagne de caoutchouc avec Bafutamingi. Poste à Lokondola; marché de caoutchouc. Déclin de la récolte du caoutchouc. Tueries reprise du caoutchouc; copal et impôt; recensement.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC TELLES QUE SE SOUVIENNENT LES VIEUX DE BOANGI
Au début, ils vaquaient à leurs occupations lorsqu'ils apprennent que les riverains Baenga ont accosté à Mbiliankamba. Ils venaient de l'aval. Ils étaient venus chez un notable Is'Esanga à Mbilankamba. Ils étaient venus acheter des pointes d'ivoires. Ils laissèrent à Is'Esanga une étoffe à raies bordées de franges et une parapluie. Ils regagnèrent l'aval. Il étaient accompagnés de leur chef Iyambo.
Après Iyambo, un Blanc surnommé Bongende arriva. A ces temps, les vieux ne connaissaient pas les noms européens des Blancs. Bongende rencontra Is'Esanga à l'embouchure du ruisseau Bosongo, et lui demanda: "Qui êtes vous?" "Moi, Is'Esanga". Bongende demanda encore: "Vous habitez le beach, mais est-ce qu'il y a des gens au-delà de vous?". Il répondit: "Il y a beaucoup de Nkundo". Is'Esanga l'interrogea: "Etes-vous venu acheter des pointes d'ivoires?" Bongende répondit: "Moi, je suis venu acheter le caoutchouc. Regardez, j'échange le caoutchouc, contre des perles et des cauris." Bongende donna à Is'Esanga un sachet de perles et de cauris, pour montrer aux gens afin de les séduire à récolter le caoutchouc, et l'échanger pour éviter de palabres. Is'Esanga rentre chez lui, et Bongende navigua en amont vers Busira-Lokumo.
Peu après Bongende envoya ses serviteurs Ekakya et Njolu aller acheter du caoutchouc. Is'Esanga appela tout Boangi pour commercer, caoutchouc contre perles et cauris. Auparavant, ils en étaient contents, et arrivaient commercer à intervalle de 3 semaines. Une deuxième fois, ils en rapportèrent beaucoup de perles et de cauris. 0n commençait ainsi à merveille, alors que ce n'était qu'un stratagème.
Une troisième fois, cela prit des allures d'une guerre. On alla jusqu'à procéder à l'inspection du caoutchouc. Ils arrêtèrent Ingele de Byonga à Bokala, parce qu'il y avait mélangé le caoutchouc avec l'excroissance de liane Haumania. Cela devenait plus harassant; chaque villageois objecta; " Si' c'est comme cela, moi, je ne viendrai plus. Ayant entendu ces paroles, les acheteurs répliquèrent: Attendez, cette fois-ci nous achèterons le caoutchouc; prochainement, vous le récolterez gratuitement".
Au 4è marché, on disait: "Bongende envoyé d'autres acheteurs à Lotoko. Allons-y vendre notre caoutchouc, car Ekakya et Njoku ont bouleversé le marché. Ils s'y rendirent chez Efunda et Bongoi. Ils y arrivèrent. Alors qu'ils étaient au marché, Efunda réquisitionna la femme d'un vieux de Bombomba, Is'ea Nkwa, pour lui prépare la nourriture. Pendant qu'elle préparait la nourriture, Is'ea Nkwa de fureur fit irruption, et brandissant un couteau, il demanda: "Ou se trouve ma femme? qu'elle sorte ici". Ayant entendu cela, Efunda comprit que cet homme voulait la guerre. Il prit un fusil et tira sur ce vieux à bout portant. Il en mourut sur le coup. Voilà le début de la guerre. Les indigènes se sauvèrent à qui mieux mieux devant ce premier cadavre d'un fusil.
Entre-temps, Ilanga et Mpakama qui avaient acheté leur caoutchouc au beach de Mpombo, arrêtèrent 2 personnes, mais en tuèrent une. Les gens de Ngombe se disaient: "Comme cela est devenu une guerre"! Ils se battirent contre Ilanga et Mpakama. Puis Ilanga et Mpakama, et leurs serviteurs s'enfermaient dans une maison. Ils en percèrent les murs des trous à travers lesquels ils firent sortir des canons des fusils qu'ils tiraient à l'aveuglette. Et les villageois brûlaient les bois des flèches et les jetaient sur le toit. Et la maison commença à prendre feu. Quand Ilanga en sortit Lofete, originaire de Lokondola, lui perça la poitrine d'un coup de lance, et il en mourut. Et Lofete récupéra le fusil. Alors que Mpakama en sortait. Njate, originaire de Bondamba le frappa d'une lance, et il en mourut. Njate récupéra le fusil, et on parvint à exterminer tous les serviteurs de Efunda et Mpakama.
Ayant appris que ses hommes étaient tués, Bongende piqua une forte colère, et descendit vers l'aval. Pendant qu'ils naviguaient les travailleurs qui étaient restés avec lui chantaient: "Les Boangi, fabriquez bien vos flèches tranchantes, Bongende est allé prendre des munitions en Europe. Alors que Bongende est allé prévenir l'Etat.
Entre-temps, deux Blancs arrivent à Mbala au secteur Momboyo. Leurs noms furent Ememe et Longwango. Ememe envoya des soldats à Belondo. Ils y créèrent un poste administratif. On avait même tué un Blanc de la SAB à Ifulu, chez les Iyonda. C'est pourquoi Entente et Longwango arrivent très courroucés. A l'arrivée des soldats à Belondo, ils tuent beaucoup de personnes surtout à Iyonda, et créent une station à Belondo. Le chef des soldats, Botoli, envoya encore ses hommes en guerre, et beaucoup de villageois furent tués. On se réfugiait vers Bonginji. Les soldats disaient: "Cessez de fuir, et signons l'armistice. Mais un certain Ikete, originaire de Belondo et d'autres personnes furent abattus alors qu'ils sortaient de là forêt pour signer l'armistice. Et les gens continuaient à se réfugier ainsi. Cependant, les gens de Bolondo étaient morts par milliers. Là-dessus, Botoli envoya trois sentinelles: un à Bokendola, un autre à Bolondo, et un 3è à Bokala. Il envoya deux fusiliers à Bonginji voir ceux qui avaient pris fuite. Mais tout le monde se réfugia à Lokondola. Lorsque les gens ont appris qu'il y a 2 soldats armés de fusils à Bonginji, on vint la nuit pour les combattre. Alors que déjà, ces soldats étaient rentrés à Bokala après qu'ils n'avaient vu personne. De Bokala, les soldats apprirent que les gens étaient revenus à Bonginji. Les soldats vinrent la nuit tuer des gens. Un véritable massacre. Les survivants rentrèrent se réfugier de nouveau à Lokondola. Pendant qu'ils y étaient encore, les soldats rentrèrent à Mbala en informer le Blanc Entente.
Là-dessus, Entente envoya Longwango et des soldats. Ce dernier est le premier Blanc qui a débarqué chez nous, et c'est bien lui le Blanc qu'on a vu le premier. En ce temps-là, les gens s'étaient enfuis à Lokosa, et avaient dressé une palissade. Arrivé à Lokosa, Longwango le trouva fortifié. Un homme de Lokosa, appelé Nkombo longea la palissade et lança une flèche en direction du Blanc et ses hommes. Mais il n'avait blessé personne. On arrangea le lit du Blanc dans ce qui a été l'habitation de Bofala w'Ifenjele. Alors qu'ils étaient clôturés, un certain Inengwa Etsaka s'était caché derrière la maison, armé de flèches. Mais tout au bout, derrière ces maisons, un soldat montait la garde. Ce soldat n'avait pas remarqué Inengwa. Là-dessus, Inengwa lui tira une flèche à la poitrine et il en tomba. On le ramassa. Le Blanc ordonna: "Tirez des fusils à l'aveuglette pour que ceux qui sont proches d'ici en meurent si possible". Alors qu'il n'y avait personne à l'entour. Inengwa prit la fuite. Le lendemain, étant allé à Bokala, ce soldat rendit l'âme et y fut enterré. Le Blanc rentra à Mbala, mais y laissa 4 soldats: notamment Bonkesi, Isolo, Etota et Bokali W'atswa. Il donna des instructions suivantes: "Vous resterez ici attendant que je vous envoie du renfort pour rentrer en guerre vers Ngombe".
Là-dessus, d'autres soldats vinrent rejoindre ces 4 autres qui étaient restés. Ils passèrent du côté de Bongiji traversant. les fourrés jusqu'à déboucher derrière Lokosa, à Ikengo. Personne ne savait que la guerre était en train de venir. Et les voilà qui exterminaient la population. Ceux qui avaient pris fuite en furent fatigués, et sortirent signer l'armistice. C'étaient les Boangi et les Injolo. Les soldats ordonnèrent: "Récoltez du caoutchouc et nous n'allons plus vous tuer". Ils allèrent alors récolter du caoutchouc sans paiement au profit de l'Etat. Mais au moindre déficit, on tuait des contrevenants. La récolte du caoutchouc dura longtemps. Sur ces entrefaites, Entente et Longwango s'en allèrent. D'autres Blancs arrivèrent. Leur surnoms étaient: Bajunu et Is'Iwanga. Ils habitaient Mbala. Itumbambilo partit et Ekuma alla à Bokatola. En ce moment, les soldats étaient partis. On les avait remplacés par les Bonsela w'Akula, c.à.d. les gens d'Iyonda. Ils étaient munis de flèches pour surveiller la récolte du caoutchouc comme le faisaient les soldats. Ils avaient tué aussi beaucoup des gens.
Là-dessus, un Blanc de la SAB appelé Lokoka arriva. Bolongo arriva aussi avec ses serviteurs fusiliers. Il déplaça les Bonsela w'Akula. Ils rentrèrent à Mbala, remplacer le Blanc qui était là: Yambayamba. Lokoka et Yambayamba se rencontrèrent à Bokala. Lokoka dit: "Monsieur, vous partez car vous avez exterminé les gens. Le caoutchouc ne progresse plus parce que vous tuez beaucoup de gens. Je n'en suis plus d'accord, vous partez".
Et Yambayamba partit, Lokoka alla le reconduire à Belondo. Lokoka rentra à Bolongo.
On commença la récolte du caoutchouc pour Lokoka. Tantôt il le paie contre les pièces d'étoffes, tantôt contre les sacs de sel, tantôt il ne paie même pas.
Eala partit pour Lokumo. Le caoutchouc prit fin, et il ne resta plus que de l'huile de palme seulement. On la fournissait à Bombambe qui avait remplacé Eale.
Après cela, un Blanc appelé Bafutamingi accosta à Belondo. Il envoya 33 soldats jusqu'à Bokala w'Afumba appeler tous les capitas des villages pour les conduire à Belondo. Arrivés à Belondo, le Blanc ordonna: "Enjoignez vos gens de récolter de nouveau du caoutchouc". Les capitas rentrèrent répercuter le message à leurs sujets, qui récoltèrent le caoutchouc pendant 4 semaines. Les soldats qui surveillaient la récolte étaient éparpillés jusqu'à Bokala w'Afumba, mais un soldat traversa cette limite et atteignit Eanja où on le tua. Lorsque Bafutamingi apprit qu'on avait tué un soldat, il envoya une lettre à Bajunu qui était à Mbala. Bajunu sonna l'alerte de guerre: il s'en alla à Eanja tuer impitoyablement les gens, et emmena les otages à Mbala. Il dit à Bafutamingi: "Allez commencer un poste de l'Etat à Lokondola. Et Bafutamingi partit pour Lokondola. Tous apportaient le caoutchouc à Lokondola. Quelques temps après, le Blanc partit, il avait chicoté quelqu'un appelé Is'ea Mbombe. Mais cet homme avait un crocodile magique. Et pour avoir chicoté cet homme, le Blanc attrapa une violente maladie qui le mit au bord de la mort. On partit à Bolingo conjurer cette bête maléfique et on bénit ce Blanc et il en fut guérit sur place. Bafutamingi partit. Un autre Blanc Ikoma arriva. On apportait le caoutchouc à Ikoma mais la quantité et la rigueur diminuaient. Ce n'était plus comme auparavant.
Ikoma partit. Un autre Blanc Isweswe arriva, mais le caoutchouc continua à baisser. Isweswe déclencha la guerre. On tua beaucoup de gens, et on reprit le caoutchouc.
Mais ça ne progressait pas. Les indigènes se désintéressaient du caoutchouc. On recommença à se battre avec eux, et on les tua dans nombre. Là-dessus, un Blanc surnommé Moto arriva. Il envoya une expédition punitive qui tua beaucoup de gens. Après cela, un Blanc appelé Ngeletino arrive et proclama: "Le caoutchouc est terminé. La guerre est terminée, je ne veux plus la guerre. Et un autre Blanc viendra vous faire votre recensement. Vivez en paix."
Le Blanc Itoko arriva et procéda au recensement. L'ayant terminé il ordonna de fournir le copal. Il dit:"Un autre Blanc viendra par après faire payer l'impôt". Après cela, le Blanc Lokonga arriva et commença les impôts. Ce que faisant, les Belges arrivèrent.
N.B: Ces noms des Blancs ont été donnés par les vieux, car ils ne connaissaient pas leurs noms de famille.
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BOKANJA
622/267-268
Antoine BOLEJA, planteur
RESUME: Précurseurs: les Baenga; ils achètent le caoutchouc; Ikakota arrive. Bombolo Is'e'Esanga demande du caoutchouc; 5 sentinelles habitent chez Bombolo; Combat avec Lofembe; mort de Boseko; Ikakota; victoire sur les Blancs; Ntange à Belondo; Tueries à Belondo; SAB envoie aussi ses sentinelles; tueries; Installation de l'Etat; Lokoka, premier Blanc à Boangi; Suppression caoutchouc; Imposition de l'huile; Bafutamingi à Lotoko pour le caoutchouc.

TEXTE:
L'ARRIVEE DES BLANCS CHEZ NOUS
Dans notre contrée, on a vu d'abord les Baenga, gens de l'aval. C'étaient comme des éclaireurs envoyés par les Blancs. Il venaient avec des bakele, des cauris, des banunu, des perles. Ces objets constituaient notre première monnaie. Ils demandaient aux gens de récolter le caoutchouc à être acheté par eux.
Nous le récoltions et ils venaient l'acheter avec cet argent. Puis les Baenga partirent. Un peu après, le vieux Bombolo Is'e'Esanga était dans son campement de poche appelé grand Bolako. Il vit arriver au loin une grande chose flottante. Cette grande chose vint accoster à l'embarcadère où étaient attachées ses pirogues. Il y avait des hommes à bord, même un corps d'albinos, ayant une bouche comme un perroquet, c.à.d. un Blanc. Son nom était Ikooka. Et son bateau appelé Boondoluta. Ikooka demanda à l'indigène: "quel est votre nom?". Et le vieux de répondre: Mon nom est Bombolo, Is'e'Esanga". Le Blanc: "Habitez-vous toujours sur la rive"? Et lui: "J'ai une terre où je ne vais qu'en pirogues". Le Blanc: "Je cherche une terre pour habiter. Bombolo répond: "vous trouverez une terre près de la rivière, au delà de moi?". Le Blanc dit: "Y a-t-il beaucoup de gens là-bas?". Et Bombolo: "c'est une grande terre avec beaucoup de gens". Le Blanc prit une pièce d'étoffe et une caisse de perles fines et un chapeau noir et les lui donna. Bombolo lui donna quatre poules et un panier de poisson. Ikooka lui dit: "Je pars chercher une terre. Rentrez chez vous et dites à vos gens de me faire du caoutchouc que j'achèterai.
Bombolo arriva chez lui et réunit tous les Buya. Il leur dit: "J'ai rencontré le résident. Nous avons conclu un pacte de sang. Puis il m'a dit de vous demander de lui faire du caoutchouc qu'il achètera. Faites-le". Tous ont accepté: "ça ne fait rien, nous le ferons". Ils rentrèrent chez eux et allèrent faire du caoutchouc. Peu après, Ikooka envoya ses cinq fusiliers pour acheter le caoutchouc. Fusiliers veut dire soldats. Leurs noms: Ekakya, Ejojo, Loma, Ekondo et Basambi. Ils sont allés habiter chez Bombolo, disant: "le Blanc nous envoie acheter le caoutchouc". Bombolo avertit les villages d'apporter le caoutchouc.
Chaque semaine on apportait le caoutchouc qu'on vendait. Le commerce se faisait avec la monnaie apportée par les Baenga. Les fusiliers donnaient aux patriarches une étoffe dès le premier marché. Cette étoffe s'appelait lokanga et bojuu.
Au cours de ce marché, Lofembe arriva chez les Elanga et les attaqua. Dans leur fuite les Elanga se réfugièrent chez les Boangi. Voyant cela, les Boangi se joignent à leurs fusiliers et traversent la rivière pour combattre Lofembe. Ils attaquent et Lofembe se retire. Après ils rentrent chez eux à Boangi. Le lendemain les fusiliers vont acheter le caoutchouc à Bokulu.
Lorsque Boseko qui était d'une bravoure extrême, apprend que les fusiliers sont venus acheter le caoutchouc à Bokulu, i1 dit:"Où viennent-ils acheter du caoutchouc?". Et il les chassa. Les fusiliers s'enfuirent. Arrivés à la forêt mitoyenne, ils se cachèrent; et le voyant passer, ils tirèrent sur lui et le tuèrent. Quand les gens apprirent que les Blancs avaient tué Boseko, ils se dirent: "Les Blancs vont nous tuer tous". Ils se rassemblèrent et allèrent attaquer les fusiliers. Quand les fusiliers remarquèrent que le combat devenait atroce, ils replièrent.
Voyant que leur homme fort était tué, Is'e'Enyangoji de Losilika alla s'initier au talisman ikakota. L'ikakota était un talisman de guerre très puissant qui rendait invulnérable aux balles. Dès son arrivée à Bonsela, Mokemoke affecta des fusiliers. Ils attaquèrent d'abord Iyambo. Boyaka perdit la guerre, et on conclut un pacte d'amitié. Entre Blancs et Noirs, plus de guerre. Et on pouvait de nouveau danser.
Nous dansions lorsque les gens de Ntange accostèrent à Belondo. C'étaient des Noirs. Trois fusiliers. Ntange, Mboyo et Bongondo. A Belondo ils tuaient des gens en masse. Apprenant cela, les Boangi se préparèrent au combat. Ils allèrent les attaquer avec leur talisman ikakota. Mais les indigènes se mobilisèrent. Et les gens de Ntange se répartirent l'espace. Ntange resta à Belondo; il était sergent. Mboyo alla se fixer à Waka. Lui et Bongondo envoyaient leurs rapports à Ntange. Mokemoke était surnommé Bokukulu. Lui aussi envoyaient ses fusiliers dans les villages. Ils imposa aussi le caoutchouc. Qui n'en apportait pas assez était tué. Ils coupaient la main des tués. Ces mains étaient mises dans les paniers et envoyées au Blanc de Bonsela. Les fusiliers étaient des émissaires du Blanc; aucun Blanc ne venait chez les Boangi. Ce sont les fusiliers qui nous tuaient. Après les tuerie, il y a eu un apaisement.
Puis viennent par la Busira de Bakula les gens de l'Etat et leurs auxiliaires. Ils tuaient aussi. Puis Mokemoke envoya Lokoka. C'est le premier Blanc vu par les Boangi. Il accosta à Bolondo et s'y fixa. Il supprima le caoutchouc et imposa l'huile. Tous devaient apporter de l'huile qu'il achetait. Aux chefs et aux sujets, il payait des perles et des cauris. Puis Lokoka partit et l'huile supprimée.
Après le Blanc de l'Etat, Bafutamingi, arriva à Lotoko. Il imposa de nouveau le caoutchouc. Chaque village devait en apporter six paniers. Il emprisonnait ceux qui ne donnaient pas satisfaction, mais il ne tuait pas. Bafutamingi fut remplacé à son départ par Njete Mabe qui continua avec le caoutchouc. Njete Mabe quitta. Le Blanc Isweswe arriva pour la corvée du caoutchouc. Si la récolte diminue, il t'arrête. Parfois il tue sans autre forme de procès. Il partit et le Blanc Moto arriva. Il demande le caoutchouc dans les hottes, chacun la sienne, comme impôt. Qui n'en a pas va en prison. Pendant cette période il envoyait aussi de fusiliers tuer les gens. Puis Moto s'en alla. C'est la fin du caoutchouc. La fin des combats. Le commencement de la joie. Le retour des jeux et l'impôt.
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BOANGI (LOLONGO, INGENDE)
467/159-163
Gabriel BONDJILO, Greffier de secteur Lolongo, territoire Ingende

RESUME: La présence des Blancs dans les parages est signalée par les riverains Baenga en vogue sur les sources de la Tshuapa et de la Momboyo. Un homme, qui habitait son campement sur les bords de la Tshuapa avec sa famille, perçoit les vrombissement d'un bateau à bord duquel il y avait un Blanc qui l'institue Chef. Le Blanc le fait quitter la rivière pour les terres fermes afin de récolter le caoutchouc. Il est adjoint de 6 sentinelles. Un autre chef est nommé pour la corvée. Ennuis au chef dont les sujets n'ont pas récolté assez de caoutchouc. Boseko se révolte, mais il est tué. Une révolte générale s'en suivit et la corvée prit fin, momentanément. Encore du caoutchouc sous la surveillance des sentinelles. Tueries. L'Etat met fin au caoutchouc et aux tueries.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS SUR LA TERRE DE BOANGI, SECTEUR LOLONGO, TERRITOIRE INGENDE
Au début, nos, ancêtres à nous les Boangi avaient appris ceci de l'aval: l'existence de certaines personnes appelés Blancs, ayant la peau très brune; ils n'ont pas de flèches ni de lances; leurs flèches, ce sont des fusils dont le détonation est pareille à la foudre du ciel. Nos ancêtres, eux, en étaient tenus au courant par des Riverains Baenga. Les Baenga sont des riverains habitant en aval. Eux, les Baenga effectuaient leurs voyages aux sources de rivières Tshuapa et Momboyo. Voilà pourquoi il racontaient ces nouvelles à nos ancêtres.
Sur ces entrefaites, un homme nommé BOMBOLO Is'Esanga, originaire riverain de Mbiliankamba, vint habiter son campement au bord de la rivière Tshuapa, lui, ses enfants et ses femmes. De l'aval, il entendit un grand vrombissement. Tout le monde en eut peur. Peu après, ils voyaient un bateau bourré de beaucoup de passagers. A bord de bateau était un Blanc. Ils accostèrent. Après quoi, le Blanc appela Is'Esanga. Ce Blanc, son nom, était Bongende. Bongende déclara: "Vous, Is'Esanga, maintenant je viens chez vous, et je fais de vous un Chef. Venez, quittez la rivière et allons sur la terre ferme. Moi, je veux le caoutchouc. Je veux que tout le monde récolte le caoutchouc, et on commercera avec eux. Moi, j'achèterai le caoutchouc avec mes valeurs. Moi je dispose des cauris, et des perles, eux du caoutchouc. Ordonnez à tout le monde de récolter le caoutchouc, qu'il me l'apporte que je l'achète".
Puis, ils quittaient la rivière, entraient sur un ruisseau et le Blanc retourna sur le fleuve, laissant à Is'Esanga 6 fusiliers. C'étaient Bompembe et Ememe et d'autres dont je ne peux me souvenir des noms. Et le Blanc remonta jusqu'à la source de la Tshuapa. Il accosta à Lokumo, un village des Bonsela. Il y créa un poste pour le compte de la SAB. Puis les Boangi récoltaient le caoutchouc, l'apportaient à Mbiliankamba, et le vendaient chez les gens de Bongende qui sont les fusiliers que le Blanc avait laissés. Ils achetaient le caoutchouc qu'apportaient les Boangi avec des perles, et des cauris. Ce caoutchouc, on l'envoyait chez le Blanc à Lokumo.
Après cela, Bongende, le Blanc, revint une deuxième fois visiter son chef Is'Esanga et ses fusiliers. Il accosta à Mbiliankamba et y institue un autre chef appelé Ikomboloko y'Ekofa. Bombolo Is'Esanga et Ikomboloko y'Ekofa étaient les responsables du caoutchouc. Ils ordonnaient aux gens de récolter le caoutchouc. S'ils ne récoltaient pas assez de caoutchouc, cela provoquait des ennuis aux chefs. Et on récoltait le caoutchouc qu'on vendait aux fusiliers qui l'achetaient. Mais un fait étonnant avait eu lieu. Un homme appelé Boseko, qui était très méchant, disait que les Blancs ne pouvaient pas fouler le sol de Bokuku. Mais ayant appris la nouvelle selon laquelle les fusiliers étaient chez Ikomboloko y'Ekofa, il alla combattre les fusiliers. Il blessa un fusilier de sa flèche. Mais les fusiliers tuèrent Boseko à coup de fusil, Boseko mourut.
Lorsque tout le monde apprit que Boseko était mort, on s'arma de boucliers et flèches pour combattre des Blancs. Mais ayant appris que les gens voulaient les combattre, ils quittèrent Mbiliankamba, et allèrent chez le Blanc à Lokumo. L'affaire du caoutchouc était close, car ceux qui l'achetaient étaient partis.
ARRIVEE DES GENS DE NTANGE A BELONDO BOANGI
Les gens de Ntange, c'est l'Etat. Un Blanc de l'Etat appelé Ememe était venu de Mbandaka. Il était accompagné de ses fusiliers et s'installe à Mbala-riverain. Il y créa un grand poste. Puis il envoya beaucoup de fusiliers à Belondo Elinga. Même si je ne peux pas citer tous leurs noms je peux quand même nommer ceux que je connais: Botoji, Mboyo ea Loboma, et Bondongo. Il accostaient à Belondo. Ayant appris que ces gens sont arrivés à Belondo, les notables de Boangi tinrent conseil et déclarèrent: "Il n'y a pas longtemps que ces gens ont tué Boseko. Maintenant, nous avons pensé qu'ils étaient partis pour du bon, mais les voici revenus". Là-dessus tout le monde prit lances et boucliers; flèches et arcs, et on prit le chemin de Belondo combattre le Blanc et ses hommes. A leur arrivée, ils insultaient ces gens et leur lançaient flèches et lances. Les fusiliers prirent aussi leurs armes, c'est-à-dire des fusils. Finalement les fusiliers eurent le dessus sur les Boangi. Après cela, tous les Boangi se réfugièrent dans la forêt. Mais les Blancs restaient toujours à Belondo.
Lorsque les gens de Besombo ont appris que les Boangi avaient fui les fusiliers, ils se disaient: "Allons nous battre contre ces gens. Les Boangi sont des femmes parce qu'ils ont fui les fusiliers. Quant à nous, allons déloger ces gens de notre pays". Là-dessus ils furent irruption chez les fusiliers. Mais les Besombo n'ont pas résisté aux fusiliers. Les fusiliers les ont tués à tel point qu'il était impossible de compter des cadavres. Et les survivants se sauvaient comme firent les Boangi.
Le Blanc affecta ses fusiliers dans chaque village de Boangi pour créer ses postes. Le grand poste fut Belondo. Là fut affecté Botoji. A Ikengo, un fusilier nommé Ngweeji y fut affecté. A Bokendela un autre fusilier appelé Ifanjankombo y resta. A Bokuku, ce fut le fusilier Lokwa. A Bokala, deux fusiliers appelés Etota et Bokosola. A Bokoji un fusilier Njale. A Isako un fusilier Is'Ebutsi. A Bokandja, un autre fusilier appelé Bokali w'Atswa. Excepté les villages de Buya de Bonginji. Eux n'ont pas eu de fusiliers étant donné qu'ils n'avaient pas signé un accord de paix. Mais tous les villages avaient eu de fusiliers. Le conflit avec les fusiliers était très aigu. Car les fusiliers tuaient beaucoup de gens, et ordonnaient aux gens de récolter le caoutchouc. Si la quantité était insuffisante, on tuait le capita du caoutchouc. Dans chaque village les Blancs avaient installé le capita du caoutchouc. Les Boangi récoltaient le caoutchouc qui était acheminé à Mbala chez le Blanc.
A Besombo le Blanc avait affecté beaucoup de fusiliers, mais les plus célèbres furent Bongondo et Mboyo. Le caoutchouc de Besombo était aussi acheminé chez les Blancs à Mbala où ils tuaient beaucoup de gens. Si nous les Noirs, on s'était comporté honnêtement avec les Blancs, ils ne nous tueraient pas. Au début les Blancs ne provoquaient pas de guerres, c'étaient bien nous qui avons commencé la guerre.
Les Blancs avaient tué beaucoup de gens, des milliers et des milliers. Celui qui fournissait moins de kilos exigés était tué. Les Nkundo récoltaient le caoutchouc, et les Elinga fournissaient du poisson.
Après cela, les gens de Ntange, c'est-à-dire l'Etat, quittaient les terres de Boangi et allaient à Injolo, au secteur de Salonga.
Et la SAB en prit la relève à Boangi. Ils habitaient aux mêmes postes créés par l'Etat. Ils recrutaient aussi des gens à leur service comme faisait l'Etat, et imposait aussi le caoutchouc qu'ils n'achetaient plus comme jadis. On tuait le capita du village qui n'avait pas fourni assez de caoutchouc. On coupait les mains des gens. On y mettait un produit pour qu'elles ne pourrissent, et on les expédiait à Mbandaka. Que de souffrances endurées par les Boangi à l'arrivée des Blancs.
A cette époque,, les rivières et ruisseaux aux bords desquels habitaient des gens, et jusque là inconnus, étaient désormais connus. Les Blancs et les gens à leur service arrêtaient les villageois et les déportaient vers l'aval. Voilà qui était triste. La plupart des gens qui peuplent l'aval sont originaires de Boangi. Des Blancs avaient créé de nombreux postes comme Bombomba wa Lotoko où ils résidaient en permanence. Même à Mabala-riverain, sur les bords de la Momboyo, les Blancs résidaient en permanence. Puis ils envoyaient leurs sentinelles un peu partout. Ceux qui n'ont jamais récolté le caoutchouc, ce sont des pygmées Balumbe, car ils s'étaient réfugiés dans la forêt où les Blancs leur envoyaient des expéditions punitives.
ARRIVEE DES BLANCS DANS NOTRE PAYS
Celui qui les avait rencontré en premier lieu reste Bombolo is'Esanga. Tout ce qui ne passait sur la rivière Tshuapa était connu des Blancs par Bombolo is'Esanga. Et c'est lui seul le premier chef qu'ils avaient institué. Lui et les Blancs avaient signé un grand pacte d'amitié.
LA FIN DU CAOUTCHOUC
Puis arriva un Blanc de l'Etat qui était au poste de Waka. Il s'appelait Lokoka. Mais avant que Lokoka n'interdise de tuer les gens, le dernier Blanc à tuer des gens fut Moto. Après ses tueries, Lokoka interdit de tuer des gens. Lokoka envoya un émissaire qui était un fusilier appelé Kasongo. Kasongo était venu de Waka avertir les Blancs de la SAB de ne plus tuer des gens. Puis tous les fusiliers quittaient des postes et rentraient chez les Blancs. Et la palabre du caoutchouc prit fin. Que de joie éprouvée par tout le monde: on dansait Iyaya (1) et autres nombreuses danses.
Peu de temps après, un autre Blanc appelé Itoko remplaçait Lokoka. Il convoquait le capita de la récolte du caoutchouc et les institua chefs médaillés dés villages. Chaque capita recevait une médaille, un bouc, et une chèvre. Voici les capitas en question: Bolila wa Yoela à Bokala, Bombambo à Bolondo, Bosolo à Bokuku, Efole à Bokendela, Bayanga à Isako, Lofombo à Boeke, Nkulufa à Belondo, Lomboto à Ikelemba, Etoko à Loango et Boenjola, Iyanda à Bonginji, Pelenjwa à Bondo, Mbuji à Iyambo, Etale à Bofana, Is'e Inuka à Bokonji, Boimbo à Mbiliankamba II, Momili à Mbiliankamba I.
Puis les missionnaires protestants et catholiques sont venus avec les affaires de la prière. Les Blancs des compagnies de plusieurs natures étaient venus dans notre pays. Et Lokiyo, un de nos enfants déporté en aval arriva. Il accosta au beach de Ifoku vers Besombo. Les Blancs l'instituèrent chef des Boangi parce que c'est lui qui connaissait les bonnes manières de civilité.
Nos gens noirs ne savaient ni lire ni écrire pour qu'ils fixassent les dates de ces événements. S'ils le savaient, nous, leurs enfants serions en mesure de préciser l'année au cours de laquelle tel ou tel autre événement a eu lieu.
C'est fini. Tels sont les récits que je connais sur l'arrivée des Blancs dans notre contrée.

NOTE
1. Sur Iyaya, lire entre autres: D. Vangroenweghe, Bobongo. La grande fête des Ekonda (Zaïre), (Afrika-Studien 9), Dietrich Reimer, Berlin, 1988, pp.114s
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BELONDO
658/328-329
Joseph LOLIFA, catéchiste, M.C. Wafanya, témoin direct

RESUME: L'écho d'une invasion des Blancs est perçu pendant que le narrateur était en pleine festivités funèbres en mémoire de son grand-père. La fête est interrompu et c'est le sauve-qui-peut. A l'occasion de cette fête une dernière sacrifice humaine de personnes eut lieu. On se réfugia chez les Ekonda qui après leur avoir accordé asile, leur livrèrent la guerre. Ils apprennent par la suite que leur village est occupé par les Blancs, ayant fait 4 victimes parmi lesquels l'oncle du narrateur. Les Blancs exigent la présence du patriarche Embenga qui s'y rend accompagné dés fugitifs. Le Blanc Ekuma propose la paix, mais il a ravi les armes aux villageois. Ils sont attaqués par les Ekonda pendant que les Blancs sont encore là. A la fin de la guerre, le Blanc institua les chefs Embenga et Nkokoli. Le caoutchouc; exactions aux contrevenants et aux réfractaires. Suppression des sentinelles; impôts en lieu et place de caoutchouc à partir de 1911.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Jadis nous ne savions ni lire ni écrire; nous ne connaissions pas non plus les Blancs. Voici le début de la vue des Blancs.
Et j'invitai les gens de mon grand-père paternel. il était l'unique père de celui qui me donna la vie. C'est pourquoi j'ai organisé une fête en sa mémoire. Pendant que nous étions en pleine fête, nous apprenions une information importante; une guerre meurtrière est en train de progresser vers nous: l'imminence d'une guerre des Blancs.
La contrée devenait troublée. Mes enfants, cette fête ne dura pas longtemps. On ne pouvait pas en accomplir le délai réglementaire étant donné que nous étions tous frappés par une grande frousse. A l'occasion de cette fête deux personnes étaient décapitées: Bonkako et Bafolu. Là-dessus la fête prit fin. Les invités se retirèrent. Dans notre contrée, ce fut la dernière fête au cours de laquelle des personnes humaines étaient ainsi immolées.
La rumeur sur le Blanc se répandait. Nous tous, parents y compris, on traversa la rivière. On se rendit à Ekonda. S'étant présentés chez les autochtones, ceux-ci
nous donnèrent asile. Deux jours plus tard, les Ekonda nous faisaient la guerre et on se battait avec eux.
C'était une importante guerre. Les enfants dormaient affamés. Faire la guerre est une chose fatigante. Il ne convient pas de s'en souvenir.
Cinq nuits plus tard, au matin du 6è jour, nous vîmes deux personnes en provenance de notre village et qui disaient: "Les Blancs ont déjà occupé votre village. Nous en avons été faits prisonniers, et on nous a demandé d'aller chercher tous nos compatriotes. Nous, on leur posa la question suivante "N'ont-ils tué personne?" Ils répondirent: "Il n'a tué que 4 personnes. "Quels en sont les noms?. Ils répondent: "Le Blanc a tué Botuwa et les autres". Mon coeur en ressentit la douleur, car c'est mon oncle paternel qu'on avait tué. Les porteurs de la nouvelle s'appelaient Imponga et Ekotomba. Ils nous en parla avec insistance en précisant que le Blanc n'attendait que notre grand-père Embenga. Et le grand-père d'ordonner: "Debout et allons-y tous. Là-dessus, on retourna au village.
A notre arrivée au village, nous avons rencontré le Blanc Ekuma. il s'adressa au grand-père en ces termes: "Ne vous enfuyez plus. Vivez en paix avec vos petit-fils". Nous avons accueilli cette proposition de paix avec joie. Et on vivait comme auparavant. Mais il nous a ravi des lances et des flèches. Nous étions comme des femmes, sans armes.
Trois jours plus tard, pendant que le Blanc était encore là, les Ekonda nous envahissaient avec une guerre de nouveau. Lors de cette guerre, plusieurs personnes ont été tuées: innombrables. A la fin de la guerre, le Blanc convoqua Embenga et Nkokoli. Il les institua chefs de notre village Bafake. Il nous dit: "Je m'en vais. A mon retour, je vais vous apprendre à récolter le caoutchouc".
Quelques jours plus tard, un Blanc appelé Bajunu arriva à Belondo. Il affecta de récolter le caoutchouc sous leur surveillance. Voici les noms des soldats qui étaient dans nos villages: Likatankoi, Eboma, Njango et Is'a Mponde à Bie. Ces gens nous ont exterminés. Ils nous ont interdit toute notre nourriture. Ils tuaient tous ceux qu'ils attrapaient en train de manger du poisson, de la viande ou des bananes. Ils nous ont causé beaucoup de torts. Il n'y avait plus chez nous ni maïs, ni manioc ni pointes d'ivoires.
Les Blancs n'ont pas tué beaucoup de gens chez nous. Ce ne sont que des fusiliers qui nous ont exterminés. En plus, l'épidémie de la variole nous a décimés. Lorsque le Blanc arriva, il ne tuait pas des gens. Il n'a pas fait la guerre. Mais il faisait la guerre à ceux qui lui projetaient des lances et des flèches.
Nous avons commencé à récolter du caoutchouc que nous apportions à Belondo. Le Blanc transféra le poste à Mbala et on allait aussi à Mbala. Les postes de Mbala et de Belondo étaient supprimés. Il n'en resta que le poste de Bokoli. Après Bokoli, on affecta des fusiliers pour nous surveiller lors la récolte du caoutchouc. A ce moment, on ne tuait plus des gens.
Quelques jours seulement après, les fusiliers recommençaient à tuer les hommes, mais le Blanc les révoqua. recruta plutôt des messagers et institua des capitas de villages. Il leur confia à eux-mêmes la surveillance du caoutchouc. En 1911, fini le caoutchouc.
Moi, je me rendis chez des prêtres à la mission d'Ibeke. J'y ai payé l'impôt à 2,50 fr. C'est à Ibeke qu'on m'envoya la quittance de l'impôt. Depuis lors me voici travaillant toujours chez des prêtres. D'abord j'étais à la mission d'Ibeke, et me voici aujourd'hui dans notre mission de Wafanya. J'ai raconté des choses que J'ai vues moi-même.
Terminé, moi Lolifa Joseph.
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IFULU
443/145
Paul BOKOLOK0, moniteur M.C. Flandria

RESUME: Le Blanc de la SAB s'y installe pacifiquement et achète du caoutchouc contre perles. Plus tard, il devient exacerbant et combat les villageois tout en infligeant la chicotte. Révolte de la population qui le tue.

TEXTE:
RECITS SUR L'ARRIVEE DES BLANCS ET LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Tout au début, chacun habitait chez soi. Ensuite, on apprenait l'arrivée du Blanc de la SAB qui convoqua aussitôt la population. Il précisa ses intentions: "Je suis venu chez vous pour commercer. Vous me fournirez du caoutchouc et moi, je vous donnerai des perles". On se mit d'accord.
Et on commença à récolter le caoutchouc. Ce produit était en forme d'un ballon. La vente était appelée "échange", ou "marché" et le caoutchouc était de bonne qualité. Remarquant cela, le Blanc imposa à la population d'en remplir un grand panier. Toujours est-il qu'on ne parvenait à remplir le panier. Et le Blanc commença à arrêter les autochtones. On n'est libéré qu'à condition d'être racheté par d'autres caoutchouc qu'apportent vos familiers. Cette pratique dura quelques temps. Le Blanc alla jusqu'à infliger la chicotte. Les autochtones se fâchèrent de ce qu'on les déshabillait devant femmes et enfants, alors que les fesses d'un homme ne peuvent pas être perçus par femme ni enfants. Ils décidèrent de se battre avec la SAB. L'Etat prit le parti de la SAB et la guerre se généralisa, car les autochtones avaient tué le Blanc de la SAB qui avait instauré le caoutchouc. C'est depuis cette guerre que jusqu'à présent les Blancs habitent les villages indigènes. Le Blanc dont allusion était installé à Ifulu, chefferie Iyonda, sur les bords de la Momboyo. Auparavant le Blanc achetait des pointes d'ivoires, du fard rouge et une espèce de champignon comestible et fort apprécié. En contrepartie, les Blancs remettaient à la population des perles et des bracelets. Ces perles étaient semblables à celles utilisées il y a quelques temps pour le jeu de hasard.
Pendant cette période, les autochtones avaient beaucoup péri. Ils mouraient même de faim, dans la forêt. Ils mangeaient parfois de la nourriture insalubre dans leur refuge. Si une femme a un enfant de 4 à 7 ans qui pleure beaucoup, le père peut fracasser sa tête contre un arbre, et la mort s'en suit. Le caoutchouc avait entraîné l'extermination à cause des tueries, des emprisonnements et de la chicotte. C'est à cause de cela qu'il y a eu guerre.
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FLANDRIA
614/259
Augustin ESANGA, élève (1)

RESUME: SAB échange, caoutchouc pour marchandise; méthode de conservation caoutchouc; marché d'Ifulu; répression et mort du Blanc à Ifulu; le Blanc s'installe à Belondo; l'Etat arrive en provenance des Ekonda. Affaiblis, les gens font la paix.

TEXTE:
L'ARRIVEE DES BLANCS ET L'EPOQUE DU CAOUTCHOUC
Le premier Blanc qui arriva chez nous est la SAB. Il arriva pour le commerce. Il avait beaucoup de marchandises, e.a. des perles, des cauris etc. Il dit: "Nous vendons ces marchandises contre du caoutchouc". Puis il leur montra comment faire du caoutchouc. il le frotta sur sa poitrine, et demanda aux autres de se frotter le latex sur la poitrine, puis de le décoller. Le premier marché du caoutchouc était à Ifulu.
Mais après il rencontra des gens de Bomboma et leur infligea la chicotteparce qu'ils n'avaient pas assez de caoutchouc. Sous la douleur des coups les gens disaient: "Ce n'est plus un marché, ça devient une séance de coups qu'il nous inflige, il faut nous battre avec lui". Pris de colère, ils décidèrent de le tuer. La guerre s'aggrave et il s'enferma dans une maison. Après ils mirent feu à la maison, et voulant en sortir, ils le saisirent et le tuèrent. C'est Iyonda et Bombomba qui l'ont tué.
Ils jetèrent ses biens: fusils et sels. Ils crurent que c'était du sable blanc. Mais certains soldats qui avaient pu fuir allèrent chercher de l'aide auprès de leurs compagnons. Là-dessus le Blanc Ekumampulu arriva faire la guerre à Bokala, mais il perdit et fuit. Par sa fuite la guerre se renforça et il se retira à Bosaa. Mais les indigènes le suivirent à Bosaa et il se retira à Bolondo. Ici, les combattants prirent la fuite.
Un long temps s'écoula et on avait déjà oublié. Mais des Blancs avec leurs soldats arrivèrent par les Ekonda. A leur arrivée, nous n'avions plus de force comme avant. Lui n'était pas fatigué, mais nous, on fuyait dans la forêt. Après, nous sortions de la forêt en disant: "Nous voulons conclure la paix avec vous, nous ne voulons plus nous battre. Vivons en paix". Mais nous voici toujours dans la misère.
Nos vieux ne pouvaient y tenir: ils ne pouvaient courir; chacun allait de son côté. Si tu ne sais pas courir, tout va se retourner contre toi (2).

NOTES
1. L'auteur a publié un poème en lomongo dans Lokole Lokiso 15/10/1959, p.4
2. Proverbe: sens inconnu.
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EKOMBE (Imoma-nord)
653/319-320
Ambroise Ifale

RESUME: Le Blanc Imemya à Mbala; il tue le juge Bompeme; désarme le village; impose le caoutchouc. Tueries à Waka. Fin des tueries. Caoutchouc de guerre; Impôts avec chicottes et prison; arrivée des Pères, des compagnies et des vêtements; domination des Blancs.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Nous avons remarqué que le Blanc Ememya n'arrivait pas chez nous. Il habitait seulement à Mbala. Mais il envoyait son chef Yambo. Yambo vint signer la paix avec nous. Les infirmiers habitaient chez lui. A son arrivée, il nous ravit nos flèches et nos lances. Le juge Bompeme dit: "Pourquoi nous avez-vous ravi nos armes"? Il lui répondit: "Toi, tu oses me répondre, tu vas mourir". Il prit son fusil et le tua à portant devant tout le monde. C'est là le début de sa colère.
Désormais, vous récolterez le caoutchouc. Si le caoutchouc n'est pas suffisant, je vous tuerai comme je l'ai fait avec votre parent en votre présence".
Et on récolta les premiers caoutchouc. Banyele, Bokombe, et Iliko apportèrent avec Yambo les premiers caoutchouc à Mbala. A leur arrivée à Mbala, le Blanc fit rentrer Bokombe et Benyele, et tua Iliko. Il dit: "C'est un exemple pour que vous ne désobéissiez plus à Yambo. Alors, entre nous et les Blancs, qui a commencé à provoquer qui?"
Et Itumbambilo arriva à Waka, et envoya son sergent Botoli. A son arrivée, il tua Bakofe. Il lui demanda: "Tu n'as pas récolté la quantité exigée, viens que tu meurs". Et il le tua. "Je vois vos figures briller de chagrin pourquoi?". Et il choisit quelques-uns qu'il tua. Puis il ordonna qu'on récolte le caoutchouc. Et on s'exécuta et on apporta le caoutchouc à Waka. Après le marché, il tua Ikangu, à coup de fusil. Il dit: "Ne faites plus de palabres à Botoli. Voilà un exemple". Tels sont les méfaits que les Blancs nous ont infligés, nous les Ekombe.
A partir de cela, c'est la fin des gens. On nous tuait comme des bêtes; on mourait comme du gibier. Itumbambilo ordonna: "Tuez la mère en présence de son fils pour que le fils la mange. Tuez la femme devant son mari pour que le mari la mange". Si le mari refuse, on le tue. Itumbambilo tua Ikangu et ordonna à ses parents de le manger. "Mangez-le sinon je vous tue tous". Et ils l'ont mangé pour obéir au Blanc. Et c'est ainsi qu'on était exterminé. Puis il nous interdit des bananes et de la chikwangue. C'est Itumbambilo qui nous l'avait interdit. On ne mangeait que des fruits de l'arbre Bosqueia angolensis et de l'arbre Ricinodendron africanum. Celui qui mangeait des bananes ou des chikwangues était tué. Beaucoup de gens étaient morts de chagrin et de faim. Car ils n'avaient rien à manger. Les petits enfants étaient morts de faim et ainsi exterminés. Ensuite du caoutchouc.
Le caoutchouc au cours de la récolte duquel on tuait beaucoup de gens dura 2 ans.
On interdit de tuer les gens. On récoltait un panier de caoutchouc par personne. On nous arrêtait et on nous chicotait de 50 coups. Et beaucoup étaient morts en prison. La 3è campagne de caoutchouc, ce fut pendant la guerre.
A la fin du caoutchouc, on instaura l'impôt avec de l'argent. Et nous voici ployant sous la chicotteet les emprisonnements. Après l'impôt, c'est l'arrivée des Pères. Plutôt après le caoutchouc. A leur arrivée, nous commençons à nous habiller.
On peut se plaindre à qui peut vous écouter ou prendre parti: Le Pape est un Blanc; le Roi est un Blanc; le gouverneur est un Blanc; les juges sont des Blancs. Et pour notre déposition, qui est jugé? Voilà notre déposition telle que nous avons vécu les événements. C'est bien vous les Blancs qui êtes venus avec la guerre, et c'est a vous que nous avons fait notre déposition Et c'est notre déposition des Ekombe. Et ce sont nos vieux: Bonyongo Jembo, Bombenga François. Récoltés par Bonyeku Paul et Ifale Ambroise.
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LOSO/BOLANDA
663/337-338
Antoine BOKONA, greffier-comptable, secteur Loso/Bolanda

RESUME: La guerre des Blancs fait émigrer les Bombomba sur les bords de la Tshuapa. Les villageois réagissent violemment d'avant les exactions du Blanc et de ses hommes lors de la récolte du caoutchouc. Le Blanc de la SAB et ses sentinelles sont tués. Un Blanc vient les venger en imposant cruellement le caoutchouc et autres corvées. Tueries, mains coupées. Succession des Blancs et déplacements des postes. Copal, impôts.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
A cause des rumeurs sur la guerre des Blancs, qui venaient de l'aval, les Bombomba sont allés habiter sur les bords de la Tshuapa. Cette guerre étant appelée la guerre de Lianja, nous avons déménagé par le chemin de Bosenja, au bord de la rivière Momboyo, et avons traversé la Lokolo. On appelait cette guerre, "la guerre des Baenga".
Nous vivions entre nous, lorsque un premier Blanc, le Blanc de la SAB, nous invitait à commercer. Les vieux évoquaient le proverbe suivant: "Le désaccord lors du commerce ne crée pas l'inimitié". Se rendant à ce marché, quelques femmes furent arrêtées. Leurs maris en étaient au courant. Ils réagissaient: "Comment? Le marché, c'est marché; alors pourquoi arrêter?". Une fois encore, d'autres femmes furent arrêtées. Ils réagissaient encore: "Comment? Qu'allons-nous faire? Le marché, c'est le marché. Alors pourquoi arrêter femmes et enfants?" Là-dessus, les femmes, et les garçons se rendirent au marché. On y arrêta le fils du patriarche. Le patriarche réagit: "Chers frères et soeurs, le Blanc nous a appelés au marché seulement, mais il frappe nos femmes et nos enfants. Il a arrêté mon fils. Aujourd'hui nous devons aller le combattre. Il nous provoque carrément. Ce n'est pas du commerce ça". Ils se levèrent et partirent. Ils arrivèrent au village en question: Ifulu. Ils surgirent devant le Blanc et ses serviteurs. Après une lutte acharnée, ils tuèrent le Blanc et ses serviteurs, puis ils retournèrent.
Après cela, ils vivaient pendant à peu près une année et demie. Puis un Blanc est venu venger celui qui a été tué. Ce Blanc s'appelait Ikumampulu. Il n'était venu que pour la guerre. Il ne faisait que tuer des gens. Ils ont commencé à Bomangola, et sont allés jusqu'à Bafake. Ils avaient tué une quantité innombrable de gens, Il y avait affecté 5 soldats.
Après lui, le Blanc Bajunu vint imposer la récolte du caoutchouc. Ne demandez pas concernant les assassinats. Les uns tués, les autres mains coupés. Ils nous interdisaient des bananes, des chikwangues, du poisson, et de la viande. Notre nourriture des amendes palmistes, et des fruits. On tuait des femmes qui ne fournissaient pas de poissons. A cette époque, femmes et hommes ne se fréquentaient pas, et on mettait plus au monde. On tuait aussi ceux qui ne récoltaient pas assez de caoutchouc. Ce Blanc résidait à Belondo.
Bajunu partit et fut remplacé par Longwango. Il vint continuer avec la palabre du caoutchouc. Mais à son arrivée le Blanc Longwango décida de mettre fin aux assassinats. Quelques temps passaient et Bafutamingi arriva pour le caoutchouc. On frappait atrocement des gens et on en prisonnait d'autres.
Le poste de Bolondo fut supprimé et on s'installa à Mbala. On y expédiât le caoutchouc à Mbala. On a habité Mbala pendant quelques années. Puis Bafutamingi partit. Le poste fut transféré a Eyengo. Le Blanc qui y était affecté était Iketekelenge. A ce moment, on récoltait le caoutchouc sans qu'on tue des gens. Mais la prison et les bastonnades étaient toujours en vigueur. Cela dura 8 à 10 ans.
Puis le poste fut transféré à Byanga sous le Blanc Bakasi. On continuait avec la même corvée du caoutchouc. La prison et les bastonnades toujours en vigueur en cas d'infractions, et cela sans pitié. Et le Blanc Bongende arriva nous imposer le copal qu'il achetait avec de l'argent qui nous permettait de payer l'impôt. C'est le début de l'impôt.
Les vieux ont dit dans un proverbe: "Sur la tête que tu as blessée, tu viens chercher des poux (1). Nous vivons avec nos misères alors pourquoi nous interrogez-vous? Salutations et compliments.

NOTE
1. G. Hulstaert, Proverbes mongo, no 724.
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MBALA 618/263
Louis NGUMBA, élève à Flandria

RESUME: Les Blancs de l'état arrivent à Bolondo. Ceux de la SAB à Mbala. On se répartit le terroir en deux: l'Etat prend les villages entre Loolo et Bokala, et la SAB les villages entre Ingonju et Ifuto. Exactions à Mbala. Réactions de la population qui tue un Blanc. Expédition punitive par l'Etat.

TEXTE:
Les Blancs sont arrivés d'abord à Bolondo. C'étaient les Blancs de l'Etat. On affecta des sentinelles dont les noms étaient: Ekoongo, Boyamba et un autre. Et les soldats et le Blanc habitaient Mbala. C'était un Blanc de la SAB. Il s'appelait Bongonda, alias Bokukulu. On nous répartit en deux groupes: de Loolo à Bokala, pour le compte de l'Etat; et de Ingonju à Ifuto, les gens de la SAB. Puis il imposa le caoutchouc à acheter contre des perles et des laitons de cuivre. Et on récoltait contre paiement.
Mais voilà que le Blanc quitte Mbala et s'en va à Ifulu. Il laissa des sentinelles à Mbala. Ces sentinelles convoquèrent le notable de Mbala: Is'ea mpata de Loonje. Imote, le soldat, l'interpella: "C'est bien toi Is'ea Mpata qui interdit qu'on fasse la cour aux femmes?". Et il le fusilla. Là-dessus. Botefela alias Eongo alla prendre le renfort chez les Wele. Les Wele, après avoir pris connaissance de l'incident se battaient avec les soldats. Il y a eu deux morts de chaque côté. Les soldats quittèrent les lieux et s'en allèrent à Ifulu. Et le Blanc réprimanda Eongo: "Moi, je n'ai jamais ordonné de tuer des gens. Pourquoi as-tu agi ainsi?".
Les Bombomba et les soldats se sont battus aussi à cause du caoutchouc. Il y a eu dé nombreuses victimes de part et d'autres; tant chez les Bombomba que chez les soldats. La guerre devenait meurtrière à un haut degré. Les soldats prirent fuite, et on brûla le Blanc après avoir mis du feu sur sa maison. L'Etat apprit que le Blanc était tué après avoir mis du feu sur sa maison. Il envoya une expédition meurtrière à Iyonda et Bombomba rentra à Bolondo. Mais il y est revenu deux fois. Puis le Blanc de l'Etat y affecta deux Blancs: Bajunu et Itumbambilo. Et lorsque les villageois ont été soumis, ils se séparèrent: l'un à Mbala et l'autre à Waka.
(Le reste est la copie de D.614) (1)

NOTE
1. Add. à la copie dactylographiée de l'original.
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MBALA
619/264
joseph BABOLONGO, élève à Flandria (1)

RESUME: Les Blancs de l'Etat arrivent à Bolondo. Ceux de la SAB à Mbala. On répartit la Population: l'Etat prit les villages entre Loolo et Bokala, tandis que la SAB s'occupa des villages entre Ingonju et Ifulu. A Mbala les sentinelles commettent des exactions. Les villageois se défendent et se battent. Caoutchouc. Le Blanc d'Ifulu assassiné, l'Etat envoie une expédition punitive.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Deux premières pages sont copies du n° 6l4 et 618(2)

ARRIVEE DES BLANCS ET LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Tout au début, ce sont des Blancs de l'Etat qui arrivèrent à Bolondo. Puis il y affecta des sentinelles qui étaient: Ekoonga, Boyamba et un autre. Les soldats et le Blanc résidaient à Mbala. C'était un Blanc de la SAB. On l'appelait Bongenda ou Bokukulu. On nous répartit en deux Groupes: de Loolo à Bokala, les hommes de l'Etat; et d'Ingonju jusqu'à Ifulu, pour le compte de la SAB.
Puis il imposa le caoutchouc qu'il achetait avec des perles et dés laitons de cuivre. On enduisait le ventre du latex qu'on enlevait ensuite après dessèchement. Puis le Blanc quitta Mbala pour Ifulu. Mais il laissa des sentinelles à Mbala.
Les sentinelles restées convoquèrent les patriarches de Mbala, à savoir Is'ea Mpata de Loonje et Is'ea Imote. Le soldat s'adresse à Is'ea Imote en ces termes: "Toi, Is'ea Imote, interdirais-tu aux gens de chercher des femmes?". Et il le fusilla. Là-dessus, Botefela alias Eyongo alla chercher le renfort chez les Wele. Lors de la bataille entre les Wele et les soldats, il y a eu deux morts de part et d'autre. Les soldats quittaient les lieux pour Ifulu Là, le Blanc désapprouva Eyongo en ces termes: "Moi je n'ai pas ordonné de tuer des gens. Pourquoi as-tu agi de la sorte?".
Il fouettait les Bombomba qui apportaient le caoutchouc. Il y a eu de nombreuses morts et du côté des soldats et du côté des Bombomba. Lorsque le combat s'aggrava, les soldats prirent fuite et on tua le Blanc après avoir mis feu sur sa maison. On prenait du sel pour du sable. Après avoir appris que le Blanc de la SAB a été tué, l'Etat envoya une expédition meurtrière chez les Iyonda et les Bombomba. Puis il rentra à Bolondo, mais y est revenu deux fois.
Puis deux Blancs de l'Etat vinrent s'installer à Mbala, notamment: Bajunu et Itumbambilo. Et comme les gens devenaient soumis, ils se séparèrent: l'un à Mbala et l'autre à Waka.

NOTES
1. Auteur d'un article sur la propreté dans Lokole Lokiso 15 avril 1955, p.2
2. Add. de Boelaert sur la copie dactylographiée de l'original.
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BOMPOMA
679 Lokole Lokiso 15/2/1955, P8
Albert ILANGAMONGO, D.C.C.M. Coq'Ville (1)
Né: 1930

RESUME: Blancs à Bompoma; transfert du poste à Lotumbe.
Recrutement des jeunes de Bombomba pour: la guerre 1914-18. ils se dissipent; le ruse du sergent Iyomi échoue. Le cas de Mbowina qui se fait protestant pour s'échapper du service militaire.

TEXTE:
Vous avez appris que jadis, avant d'ériger le Territoire d'Ingende on avait d'autres Postes, parmi lesquels Bompoma, dans le Secteur Momboyo. Actuellement le Poste est transféré à Boyela, Chefferie Bombomba, Secteur Momboyo, Territoire Ingende. Laissons un peu cette direction pour parler des événements du passé.
Pendant que le Poste était à Bompoma, on a eu des Blancs suivants: Lonkonga, Bonkoto-Mpembe, Bolabola, Malomalo et Nkoi qui supprima le poste et le transféra à Lotumbe. Ils avaient beaucoup de soldats et de policiers. A ce moment on appelait ces soldats "fusilier", et les policiers "soase". Le chef des soldats était le sergent Iyomi. Le chef des Bombomba était Mbembe. A cette époque on arrêtait les gens de Bombomba pour en faire des soldats lors de la guerre 14-18. Les Bombomba étaient tellement rusés qu'on n'a pas vraiment réussi à recruter beaucoup de soldats. Une façon' de s'échapper était de ne pas passer par la grande route, mais de longer des sentiers.
Celui qui passait devant eux était arrêté et jeté en prison pendant 7 jours. C'est terrible! Un étranger devient un léopard et un natif une civette. L'oppression devenait grave. Mais l'Etat ne parvint pas à enrôler les Bombomba dans l'armée. Tout simplement 'Parce que les Bombomba avaient une devise: "A malin, malin et demi". On les traquait, mais ils ne se laissaient pas prendre.
Le sergent Iyomi perdit sa femme et invita les Bombomba au retrait de deuil en mémoire de sa femme. Il a déjà prévenu le Blanc en ces termes: "Lorsque les Bombomba viendront ici, nous allons les arrêter pour l'armée. Pendant qu'ils étaient chez Iyomi, les Bombomba chantaient: "Si Iyomi invite les gens à la fête, c'est qu'il a un plan de guerre". Ayant entendu cette chanson, Iyomi demanda aux soldats de les arrêter, mais différa le projet en disant: "Ne les arrêtez pas maintenant, attendez la fin de la fête funèbre". Les Bombomba en étaient au courant et chantaient: "Vous avez un projet, moi avec un contre projet". A la fin de là fête Iyomi ordonna d'arrêter les Bombomba. Et les Bombomba de répondre: "Oh feuilles de là forêt, cachez-nous". Et ils étaient tous dans là forêt. Arrivés au milieu de la forêt, ils entendaient quelqu'un se lamenter. Ils se rendirent compte qu'Iyomi avait arrêté' un pygmée Botswa de Etumbola. Et les Bombomba criaient: "Vous pouvez vous en aller avec un botswa pour vous". On apporta ce pygmée au Blanc. Le Blanc réagit: "Je vous ai ordonné d'arrêter les Bombomba et vous venez avec un Botswa? Frappez-le seulement et relâchez-le ensuite".
La guerre devenait de plus en plus grave. Un certain jour, un homme appelé Mbowina originaire de Jombo, un hameau de Bombomba, était allé acheter du savon à Boyela. On l'arrêta. Le Blanc dit: "Ce jeune homme est apte au service militaire". Peu après les catéchistes de D.C.C.M. Lotumbe passaient à Lotumbe pour laisser les enfants à l'école. Mbowina n'avait jamais envi d'étudier, mais à cause de cette misère, il demanda au catéchiste d'aller à l'école. Il s'adressa au catéchiste Paul Esile en ces termes: "Catéchiste, je suis en train d'aller à Lotumbe à l'école, mais on m'a enrôlé dans l'armée". Le catéchiste s'adressa au Blanc de l'Etat: "Celui-ci est mon élève, relâchez-le". L'Etat ne tergiversa pas et on le relâcha. Ils partirent pour Lotumbe et Mbowina devenait écolier. A Lotumbe, Mbowina fut reçu le premier de sa promotion et fut choisi pour l'I.C.C. Bolenge (2). Il y décrocha son diplôme. Il a mis au monde 4 enfants (3 filles et un garçon). Le fils fut aussi le premier de sa classe à l'I.C.C. où il décrocha aussi un diplôme. Son nom: Pierre Mbongo. Actuellement son père est pasteur à Lotumbe.
Quelle bonne action que celle accomplie par Paul Esile en libérant Mbowina! N'eut été lui, on n'aurait pas à Lotumbe un pasteur appelé Mbowina M., et encore moins un moniteur à l'I.C.C. appelé Mbongo P.B.
Je pense qu'aujourd'hui, ça suffit comme ça. On pourra bavarder une autre fois. Une lettre longue, c'est à cause des recommandations finales d'un ami qui reconduit pour retourner ensuite. La narrateur est un fils de Bompoma, né en 1930. Ce récit je le tiens de mon père qui avait vécu ces événements.

NOTES
1. Auteur d'un article sur les arrestations arbitraires à Coquilhatville, dans Lokole Lokiso 15 novembre 1955, p.5.
2. Bolenge, à 10 Km au sud de Mbandaka, l'I.C.C. (Institut Chrétien Congolais) y a été créé en 1928.
Sur le poste protestant de Bolenge, lire Mayota Ndanda, dans Mbandaka hier et aujourd'hui (Etudes Aequatoria 10), 169-174.
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MBANJA INJOLO
659/330-331
André BOKETSU, ancien moniteur

RESUME: Des guerres intestines précèdent l'arrivée du Blanc de la SAB. Un talisman ikakota rend les villageois invulnérables aux balles des sentinelles de la SAB, et les villageois l'emportent. Pour non observance des interdits y afférents ce talisman perd de son efficacité et les Blancs reprennent le dessus. Caoutchouc et impôts. L'auteur présente les Blancs comme civilisateurs.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
1. Au début, nos vieux, c.à.d. nos ancêtres se battaient entre eux.
A ce moment, ils n'avaient vu aucun Blanc, ni entendu parler de lui. Il y avait des disputes à Injolo entre les Waka et les Boangi w'Elondo, entre les Ngombe, les Wese, les Bongonjo. S'il y avait guerre entre eux, ils utilisaient des lances, des flèches et des boucliers ainsi que des bâtons. On se tuait, on arrêtait des prisonniers, on se mangeait. Par exemple si on tue une mère, on oblige à son fils de la manger. En tout cas, il y avait entre eux beaucoup de mauvais traitements. Là-dessus, le premier Blanc de la SAB arriva chez les injolo. Les ancêtres l'appelaient Bokukulu. Le Blanc qui habitait à Bonsele, avait recruté des soldats et leur avait remis des fusils pour combattre les Injolo. Les soldats créent un poste chez les injolo. Ayant vu que les non-originaires avaient installé un poste dans leur village, les injolo se décident d'aller prendre un talisman pour la guerre. Le talisman est appelé "Ikakota". C'est alors qu'ils vont combattre les soldats de la SAB. Leur talisman était très puissant. Il rendait tous invulnérables aux balles. Et voilà qu'ils remportent la victoire contre la SAB. Ayant ainsi gagné la SAB, ils pensaient que la guerre avait pris fin. Ils ont alors négligé les interdits liés au talisman. Le fétiche perdit de sa puissance, et on ne savait plus comment le redynamiser.
2. Le deuxième Blanc fut Itumbambilo qui résidait à Waka avec ses soldats. C'était un Blanc de l'Etat. Il avait soumis férocement notre contrée.
3. Un troisième Blanc fut Bandunu qui résidait à Mbala avec ses soldats.
4. Un quatrième fut Ikoma, qui résidait à Lokondola avec ses soldats.
Ils avaient rassemblé tous leurs soldats et combattaient notre chefferie Injolo. Et les villageois se réfugièrent dans la forêt. Les Blancs ordonnèrent: "Appelez les gens qu'ils sortent de la forêt, qu'on conclue 1a paix. Ils présentent une noix palmiste et une cartouche. Les gens répondent: " Nous préférons la noix de palme''. Et l'on conclue la paix. Les Blancs ordonnèrent: "Désormais vous récolterez le caoutchouc. On tuera par conséquent deux personnes par village qui n'en récoltera pas assez. L'avez-vous compris?". Oui, nous l'avons compris, répondent les villageois. Les voilà qui s'en vont dans là forêt pour la besogne. Le soldat qui avait tué un des nôtres, c'est un certain Mboyo ea Loboma (1). Un deuxième autre soldat fut Ngweli, un autre encore fut Longomo j'Ofumbo. Mais ce ne sont là que les noms des plus gradés. Somme toute, ils étaient légion. puis on instaura l'impôt. On commença d'abord à payer 3 francs seulement par personne, puis 9 francs. Puis arrivèrent les vêtements et le copal en grande quantité. On majora encore l'impôt au fur et à mesure que les Blancs devenaient nombreux chez nous. Et les Blancs interdirent de tuer les gens.
Au début, nos ancêtres ne s avaient rien d'un fusil, encore moins d'un Blanc, ni des vêtements. Ils connaissaient des perles. Mais ils ne connaissaient pas l'argent. Tout ce qui est du Blanc, nos ancêtres ne connaissaient pas. On connaît tout cela avec l'arrivée des Blancs chez nous.
Les Blancs sont venus nous civiliser Ils sont venus maintenant pour nous faire sortir de l'ignorance. Actuellement, nous avons remarqué une différence entre les choses des ancêtres et celles des Blancs. Il y a une grande différence entre les deux ordres. Remerciements aux Blancs pour avoir interdit les choses des ancêtres. Car tuer quelqu'un n'est pas une bonne chose. C'est une très mauvaise chose. Nous rendons grâce à Dieu pour avoir inspiré les Blancs à pacifier notre pays. Voilà ce qui c'est passé chez nous les Injolo à l'arrivée des Blancs. Si vous n'entendez plus rien, c'est que la tortue est rentrée dans la carapace (2).

NOTES
1. Mboyo-le-tueur
2. Finale pour exprimer qu'on n'a plus rien à dire.
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BOENJOLA
460/145
louis LINGOLO, capita Boenjola

ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC

Le Blanc qui a commencé à nous combattre fut Itumbambilo. A son arrivée, il noua convoqua. Il ordonna.." Venez avec des flèches" Il nous confisqua les flèches et nous ordonna de récolter le caoutchouc. Après cet ordre, il tuait tous ceux qui ne récoltaient pas assez de caoutchouc. On se dit entre nous: "Il est venu non pour acheter du caoutchouc mais plutôt pour tuer des gens".
On ne faisait rien contre lui, on ne le combattait pas; ce n'était que lui-même qui est venu nous tuer. Ayant exagérer dans les tueries, nous avons fini par nous soumettre et d'aller dans la forêt récolter le caoutchouc. Dans la forêt, on ne mangeait que des fruits. On institua Ilufa pour convoquer les gens et acheter le caoutchouc. A cette époque si lui, le Chef n'est pas là, personne d'autre ne vend lé caoutchouc. Il avait d'abord tué quelqu'un appelé Wilima, puis Is'Efelo.
Nous posons la question de savoir qui a initié cette enquête sur l'arrivée des Blancs. Parce qu'ils ont exterminé nos ancêtres, nous voulons connaître celui qui nous demande cette affaire.
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IMBONGA
655/324
François ILAJA, catéchiste (1)

RESUME: Premier Blanc: Bakukulu; Blanc à Ifulu et Bomputu. Installation des capitas dans les Injolo et Boangi; caoutchouc et désarmement des indigènes, répression; assassinat du capita Ekutsubolo et répression; assassinat du capita de Bombembe et répression; L'Etat à Bolondo, à Mbala, Waka. Caoutchouc et répression.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS SUR LA TERRE DES INJOLO OU BOANGI
Le Blanc, qui est arrivé le premier dans notre terroir, fût Bokukulu de la SAB. puis il désigna les Blancs subalternes pour créer de mini-stations à Bomputu et à Ifulu. Lui-même résidait à Bonsela de Lokumo. Le nom de ce Blanc c'est Bongende alias Lonkonga.
ARRIVEE DES CAPITAS AUTREMENT APPELES FUSILIERS
Puis, il affecta des fusiliers chez les Injolo; Efunda à Bombomba de Lotoko, Mpakama à Lokosa de Aliya, Bolinda alias Loboma à Nkuse, Botsw'Ompinji à Isaka. Ces fusiliers on' provoqué là guerre contre les indigènes. C'est que Bongende avait ordonné aux indigènes de récolter le caoutchouc pour qu'ils commercent. Car la S.A.B. échangeait le caoutchouc contre des perles, les mitako et les cauris. Les fusiliers achetaient ainsi le caoutchouc qu'ils envoyaient à Bonsela. Un jour du marché, les fusiliers ravirent aux villageois leurs flèches qu'ils jetèrent dans la forêt. C'est à partir de là que les indigènes se fâchèrent et
commencèrent la guerre contre les fusiliers. Et les fusiliers vainquirent les indigènes.
DEUXIEME GUERRE
Après cela, les indigènes revinrent pour le marché du caoutchouc, mais les indigènes rééditèrent leurs provocations. Ils reprirent la guerre et les indigènes tuèrent Ekutsubolo. Et les fusiliers allèrent prévenir Bongende. Il arriva avec beaucoup de fusiliers combattre les indigènes. Il les vainquit et en tua beaucoup. Puis les indigènes disaient: "Nous n'allons plus récolter le caoutchouc. Et Bongende rentra à Bonsela. Celui qui était à Ifulu se battit avec les indigènes de Bombomba et Iyonda, mois on le tua. Ce Blanc était appelé Bombende. Ayant appris cela Bongende alla demander le renfort de l'Etat. L'Etat en fut très furieux et déclara la guerre à Bombomba et Iyonda: il les tuèrent impitoyablement. Il créa son premier poste à Bolondo puis il quitta Bolondo pour s'installer à Mbala. Delà, il affecta son premier fusilier à Ifoku de Besombo. Son nom était Bongondo. Et ce fut le début de l'affectation des fusiliers sur notre terroir des Boangi. Puis Longwango alias Bokatajamba, un Blanc de l'Etat accosta, et alla explorer le Pays des Injolo, et choisit le poste de Waka. Il y affecta un Blanc subalterne. Lui-même retourna à Mbala. Ce fut le début de la corvée du caoutchouc. Un village qui n'en récolte pas assez est exterminé. Depuis lors jusqu'aujourd'hui, nous voici sous le joug coloniale.
Vous autres qui demandez ces récits, les patriarches vous posent la question suivante: "quel juge tranchera cette palabre?".

NOTE

1. Auteur de 2 articles sur 1a polygamie et sur la dot dans Le Coq chante et lokole Lokiso.
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BAENGA
458/139-140
Chef INGONJU, M.C. Imbonga

RESUME: Selon deux versions concordantes, le narrateur évoque la paix qui a précédé l'arrivée des agents noirs de la SAB, venus semer la terreur. Caoutchouc. Ikakota. Fin des tueries sous le Blanc Longwango de l'Etat.

TEXTE
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Voici ce que disent le vieux Nkanga Albert et Efanga Silotsi, les notables de Lingonju. Ils disent: "Nous avons vu 3 hommes noirs: Ekakya, Lofundo et Njoku armés de fusils que nous appelions "nkulo" ou pistolets. Ils demandaient d'apporter du caoutchouc qu'ils allaient acheter avec des perles, des cauris et des clochettes. Et on leur apporta le caoutchouc. Après examen, ils disaient: "c'est mauvais". Ils arrêtèrent l'homme qui avait apporté le caoutchouc et le tuèrent à coup de fusil. Puis on apporta autre caoutchouc aux beaches de Ikongo, Iyonge et Bolonga. Le fusilier Mpakama tua les gens qui avaient apporté le caoutchouc. Pris de fureur, on se battait avec Mpakama et ses hommes. Il fuit le combat lui livré chez nous et alla à Lokumo Bonsela le rapporter au Blanc de la SAB.
Et on resta dans la Paix, festoyant et dansent à l'aise. On se disait: "La guerre a pris fin. Soudain", on apprend qu'il y a encore une guerre au beach de Belondo. L'Etat y a envoyé beaucoup de fusiliers nous combattre encore. Leurs noms étaient: Ekakya, Lofundo et Njoku. Ils étaient venus nous combattre avec des fusils de marque albini. Ils nous tuaient en surnombre. Nous avons fui cette guerre dans la forêt. On se lassa d'y rester par manque de nourriture. Nous en sommes alors sortis, munie de jeunes rameaux de palmiers signer un traité de paix avec des fusiliers en disant: "Protégez-nous, vous qui nous combattez". Là-dessus la fureur des fusiliers s'apaisa. On nous demande dé rappeler de la forêt tous les fugitifs, et, on annonça la fin de la guerre entre eux et nous. Cela a été fait ainsi. Et encore, les fusiliers demandèrent: "Qui, parmi vous, sont de vaillants combattants?". On les désigna, et voilà, un fusilier les tua. Après cela, on nous imposa le caoutchouc, alors qu'on a signé la paix avec eux. On entassait le caoutchouc dans les paniers. Celui qui ne remplit pas un panier est tué à coup de fusil. En dépit du traité d'amitié, si un fusilier remarque que quelqu'un a une belle fille, il la prend de force. Celui qui proteste est tué à coup de fusil. Ceux qui ont un champ de manioc, de bananes, d'ignames, de courges ou une palmeraie, ne peuvent pas en manger. Si on en mange, on est tué à coup de fusil. La récolte du caoutchouc nous a sensiblement exterminés par des tueries à coups de fusils. A son arrivée au beach de Lotoko Bombomba, le Blanc de l'Etat Longwango interdit de tuer les gens. On cessa de nous tuer. La guerre prit fin.
II.
Les vieux de Efoto (Ikolongo et Mbembe Albert) donnent la version suivante. "Nous étions chez nous lorsque nous vîmes un Noir, Mpakama, envoyé chez nous par le Blanc de la SAB, accompagné de guerriers armés de fusils. Il était accompagné de: Imbongo, Iyonge et Bolonge. Mpakama ordonna: "Venez avec du caoutchouc et je l'achèterai avec des perles, des cauris et des clochettes. Et on récolta le caoutchouc. Et on l'apporta au marché. Voyant nos flèches, Mpakama nous les ravit et les fixa sur une branche du kapokier. Remarquait-il une belle femme mariée, il la prenait de force. Constatait-il du mauvais caoutchouc, il en tuai les récolteurs.
Nos vieux en eurent le coeur gros. Un vieux d'Injolo appelé Is'e'Ekafela alla à Elanga chez quelqu'un qui avait un talisman très puissant. Il prit un talisman appelé ikakota. C'est un fétiche très puissant de guerre. En possession de ce fétiche, on se battit avec la SAB. On tua Mpakama et ses hommes. Là-dessus ils ont fui la guerre que leur livrions. La SAB retourna à Lokumo Bonsela.
Après cela, on vivait en paix chez nous. On festoyait et on se disait: "la guerre avec la SAB a pris fin". Alors qu'entre-temps, le Blanc de la SAB, Itumbambilo, avait envoyé un rapport à l'Etat en aval. En conséquence, l'Etat envoya beaucoup de fusiliers au poste de Belondo. Une guerre meurtrière s'en suivait dans notre pays, tuant des gens à coup du fusil albini. Notre talisman "ikakota" avait perdu de son pouvoir magique. Ce talisman interdisait des rapports sexuels. A la fin de la guerre avec la SAB, celui qui était allé prendre ce fétiche avait été en contact avec une femme. Le fétiche perdit de son efficacité. L'Etat nous tuait. Et on s'est réfugié dans la forêt.
Après cela, nous sommes sortis de la forêt pour pactiser avec des fusiliers. Ils nous demandèrent: "Indiquez-nous vos vaillants combattants". On les leur indiqua. On les mit dans un filet et on les tua à coup de fusil. On nous imposa le caoutchouc à remplir dans des paniers. Celui qui ne remplissait pas le sien était tué.
A son arrivée à Lotoko pour y créer un poste le Blanc Longwango interdit les tueries. Et les soldats ne tuaient plus. Les tueries avaient pris fin.
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ISAKA
466/154-158
Joseph BOYEYE, originaire de Isaka, M.C. Imbonga (1)

RESUME: Les migrations des Isaka fuyant Lofembe depuis Safala, près de Mbandaka, jusqu'au site actuel. C'est là que les Basongo les trouvent pour la traite des esclaves. Les agents de la SAB viennent à leur tour acheter du caoutchouc contre divers objets. Ils y créent, un poste et quelqu'un parmi eux épouse une femme du lieu. Les fusiliers ou agents de la SAB interdisent aux autochtones d'aller à la poche. Il s'en suit la guerre. Des morts de chaque côté. Le Blanc de la SAB à Lokumo leur prête main forte et les fusiliers reviennent tuer et reléguer les Isaka. Les fusiliers brûlent tout sur leur passage. Chez les Injolo, on utilise l'ikakota et on parvient à tuer les fusiliers. Un seul se sauve. Fin de la SAB et arrivée des agents de l'Etat, qui imposent aussi le caoutchouc. Puis l'Etat pacifie le pays, introduit l'argent, impose le copal et la fourniture des vivres pour le personnel. L'impôt et l'arrivée des missionnaires.

TEXTE:
ARRIVEE DU BLANC ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Les gens de Bonsela, Bombomba Nkuse, et Bolenge sont venus de Safala. C'est aux environs de Mbandaka. Ils fuyaient la guerre de Lofembe. C'est lui le premier Blanc qu'ils ont commencé à voir. Ainsi, ils ont remonté la rivière et sont allés sur les bords de la Tshuapa. Les Bombomba étaient restés, et avaient longé le ruisseau Lotoko. Les Bonsela remontèrent aussi la Tshuapa. Les Isaka et les Bolenge entrèrent à la Salonga et se divisèrent comme suit: les fils d'lyomi restèrent au ruisseau appelé Boliy'a Mpongo et les fils de Lomama remontèrent aussi la Salonga pour s'installer en amont de la rivière Momboyo.
Après la séparation, les Isaka ont créé un site sur les bords de leur ruisseau. Ils y vivaient leur vie lorsqu'ils virent les Basongo accoster chez eux. Les patriarches leur demandèrent des nouvelles. Les Basongo leur répondirent: "Les Blancs nous ont envoyés acheter des gens pour ensuite les leur amener". Là-dessus, les patriarches qui avaient des esclaves les leur vendirent à cette occasion. Les Basongo avaient acheté beaucoup de personnes qu'ils amenaient en aval chez les Blancs. C'est pourquoi les gens disent: "l'aval des Basongo". Puis les Basongo mirent fin à cette traite. Et les gens eurent une période de paix dans leurs villages.
Après la traite, les Isaka aperçurent d'autres gens débarquer encore chez eux. Leurs noms étaient: Ingeli, Botsw'Ompinji, Bongengele, Elenga, Ngubo et les autres. On les appelait fusiliers ou agents de la SAB Puis les notables se réunirent et leur demandèrent des nouvelles. Ils y répondirent: "nous sommes venus pour le commerce. Nous avons des perles, des bracelets, des clochettes et des cauris". Ainsi, les Isaka les accueillirent bien. Les patriarches rassemblèrent des gens et leur offrirent des cadeaux. Et les fusiliers créèrent leur poste à Bolondo, et s'y installèrent. Et ils continuaient avec le commerce des objets qu'ils avaient apostés contre le caoutchouc. Puis les fusiliers épousèrent une femme des Isaka, appelée Kongonyeme. Les fusiliers et les Isaka coexistaient ainsi en paix.
Vint la saison sèche. Les Isaka prirent les objets de pêche et allèrent à la recherche du poisson. Ikete et Bongengele leur demandèrent: "Où allez-vous?". Ils répondirent: "Nous allons à la recherche du poisson à la crique". Les fusiliers renchérirent: "De qui en avez-vous obtenu l'autorisation?". Les Isaka rétorquèrent: "Vous autres, vous êtes des étrangers. Comment allons nous vous en demander l'autorisation?" Après avoir entendu cela, les fusiliers pris de fureur, chargèrent leurs fusils et tuèrent une première victime appelée Lokate j'Onyomi, puis on lui coupa la main. Et le patriarche d'Isaka Esangaoi déclara "comment? Vous êtes venus chez moi et je vous ai accueillis à l'amiable; alors, pourquoi tuez-vous mon fils"? Devant ce spectacle, les Isaka pris de peur disaient: "Ce sont bien eux des gens que nous avons fuis à Safala, voilà qu'ils nous poursuivent jusqu'ici. Là-dessus, les gens pris de panique se réfugièrent dans la forêt. Un Isaka appelé Bokondo w'Ayaka déclara: "Je ne me laisserai pas faire". Et il tua un fusilier appelé Ekutubolo et le laissa pour mort, gisant à terre. D'autres fusiliers l'enterrèrent par après. Puis les fusiliers survivants rejoignirent leur Blanc à Lokumo. Lokumo était le chef-lieu de la SAB. Après lui avoir donné le rapport, le Blanc leur donna un renfort en hommes. Et les fusiliers rentrèrent de nouveau à Isaka pour la guerre. De retour de Lokumo, ils ont tué d'abord Eangaoi-Isongo y'Osau. Ils ont même tué leur femme Kongonyeme et sa mère. La guerre devenait plus meurtrière. Les fusiliers tuaient beaucoup de gens. Il reléguaient certaines personnes en aval. D'autres, ils les remettaient à leur parents. Depuis lors nos gens se dispersèrent un peu partout.
Sur ces entrefaites, les fusiliers débarquaient dans les villages. Brûlaient des huttes, et tuaient des gens. A ce moment les Blancs n'étaient pas encore arrivés chez nous. Ils n'habitaient que Lokumo et Bomputu. Et les fusiliers sont allés s'installer à Injolo. Les Injolo firent la remarque suivante: "Comment! vous êtes étrangers, vous nous envahissez; vous nous ravissez nos femmes, et alors pourquoi nous tuez-vous "?. Là-dessus, les Injolo combattirent les fusiliers. Les Injolo avaient un fétiche appelé ikakota. On enroula ce fétiche contre la manche d'une flèche avec des feuilles sèches de bananiers. On jeta alors le fétiche sur le toit de la maison où se trouvaient des fusiliers et leurs femmes. La maison prit feu et les fusiliers ainsi que leurs femmes moururent. Un seul fusilier s'en sauva, mais il avait abandonné son fusil dans ladite maison.
Après la fuite de cette sentinelle, les gens croyaient que la guerre avait pris fin. Alors que la sentinelle était allée faire le rapport au Blanc en lui disant que les villageois avaient tué tous les fusiliers. Les villageois se regroupèrent à Injolo et brûlèrent le poste des fusiliers. Et c'était la fin de la guerre avec la SAB. Mais les gens pensaient que tout était terminé là, alors que la SAB est partie prendre la rescousse de l'Etat. Et voilà qu'un jour, on apprit le débarquement d'autres fusiliers au beach de Belondo. Le chef de ces fusiliers s'appelait Bongondo. Lui même Bongondo resta à Bolondo, mais il affecta Mboyo ea Loboma à Eungu; Ingondoolo, Njoku, Bokungu et Lokoka étaient affectés aux stations de Bofanjwa et Isaka. Balunguma et Ngbama étaient à Elonda et Ngaola à Efoto. Les fusiliers affectés à Isaka et Bofanjwa, à savoir Bokungu et Lokoka, n'ont pas fait longtemps, et ils s'en allèrent. N'y étaient resté que Njoku et Ingondoolo. A l'arrivée de ces fusiliers, ils avaient trouvé des gens encore en fuite dans la forêt. Ils n'avaient trouvé que quelques groupuscules qui étaient restés au village. Ils arrêtèrent une à deux personnes par hameau. Njoku et Ingondoolo arrêtèrent Botunju w'Imposo et Mpong'Ilaka à Bofanjwa. Ils dirent à leurs otages: "Allez chercher vos frères, et dites-leur que nous sommes venus signer un accord de paix. Nous ne les tuerons plus. Dites-leur cela". Et Botunju et Mpong'Ilaka pénétrèrent dans la forêt appeler leurs frères et soeurs. Ils leur dirent: "Sortez-en, les Blancs sont venus pour signer un accord de paix. Ils viennent de l'aval, ils ne vont plus tuer. Venez, au village". Et les gens sortirent au village, chez les fusiliers. Les fusiliers leur dirent: "Cessez de vous enfuir dans la forêt, nous ne vous ferons plus rien. Apportez vos flèches et lances pour que vous preniez un breuvage. Ainsi dit, les gens apportèrent leurs flèches et lances, et les fusiliers les prirent. Après avoir ravi ces armes, les fusiliers leur ravirent aussi femmes et enfants et leur ordonnèrent: "vous-mêmes allez récolter le caoutchouc pour que nous l'achetions. Mais les femmes et les enfants resterons ici à la cour". Les villageois l'acceptèrent et allèrent dans la forêt.
Après eux, les fusiliers se partagèrent les femmes entre eux et leurs adjoints appelés "hommes de flèches".
Ils se partagèrent aussi des enfants de la même façon. Puis ils leur apprirent comment exécuter les travaux du poste, chacun suivant sa tâche. Si quelqu'un faillit à sa tâche, on le tue et on oblige aux autres de le manger. Si quelqu'un refuse de manger de cette viande humaine, oh le tue aussi. On exilait certaines personnes dans les villages des fusiliers. Ils avaient imposé beaucoup d'interdits ne pas manger de bananes, ni des noix de palme, ni de la viande. Les villageois ne mangeaient qu'une nourriture insalubre. Les fusiliers tuaient beaucoup de gens, et en exilaient d'autres. Chaque fusilier avait recruté ses adjoints dans son propre village. Dès lors, le caoutchouc que les villageois récoltaient, était envoyé à Belondo chez Bongondo qui était le chef, et lui seul le destinait en aval. Puis les fusiliers apprenaient la nouvelle selon laquelle l'Etat avait interdit de tuer les gens. En conséquence, tous les fusiliers partirent, et avec eux leur chef Bongondo. Mais les "hommes de flèches" n'ont pas tous survécu, car les Isaka et les Bofanjwa les massacrèrent. On se vengeait du fait qu'ils avaient exterminé femmes et enfants. Ceux qui étaient retournés dans leurs villages d'origine étaient très peu nombreux.
Peu de temps après, ils apprenaient que l'Etat avait débarqué au beach de Lotoko. Il envoya ses hommes appelés Pataki. Les Pataki sont des gens qui étaient venus avec l'Etat lui même. Comme on appelait ceux venus avant "fusiliers", ceux ci sont appelés "Pataki". Puis l'Etat affecta des Pataki dans chaque village. Il interdit des tueries, et ordonna qu'on lui apportât du caoutchouc à Lotoko pour qu'il achetât lui même. Ce Blanc s'appelait Bafutamingi. Les premiers Pataki arrivés chez nous à Isaka furent: Engetele, Ekotaka, Esale, et Ilambe. Ils expédiaient le caoutchouc à Lotoko.
Peu de temps après, les Eanja assassinent un Pataki, appelé Yampala. Le Blanc se fâche et fait appel aux vrais militaires armés de vrais fusils pour combattre les Eanja. Mais ils n'avaient pas tué beaucoup de gens. Puis le Blanc appela les militaires et les Pataki, et déguerpit de Lotoko. Les villageois en étaient très joyeux, dansant Iyaya et festoyant comme auparavant.
Quelques moments après, on apprend que deux Blancs ont débarqué à Waka. Ils s'appelaient Itumbambilo et Engende. Ils sont venus créer un poste à Waka. Ils ont demandé aux femmes de fournir des chikwangues et aux hommes de fournir du caoutchouc. On échangeait le caoutchouc contre des perles et des mitako. Les femmes fournissaient de la chikwangue pour les travailleurs, les soldats et les prisonniers. Là-dessus, Engende mourut et Itumbambilo partit.
Un autre Blanc appelé Ikoma arriva à Waka et continua le travail du caoutchouc. comme ses prédécesseurs. Puis un autre Blanc arriva à Eanja, pour acheter aussi du caoutchouc. Depuis le Blanc qui résidait à Lotoko jusqu'à ceux qui venaient à Waka, aucun ne voulait tuer les gens. Les gens disaient: c'est l'arrivée des Belges. Et le caoutchouc n'existait plus.
Ensuite un autre Blanc Itoko arriva à Waka, remplacer Ikoma. Il dit: "le caoutchouc a pris fin, mais vous avez une nouvelle chose, l'argent. Pour avoir cette chose, vous récolterez le copal que vous vendrez; ainsi vous aurez de l'argent. Avec cet argent, vous achèterez des vêtements et payerez l'impôt. Les gens ne cherchaient le copal à ce moment que du haut des arbres. Ils ne savaient pas qu'on pouvait s'en procurer en bas. Le Blanc leur en apprit la méthode en utilisant le harpon. Dès lors, les gens savaient comment récolter le copal en bas. Ils le vendaient aux Blancs de la Compagnie, ce qui leur permettait d'acheter des objets divers, et de payer l'impôt. Les premiers impôts étaient payés à 3 francs.
Les Blancs de la prière et les Blancs des impôts étaient arrivés chez nous en même temps. Il n'y avait pas une grande intervalle entre les deux. Depuis lors nous nous sommes habitués avec les Blancs, et cela jusqu'à présent.
Mais nos ancêtres et nos vieux ne savent pas expliquer avec précision là notion "date" telle que l'entendent les Blancs. Ils connaissent plutôt des saisons et
des époques. De même moi, non plus, je ne sais pas expliquer les dates.
NOTE
1. Auteur d'une chronique en collaboration avec Arsène Nkolobise sur le congé du Père De Rop, fondateur et curé à Imbonga, en Europe (Lokole Lokiso 1 septembre, 1995, p.6)
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IMBONGA
654/321-323
Joseph IKIYO, enseignant

RESUME: Blanc de la SAB; Bongende (Lonkonga) crée Bomputu et Ifulu; Nkoi à Bomputu, Bombende à Ifulu, Affectation des capitas. L'assassinat de Bombende à Ifulu. Installation de l'Etat à Belondo. Mbala et Ifulu; installation de leurs capitas; nouvelle campagne de caoutchouc; création de Waka par Longwango; fini le caoutchouc; vient l'impôt. Installation des catholiques et protestants; fondation de la mission catholique d'Imbonga par A. De Rop.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS CHEZ LES INJOLO ET CHEZ LES BOANGI ET LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC
1. Le premier Blanc, qui est arrivé chez nous les Injolo, fut un Blanc de la SAB. Il habitait Bonsela wa Lokumo, mais venait séjourner chez les Injolo et inspecter partout. Il affecta quelques jeunes Blancs pour créer d'autres petits postes et y résider, afin de commercer avec les indigènes.

2. CREATION DE PETITS POSTES
C'est lui-même Bongende alias Lonkonga qui allait avec ses travailleurs créer un poste à Bomputu. Ensuite il partit en créer un autre à Ifulu. il y affecta un Blanc, Bombende. Il affecta un Blanc surnommé Nkoi à Bomputsu et lui même résidait à Bonsela.
3. AFFECTATION DES CAPITAS
Ensuite il affecta des capitas qu'on appelait fusiliers. Il affecta d'abord un premier capita, Efunda Bonkombola, à la station de Bombomba wa Lotoko. Il y résida. Mpakama débarqua à la station de Lokosa jw'afiya et y résida. Bolinda wa Loboma débarqua à Nkuse. Botsw'ompinji à Isaka. Tous ceux là sont ses auxiliaires noirs commis à son service de récolte du caoutchouc chez les indigènes.
4. DES CAPITAS OU DES FUSILIERS
Les fusiliers ou des capitas commençaient la guerre contre les indigènes. C'est que la SAB ordonna aux indigènes de récolter le caoutchouc pour qu'ils commercent. Elle apportait des perles et des cauris, et les indigènes apportaient du caoutchouc pour échanger. Mais lorsque les indigènes venaient commercer, les fusiliers leur ravirent des lances, et les jetèrent dans la forêt. Et cela, sans raison. Après cela, les indigènes étaient très fâchés, et commençaient à se battre contre les fusiliers. Et les fusiliers l'emportèrent.
Et c'est cela le début de la guerre. Après cela, les indigènes continuaient à apporter du caoutchouc, et les fusiliers répétaient à jeter les lances des indigènes contre l'arbre Chloroexcelsa Benth. Morac. Mais les indigènes n'avaient pas supporté cette blague. Et ils livrèrent un autre combat et les indigènes l'emportèrent. On tua sur place un fusilier appelé Ekutsubolo. Là-dessus, les fusiliers allèrent prévenir Bongende de ce meurtre. Bongende arriva avec de nombreux fusiliers combattre les indigènes et les vainquit. Les indigènes se dirent: "Nous ne récolterons plus le caoutchouc". Et Bongende rentra à Bonsela.
5. A LA STATION D'IFULU
Celui, que Bongende avait affecté à Ifulu, surnommé Bombende se battit contre les indigènes de Bombomba et Iyonda et en mourut. Bongende se fâcha et alla chercher le renfort chez l'Etat. Et l'Etat vint ignoblement exterminer les gens.
6. ARRIVEE DE L'ETAT
Lorsque l'Etat vint prendre parti contre les indigènes, il créa un premier poste à Bolondo. Lorsque sa colère devenait grave il quitta Bolondo et transféra le poste à Mbala, près de Lotumbe et Ifulu pour anéantir l'insoumission des indigènes Bombomba et Iyonda. Puis, il affecta son premier fusilier nommé Bongondo. C'était un corporal. Il accosta au beach de Ifoku à Besombo et y résida. Les autres étaient Lolembe et Nkoi-ea-Komsa Il les affecta à tous les villages de notre Boangi. Ils avaient combattu énergiquement et l'emportèrent sur les indigènes. Les indigènes déclarèrent la paix et supplièrent les fusiliers de cesser la guerre avec la promesse qu'ils seraient entièrement au service de l'Etat.
7. DEUXIEME CAMPAGNE DU CAOUTCHOUC
Après cela, l'Etat imposa avec fureur la récolte du caoutchouc. Chaque village devait remplir un grand panier de caoutchouc, sinon, on tuait ce village ou on reléguait les villageois. Cette campagne extermina nos villages. C'est pourquoi les gens chantent encore: "C'est la SAB qui a commencé la guerre; l'Etat fut appelé pour le renfort. Son renfort a été exagéré". C'est parce que l'Etat a tué plus de gens lors de la campagne du caoutchouc.
8. ARRIVEE DES BLANCS A WAKA
Le premier Blanc de l'Etat que nous avons vu, c'est Longwango, alias Bokatajamba. Il accosta au beach Ifoku de Bembo et inspecta tout notre Injolo. Il alla à Waka, et y créa une station. Lui-même n'y est pas resté longtemps. Mais il rentra à Mbala et y envoya le Blanc Apisoso. Ensuite d'autres Blancs s'y succédèrent. Et ils vinrent interdire la corvée du caoutchouc pour instaurer l'impôt en argent jusqu'à présent.
9. LES BLANCS DE LA PRIERE (LES MISSIONNAIRES)
Là-dessus, les catholiques et les protestants arrivèrent de chez eux. Le catholique résidait d'abord à Bamanya, et à Bokuma. Ensuite, il entra dans la Momboyo et créa ses missions à Wafanya et à Boteka, puis remonta la Tshuapa. Le protestant créa la mission à Lotumbe à Bonyeka, mais il résidait d'abord à Bolenge. Tous les deux parcouraient toutes les contrées. Depuis lors jusqu'à présent, un Blanc de Compagnie appelé Bosekota alla résider à Imbonga. Il y resta longtemps et partit. Depuis lors aucun autre Blanc n'y est arrivé. Ce n'est qu'en 1940 que les catholiques, ou les pères, vinrent créer une mission à Imbonga. Celui qui vint créer cette mission c'est le Père Albert. C'est alors que les Injolo quittèrent la mission de Wafanya et de Boteka pour regagner leur mission d'origine Imbonga. Depuis lors que d'arrivée des Blancs. Si vous entendez le silence, c'est que l'oiseau Podica est rentré dans la forêt inondée.
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EFOTO
464a/149
Joseph ENGUNDA, Léproserie II

RESUME: Le narrateur s'étonne des tueries perpétrées par les Blancs, alors que les Noirs n'ont rien fait de provoquant. C'est Léopold I, le premier Blanc qui est venu tuer les Noirs après qu'il à envoyé un émissaire de la SAB. Le narrateur demande qu'on prête foi au récit, car c'est bien le Blanc Bajunu qui tuait les gens.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Nous et eux, les Blancs, on n'avait pas de palabres. Soudain, nous remarquions qu'ils étaient venus nous tuer. Qu'est-ce qu'ils avaient appris de chez nous pour venir nous tuer ainsi?. Après tout, ils nous tuaient comme des poules, nous empêchant de manger nos propres bananes. Pourquoi tout cela? Ne doutez pas de ces récits, car celui qui nous tuait ainsi fut le Blanc Bajunu qui avait travaillé à Mbal'a Loonje.
Voyez, Papa Monseigneur, vous nous demander de raconter la raison des tueries.. Eh bien, on était surpris par la guerre et on se battait. On fournissait du poisson, on fournissait de là viande; on n'avait pas refusé des devoirs lors de là corvée du caoutchouc. Et on était surpris que la guerre nous ravageait.
Le Blanc qui est venu nous tuer fut Léopold I,. qui l'avait ordonné à ses agents et aux Blancs à son service. A la première campagne du caoutchouc, on avait envoyé un Blanc de la SAB muni de perles en qualité d'espion. Il nous dit: "Récoltez de petites boules de caoutchouc que j'achèterai". Cela s'est fait ainsi. Mais ce que faisant, il commença à tuer un premier homme. Son nom était Bots'atuku, originaire de Boenjola, à notre beach d'Imbonga. Et chez nous-mêmes à Efoto, il tua une femme appelée Bofunga. Après cela, la SAB ne venait plus ni pour la guerre, ni pour le commerce.
Parlant de la SAB, c'est toujours Léopold I qui est venu nous exterminer. Il tuait à l'extérieur, il nous poursuivait aussi dans la forêt. Mais jadis, on vivait en paix, on jouait nos jeux. Avec l'Etat on n'avait pas de problèmes. Nous avons été surpris qu'il nous tuait.
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EFOTO
464b/150-151
Joseph ENGUNDA

RESUME: Un Blanc de la SAB vient pour l'achat du caoutchouc. Puis il en impose la récolte en tuant les gens. Fuite dans la forêt. Traité de paix. L'Etat ordonne le caoutchouc par son soldat interposé. Il tue aussi.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS AU CONGO ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Nous habitions toujours notre village, lorsque nous voyons arriver les Blancs. Le premier Blanc venu était pour le compte de la SAB. Il nous ordonne: "Récoltez du caoutchouc que j'achèterai". Nous en avions récolte en petites boules qu'on mettait dans de petits paniers, qu'on échangeait contre des perles. Au préalable, le produit était séché dans un petit entonnoir. Après cela, nous avons remarqué qu'il avait affecté ses soldats. Avec lui on s'était bien entendu de fournir du caoutchouc contre des perles. C'était un marché de gré à gré. Au moment de ce commerce entre lui et nous, il habitait son poste de Lokumo., mais envoyait ses gens à Nkuse pour commercer avec nous.
Il affecta ensuite un autre Blanc à la station d'Ifulu. Nous étions entre nous, lorsqu'il remonta la rivière depuis Ifulu et accosta Imbonga où il tira un coup de fusil. Il provoqua ainsi la guerre chez nous. A cette première sortie, il n'y avait pas eu de morts. Il avait tiré ce coup en l'air. Et les indigènes se dispersaient. A la 2è sortie, il tua quelqu'un à Boenjola. Son nom, Botsatuku, un notable. A la 3è sortie, il arriva à Efoto et tua un homme d'Efoto, appelé Bofunga. Depuis lors, il ne venait plus. On vit encore en paix, et voilà qu'une guerre atroce survient. Cette grande guerre était provoquée par l'Etat. Il avait affecté ses fusiliers et soldats. C'est en ce moment que la guerre devint meurtrière et sanglante. On nous tuait, tuait et on se dispersa dans la forêt. Se réfugiant dans la forêt, il nous demanda de faire la paix avec lui. Il arrêta un de nos compatriotes appelé Bondele. Il lui dit: "Va appeler tes familiers". C'est lui qui nous a appelés. Et on en sortit signer la paix. Et un de ses soldats dit: "Tous les villages, venez ici que je vous dise quelque chose". Et nous tous on se dirigea vers lui. Et il dit: "Je suis venu vous annoncer que l'Etat vous ordonne de récolter le caoutchouc". Puis il nous présenta la mesure: un grand panier pour 5 personnes. Chez nous les Efoto, il laissa 450 paniers, qu'on avait rempli sans opposer un refus. Revenu pour se faire présenter le caoutchouc, il dit: "Les paniers ne sont pas remplis". Et ce jour-là il tua 20 personnes. Un autre jour nous rentrions encore pour le caoutchouc et il nous révéla: "Moi je ne vous ai pas tué pour rien. Je l'ai fait sur injonction de l'Etat qui me l'a ordonné au cas où vous ne remplissiez pas les paniers. Ce soldat qui travaillait avec nous s'appelait Baata.
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WAKA/Wafanya
496/225
Ambroise IYEKI, enseignant (1)

RESUME: Installation de soldats à partir de Waka; d'autres soldats imposent le caoutchouc, tueries et anthropophagie; fondation d'un poste à Eyengo; transfert à Bianga puis à Wafanya, pas encore de l'argent mais des mitako.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS, ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Notre premier Blanc ici c'est Itumbambilo. Et il résidait à Waka. Et il avait installé ses soldats un peu partout. Le soldat chef qu'il avait envoyé chez nous, c'est Ntange et les autres. Ntange était originaire de Boloki. Ceux qui nous avaient imposé la récolte du caoutchouc sont d'autres soldats. Le soldat le plus gradé lors de la récolte du caoutchouc fut Lokinangonda. Il avait tué beaucoup de gens sur ordre d'Itumbambilo. C'est à dire on tuait celui qui n'avait pas récolté la quantité exigée. A ce temps là, on récoltait le caoutchouc, on le mettait dans des paniers. Si le panier n'est pas rempli on est tué.
Voici les affectations des fusiliers: Kayomba résidait à Byanga; Bojilo à Likongo; Tsilombo à Ikanja, Ngunda à Boyeka, Bosolo a Bombimbi, Boketsu à Mbombelongale, Ngweli à Likatankoi; Bokolongo à Lokofa; Baleji à Bompoto et à Bontole. Leur chef Ntange résidait à Lilangi de Jengenga. Ce sont là les soldats qui tuaient les gens sous les ordres du Blanc Itumbambilo. A ce temps là ils mangeaient les cadavres de leurs victimes. Ou une mère mangeait son enfant, ou un enfant mangeait sa mère.
Le 2è Blanc chez nous, c'est Engende. Le 3è, c'est Menya. La 4è, c'est Isiyoko. Au temps d'Isiyoko, les tueries prirent fin. Après les 4 premiers, un Blanc Iketekelenge arriva. Il alla créer une station à Eyengo. Le Blanc Kapiteni se retira, et Bondele Ngonga lui succéda. C'est alors que Ngonga supprima le poste d'Eyengo. Il le transféra à Byanga. Ngonga partit et fut remplacé par le Blanc Longwango. Longwango partit et le Blanc Babelu le remplaça. Le Blanc Babelu quitta et fut remplacé par le Blanc Bakasi. Bakasi fut succédé par le Blanc Bongende. Le Blanc Bongende fut remplacé par le Blanc Bambenga. Bambenga fut remplacé par le Blanc Inganga. Inganga fut remplacé par le Blanc Malomalo. Tous ces Blancs se sont succédés au poste de Byanga.
Puis, le poste de Byanga fut supprimé. Et on alla construire une maison pour les Blancs à Wafanya, mais ils n'y habitaient pas. Seulement un Blanc, un Iketekelenge bis qui venait de Waka, inspecter Ntomba, Wafanya et Waka pour y gérer l'administration.
Le caoutchouc qu'on récoltait, on l'apportait au marché chez le Blanc Itumbambilo. Celui qui en récoltait suffisamment recevait des laitons de cuivre, et un morceau d'étoffe appelé njelengem. Cela était ainsi parce que l'argent n'y était pas encore introduit. Mais celui qui ne récoltait pas assez de caoutchouc était tué sans autre forme de procès.

NOTE
1. Auteur de 15 articles (dont un collaboration) entre 1950 et 1962, dans Etsiko et Lokole Lokiso sur la chronique de Wafanya et Boende; sur la finalité de la dot; sur l'importance de la langue maternelle, et sur les Batswa qui réclament leur indépendance aux Nkundo.
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LOILAKA-LOKOLO
438/103-109b
Joseph BATOYWA, enseignant (1)

RESUME: Signe avant-coureur de l'arrivée des Blancs: "Nkoko" un revenant erre dans la région enlevant des fétiches. Le Blanc désarme le village. caoutchouc, sentinelles; tueries, anthropophagie; paiement en vêtements et sel; marché à Belondo, ensuite à Waka. Les Blancs interdisent de tuer, mais les sentinelles continuent; le poste de Eyengo de Bianga, marché de caoutchouc; introduction de l'argent; copal remplace caoutchouc. Un Blanc de la SAB à Ntomba; instauration de l'impôt; récolte des amandes palmistes; commerce ambulant; livraison de vivres, travail aux routes, ponts et digues; transport en typoy; route de Lokofa; organisation administrative selon les appartenances ethniques; arrivée de l'administration, mission, compagnies, reprise du caoutchouc en 1942

TEXTE:
LES RECITS DE L'ARRIVEE DES BLANCS ET DE LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Chers amis, un proverbe dit: "Les récits résultent des palabres". Je suis Nkundo du secteur Luilaka-Lokolo, territoire de Monkoto. Je vais vous raconter ce qui s'était passé chez nous.
Un autre proverbe dit: "Avant la mort, il y a toujours des signes avant-coureurs. Avant l'arrivée des Blancs, en effet, il s'est passé une chose formidable juste après que nos ancêtres revenaient de la guerre contre les Bolendo et les Bilangi. Après la guerre contre les Bilangi, un passager extraordinaire parcourait le village. On l'appelait "Nkoko" (2). Il ne passait pas seul de façon à être visible. Il était plutôt emballé de natte, de rameaux et de feuilles de bananiers déchiquetées. Il était porté par des enfants dont les mamans avaient des frères dans ce village. On ne le portait pas le jour. On le portait toujours la nuit. Les porteurs ne pouvaient pas être en nombre impair, toujours six personnes par village. On ne le soulevait pas de dos pendant qu'on le portait. On ne parlait pas non plus. On n'entendait que des cris ou des sifflements et autres bruits. On ne s'adressait à lui que par des sifflements, des signes de mains ou des soufflements de cor. En le transportant ainsi, les enfants et les femmes ne doivent pas le voir.
Lorsque les porteurs arrivent avec lui à l'entrée d'un village, ils le suspendent quelque part. Ensuite, ils communiquent aux habitants de ce village: "Eoka" tel village, éoka.. éoka ceci. Par là ils énumèrent les villages par lesquels Nkoko est passé. Puis ils disent: "Kubyaka.. ekolo o" (3).
Alors les habitants de ce village viennent le matin le saluer, seulement les vieux. Le saluant, ils font une génuflexion en battant des mains creuses: "Nkoko toi que voici". Et il répond: "Oui". On ne le voyait pas, mais seulement la botte emballée. Maintenant qu'il est arrivé, les femmes et les enfants ne peuvent le voir, ni sortir des maisons. Ils y sont enfermés. Toute personne qui a un fétiche doit le déposer là où Nkoko est déposé. On prépare un mélange de tous les aliments comestibles. Ce jour-là, il n'y a pas de travail. A 8h00 du soir, les garçons dont les mamans ont des frères dans ce village le portent à un autre village. Pendant le transport, vous n'entendez que des bruits de pas, les sons de cors et les flûtes en bois de parasoliers ou de cornes d'antilope, ainsi que d'autres instruments de musique et ce jusqu'à la forêt entre deux villages. Là, le village suivant exécute les mêmes rites que les autres villages précédents, et ainsi de suite.
1. LES BLANCS
Sur ces entrefaites ils commencent à apprendre des nouvelles selon lesquelles les Blancs sont arrivés à Bompoto et à Bentole. Et c'est de ce côté que Nkoko est apparu en premier lieu. Peu de temps après, un Blanc Ntang'ea Ngonda fait irruption, accompagné des soldats et de ses serviteurs civils. Foulant notre sol, ils sont allés habiter chez les Bilangi. Après leur installation qu'ont-ils fait en premier lieu? Ils ont dit: "Demain matin, tout le monde apporte tous ses armes". Et c'est là que le Blanc a commencé sa duperie. "Maintenant que vous les avez apportées, dit-il, lorsque vous entendez la détonation d'un fusil, tout le monde doit déposer ses armes (flèches, couteaux, lances...) Qui ne le fait pas meurt sur le champ". La nuit tombe, ils vont dormir, et le matin tout le monde revient avec ses armes. Les gens sont attentifs et attendent ce qui leur avait été dit. Et voilà qu'on fait détoner un fusil. Maintenant qu'ils ont entendu la détonation, les uns s'affaissent, les autres ne font que déposer leurs armes par l'effet de la peur. C'est à ce moment que les serviteurs des Blancs passent pour ramasser toutes ces armes, et vont les garder quelque part dans une maison. C'est ce qui s'est passé entre nous et les Blancs. Nous avions deux Blancs, dont un, surnommé Itumbambilo, habitait à Waka, et l'autre surnommé Ajunu, habitait Belondo des Indole.
2. RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Après que les Blancs ont pris les fusils, le lendemain, ils convoquent les villageois par le tam-tam. Ils leur ordonne de prendre des couteaux et de commencer la récolte du caoutchouc. On leur impose des gardiens, puis ils partent pour la besogne.
Ils ont passé une à deux semaines dans la forêt avant d'en sortir pour vendre le premier lot du caoutchouc. Les gens de chaque village rassemble leur caoutchouc dans, au moins, 50 paniers. En dessous de ce chiffre, c'est la chicotteou la mort. Beaucoup de gens en sont morts. On vous obligeait de manger la chair de votre mère ou de votre enfant. On pouvait même vous envoyer sous la pluie chercher des bananes dans les champs pour qu'ils mangent la chair des êtres qui vous sont chers. Incroyable et effroyable, mais c'était vrai.
Après chaque marché, on nous donnait des vêtements, des flèches, et du sel. Au début, on allait commercer à Belondo où habitait le Blanc Ajunu.
Les vêtements qu'on nous donnait, étaient: njelangomo (4), mbende (5), mbenja (6), kipoi.(7), mapesa (8), beju (9), nsanja (10), ntakamambula (11), mpili (12), belebo (chapeaux) (13).
Il y avait des couteaux et des laitons de fer. Cent laitons de fer équivalaient dix francs.
Les sacs de sel étaient aussi grands que les sacs de farine actuels. Il y en avait de gros et de petits sacs. Celui qui procédait au partage de ces biens, c'est la sentinelle Ntange.
Sur ces entrefaites, Ntange quitta son travail, et fut remplacé par Loola. Il habitait Bilangi. On continuait à récolter le caoutchouc et à en procéder à la vente. On supprima le marché de Belondo. Le caoutchouc de Lilaka-Lokolo (Nkundo-Bengolo) ira désormais à un autre endroit à Waka précisément.
Vint le jour où les indigènes dénoncèrent la pratique meurtrière des auxiliaires des Blancs. On déféra l'affaire devant le Blanc Ajunu qui interdit de tuer les gens. Mais les auxiliaires n'écoutaient pas. Il continuaient à le tuer. On se référa à Iketekelenge, le Blanc de Waka. Il interdit sévèrement de tuer les gens. Il dit notamment: "que je n'apprenne plus que vous continuez à tuer les gens".
On alla à Waka pour vendre le caoutchouc. Mais les villageois remarqueront que leur rétribution n'arrivait pas en totalité à destination. Ils allaient se plaindre chez le Blanc en ces termes: "Que de biens vous nous rétribuez, mais ça n'arrive pas exactement comme vous l'avez prévu. Ceux à qui vous les confiez pour nous les partager, les détournent. Le Blanc répondit: "Désormais, chacun viendra vendre lui-même son caoutchouc". C'est depuis ce moment qu'il n'y a plus eu d'intermédiaire entre l'acheteur et le vendeur. Le chef, dont le village n'accomplit pas la quantité exigée, est arrêté. Mais l'homme coupable de l'infraction est relâché et rétribué selon sa quantité de caoutchouc.
3. ARRIVEZ DU VRAI BLANC SUR LA TERRE DES NKUNDO-BENGOLO
A ces temps-là, on envoya un vrai Blanc sur la terre des Nkundo-Bengolo. On l'appelait Longwango. Vous savez que les indigènes ne connaissaient pas les vrais noms des Blancs. Longwango alla ouvrir une station à Eyengo. Il était accompagné de trois premiers sergents majors. Iketekelenge vint les remplacer. Puis Ngonga vint succéder à Iketekelenge. Le caoutchouc continua à Waka. Ngonga alla ouvrir une station à Bianga, laissant de côté celle de Eyengo. C'est alors que le marché du caoutchouc s'installa à Bianga et plus à Waka. Le Blanc engagea des travailleurs à Wafanya et ils descendaient la rivière. Longwango II remplaça Ngonga. Ce dernier continua le travail de caoutchouc. Il ne fit pas longtemps et Babelu lui succéda. Bondelakasi vint succéder à Babelu. Et Bongende vint remplacer Bondelakasi.
4. LA FIN DU CAOUTCHOUC
Avant qu'on abandonne le caoutchouc, Bongende dit ceci: "Une nouvelle monnaie "franc" va bientôt être instaurée, et va occasionner la mort de beaucoup de gens, la perte des frères". Il ne tarda pas et fit sortir de sa poche une pièce de 0,10 frs qu'il montra à l'assistance. Il en distribua aux chefs pour qu'ils aillent la montrer aux gens. Les gens dirent: "Voilà la monnaie qui va rester avec nous, mais ça vient avec des intentions diverses". Il mit alors fin à la récolte du caoutchouc. Il dit: "Terminé avec le caoutchouc, un autre travail rémunérateur arrive: le copal".
5. ARRIVEE DU COPAL
Bongende dit: "La corvée du caoutchouc a pris fin, mais nous l'avons remplacée par un autre travail, la récolte du copal. C'est un travail qui vous procurera la vrai richesse et il en restera ainsi pour longtemps. Comment allez-vous le récolter? Vous ferez comme suit: vous irez avec des récipients suivants: panier à poisson à espaces allongés ou autres paniers. Vous irez aux ruisseaux; au marais et sur les bords des cours d'eaux. Là vous verrez le copal accolé tantôt aux racines, tantôt sur les troncs, tantôt sur les branches des arbres Waka, arbre du copalier Guibourtia demeusie.Ce n'est qu'alors que vous en décollerez pour le mettre dans les paniers. Vous le vendrez chez les Blancs de Compagnies qui vous en achèteront avec beaucoup d'argent qui vous permettront de vous procurer de plusieurs bien matériels.
Les gens ont appliqué ce que Bongende leur a dit. Les voilà à la recherche du copal. A ce temps-là le premier Blanc de la SAB habitait au beach de Ntomba. C'est à lui qu'ils allaient vendre le premier lot de copal. Il leur remit de l'argent et d'autres biens comme du sel, des perles et des écharpes. Ils continuaient avec ce travail malgré le fait que certaines personnes tombaient des arbres et mouraient ou en devenaient infirmes.
Nos chefs appelés Nkoko envoyaient des messagers chez Bongende. C'était à l'époque Nkok'Engende à Bofonge, le père de Mbuku et de Bowane à Bianga, Mpako à Imoma-Mpako, Ibunekolo à Waka. Chacun envoyait son messager pour rapporter à Bongende que les gens tombaient des arbres, et en mouraient. Ils demandaient la solution à envisager. Bongende leur répondit: "Il n'y a pas question de monter sur des arbres à la recherche du copal. Messagers, allez leur dire ceci. "Qu'ils fabriquent des piques en fer pour ne chercher désormais du copal que dans les marécages. Le copal ainsi obtenu sera séché rendu propre et vendu comme par le passé". Les messagers répandirent la nouvelle. Et les gens suivirent ces nouvelles instructions. C'est à cette époque que Bongende instaura l'impôt.
6. LE PAIEMENT DE L'IMPOT
Voilà que Bongende instaure l'impôt. Il dit: "Les adultes et les jeunes payent 3 frs; les invalides, les vieux et les enfants en sont exemptés". Puis ils payaient 2 fois 3 frs. Bongende imposa encore de concasser des amendes palmistes. Il dit: "Ne jetez ni ne brûlez plus des amendes palmistes après avoir pilé des fruits de palme pour votre sauce ou pour l'huile de palme. Entassez-les et ensuite écrasez l'amende et jetez-la. Mettez les noyaux dans les paniers et vendez-les comme le copal. Ce qui fut fait.
En ce moment nous avions beaucoup de Blancs de la SAB Les uns au beach de Wafanya, les autres au beach de Ntomba. Le commerce ambulant prospérait: une pièce d'étoffe coûtait 3 4 ou 8 frs; et maximum 12 frs. Une cuillerée de sel.: 0,05 frs, une couverture: 3 frs; une autre marque de couverture à 2,50 frs. Les pièces d'étoffes de notre temps étaient plus longues que les actuelles trop courtes. On ne sait pourquoi.
De 3 frs d'impôt, Bongende en majora à 6 frs. Nous n'avons payé 3 frs que 2 fois seulement. Les contrevenants faisaient la prison. Après deux ans, Bongende majora.l'impôt à 9 frs. Ensuite, cela passait à 12 frs, et deux ans plus tard, cela ment atteignit 15 frs. Ceux qui payaient régulièrement leur impôt avaient une plaque d'aluminium qui témoignait qu'ils en étaient quittes. Le prix était majoré au fur à mesure des années, jusqu'à atteindre des centaines de francs aujourd'hui.
Les derniers temps, on nous a imposé d'apporter des vivres au marché pour que les agents du Blanc en achètent, et de construire des routes. A ce moment, les Blancs, les chefs médaillés et les patriarches étaient transporté en tipoi. Nous avons même aménagé des routes avec des lianes pour traverser des cours d'eaux. Entre-temps les messagers répandaient les ordres des Blancs. De petites choses, on commença a nous imposer des grandes. Ils nous imposaient encore de créer des routes sur des marais. Au passage du Blanc lors des impôts, les chefs de villages dont les routes étaient mal entretenues subissaient la chicotteet étaient jetés en prison.
Le Blanc Ebukabuka vint instituer des chefs médaillés en tenant compte de la généalogie. Ainsi on rencontre le patriarche Botondo à Bofonge et le patriarche Yoka à Bombimbi.
Le Blanc Bafutamingi appela les Wafania avec la nourriture pour qu'ils aillent construire une route chez Nkundo Bengolo. Lorsqu'ils commençaient ce travail des routes, on ferma la station de Bianga. On rassembla les villages suivants dans un même territoire de Monkoto. Il s'agit de Nkundo-Bengolo, Bolenge, Imoma Mpako, Yongo, Loele, Etete, Mpenge, Mpongo, Nkengo. Le territoire de Monkoto s'appelait territoire des Mbole, car il était situé au beach des Mbole. Waka resta rattaché au territoire d'Ingende. Oh supprima de petites stations, et on créa des territoires. C'est en ce moment qu'on fit connaissance des "Blancs noirs", c'est-à-dire des percepteurs d'impôts, de race noire. Plusieurs autres Blancs arrivèrent: les missionnaires catholiques et protestants, les agents de sociétés, les fonctionnaires de l'Etat, tous firent disséminés dans nos stations. On créa des écoles, on recruta des policiers, des greffiers et des juges dans et pour chaque village.
Les premiers "Blancs noirs" sont: Edouard, André et Félix Njoli, le même qui est à Bokuma. Ils étaient tous originaires de l'aval. Mais lorsque Eembélé Léon revint de Kinshasa, on l'engagea comme percepteur d'impôts. Par là ils commençaient à engager nos propres fils instruits. Ainsi on mit à la disposition de chaque chef coutumier des policiers, de greffiers, un percepteur d'impôts et de juges. Chaque chef présenta des candidats pour aller étudier le génie civil et l'agronomie A leur retour, on commença à rémunérer les travaux des routes, travaux jadis forcés et gratuits.
Tardivement en 1942, on reprit la récolte du caoutchouc. Cette corvée était bien rémunérée jusqu'à la fin en 1945. Maintenant tout le monde devient comme un Blanc par l'accroissement du nombre des instruits, des maçons, des charpentiers, des tailleurs.. Et voilà que la civilisation commence à caractériser tout homme.

NOTES
1. Entre 1938 et 1968, auteur de 4 chroniques dans Le Coq Chante et Lokole Lokiso.
2. Mouvement anti-sorcellerie, et le mot signifie grand-parent.
3 Kubyaka.. ekolo.. signification inconnue, mais semble une formule de finale d'un chant.
4. Etoffe au début de la colonisation, très vulgaire et sans beauté, disparue actuellement (D.1444)
5. Signification inconnue
6. Blanchâtre
7. Signification inconnue
8. idem
9. idem
10. idem
11. idem
12. Noirâtre
13. Chapeau de feutre (D.205)
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BOENJOLA-BOKANGO
462/147
Pius BEKAJWA, Chef de Boenjola-Bokango

TEXTE:
ARRIVEE DU BLANC ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Jadis, nos ancêtres n'avaient pas vu des Blancs. Le premier Blanc habitait Ifulu et était un Blanc de la Compagnie. Il avait envoyé ses acheteurs à la recherche
des pointes d'ivoire. Puis ils sont rentrés. Cela avait duré longtemps. A ce temps, nous ne savions pas diviser le temps en années.
Après cela, nous avons été surpris par la guerre. Nos parents se sauvaient sans savoir de quoi il s'agissait. On voyait qu'on s'enfuyait et qu'on était traqué. Ils y affectèrent leurs fusiliers. Par ruse, les fusiliers nous ravissaient des flèches et nous imposaient le caoutchouc. Là-dessus, on commença avec le caoutchouc.
Puis on nous interdisait la consommation de notre nourriture. Nos femmes et enfants étaient restés. On les avaient tous tués. A notre sortie, il n'y avait pas assez de caoutchouc. Et on tua des gens à coups de fusils sur place. Notre Blanc qui résidait à Waka, et qui envoyait ses soldats, fut Bawaka. Après cela, on interdit de tuer des gens. On institua la chicotte. On infligeait chacun 50 coups de chicottes. Des femmes en mouraient. Nous voici en train d'être maltraités très atrocement.
Nous autres on n'avait pas de pirogue qui nous conduise en Europe. Nous, on ne provoque pas les Blancs. Ce sont plutôt les Blancs qui nous maltraitent, pas nous.
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IFUTO
461/146
Louis IMELE, chef Ifuto

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Abbé Nicolas Bowanga (1) voici l'histoire du pays. La guerre entre les Blancs et nous a été provoquée par les Blancs, car ils avaient envoyé leurs émissaires, les soldats, pour nous combattre. Ils nous ont tués. Les fusiliers étaient conduits par un soldat. Ce soldat s'appelait Iyambo. C'est lui qui commandait les soldats du Blanc. Iyambo était venu le premier dans notre contrée. Puis un Blanc arriva à Waka, toujours pour cette guerre. C'est ça le début de la guerre. Mais nous, on ne savait pas d'où était venu le Blanc. Soudain, on vit que Iyambe était venu pour faire la guerre, exécutant ainsi les ordres du Blanc. Iyambe n'était qu'un exécutant. Il n'était pas Blanc, il était plutôt soldat. Les Blancs, ce sont eux, qui ont provoqué la guerre.
Le premier Blanc à Waka, c'est, Itumbambilo. C'est bien lui qui est venu nous tuer.

NOTE
1. Premier prêtre mongo en 1947, originaire des parages d'où.provient le récit. Né vers 1910. Décédé en janvier 1997 (voir Chronique Nécrologie)
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BILANGI/WAFANYA
625/272
Joseph BAMBENGA
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
D'abord, les Basongo sont venus acheter des esclaves des pointes d'ivoires, en échange avec des bouteilles, bassins et des perles de Bakongo.
Nous avons perçu 2 signes avant-coureurs de la guerre. La 3è fois, la guerre nous a envahis. Les Bombomba et les Iyonda nous ont fait la guerre. Ntange et Yambo demandèrent à tout le monde de remettre des flèches. Après quoi, Yambo tira un coup de feu qui paniqua les gens. mais déjà les flèches leur étaient ravies. Ntange dit: "Allez récolter du caoutchouc". Ntange habitait chez les Bilangi. Yambo à Bombomba et Iyonda. On a tué beaucoup des nôtres ici. On expédiait le caoutchouc à Waka chez le Blanc Itumbambilo. Bosukumanyi demanda aux Bombomba et aux Iyonda de rentrer chez eux. Il ordonna aux gens de cultiver des champs et d'approvisionner régulièrement les travailleurs en nourriture. Et Bosukumanyi se renseigna: "Comment obtenez-vous des machettes"? Et les villageois répondaient: "Nous les achetons après que les forgerons ont travaillé sur des morceaux de fer trouvée dans la terre". On ne tuait plus des gens. Bosukumanyi quitta Bilangi et résida successivement aux beaches de Bompofya 1, Bofonge et Wafanya. Tout cela 'est déroulé dans mon village de Bilangi.
Voici les premiers Blancs venus dans notre poste de Byanga: Ngonga, Longwango, Babelu, Bondelakasi, Bongende, Bambenga, Malomalo. Ce dernier nous fit payer l'impôt à 15 fr.
Tels sont les souvenirs que nos pères gardent de l'arrivée des Blancs et de la récolte du caoutchouc chez les Bilangi.
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WAFANYA 626/273
Camille LOMBE, tailleur, M.C. Wafanya

RESUME: Deux Blancs font irruption dans le village, mais ils sont repérés par deux villageois qui le racontent aux compatriotes. Les sentinelles sont affectés dans les villages Ils ravissant aux villageois leurs armes et leur interdisent de manger leur nourriture habituelle. Tueries le jour du marché de caoutchouc. Fin du caoutchouc: Copal; impôt; recensements.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Nos Parents vivaient sur la terre, ignorant toutes choses sauf Dieu. Ils vivaient entr'eux lorsqu'ils virent deux hommes nommés Indole et Ifoku s'enfuir. A 1a question de savoir pourquoi ils s'enfuyaient, les deux hommes répondirent: "Nous avons vu deux personnes en train de venir ici. Nous ne les connaissons pas". Ensuite ils voyaient le soldat Yamba délégué par les Blancs. Ces Blancs étaient Itumbambilo et Bongende. Tels sont les deux Blancs qui sont venus tuer nos grand-parents.
Ntange arriva, et affecta deux soldats par village. Ces soldats disaient: "Apportez vos flèches et lances". Puis ils leur ravissaient ces armes, puis des champs aussi. Il leur était interdit de couper des régimes de noix de palme également. Les soldats leur interdisaient toutes leur propre nourriture. Nos grand-parents n'avaient plus rien à manger. Ils ne se nourrissaient que de légumes Ancistrophyllum et Sarcophrynium baccatum, ainsi que d'ignames. Là commençait la récolte du caoutchouc. La récolte était simultanée aux assassinats. Ces soldats mettaient des pelures de bananes derrière les maisons des villageois et accusaient ensuite les villageois d'avoir transgressé l'interdiction de manger des bananes, sous prétexte seulement de les tuer. Ce village était-il peuplé de 100 ou de 200 personnes, on les tuait tous en un seul jour. Le jour du marché de caoutchouc, le jour de la grande boucherie humaine. Chers amis, il est très impressionnant d'écouter nos ancêtres vous raconter. ces récits. Vous serez profondément triste.
Alors qu'on tuait des gens, Itumbambilo envoya son soldat Bosukumai transmettre le message suivant: "Va dire à Ntange de cesser de tuer des gens. La guerre a pris fin". Bosukumani donna à nos grand-parents le nécessaire pour cultiver des champs, des machettes, et des haches. On améliorait désormais les conditions de vie. Puis Bosukumai s'en alla.
Puis un autre Blanc arriva. Il s'appelait Ngonga. Il dit: "que les vieux cessent de récolter le caoutchouc, que les jeunes le fassent plutôt. Le Blanc Bakasi arriva, puis Njoku, et Bongende. Ce dernier ordonna aux villageois de lui dire leurs noms ainsi que ceux de la mère et du père. C'est à ce moment qu'on commença à inscrire les gens dans un registre. Puis deux Blancs d'une Compagnie arrivèrent pour récolter le copal. Les Blancs de l'Etat arrivaient et imposaient l'impôt. Nous voici payant de l'argent sans en savoir la raison.
Tels sont les souvenirs des vieux. Moi-même, je n'en sais rien.
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WAKA (WAFANYA)
657/327
François BASELE, M.C. Wafanya

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
D'abord le Blanc Itumbambilo s'installa à Waka. Son auxiliaire noir s'appelait Ntange. Celui-ci habitait Wafanya. Le Blanc Iketekelenge résidait à Eyengo. Ensuite arrivaient des gens qui sont venus nous décimer. Et le Blanc qui arriva pour interdire des assassinats fut Ngonga. Il résidait à Byanga.
Après lui, ce fut Longwango. Puis Pabelu, Bondel'Akasi et Bongende.
Tous ces 5 blancs habitaient Byanga.
Concernant le caoutchouc, tout était expédié à Waka.
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WAFANYA
449/128-129
Léon IYOMBE boy des frères (1)

RESUME Premier Blanc: Itumbambilo; sentinelles; caoutchouc, capitas, répression; copal, impôt; mission à Wafanya.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS SUR NOTRE TERRE, LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC ET LE MASSACRE DES HOMMES
Nous avons d'abord vu un Blanc appelé Itumbambilo commencer à travailler chez nous. Il était accompagné d'un sergent appelé Ntangé, originaire de Bokele des Nkombo. Il affecta Ntangé à Bilangi, un village de Wafanya. Puis Itumbambilo affecta 4 fusiliers par village.
Là-dessus, Itumbambilo sonna le gong. Il demanda aux indigènes de lui apporter les flèches et les arcs, les couteaux et les haches, les lances et les boucliers, pour qu'il leur annonce une information. Alors il leur dit: "Je suis venu sur votre lettre avec un travail. Récoltez du caoutchouc".
Il prit un porteur de fusil à silex, le nommé Lokina Ngonda, et le plaça à Lokong'a tuu. Il prit Lokongo et Aleji et les plaça à Ikanja. Ngweeji à Wale, Ngonda à Boyeka, Kayombo à Binga. Itumbambilo était comme un chef administrateur et Ntange comme un chef.
Les porteurs de fusils à silex (des sentinelles) étaient des chefs adjoints.
Itumbambilo et Ntange donnèrent l'ordre suivant aux indigènes: "Allez dans la forêt pendant trois semaines pour récolter le caoutchouc; à la quatrième semaine, sortez-en et venez au marché. Celui qui a la mauvaise qualité ou une quantité moindre du caoutchouc je vais le tuer. Au cours d'un jour de marché, ses subalternes tuèrent près de 50 personnes. S'il envoie des femmes chercher du poisson et qu'elles n'en trouvent pas, il les tue. Il en tué 40 à 50 femmes en un jour. Itumbambilo habitait Waka. Et il venait ici rendre visite à Ntange et à ses subalternes.
Il envoya par la suite un Blanc appelé Iketekelenge. Il alla habiter un village appelé Eyengo. On continuait à récolter le caoutchouc, et à tuer les gens. Le mandat d'Iketekelenge et de Ntange arriva à terme. On envoya le Blanc Ngonga et son sergent Bosukumanyi. Ils donnèrent leur ordre: "Reprenez vos flèches et arcs; on ne tue plus les gens". Cultivez vos champs, mais continuez à récolter
du caoutchouc. Mais celui qui néglige le caoutchouc sera emprisonné ou fouetté. Leur mandat arriva à terme sans qu'ils n'aient tué des gens. On institua dans chaque village un Capita originaire.
En ces temps, un Blanc Bongende alla habiter Bianga où il établit un grand poste. Il donna son ordre à lui: "Récoltez le copal". Puis il donna à chaque homme son livret d'impôt. On avait le premier impôt à 3 frs. C'est le début des Belges.
On vit alors le Père Georges Dubrulle et le Père Albert, le chauve, de son vrai nom Smolders, et le catéchiste Bonguma Ignace. Ils le confièrent à Bianga et rentrèrent à Mbandaka.
En 1917, nous vîmes encore le Père Georges Dubrulle, le Père Albert Smolders et le Frère Adrien aller créer une mission à Wafanya (2). En ce qui concerne les Blancs des compagnies, le premier ici fut un Blanc de la S.A.B.
Voilà ce qui s'est passé chez nous à l'arrivée des Blancs.

NOTE

1. Entre 1952 et 1957, auteur (seul ou en collaboration) de 18 articles dans Etsiko, et Lokole Lokiso sur la chronique de Wafanya, l'éducation des enfants et sur les problèmes liés au mariage.
2. Wafanya-sacré-coeur fondé en 1917
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WAFANYA
418/65
François BASELE, M.C. Wafanya

RESUME L'arrivée de Blancs est précédée entre autres par la disparition d'un patriarche après qu'on a procédé à sa procession. Puis des visions et des prodiges. Un Noir, Yambo au service des Blancs vient tuer sur son passage. Un autre, Ntange, par ruse, ravi aux villageois leurs armes. caoutchouc. Le Blanc Ngonga vient interdire les tueries, et Bongende, lui introduit l'argent.
Le premier événement qui s'est produit chez nous fut qu'on avait emballé notre grand-père de feuilles de papiers. Il sillonna toutes les contrées, et partit on ne sait où. Ensuite nos prophètes eurent la vision qu'ils se promenaient avec des plumes de perroquets sur la tête.
Quelques moments après arrivèrent des Basongo Mais ils étaient noirs. Ils étaient venus acheter des pointes d'ivoires. Quelqu'un qui s'était rendu à la chasse remarqua un bateau naviguer. Il retourna rapporter l'événement aux siens en des termes: "J'ai vu la maison de Dieu voguer au milieu de la rivière". Etant revenu sur les lieux où s'était opéré la vision, on trouva gisant à terre: une assiette, une bouteille et une botte en fer. Et les vieux attribuèrent ces ustensiles à Dieu.
Après cela, un homme nommé Yambo arriva chez nous. Il sillonnait nos villages tuant 2 ou 3 personnes par village. Nos gens prirent fuite. Et il partit ailleurs. Si on savait compter les jours à cette époque, on pourrait évaluer à un mois le temps qu'il avait passé chez nous. Ceux qui étaient en fuite demandèrent à ceux qui étaient restés au village:"Comment évolue la guerre?". Ils répondirent: "Ce n'était pas une guerre éternelle, ce n'était que passager".
Puis arrivèrent les premiers Blancs. Le premier fut 'Iketekelenge. Il résidait à Eyengo. Le deuxième Blanc fut Itumbambilo qui résidait à Waka. Ntange arriva et alla s'installer à Wafanya. Ce dernier était un Noir. On recruta les fusiliers. On les affecta à tous les villages. Chaque fusiliers sonna le gong et rassembla les gens de son poste. Il leur dit: "Apportez ici tous vos arcs et flèches". Ce qui fut fait. Puis on ordonna: "Mettez toutes ces armes dans la maison, et demain, après avoir cherché un talisman, nous irons en guerre dans un autre village". Ce n'était qu'une ruse.
Le lendemain les gens s'y présentèrent et on leur dit: "maintenant on va commencer à tuer. Allez dans la forêt récolter le caoutchouc". Ayant remarqué que le caoutchouc de la première personne n'était pas de bonne qualité, on le tua à coup de fusil. C'était le début des assassinats chez nous. Et on nous extermina.
Si nos gens savaient compter les jours, on pourrait s'imaginer une année comme durée de ce malheur. C'est le Blanc Ngonga qui a interdit de tuer. Les Blancs
suivants lui succédèrent: Longwango, Babelu, Bakasi et Bongende. C'est Bongende qui introduisit l'argent. C'en est fini. Voilà ce qui était dans mon coeur.
*****

BOKALA/WAFANYA
497/226
Bernard ESONGAKA, Bokala, M.C. Wafanya

RESUME: Le Blanc Itumbambilo arrive le premier, et avec lui le caoutchouc et les soldats. Tueries.

TEXTE
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Lorsque la guerre des Blancs est arrivée, notre premier Blanc fut Itumbambilo. Itumbambilo y affecta 3 gradés mais nous n'avons connu que Ntange, originaire de Boloki. Il était venu avec des soldats que le Blanc lui avait donnés. Ces soldats ordonnaient aux gens de récolter le caoutchouc. Le soldat qui nous envoyait au caoutchouc était Lokinangonda, originaire de Bokala. Lonkinangonda tuait des gens sur ordre de Itumbambilo, le Blanc. Le Blanc ordonna: "s'il y a peu de caoutchouc tuez les gens". A cette époque, on apportait le caoutchouc dans de grands paniers. Si le panier n'est pas rempli, on vous tue. Vint le moment où on ordonnait d'apporter du caoutchouc dans de petits paniers. Depuis lors, on ne tuait plus des gens.
Voici l'affectation des soldats: Kayomba à Byanga, Bojilo à Likongo, Tsilombo à Ikanja, Ngunda à Boyeka, Bosolo à Bombimbi, Nkake à Nkoi; Boketsu à Mbombe et Bongale, Ngweli Likatankoi à Bokolongo. Leur chef gradé résidait à Bilangi. Il s'appelait Ntange. Baliji, Bompoto et Bontolé sont des soldats qui tuaient des gens sur ordre du Blanc Itumbambilo. Tels sont des soldats qui mangeaient des cadavres humains.
Après Itumbambilo, le deuxième Blanc fut Engende, le troisième Menya, le quatrième Is'e'Iyoko, et depuis lors plus de tueries. Tels sont des Blancs qui pendaient des gens. Après ces quatre Blancs, on ne tuait plus des gens. Puis les Blancs se dispersaient. On créa un autre poste à Eyengo, avec comme Blancs: Itekekelenge, Kapiteni et Ngonga. Ngonga supprima le poste de Eyengo et le transféra à Bianga.
Après Ngonga, ce furent Longwango, puis Mabelu, Bakasi, Bongende, Bambenga, Inganga, Malomalo. C'est le dernier Blanc au poste de Byanga. Ces Blancs ne tuaient plus personne.
Les Blancs nous tuaient par préméditation. Nous n'avons rien fait. Longtemps avant, nous ne connaissions pas les Blancs. Brusquement nous voyons la guerre nous envahir. Nous voici exterminés par des tueries et par la récolte du caoutchouc.
Les Blancs nous ont interdit nos coutumes traditionnelles. C'est pour cela nous et les Blancs, on est devenu comme un lac et son propriétaire qui y capture des poissons à tous moments. Nous, on demande aux Blancs: "Nous et vous, est-ce que nous avions eu un conflit auparavant pour que nous subissions la mort de telle manière?"
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BOMBIMBI
419/67
Paul BEKOJI, M.C. Wafanya

RESUME: La guerre de la campagne du caoutchouc commence chez les Indole et atteint finalement Bombimbi sous le Blanc Bajunu. Beaucoup de gens sont tués. Les villageois armés de flèches ne parviennent pas à faire face aux soldats armés de fusils. imposition du caoutchouc; exactions; tueries. caoutchouc remplacé par l'impôt

RECITS DE L'ARRIVEE DES BLANCS ET LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Nous nous sommes retrouvés surpris par la guerre. Les Indole sont arrivés chez nous en courant. Nous leur demandions: "Où allez-vous". Ils répondirent: "Nous fuyons la guerre".
Sur ces entrefaites, le Blanc Bajunu passa avec ses hommes. Il retourna nous exterminer de la façon la plus ignoble. A Bombimbi, on avait tué 53 personnes. Nous, on ne comprenait pas pourquoi Bajunu nous faisait la guerre.
Nous avons essayé de le combattre, mais on n'en pouvait pas. Il avait des fusils. Nous avec des flèches, on ne pouvait se mesurer. Et on se réfugia dans la forêt. Il nous poursuivait jusque là. Bajunu rentra à son poste de Belondo. Par la suite, un autre Blanc surnommé Itumbambilo qui résidait à Waka, prit son sergent Ntange pour combattre les Bonbimbi et les Nkoi. Si il pouvait arriver à exterminer la race humaine, nous, on serait déjà disparu. Mais on signa un traité de paix.
Itumbambilo nous ordonna de récolter le caoutchouc. Si le caoutchouc n'est pas coagulé, on le mélange avec du jus de Costus, et on vous le fait avaler. S'en suivait la mort une fois le coeur attaqué. Quelle extermination. Si le marché n'est pas fructueux, on peut aligner 10 personnes qu'on exécute par balles. On vous obligeait même de manger le cadavre de votre père, sinon c'est la mort. Et par peur de la mort, on parvenait à le faire. Le plus zèle dans les tueries fut Nyamantulu, l'agent envoyé à Bombimbi par Itumbambilo.
Les premières récoltes ont été envoyées chez Itumbambilo à Waka. Bajunu dit: "Comment se fait-il que les gens apportent le caoutchouc ailleurs qu'à Belondo chez moi qui ai commencé la guerre?". Et on envoya le caoutchouc à Belondo. Bajunu envoya le Blanc Longwango à Eyengo ordonner aux gens de traverser la Lokolo pour apporter le caoutchouc à Mbala. Puis ils ordonnèrent la fin du caoutchouc devant être remplacé dès lors par l'impôt. C'est terminé. Meilleures salutations.
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BOKANJO
678/Papiers Hulstaert
ANONYME

TEXTE:
Le premier Blanc Bokukulu, était venu pour le commerce. Il achetait des pointes d'ivoires et retourna. La seconde fois, il arriva à Isaka et décréta la guerre au cours de laquelle un premier homme, Lokwa Banyongi, fut tué. Nous avons eu peur d'eux parce qu'ils avaient fusillé quelqu'un C'est pourquoi on avait peur chaque fois qu'ils accostaient chez nous Le sergent Yambo était affecté à Losako et Bolalo venait nous combattre. Ils nous ont imposé la fourniture du caoutchouc après nous avoir ravi nos flèches. Si on en fournit de mauvaise qualité, on est tué, et cela se passait ainsi chaque jour. Ils nous interdisaient même de consommer notre propre nourriture. On ne pouvait manger ni chikwangues ni bananes. Nous n'avons pourtant pas refusé la corvée.
Pourquoi nous avait-on tués, or nous les Noirs, nous n'avons pas refusé de travailler? Pourquoi nous avait-on tué? C'est fini, telle est notre déclaration à nous les Bokanjo.
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1.3. LA BUSIRA TSHUAPA

INTRODUCTION
Après plusieurs années d'hésitations, les explorateurs se sont finalement mis d'accord pour fixer les dénominations des rivières Ruki et tributaires. Nous entendons par "Busira-Tshuapa" la partie entre son embouchure (à 2 km d'Ingende) et ses sources près de Katako-Kombe. Sur toute l'étendue (1152 Km) nous rencontrons différentes fractions du peuple mongo, principalement les Bokote, les Ekota, les Bakutu, les Bosaka, les Bongando, le Boyela.
Les explorateurs les plus connus sont Grenfell et von François avec le Peace en 1884-85. Mais de multiples rapports sur l'un ou l'autre bief ont été publiés
ici et là: A. Delcommune (1889); L. Thierry (1893); E.J. Glave (1889); Ch. Lemaire (1894). Jespersen est certes parmi les plus anciens auteurs qui, avec maints détails et avec beaucoup de perspicacité, en a décrit la situation socio-politique. Plusieurs registres politiques et rapports administratifs de sa main sur la région entre Bondombe et Moma restent à être explorés.
Pour la fraction Bondombe, les récentes publications de Hulstaert et Bakasa sont les plus informatives quant à la description des mouvements des groupes pendant la période de l'arrivée des Blancs.
L'historien-ethnologue de la partie occupé par les Bongando reste Mr. M. De Ryck. A part ses publications il y a lieu d'intégrer dans la recherche ses rapports administratifs et ses enquêtes ethnologiques (1920-30) et historiques (1953-54).
Les activités de la SAB se réfèrent à la période la plus ancienne. L'étude de Boelaert prouve que l'influence des Arabisés dans la région a été pratiquement nulle.
Tandis que les protestants y sont déjà présents à Monieka en 1912 et à Bondombe en 1920, le premier poste de mission catholique est établi en 1913 à Bokote (et en 1925 à Boende).

BIBLIOGRAPHIE
1930 LARSEN K. et JESPERSEN K., En Dansk Officers Kongofaerd, C.A. Reitzel, Kobenhavn, 1930, 145 pages.
En manuscrit:
1) Traduction allemande: Kongofahrten eines dänisches Offizers von Kay Larsen nach Knud Jespersens eigenen Erlebnissen und Anzeichnungen. C.A Reitzels Verlag, Kopenhagen, 1930, 187 pages. Aus Dänischen übersetzt in Rönne/Lille Madsegade 14. (Original: Archives MSC/Congo-Zaire Borgerhout; photocopie; Bibliothèque Aequatoria F-253)
2) Traduction française: (Le voyage au Congo d'un officier danois). 186p. (Original: Special Collections, Michigan State University et East- Lansing; photocopie: Bibliothèque Aequatoria F-802).
1937 DE RYCK M., Les Lalia-Ngolu, Anvers, 1937, 163 p.
1940 Poppe F., Les Eleku de la Moyenne-Tshuapa, Aequatoria 3(1940)114-115
1947 BOELAERT E., Les Bongili, ibi 10(1947) 17-34
1954 Idem, Note sur la propriété privée du Bus-Bloc.
Origines. évolution rétrocession, 1954, 9p. + Carte (inédit) (Original: Papiers De Ryck à la Memorial Library, Madison, Wisconsin, photocopie: Archives Aequatoria)
1957 Idem, Les arabes à l'Equateur, Aeq 20(1957) 10-18
1959 MUNE P., Le groupement de Petit-Ekonda, ARSOM. Bruxelles, 1959
1974 DIEL-OTIL, Histoire de la Population du District de la Tshuapa 1885-1960, Mémoire de Licence, Lubumbashi, 1974 (inédit)
1980 HULSTAERT G., Le voyage au Congo d'un officier danois. Notes et commentaires sur le séjour à l'Equateur de Knud Jespersen (1898-1908), Enquêtes et Documents d'Histoire africaine. Louvain-la-Neuve, 4(1980) V+100p.
1983 HULSTAERT G., Petite monographie des Bondombe, A.Aeq. 4(1983) 7-106
1986 Idem, Encore Bondombe, ibi 7(1986) 195-219 VANGROENWEGHE., Du sang sur les lianes. Léopold II et son Congo, D. Hatier, Bruxelles, 1986, p.213-222 (inspection des régions Busira et Momboyo par l'Inspecteur Malfeyt après 1904)
1987 NELSON S.M., Colonialism, capitalism, and work in the Congo Basin: a history of social change in the Tshuapa Region. 1880's to 1940. Ph.D. Diss., Stanford University, 1986
1994 BAKASA B., Les Bananyae ou Balinga de la Haute-Tshuapa, A.Aeq. 15(1994) 171-190
1995 VINCK H., Knud Jespersen en traduction française dans les Papiers De Ryck, ibi 16(1995) 589-590
S.D. VANGROENWEGHE D., La justice au Congo-Belge (ms), 35p.
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BOKALA/BOLELE
498/227-228
B. EVOLOKO, Chef des Bokala Boleke

RESUME: Les Blancs de la SAB arrivent dans la contrée. Mais ils sont aux prises avec la guerre de Lofembe-Boeke. Les envahisseurs Lofembe sont chassés des villages Bokala par le concours des Blancs de la SAB. Comme rétribution de la part des villages libérés: récolte du caoutchouc au profit de la S AB.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
En 1888, un Blanc remonta notre rivière. Son nom était Monsieur Guilier, un Blanc de la SAB. Il arriva à Boleke-rive. Il continua son chemin sans accoster. Il atteignit le grand Bolako qu'est Bokala. Il y rencontra Bombolo Isesa qui lui demanda: "Toi, Albinos, où vas-tu"? Le Blanc Ikoka lui montra des perles, puis répondit: "Je vais à la source de la rivière. Le Blanc Bongenda arriva à Bonsela Lokumo à bord du bateau appelé Ewoko. Le capitaine qui voyageait avec Bongenda s'appelait Njoku. Monsieur Guilier Bongenda était le chef des Blancs de la SAB. Voici les noms des Blancs qui étaient venus avec Bongenda Guilier: Bandaka Coquilhat, Monke-monke, Ikoka, Monsieur Fulez, Is'e'Ifulu-Monsieur-Vilains. Les Blancs étaient venus dans la contrée de Bokala, à Iyangu pour vendre des perles et des cauris. Le Blanc s'appelait Bongenda Guilier.
Voici le début de la guerre de Lofembe (Boeke). L'instigatrice de la guerre de Lofembe-Boeke était la Mère d'Engongolo. Son mari était Kumbo-Efomi. Toute la parenté de la Mère d'Engongolo est décédée. Son frère lui avait légué un chien qu'elle confia à son mari Kumbo-Efomi pour chasser le gibier. Au retour de la première chasse, la Mère d'Engongolo complimenta son mari Kumbo-Efomi: "Bon retour avec votre beau-frère". La deuxième fois, elle présenta le même compliment: "Bon retour avec votre beau-frère". Le mari demanda à sa femme: "Pourquoi m'appelez-vous beau-frère d'un chien"?
La troisième fois qu'il allait à la chasse, le mari tua ce chien. Il en préleva le foie et le donna à la Mère d'Engongolo pour la cuisson. La Mère d'Engongolo sentit l'arôme d'un foie de chien, mais demanda à son mari de quelle bête était le foie. Le mari la frappa et la femme se réfugia à l'endroit où son père habitait. Elle y pleura beaucoup en mémoire de sa parenté éteinte par la mort. Pendant qu'elle dormait, elle vit en songe une enveloppe descendre du ciel, et de laquelle sortaient beaucoup de gens armés de lances et boucliers. Ils disaient à la Mère d'Engongolo: "Cesse de pleurer? Nous allons tuer la parenté de ton marie".
Elle dit à son mari: "Enduisez-vous du fard rouge et allons faire la guerre dans tous les villages". Voilà la raison pour laquelle les gens de Boeke sont venus faire la guerre du chien.
Voici les noms des gens qui ont tenu un conseil pour dire à Bongenda Guilier de chasser les Lofembe-Boeke: Is'ea Nsongo, à Efuto, hameau de Mbango; Baefa à Lingunda et Bomboko Is'ek'Ompulenge au village Bosilela-lez-Bokala. Le Blanc Bongenda Guilier avait envoyé les premières sentinelles pour faire reculer Lofembe-Boeke lors de la guerre du chien. Le Blanc, Bongenda Guilier avait affecté des sentinelles dans tous les villages. Ekondo résidait à Boleke-Elinga-Bokala, Emeka là aussi, Ekotsi à Bosinganse et Ekakia à Iyangu. La sentinelle Ekondo avait chassé Lofembe, qu'il rentre chez lui, qu'il cesse de tuer les gens. Toutes les sentinelles avaient fait du mal en tuant les gens. Le Blanc Bongenda Guilier avait chargé ses deux Blancs Ekutu et Is'e'Ifulu-Vilains à commencer la récolte du caoutchouc. Et comme rétribution pour avoir chassé Lofembe et Boeke, les gens fournissaient le caoutchouc en boulettes qu'on acheminait à Busira.
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BOLIMA
474/179180
Raphaël LIKINDA, Catéchiste, mission catholique Bolima

RESUME. Les guerres intestines. La SAB à Bonsela. Le caoutchouc après fin de Lofembe. Sentinelles. Le Blanc tue ces sentinelles. Alternance de corvées: caoutchouc/vivres. Une 4è campagne du caoutchouc en 1942.

TEXTE:
RECITS SUR L'ARRIVEE DES BLANCS ET LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Tout au début, moi j'ai d'abord remarqué les Blancs qui arrivaient, puis la guerre du chien (Lofembe Boeke). Les Blancs que j'ai vus étaient de la SAB. Ils passaient chez nous à bord de leurs pirogues, mais ils résidaient à Bonsela. Les autorités de la SAB à ce moment étaient: Lingungu, Ekutu, Bongenda, Is'e'Ifulu et Lomame. Mais les autorités de l'Etat à l'époque étaient: Ntange et Wilima. Ils résidaient à Mbandaka. Celui qui avait remplacé Ntange et Wilima fut le Commissaire Paul, puis le Commandant Bongondo. Sur ordre de ces autorités, les fusiliers étaient dispersés pour tuer des gens mauvais et Lofembe aussi. Après cela, c'était le début de la récolte du caoutchouc suite à la pacification ordonnée par Bongondo, et l'expulsion de Lofembe par lui. C'est à ce moment que les premiers fusiliers sont venus dans notre contrée. Les villageois étaient d'accord avec eux et on commença à récolter le caoutchouc. On en fabriquait en petites boules semblables aux citrons, qu'on mettait dans de petits paniers semblables aux corbeilles. A ce moment, nous ne savions pas ce qu'était une année, mais il s'est passé un bon bout de temps lorsque les Bokala, les Lingoi et les Bonyanga ont tué les envoyés de l'Etat, c'est-à-dire les fusiliers. Ainsi donc les Bonyanga, les Bokala et les Lingoi sont restés parmi eux-mêmes. Ni les fusiliers ne sont plus là, seulement nous-mêmes.
Puis la SAB vint dans notre pays pour nous opprimer, mais nous n'avons pas été d'accord avec elle et on s'est battu avec la SAB. Eux nous tuaient, et nous, on les tuait. L'Etat se ligua avec la SAB et ils nous tuaient. Des Blancs venaient à Lingoi, d'autres à Bonyanga, d'autres encore à Bokala.
Nous, les Noirs, on en devenait exténué et nous avons commencé à récolter le caoutchouc encore une fois. Cette guerre s'appelait Etafenjolo (1). La récolte apportait beaucoup de misères. Chacun avait un panier à caoutchouc. Si on ne le remplit pas, on le tue par balle.
Mais un Blanc appelé Ingulu révoqua les fusiliers. Ingulu les tua eux aussi, et on resta nous-mêmes. Et d'autres Blancs d'Ingende nous imposaient de leur envoyer de la viande qu'ils expédiaient à Mbandaka.
De nouveau les Blancs qui étaient à Ingende nous obligeaient de récolter encore le caoutchouc. Tout le monde accepta, mais les Bokala refusèrent. Alors le même Etat recommença à ruer les gens. Finalement les Bokala se soumettaient aussi à récolter le caoutchouc. Ce caoutchouc, on le donnait à l'Etat à Lotoko. D'autre (caoutchouc) à Efoku Bekombe, c'est-à-dire chez les Blancs de la SAB. La 4è récolte, c'est celle de 1942, et depuis lors plus rien.
ARRIVEE DE LOFEMBE
Lofembe commença la guerre à partir de Bolenge et d'Ikenge. Ils ont laissé les Bongandanga à Isaka parce que la SAB s'y était déjà installée. Mais ils ont combattu les Waola. De là, leur arrivée à BokalaLingoi. Lofembe tuait les Waola, et fit de même à Lingoi. Mais à leur arrivée à Bokala et Bonyanga impossible. Ils n'ont pas eu de passage. A ce moment, une partie des gens de Lingoi et de Waola qui étaient rentrés dans leurs villages se joignaient à Lofembe pour combattre les Bokala et les Bonyanga.

NOTE
1. Etafenjolo (D.609): pl. Bitafenjolo = "les gens jeunes qui du temps de l'Etat Indépendant (du Congo) et surtout du caoutchouc servaient de boys aux soldats" La guerre fait allusion à ces jeunes gens.
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BOKELE/WAOLA
415/X
Théophile BOLOKA, moniteur à Bokele/Waola (1)

RESUME: Le Blanc Mokemoke arrive et fait convoquer les notables pour leur demander de récolter du caoutchouc contre paiement en perles et en drill. Pendant cette corvée, les Lolo attaquent la contrée. Mais au vu du nombre grandissant des morts, Le Blanc donne renfort aux villageois en faisant intervenir ses fusiliers qui tuent beaucoup de Lolo. Arrive un autre Blanc qui fait tuer les villageois lorsque le caoutchouc n'est pas suffisant. Ikakota.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Le Blanc qui est venu le premier s'appelait Mokemoke. Il était venu avant la guerre avec l'amont. Celui qui le premier était en contact avec ce Blanc fut un des nôtres appelé Ilongolongo, originaire de Lifumba des riverains. Il habitait au bord de la rivière. Il y vit passer quelque chose comme une maison avec un Blanc à bord. Il lui demanda: "où allez-vous"? Le Blanc répondit: "Je m'en vais en amont chercher du caoutchouc". Et cet homme de dire: "Venez ici, chez moi, vous reposer". Le lendemain le Blanc exigea du caoutchouc à cet homme. Celui-ci lui demanda d'attendre, puis il invita les notables qui étaient dans notre contrée, notamment: Bakosukela à Isaka, Bofala et Iloko à Boyeka, Biangalinkita à Isaka, Lofongo à Boyeka, Bongonjalela à Bonsongo, Wina à Bonsongo, Boongo et Efambe à Ituka, Bofala et Lompata à Bombenga, et Eale à Ilambasa. Devant ces notables assis, le Blanc déclara: "Récoltez du caoutchouc pour moi". Ils en étaient d'accord. Nous étions tous là: les Elinga, les Isaka et les Waola. La cueillette du caoutchouc a suivi immédiatement l'arrivée du Blanc. Le Blanc achetait le caoutchouc avec des perles, un mètre de drill blanc. A cette époque une pièce d'étoffe mesurait 8 mètres. Sur ces entrefaites, les Lolo d'en amont surgirent pour combattre les Bolenge: c'était une guerre meurtrière. Ils combattaient nos villages, et étaient arrivés jusqu'à notre beach, mais les Blancs les laissaient faire. Devant tant de morts, les notables tinrent conseil et déclarèrent au Blanc: Vous êtes venu chez nous pour que nous récoltions du caoutchouc pour vous. Voici que les Lolo nous exterminent. Qui récoltera alors du caoutchouc pour vous? Le Blanc répondit: "Offrez-moi seulement une chèvre. Mais cette guerre avait décimé les bêtes aussi. Et on prit un homme appelé Bomolo en lieu et place de la chèvre. On l'échangea avec une chèvre chez les Mbole. On offrit la chèvre au Blanc. Le Blanc leur prêta des fusiliers qui nettoyèrent impitoyablement les Lolo. Ceux qui s'enfuyaient parmi les Lolo allaient raconter l'atrocité de la guerre venue de l'aval. Puis le Blanc partit.
Le premier Blanc retourna et les autres arrivèrent: Bongenda, Is'Ifulu, Ekamabeya, et Ekutu. Ils sont venus continuer la récolte du caoutchouc. A cette occasion on tuait ceux qui ne récoltaient pas la quantité exigée. On les fusillait. On fusillait aussi ceux qui mangeaient de la viande. Dès lors ceux qui en mangeaient, devaient enterrer des os. Peu après Bongenda et les Blancs qui l'accompagnaient retournèrent. Le Blanc de l'Etat arriva. On continua à faire récolter le caoutchouc. Le Blanc annonça la fin de la récolte du caoutchouc et demanda qu'on lui apportât de l'argent en francs. Le Blanc expliqua ce que cela était. On commença à payer l'impôt à 4 fr, Puis à 5, 6 jusqu'à atteindre de gros montants. Pendant l'occupation des Blancs, nos gens avaient contracté un fétiche ikakota en aval. Cela leur avait permis de tuer beaucoup de soldats qui étaient à Bokala. Chaque village avait son fétiche. Mais les premiers à avoir ikakota s'appelaient Ekakya et Lontungu. Car chez eux personne n'est morte par balle. Ils s'étaient abrités loin du chef des fusiliers qu'on appelait Etong'ea'Ongondo. C'est lui qui avait affecté des fusiliers dans chaque village.
Cher amis, un homme appelé Bomolo était le symbole du sauveur. Il offrit son âme pour acheter une chèvre qui mit fin à la guerre. Le voici qui vit encore, qui n'est pas encore mort. Telle est ma réponse au concours. Salutations amicales. Puisse la puissance du Nom de celui qui Est vous encourager dans votre travail à l'imprimerie.

NOTE
1. Auteur de 2 articles dans Lokole Lokiso: 15 juillet 1955, P3 (les méfaits de l'argent) et 1 mai 1958, p.3 (territoire de Bolomba).
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MONIEKA
473/178
Marc BOLUMBU, D.C.C.M./Monieka (1)

RESUME: D'abord la guerre de Lofembe. Puis les Blancs arrivent. Imposition du caoutchouc qui n'est pas fourni. Raison: Lofembe a tout pillé. Les Blancs font la guerre à Lofembe qui prend fuite. Des sentinelles dans les villages pour surveiller la récolte.

TEXTE
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
En premier lieu Lolo (Lofembe) est venu chez nous les Nkundo et les autres contrées de Nsongo Mboyo. A leur arrivée chez les Nkundo-Mongo, ils ont chassé les autochtones après leur avoir livré la guerre. Ils tuaient des hommes et faisaient des femmes leurs esclaves. Les Mongo d'Ikengo et de Bongandanga prenaient constamment fuite, traversant la Juafa pour se réfugier chez les Mbole où beaucoup mouraient de faim.
Et voici que les Blancs arrivent. Après avoir accosté à Lokumo, (SAB Busira), on imposa le caoutchouc aux autochtones qui y étaient restés. Mais le caoutchouc ne venait toujours pas. Et le Blanc en demanda la cause. Les notables lui répondirent: "Si le caoutchouc ne vient pas, c'est parce que Lofembe a tout pillé. D'ailleurs tout le monde s'est enfui au-delà de la Juafa."
Après avoir entendu cela, le Blanc alla faire la guerre à Lofembe qui s'enfuit. Après la fuite de Lofembe, les villageois ont regagné leur terroire et ont continué à récolter le caoutchouc. D'abord on récoltait le caoutchouc comme suit. On faisait saigner une liane à latex. Le latex coulait sur le ventre. Après coagulation on en faisait une boule comme une orange. Ensuite, on creusait un trou et on y installait des feuilles sauvages sur lesquelles on versait le latex mélangé de jus de Costus afer. Le produit s'enroulait comme une boule.
Après la fuite de Lofembe, les Blancs avaient affecté des fusiliers dans les villages. Les fusiliers sont des gens qu'ils avaient amenés de Mbandaka. Ils savaient manier les fusils pour imposer le caoutchouc. Ils tuaient certaines personnes et en arrêtaient d'autres. Ces derniers étaient relégués vers l'aval. Les fusiliers avaient tué beaucoup de gens. Dernièrement, les Blancs ont déplacé les fusiliers, de tous les villages et la guerre a pris fin.
Les Blancs qui étaient venus avant à Bonsela sont: Mokemoke, Is'e'Ifulu, Ekutsi, Bongenda et Kulumeso.

NOTE
1. Auteur, entre 1955 et 1962, de.57 articles surtout la chronique de Monieka dans Lokole Lokiso.
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EKONDA MOKE 404/13-19 (1)
Pierre MUNE, moniteur, SAB/Bomputu

RESUME: Localisation et informateurs; situation géographique et relations entre les villages Luankamba, usage du caoutchouc avant l'arrivée des Blancs; première rencontre des Ekonda-Moke avec le vapeur des Blancs; ils n'osent plus aller à la rivière; résistance de Monieka, mais victoire des Blancs et conclusion de la paix sur conseil des Monieka. Le Blanc nommé Bokonge, chef d'Ekonda-Moke; corvée de nourriture. Le Blanc arrive chez les Bomputu qui refusent le commerce, caoutchouc introduit par le Blanc Mokemoke; le Blanc Nkoy est attaqué par les Bomputu et Ikonge; ils sont contraints de conclure la paix et d'accepter les corvées; oppression et nouveau pacte d'amitié; les Ikonge aussi; imposition du caoutchouc: aux autres Luankamba. Réticence des Bombili et tueries. Bongenda met fin au caoutchouc.

TEXTE:
CE QU'APPORTA LE VAPEUR BANGULUNGUMA
Le récit suivant est l'histoire des événements qui se sont déroulés à l'époque de nos pères pendant qu'ils habitaient Luankamba. De nos jours, ce récit est raconté par les vieux des villages suivants: Ekonda-Moke, Ikonge, Bomputu, Tompoko, Bombili-Moke, Ekonda-Monene, et Bombili-Monene. Ces vieux ont vu, entendu, et vécu tout ce qui s'est passé. Quelques-uns parmi eux sont les premiers fusiliers chez nous; il s'agit de Emekampunga, originaire d'Ekonda-Moke et Iloekema originaire d'Ikonge. Les uns sont vivants, et les autres déjà morts.
Moi, l'auteur de ce récit, je suis originaire d'Ekonda-Moke mais j'ai réuni les vieux des villages de Luankamba qui sont proches de chez moi, du 12 au 22 janvier 1954. Ce sont les villages suivants: Bomputu, Ikonge, les deux Bombili, et les deux Ekonda.
1. EMPLACEMENT
Voici comment ces villages étaient situés: Bomputu aux bords de la Salonga, Ikonge, près de Bomputu, sur la terre ferme (et non au bord de la Salonga). Tompoko venait après Ikonge: mais ils étaient un peu loin l'un de l'autre. Ekonda-Moke était derrière Tompoko, vers la Tshuapa. Ekonda-Monene venait après Tompoko; Bombili-Monene et Bombili-Moke étaient respectivement au-delà d'Ekonda-Monene. Les deux Bombili étaient souvent en guerre, Bombili-Moke fuya l'autre et alla s'installer entre Tompoko et Ekonda-Monene. A part ce cas malheureux, les autres villages vivaient en paix entr'eux: ils se mariaient, dansaient, jouaient à une sorte de base-ball et commerçaient. Ekonda-Moke et Monieka commerçaient sur la Busira, Ikonge et Bomputu faisaient de même Ekonda-Monene, Bokote et Liyolongo aussi. C'était un troc entre riverains et terriens, les uns apportant du poisson, et les autres les produits des champs.
En ce qui concerne le mariage, signalons le cas de la soeur de Bokonge originaire d'Ekonda-Moke qui épousa Bolonga de Bokonge, bien avant l'arrivée des Blancs. A cette époque, les villageois récoltaient du caoutchouc pour des fins suivantes: jouer au base-ball, couronner certaines femmes qui viennent d'accoucher, appâter les oiseaux, renforcer les battants du tam-tam à flancs arrondis.
2. ARRIVEE DES BLANCS
Un jour, les Ekonda-Moke se rendirent comme d'habitude sur les bords de la Busira commercer avec les Monieka. Tout-à-coup, ils voient un vapeur vrombissant qui remontait la rivière. C'est la première fois qu'ils rencontraient pareil phénomène. Comme le bateau n'avait pas d'équivalent chez eux, ils le nommèrent Engulunguma, idéophone inspiré par le vrombissement de son moteur. Ils crièrent: "Bangulunguma est arrivé". Là-dessus, ils se sauvèrent à qui mieux mieux. Mais ils n'avaient vu personne dans le vapeur car il était complètement voilé.
Les Ekonda-Moke avaient déjà atteint leur village pendant que les riverains étaient restés contempler le vapeur qui passait. Et lorsqu'il disparut au tournant, les Monieka retournèrent chez eux. Les Ekonda-Moke racontèrent ce qu'ils avaient vu à tous les villages voisins, et décidèrent de ne plus aller sur les bords de la Busira. Désormais, ce sont les Monieka qui iront commercer chez les Ekonda-Moke.
Quelques jours plus tard, les Monieka vont informer les Ekonda-Moke de la descente de Bangulunguma qui n'avait pas tardé à retourner. Les villages reprirent leurs échanges sur la Busira, mais pas comme auparavant. Seuls les courageux Ekonda-Moke y allaient. La peur régnait encore parmi eux.
"Bangulunguma" repassa une deuxième fois sur la Busira et accosta à Monieka. Les autochtones livrèrent la bataille aux passagers du vapeur. Ils ne voulaient pas que ces étrangers habitent avec eux. Aussi, ils voulaient les chasser par la bataille. Ils pensaient qu'ils pouvaient tuer tous les Blancs qui venaient de débarquer. Ce qui n'arriva pas. Les Blancs étaient assez forts et assez aguerris pour se laisser vaincre. Ayant remarqué la supériorité militaire des Blancs, les autochtones décidèrent de conclure la paix avec le chef des Blancs que les indigènes avaient surnommé Bongenda.
3. LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Deux personnes de Monieka, Lonjataka et Lutsu, étaient allés au marché à Ekonda-Moke et informèrent les habitants de tout ce qui s'était passé après l'accostage de Bangulunguma. Ils conseillèrent aux Ekonda-Moke d'aller à Bonsela conclure la paix avec Bongenda pour être sauvé de la guerre de ses hommes. Ce que les Ekonda-Moke acceptèrent.
Ils composèrent, une délégation de 3 personnes: Bokonge, le frère de Doo marié à Ikonge; Ekolongo et Ekofantange. On leur remit des poules et des oeufs pour aller à la Busira sceller l'amitié avec Bongenda. Ce dernier accepta la proposition des Ekonda-Mokc. Il demanda les noms des 3 membres de la délégations ainsi que leurs villages respectifs. Il nomma Bokonge, chef de tous les Ekonda-Mokc. Il s'adressa ensuite à eux: "Vous Ekonda-Moke, vous êtes exemptés de la récolte du caoutchouc. Ne vous battez pas avec mes gens. Vous vous occuperez désormais de nourrir mes gens en me fournissant du poisson, de la viande, de l'huile, de la chikwangue, des poules et des oeufs". Les représentants des Ekonda-Mokc acceptèrent la corvée et remirent à Bongenda leurs cadeaux (les poules et les oeufs qu'ils avaient apportés). En contrepartie, Bongenda leur donna des morceaux d'étoffes, des perles et du sel. Etant retournés, la délégation rapporta les directives de Bongenda, directives auxquelles les Ekonda-Moke marquèrent leur accord, et qu'ils exécutèrent à l'entière satisfaction du Blanc.
A peu près deux mois plus tard, Bangulunguma remonta la Salonga. Les Bomputu, qui avaient seulement entendu parler de ce vapeur, le virent pour la première fois. Ils poussèrent le même cri que les Ekonda-Moke et les Monieka: "Bangulunguma est arrivé". Après quoi ils prirent la fuite. Le vapeur ne s'arrêta pas, mais continua sa navigation. Il retourna sans tarder, mais les Bomputu n'en virent pas les passagers. Une deuxième fois, le vapeur s'arrêta à Bomputu. Et lorsqu'on vit sortir un Blanc, les autochtones voulaient se sauver, car ils n'avaient jamais vu pareil être humain. Sur ces entrefaites, ce Blanc surnommé Mokemoke les rassura en disant: "Restez-y, n'ayez pas peur, je suis un homme comme vous. Je suis venu pour qu'on commerce. Vous récolterez du caoutchouc pour moi; en contrepartie je vous donnerai de l'argent". Les autochtones n'en furent pas d'accord. Mokemoke redescendit la rivière.
Un autre Blanc revint. Il s'appelait Nkoy. Il accosta à Bomputu comme son prédécesseur Mokemoke. Il demanda du caoutchouc à Bomputu et Ikonge, qui refusèrent. Ces populations osèrent même attaquer Nkoy et ses 4 hommes armés de fusils. Ils avaient les mêmes idées que les Bonsela qui pensaient que les Blancs n'étaient pas forts.
Les voilà qui battirent les tam-tams et qui s'armèrent de boucliers et de lances pour attaquer le Blanc et ses hommes. Dans un premier temps, le Blanc, qui ne cherchait que du caoutchouc ne releva pas ce défi. Or les autochtones persistent à refuser de récolter le caoutchouc pour lui. Mais quand le Blanc remarqua que les autochtones commencèrent à lui lancer les flèches, il réciproque par faire résonner un coup de fusil qui tua une personne. Les autochtones prirent la fuite. Mais le Blanc ordonna à ses hommes de les traquer. Les hommes du Blancs n'étaient que quatre (Ekakya, Bangata, Eonga et Embende), mais ils tuèrent beaucoup de villageois. Lorsque ces derniers se rendirent compte de la force armée du Blanc, ils conclurent la paix. Le Blanc leur distribua des corvées: Bomputu s'occupera du ravitaillement en personnel comme Ekonda-Moke sur le Busira pendant que Ikonge récoltera le caoutchouc.
Le Blanc se renseigna s'il y avait encore des villages au delà. Les villageois ne lui ont pas caché et ont dit à Nkoy qu'il y' avait encore beaucoup de villages. Là-dessus, il envoya ses 4 hommes en fusils et d'autres armés de flèches pour dire aux villages de Luankamba de procéder à la récolte du caoutchouc. C'étaient des jours funestes pour les Luankamba, et on appela cette période Massacre, car les villageois en ont beaucoup souffert. Les uns se blessaient, les autres mouraient de faim dans la forêt. La nourriture se fit rare, et beaucoup de gens se réfugièrent dans la forêt où ils mouraient. Les hommes de Nkoy lui apprirent que les Ikonge avaient pris la fuite vers Ekonda-Moke, avec la complicité de Doo qui a caché ses alliés dans son village natal. C'est un ressortissant de Bomputu qui avait dénoncé cette affaire.
Pris la colère, le Blanc Nkoy envoya ses hommes pour combattre les Ekonda-Moke et le Ikonge. Quelques Ekonda-Moke étant partis commercer avec le Blanc Bongenda, les hommes de Nkoy ne tuèrent que ceux qui étaient restés. De retour de cette expédition punitive, le Blanc Nkoy demanda à ses hommes de retourner prendre les cadavres. Car, à peine étaient-ils partis combattre les Ikonge et les Ekonda-Moke que les Ikonge arrivèrent vendre leur caoutchouc au Blanc Nkoy. Les soldats de Nkoy ne rapportèrent que le cadavre d'une vieille femme. Les Ikonge s'expliquèrent le fait qu'ils n'avaient pas pu venir à temps avec leur caoutchouc. Nkoy prit un morceau de papier et y écrit: "désormais je comprends votre caractère à vous les Noirs, vous êtes de grands,menteurs. Les Ekonda rapportèrent au Blanc Bongenda comment Nkoy leur avait fait la guerre. Bongenda appela Nkoy et lui ordonna de ne plus tuer les Ekonda-Moke, car ils avaient pris eux-mêmes l'initiative de conclure un pacte d'amitié avec les Blancs. Il interdit les Ekonda-Moke d'aller encore à la Busira pour le marché, mais d'aller toujours à Bomputu, non avec du caoutchouc, mais avec des vivres pour ravitailler le personnel du Blanc.
Précisant la raison de la non-livraison du caoutchouc à Nkoy, les Ikonge dirent qu'ils avaient faim. Le Blanc les crut et eut pitié d'eux au vu de leur état squelettique. Ils furent exemptés de la récolte du caoutchouc pour ne s'occuper, comme les Bomputu et les Ekonda-Moke, que de la livraison des vivres. Déjà, le Blanc était au courant de l'existence d'autres contrées dans le Luankamba sur base des informations reçues des villageois. Il y fit imposer l'exploitation du caoutchouc. Ces villages y obtempérèrent, à l'exception de Bombili-Monene. Ces derniers décidèrent de cacher leur caoutchouc dans l'eau, pour le livrer petit à petit au Blanc. Le Blanc s'en rendit compte un jour du marché lorsqu'à la différence des autres villages, les Bombili ne rapportèrent que 2 paniers. Le Blanc ordonna qu'on aille à Bombili tuer les gens. Or le caoutchouc était dans l'eau en grande quantité. Voilà, ils sont morts bêtement. C'est pourquoi de nos jours, on dit: "il est mort à cause du caoutchouc comme les Bombili"(5). Le massacre dura à peu près 2 ans. Finalement, Bongenda interdit la récolte du caoutchouc. Il interdit des expéditions meurtrières et promit de punir sévèrement des contrevenants. Et ce fut le début de la paix. Mais les autochtones ne cessèrent de se tuer entr'eux.

NOTES
1. Texte Lomongo publié dans Lokole Lokiso, 15/2/1955, p.6 et 1/4/1955, p.6
2. Voir du même auteur: Le groupement de Petit Ekonda, ARSC, Mém. N.S. T XVII, fasc.4, Bruxelles 1959 et un texte inédit: Histoire des ancêtres (Nsango ya Bankoko),1959. Auteur de 12 articles dans Lokole Lokiso et Etsiko entre 1952 et 1962.
3. Monieka: mission protestante depuis 1912, située sur la Tshuapa.
4. Bonsela: siège principal de la S.A.B. (Société Anonyme Belge) sur la moyenne Tshuapa/Busira.
5. Pour fustiger quelqu'un tué ou se faisant souffrir pour des futilités.
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BOKOTE
668/348-350
Gabriel BOSAMBA (1)

RESUME: La guerre de Lofembe, puis arrive la SAB qui fait la guerre aux autochtones. Accord de paix avec cadeaux aux villageois. Corvées: poisson par les Elinga; caoutchouc et chikwangues par les autres. Rétribution, tueries Arriva l'Etat qui pacifie, et instaure l'impôt. Les prêtres arrivent. La révolte d'Ikaie. La guerre en Europe et l'effort de guerre ici.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Les Blancs qui étaient venus les premiers étaient ceux de la guerre de Lofembe, laquelle extermina la population. Ils tuaient les gens sans repos. Ils avaient arrêté certaines personnes qu'ils ont amenées en captivité. Les gens n'habitaient plus que dans la forêt. Beaucoup en sont morts de faim. Ils brûlaient des huttes et les villages devenaient inhabités.
LA SAB
Arrivée des Blancs chez le Ngombe ey'Alala pour une guerre meurtrière. Deux jours ne s'étaient pas encore écoulés, ils firent irruption. A Ngombe,, ils avaient tué beaucoup de gens. Puis, vers 16 heures, on entendit qu'ils criaient: "Fraternité, fraternité" Celui qui est venu le premier chez les Ngombe ey'Alala, fut le Blanc Bomboko. Ses serviteurs avaient peur qu'on les tue. Puis la guerre prit fin. Elle ne pouvait pas prendre fin si on ne criait pas: "Fraternité, fraternité". Là-dessus les villageois prenaient une feuille de bananier et la froissaient. Cela veut dire qu'on cherche la paix. Les villageois revenaient dans leurs terroirs, puis instituaient un d'eux capita. On lui donnait une machine à coudre, un morceau de drill, des perles et des cauris. Et on appelait des gens pour distribuer les biens des Blancs afin de marquer la fin de la guerre. Et on les partageait sans rancune, avec paix. En goûtant le sel des Blancs, ils perdirent la tête.
La SAB arriva à Nsombo et agissait de même. Il avait tué des gens à Nsombo. Puis les Nsombo criaient: "Fraternité". La capita de Nsombo était Bambanda Bomboka. Le Blanc de la SAB donna au capita un mètre de drap. Et les gens se rassemblaient pour voir ce qu'est un vêtement. Car avant on se couvrait d'écorces d'arbres et d'étoffes de raphia. Lorsque le chef ordonnait aux Nsombo de fournir du poisson, et que cela se passait normalement, on nous rétribuait en perles, vêtements, sel, et en d'autres biens. Mais si la fourniture n'a pas été suffisante, il y a guerre. On tue ceux qui était allés au marché, même nous qui sommes restés. Puis il répartissait des corvées: les riverains Elinga du poisson, les autres du caoutchouc, des chikwangues. A chaque marché, on devait s'attendre à une alternative: ou bien il y a eu assez de produits et on est rétribué, ou il y en a eu moins, et c'est l'extermination. Ceux qui exécutaient la corvée des chikwangues (Ituku, Bokafa, et Bosanga) avaient exterminé des enfants en les vendant. Si son champ n'est pas encore à terme, il vend son enfant. Les Blancs de la SAB venus ici les premiers étaient: Bongena, Bomboko, Lobee et Efanja. Sur ces entrefaites, nous apprenions que d'autres Blancs allaient venir. Ils n'aiment pas la guerre et tous les esclaves vont rentrer chez eux. Et il est interdit de tuer une personne.
Puis, nous voyons accoster un bateau avec à bord beaucoup de policiers. Le Blanc de l'Etat Nkoi. est arrivé. Il sonna la sirène. Mais les villageois s'enfuyaient dans la forêt. Il demanda où était le capita, et le capita Bomband'Ombokase présenta. Il lui ordonna: "Appelez vos sujets qu'ils ne s'enfuient pas". Ceux qui étaient proches en sortirent. Il demanda au chef si tous les travailleurs avaient des maisons. Ils répondit: "La plupart en ont, mais les célibataires n'en ont pas". Le Blanc débarqua et fit construire des maisons. Il s'adressa au chef: "Le pays n'est plus comme auparavant. Celui qui tue son prochain sera tué aussi. Celui qui blesse son semblable sera emprisonné. Et tous les esclaves retourneront chez eux. La chose la plus importante: vous allez payer l'impôt". Et le chef de répondre: "où aurions-nous de l'argent"? Immédiatement, le Blanc mit sa main dans la poche et sortit une pièce de monnaie qu'il montra au chef et aux villageois. Et le chef de dire: "Je ne comprends pas bien, est-ce à vous qu'on donnera cet argent"? Et le Blanc: "Vous me le donnerez à moi" Et le chef: "Où est-ce que nous aurons de l'argent?" Et le Blanc Nkoi: "Vous récolterez le copal que vous vendrez ensuite à la SAB qui vous l'achètera avec de l'argent. Cet argent n'est pas pour moi tout seul. Vous payerez l'impôt avec une partie, et avec une autre vous achèterez des vêtements aux magasins". Là-dessus le Blanc partit. Un mois ne s'était pas encore écoulé que le Blanc revint. Il convoqua chacun avec ses enfants et ses femmes. Puis il dit: "Les premières femmes ne seront pas astreintes à l'impôt. Les autres y seront astreintes. L'impôt est à 3 fr". C'était vraiment une perte des biens: une chèvre à 1,50 fr, une pirogue à 1,50 fr. C'était à la fois la perte des biens, mais la présence de nombreuses personnes dans la prison, ceux qui n'avaient pas d'argent. Il existait d'innombrables endettés. Et le Blanc partit.
Puis un bateau appelé Joseph à bord duquel se trouvaient beaucoup de prêtres accosta le beach de Nsombo. Mais les gens en prenaient fuite. Le prêtre qui connaissait le lonkundo, le Père Louis (2), demanda: "où sont allés les gens"? Et tout le monde s'arrêta, Les vieux seuls s'y approchèrent, pas les jeunes, car il y avait 10 personnes, toutes barbues et vêtues de robes noires. C'était très effrayant. Le préposé au bateau dit: "Ce sont des Pères qui prêchent l'enseignement de Dieu. Il leur montra une médaille, et enchaîna: "Nous avons cette médaille d'eux, lors du baptême. Nous pensions que le baptême est une chose appartenant à un notable. Alors tout le monde alla demander le baptême au Père. Mais le Père donna à chacun la médaille du païen. "Si vous voulez le baptême, vous aurez une carte de baptême". Là-dessus, ils étaient d'accord avec les propos du chef. Tous prenaient cette carte. Même les polygames le voulaient aussi, mais seuls les monogames recevaient la carte. C'est le petit boy qui distribuait les cartes. Puis le bateau se dirigeait à Ngombe ey'Alala.
Après cela, on travaillait pour payer l'impôt à 6fr. On racontait: "Une guerre meurtrière appelée ikaikai(3) est en train de se dérouler vers Lomela, et dont le but est que les Blancs rentrent dans leurs pays. Peu après, la guerre arriva près de nous. L'Etat fit de son mieux pour anéantir l'effervescence des Noirs. Et la guerre prit fin. Une autre rumeur fit état d'une grande guerre en Europe. Là-dessus, la nouvelle du caoutchouc arriva. L'Etat voulait du caoutchouc. Peu après on récoltait le caoutchouc. Nous pensions que l'Etat allait user de la force, mais il avait bien agi. Il n'a pas fait du mal comme à l'époque de la SAB. Mais il agissait comme suit: emprisonner pendant deux mois celui qui refuse de récolter le caoutchouc, ou qui n'en récolte pas assez. Après la prison, encore du caoutchouc. L'Etat est une bonne personne, car il est un bon protecteur. Tous les biens, et l'école et l'argent, nous l'avons grâce à lui; même l'instauration du baptême.
Si jusqu'aujourd'hui, la SAB était encore parmi nous, nous ne vivrions pas aussi heureux. La population serait décimée par des assassinats. Aux chrétiens nous demandons de prier Dieu pour qu'il laisse l'Etat comme unique protecteur à cause de tous ses bienfaits.
Percevez-vous le silence, c'est que le couteau a atteint la souche. Et un proverbe de dire: Si tu vois un éléphant, regarde-le bien; l'éléphant ne se voit que rarement.(4).

NOTES
1. Auteur de 2 articles dans Etsiko en 1953
2. Il s'agit du Trappiste Aloysius De Witte (1909-1960)
3. Sur Ikaikai, lire Edgard Paucheun. Ikaïe. Brousse tragique et joyeuse, Editions du Frêne, Bruxelles, 1951, 124 pages, et en annexe 1 le rapport politique l'A.T. Assistant G. Pauwels, "Renseignement sur Révolte Ikay" (Papiers de Ryck à Madison, Wisconsin 26/6)
4. Proverbe pour marquer la finale d'un récit, et attirer l'attention de l'interlocuteur.
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BOKOTE
495/223-224
Antoine Marcus BOYOTO, moniteur stagiaire, mission catholique Bokote (1)

RESUME: Les Blancs viennent de Mbandaka après avoir recruté des sentinelles parmi les Bonsela, les Wenga et les Bokote. Ils s'installent à Bomputu, puis déménagent pour Nkengo. Guerre puis caoutchouc. Corvées. Les Blancs de l'Etat remplacent ceux du caoutchouc et désormais c'est la paix.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Nos ancêtres appelaient les Blancs "Ntendele". Ils pensaient que c'était de la blague, alors que c'était une réalité sérieuse. Les Ntendele sont venus de Mbandaka. Ils ont pris les Bonsela avec eux, et sont venus s'installer à Bomputu. Ils étaient venus de Mbandaka avec les Bonsela, les Wenga et les Bokote. Ils leur avaient distribué des fusils pour combattre les villageois qui refusaient de récolter le caoutchouc. Ils ont déménagé de Bomputu pour s'installer à Nkengo. Avant d'imposer le caoutchouc, ils combattaient d'abord les villageois. Les noms des fusiliers sont: Ngoisangunda, Ebongola, Ikolo, Njufo et bien d'autres. Lorsque la guerre s'aggrava et devant le spectacle des cadavres qui jonchaient le sol, les villageois se réfugièrent loin dans la foret, chacun suivant son sentier. Lorsque les fusiliers s'aperçurent que les villageois avaient pris fuite et comme ils n'avaient pas moyen de les atteindre, ils ont réquisitionné un capita pour chercher où sont passés ces gens et ensuite les faire sortir à l'extérieur.
Dans la foret où ils se réfugiaient, les gens s'entre-tuaient. Ils y faisaient aussi la guerre. Chaque clan vivait de son côté. Lorsqu'on percevait un bruit ou le crépitement des balles, on allait de plus en plus loin dans la forêt. Les mères enterraient vifs leurs petits enfants, à cause de leurs pleurs. Les femmes enceintes y mouraient par frousse. Les infirmes, les vieillards et les malades restés seuls dans les maisons, et d'autres mouraient de faim. Ne prenaient fuite que des bien portants, femmes et enfants, qui pouvaient endurer la marche. Arrivés dans un lieu convenable, ils construisaient des maisons. A leur absence, les Blancs brûlaient leurs maisons et tous les biens. Ils essayaient de sortir de la forêt mais la guerre ne prenait pas fin. Mais lorsque la guerre devenait grave, ils acceptaient de récolter le caoutchouc, celui qui en fournissait de mauvaise qualité était fusillé. A celui qui en fournit de la bonne qualité on ne fait rien.
Les Blancs ont fait sortir les fusiliers de la foret pour les installer à Bongila Watsi-Nkengo, le tout premier poste. Ils harcelaient les gens à fournir le caoutchouc, et la guerre s'aggravait davantage. Ils ont tué beaucoup de gens. Mais ils ont interdit aux Bongila de récolter le caoutchouc. Ils n'ont imposé que la chasse au gibier, et aux femmes de fournir du poisson et des crevettes. Les autres villages toujours astreints à la cueillette du caoutchouc. Là-dessus une circulaire vint de Coq interdisant la récolte du caoutchouc, mais ordonnant la fourniture du copal.
Chaque village avait les gens qui le combattaient. Les Momboyo avaient des gens de Ntange. Les Nkengo avaient la SAB, les Lomela avaient Ikomakoma. Ci-après les noms des Blancs qui étaient venus lors de la compagne du caoutchouc: Njolenjole à Bongila-Watsi-Nkengo, Etale à Watsi-Loonje; Batalatala qui remplaça Njolenjole à Bongila-Watsi-Nkengo. Cette période était appelée par nos ancêtres "Massacre".
Lorsque les tueries prirent fin, les Blancs du caoutchouc étaient remplacés par les Blancs de l'Etat. En voici les noms: Bolabola, Nkoi, Ebolabanga, Bakasi, et leur chef appelé Bafutamingi. Et le caoutchouc prenait fin ainsi, et les Blancs continuaient avec leur oeuvre chez nous.
Un proverbe dit: "On ne construit pas une maison en un seul jour". Au début c'était toujours difficile, mais ensuite nous avons ouvert les yeux, et avons quitté l'ignorance avec l'arrivée des Blancs.
C'en est fini comme ça.

NOTE
Auteur d'une note sur les évolués dans Lokole Lokiso, 1 sept. 1955, p.1.
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BOENDE
440/111-113/ Aeq.12(1991) 544-551
Médard EKONYA, enseignant à Boende (1)

RESUME: La nouvelle de l'arrivée des Blancs et leurs auxiliaires; ils arrêtent quelques gens; combats et occupation de Boende; la faim s'installe; tueries et relégation; pacte d'amitié et caoutchouc, installation de chefs locaux; corvées; l'Etat remplace la SAB; début de la cité de Boende; fin des tueries; fin de l'anthropophagie; recrutement de soldats; des capitas dans tous les villages; corvées de nourriture pendant la guerre 1914; introduction de la monnaie et de l'impôt.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS CHEZ NOUS
1. LES BLANCS DE LA S.A.B.
Avant l'arrivée des Blancs, nos ancêtres vaquaient à leurs occupations. Mais vint un jour où ils apprirent ceci en provenance de Ngombe-Malala et Bosanga: certaines personnes blanches sont accompagnées de nombreux auxiliaires pour arrêter et tuer.
Remontant la rivière, ils rencontrent un des nôtres, Lokwosombo en train de chasser le gibier et ils le tuent, Lokwosombo était originaire de Boondo.
Ils remontèrent encore la rivière mais avant d'atteindre Boende, ils arrêtent Mboyowuto revenant d'inspecter sa clôture de chasse au delà de la rivière. Ils l'emmènent. Ils emmènent aussi Elongambula arrêté en pleine inspection de sa clôture de chasse.
Les informations sur ces méfaits se répandirent à travers toute la contrée. Nos gens décidèrent de leur faire la guerre. Mais les Blancs dirent: Nous ne voulons pas la guerre, venez et commerçons. Les autochtones n'acceptèrent pas cela, mais leur lancèrent des flèches. C'était au port de Itumbe. De là, ils continuèrent la montée, mais cette fois avec l'intention de débarquer et barrer la route aux autochtones, afin de se venger de l'attaque d'il n'y a pas longtemps. Les Blancs utilisèrent des fusils et tuèrent beaucoup de nos vaillants combattants, parmi lesquels Bosongoi. Il y a eu véritable massacre et beaucoup de cadavres des Noirs sont restés sans sépulture. Les survivants se dispersèrent et allèrent se cacher plus loin dans la forêt. Les Blancs continuèrent la montée jusqu'au port de Boende. Ils y débarquèrent et entreprirent immédiatement les travaux de débroussement pour s'y installer. Mais la guerre ne s'arrêtait pas toujours. Ils continuaient à massacrer les autochtones. Beaucoup de cadavres pourrissaient dans la forêt.
Vint alors la disette: les gens ne pouvaient plus aller ni aux champs, ni à la pêche, ni à la chasse. Ils ne se nourrissaient que de fruits. Dispersés partout dans la forêt, les gens ont vu leurs ménages se séparer. On ne savait plus où se trouvaient mari et enfants ou vice versa.
Les Blancs arrivèrent à Baliko, mon village natal et tuèrent 2 de nos patriarches ainsi que 2 femmes, parce qu'ils n'avaient pas pris fuite. Ces patriarches sont: Longangu et Ekof'elenge, et les femmes: Bompato et Bomatsa.
Ceux des nôtres qui ne fournissaient pas de chikwangues étaient relégués chez les Mbole. Vraiment, nous avons beaucoup souffert: beaucoup de gens ont été tués. Je ne peux pas tout raconter ici.
2.·SORTIE DE LA FORET
Lorsque la guerre s'est généralisée, et la famine de plus en plus meurtrière aussi, une certaine Nkwesombo décida d'aller dans son champ cueillir les feuilles du manioc. Là, elle fut arrêtée par Bamutu (le chef des sentinelles de ces Blancs) et ses hommes qui l'emmenèrent chez Lomesu et Ikomakoma (les premiers Blancs).Ces Blancs lui demandèrent: "Où habitez-vous?" Elle répondit: "dans la forêt". Et les Blancs: "Parmi vous là-bas, n'y a-t-il pas quelqu'un d'influent?". La femme répondit: "Nous avons Ekof'Olomba". Là-dessus, elle fut relâchée et rentra en forêt munie d'un morceau d'étoffe et des perles lui donnés par les Blancs. Les gens se rassemblèrent pour contempler ces objets, et elle leur raconta tout ce qui s'était passé.
Le lendemain, Ekof'Olomba prit un bouclier et des lances et alla conclure un pacte d'amitié avec les Blancs. Lemesu, le chef des Blancs, lui dit: "Faites sortir vos gens de la forêt, je n'aime pas la guerre". Les uns en sortirent, les autres non. La forêt qu'ils habitaient s'appelait Ikau. Elle était impénétrable.
3. ORGANISATION DE LA CONTREE ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Après que les gens étaient sortis de la forêt, Lemesu convoqua Ekof'Olomba et lui demanda de lui désigner 2 adjoints. Il institua Ekof'Osongo, chef de Boende et Ekof'omatsa de Baliko, fils de Bomatsa tué par les Blancs. Ekof'Olomba se chargea de Bomputu. Boende, Baliko, Bomputu et Iyonje ne formaient qu'un seul clan Bolangala.
Le Blanc imposa alors la récolte du caoutchouc à tous ce 4 villages. Il dit à Ekof'Olomba: "Vous qui êtes plus proche de moi, je vous charge de m'apporter chaque jour pour mes travailleurs: 20 chikwangues et 20 paquets de poissons par famille".
Il engagea quelques hommes et quelques femmes pour l'entretien du poste. Et le marché se déroulait normalement. Mais comme on continuait à tuer les gens, le marché disparut surtout à Baliko où on avait tué le chef Ekof'Omatsa. Il fut succédé par Ekof'a Loali.
Un jour Lemesu appela Ekof'Olomba et l'informa: "Quelqu'un appelé l'Etat va bientôt venir me remplacer". Et l'Etat vint relayer tous les Blancs de la SAB. Le premier Blanc de l'Etat s'appelait Itambala. Il convoqua Ekof'Olomba et ses adjoints et leur dit: "Maintenant les gens ne seront plus tués, ne reléguez plus personne, ne mangez plus la chair humaine, construisez des maisons, et entretenez vos champs". Itambala appela les gens de partout, et ils agrandirent la cité.
On surprit Ekof'Ontamba et son fils emballant la chair humaine pour la rôtir. L'Etat se fâcha, les arrêta et les jetèrent dans l'eau., Les gens eurent peur, et abandonnèrent l'anthropophagie. L'Etat demanda à Ekof'Olomba de lui donner des soldats. On lui présenta les frères Bompulunga et Nkoliampou. Ce sont nos premiers soldats.
4. LE PAYS S'ORGANISE
Avec l'arrivée de l'Etat, le pays est organisé sur de nouvelles bases. L'Etat convoqua les chefs locaux et leur informa: "Désormais tous les relégués regagneront leurs villages d'origine. Construisez des maisons et cultivez des champs. Je n'aime pas la guerre". Là-dessus, il installa des capitas dans tous les villages.
5. 2e CAMPAGNE DE CAOUTCHOUC
En 1914, lors de la guerre entre l'Allemagne et la Belgique, on incorpora de force dans l'armée beaucoup de militaires et de porteurs. Itambala dit à Ekof'Olomba: "Maintenant vos gens ne récoltent plus de caoutchouc,, mais vous me fournirez régulièrement poissons, viande et chikwangues pour mon personnel, d'autres villages récolteront du caoutchouc. Ces tâches ont été exécutées. La guerre prit fin. La paix revint.
A ces temps-là, là rémunération des chefs était composé de: perles, machettes, mitako et morceaux d'étoffes. Un autre Blanc Kasakasa vint et dit à Ekof'Olomba: "Désormais, terminé les mitako et anneaux de cuivre comme monnaie, le franc sera votre monnaie. Vous l'obtiendrez par votre travail, ou par la vente de vos produits de champs, de poche et de chasse".
Quelque temps après on commença à payer l'impôt: 3 fr. Et de plus en plus, les Blancs devinrent nombreux chez nous.

NOTE
1. Auteur de 2 notes dans Etsiko (utilisation de l'argent) et Lokole Lokiso ( 1 chronique).
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BOENDE
624/271
Joseph EKONYA

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ICI DANS NOTRE CONTREE
Nos ancêtres vivaient jadis sans se rendre compte de l'existence des Blancs. Ils vivaient ainsi plusieurs années, lorsque les Blancs sont venus y chercher une concession habitable. Là-dessus nos ancêtres décidaient de leur faire la guerre. C'étaient les Blancs de la SAB. Lors du combat, les Blancs ont pris le dessus, et les Noirs se réfugiaient dans la forêt. Les Blancs continuaient leur voyage en aval amenant beaucoup de captifs. Ils venaient comme ça plusieurs fois. La dernière fois, ils arrêtaient une femme appelée Nkwesomo. Le Blanc qui est venu créer un poste ici chez nous, nous l'appelions Lemesu. Et ce Blanc demanda à la femme: "Ici chez vous, est-ce qu'il n'y a pas d'homme"? Et la femme de répondre: " Il existe chez nous un notable appelé Ekof'Olomba. Et le Blanc enchaîna: "Va l'appeler, qu'il vienne signer un accord de paix". La femme alla l'appeler. L'homme vint signer un accord de paix et la guerre prenait fin. Et tous les autres sortaient de la forêt pour faire la paix. Dès lors les Blancs sont venus nombreux s'installer dans notre contrée Ntomb'a Nkolo, et y ont créé
une grande ville appelée Boende. Nous mêmes, nous appelons notre contrée "Teli". Chez nous, on n'a pas récolté le caoutchouc.
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BOENDE
408/32-33
Dominique MBOYO, E.P.A. Boende

RESUME: Le Blanc Ikooka arrive, mais ne s'y installa pas. La SAB le suit. Elle fait la guerre, et l'Etat vient interdire la guerre. Exactions lors du caoutchouc sous la SAB.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Chers amis, je m'impose le devoir de vous raconter l'arrivée des Blancs dans notre contrée ici à Boende.
Nous vaquions à nos occupations lorsque survint un Blanc à bord de son petit bateau. Nous avons cru qu'il s'agissait d'une pirogue qui portait une maison. Nous y avons remarqué un Blanc à bord. Nous lui avons lancé des flèches. Il nous a dit: "moi je ne suis pas venu pour la guerre". Puis il nous dit qu'il se nommait Ikooka. Ce Blanc n'est pas descendu du bateau et a continué son chemin en amont.
Après lui arriva le Blanc de la SAB. Il s'appelait Lemesu. Bongenda, et Lemesu sont les premiers Blancs de la SAB. Bongenda était capitaine. Un autre Blanc, Bomboko, était affecté à Ngombe-Malala. Ikomakoma vint ensuite. Ikomakoma et Lemesu résidaient ici à Boende. Ces deux nous ont fait la guerre. Quelques temps après, un Blanc de l'Etat, Itambala, arriva. Il nous interdit la guerre.

TEXTE:
LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Lemesu ordonna aux gens de récolter le caoutchouc. Ils s'y opposèrent. Les Blancs se fichèrent et les tuèrent encore une fois. Ils décidèrent enfin d'accepter la récolte du caoutchouc. Sinon, c'est l'extermination. La récolte du caoutchouc était exclusive aux terriens. Les riverains fournissaient du poisson, et des chikwangues. On échangeait du caoutchouc contre perles, mitako, pièces d'étoffes, du sel aussi. C'est ce modus vivendi qui nous régissait. On avait conclu un pacte d'amitié. Par la suite, on devenait leurs travailleurs. Jusqu'à présent on vit en paix avec eux.
Chers amis, lorsque les enfants, les jeunes gens et même quelques vieux disent: "Lofembe, le Blanc, avait jadis combattu nos ancêtres", eh bien ceux qui racontent cela mentent tout simplement. Des mensonges purs et simples. A son arrivée chez nous, Lofembe était comme un garçon de 12 à 13 ans. Avez-vous bien compris, vous autres?
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LOFOMA (Chefferie)
448/127
Joseph BAKAA, élève à l'école primaire adulte Lofoma, Boende

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Le premier Blanc qui nous a imposé le caoutchouc fut Boweya. Nos ancêtres l'appelaient aussi Bokukulu. Il venait de la rivière Luwo. Nos ancêtres le fuyaient et avaient déserté la région entre la Luwo et la Luafa. Ils se réfugiaient jusque Afie (1) Wema. Il nous a poursuivis jusque là. Les ancêtres décidèrent de ne plus fuir, mais de récolter le caoutchouc.
Le chef que les Blancs avaient institué chez nous fut Inonga Is'ek'Ompefe, du village Djembo, chefferie Lofoma. Comme il avait remarqué que beaucoup de gens mouraient par balles, Inonga demanda aux Blancs de signer un traité de paix.
Les Blancs suivants avaient acheté du caoutchouc: Longange, Bafutamingi, et Kasakasa. Leurs soldats étaient: Ikakoma, Isongo et Eten'akata. Après le caoutchouc, le Blanc qui a instauré l'impôt était Iketekelenge. Dès lors on vit bien, et on continue à vivre bien avec tous les Blancs qui viennent.

NOTE
1. Afie = A Vieux Wema
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YALOSOY (Chefferie Ekula, Territoire Bokungu)
433/97
MONITEUR CATECHISTE

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Moi, j'ai demandé aux vieux de Yalosoy et ils m'ont dit que les premiers Blancs venus chez nous à cause de la récolte du caoutchouc étaient les suivants.
D'abord Longange. Celui-ci tira un coup de fusil en l'air. Le coup parvint à arracher une branche de l'arbre Piptadenia africana. La branche tomba dans la parcelle où résidaient les Boita ou les Kasaïens. Pris de panique, ils durent déguerpir nuitamment. Ce Blanc, on l'appelait de différents noms: Longange par les uns, et Is'ek'Imuka Par les autres. Il imposa le caoutchouc aux gens.
Deuxièmement, ce fut Bongenge, un Blanc de la Compagnie. Il était venu acheter des pointes d'ivoires et des flèches.
Troisièmement, ce fut Longwangwa, un Blanc de l'Etat. Les chefs noirs de l'époque furent: Lotende, Bokombola, et Yala Lolemba. C'est à ce moment que Yalosoy, chefferie Ekula, vivait sur les bords de la Luwo. Un autre Blanc arriva aussi, à la recherche d'éléphants. C'est fini.
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YALOKENGE-LIONDO
642/302
Mathias BOMBILE

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Lorsque nous habitions encore les bords de la Luo, le premier événement auquel on a été confronté fut l'irruption des Boita. Mais on ne s'est pas battu avec eux, et ils ont continué leur chemin un peu partout. Puis deux chefs Nsimba et Lingomo arrivaient. On s'est battu abondamment, et ils ont pris fuite.
Nous vivions entre nous lorsqu'arriva la SAB. Le chef de la SAB, Longange arriva. Un autre en était Njoku. Après Njoku, le Blanc Wesele et d'autres Blancs arrivèrent. Ils nous imposaient le caoutchouc sous la surveillance de trois soldats: Ilola, Bokombola et Booto. On a récolté le caoutchouc 5 fois, sur les bords de la Luo. Peu après nous déménagions pour la Tshuapa. C'est là que, quelques temps après, on connut l'Etat. Et le Commandant Longangoya nous imposa le caoutchouc. Il était accompagné d'un autre Blanc qu'on appelait Boomandeke. Il continua à nous imposer le caoutchouc. Finalement l'Etat nous en interdit la récolte. Terminé.
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BONDOMBE/Topoke
631/282-284
Gustave ESANELO, enseignant (1)

RESUME: Anthropophagie et cruautés des Topoke et voisins; l'invasion des Arabes; le caoutchouc pour les Arabisés; traite des esclaves et résistance des Topoke; les Blancs succèdent. Les Topoke résistent; Lifeta prend un Blanc en esclavage; les Blancs de Kisangani viennent le libérer et les Topoke se soumettent; le caoutchouc et tueries; les Topoke tuent un capita et 13 soldats pour venger leur patriarche; les Topoke émigrent vers les Bongando, repoussent les Bambole et les Boyela; Longwango (Blanc) envoie Bonina (soldat) en reconnaissance: le patriarche Lobe fait la paix avec le Blanc; imposition de la corvée de la chasse; les Topoke comme capita et soldats du caoutchouc; les Topoke s'installent définitivement chez les Mpangu et les Mome.

TEXTE:
Les Topoke habitaient les bords de la Lomami, propriété de Balembe et de Yifulu. Ils observaient leurs bonnes et mauvaises coutumes. Ils ne se nourrissaient que de pensées belliqueuses. Aussi avaient-ils fabriqué des boucliers pour se défendre. Ils se combattaient entre familles. Ils se combattaient avec cruauté et sans raison. Ils se nourrissaient de la chair humaine comme du gibier. Ils étaient installés sur la terre de Lomami avec cruauté. Leurs patriarches étaient: Lifeta à Balembe, Lobe et Lifoalina à Yifulu.
1. BOITAKONGI = BATAMBATAMBA
Ils vaquaient à leurs occupations lorsque les Arabes/ Arabisés les envahirent. Ils étaient venus d'abord de l'Est, du côté de Singitini et de Kisangani. Ils étaient perfides et très faux. Ils s'étaient affrontés aux Topoke. Ensuite ils dirent: "Il vaut mieux que nous signions un armistice avec vous. Nous ne voulons plus la guerre". Et les Topoke étaient d'accord. Et les Arabes/Arabisés répliquaient: "Nous vous imposons une corvée: récolter le caoutchouc, planter des arachides et des haricots". Les Topoke l'acceptèrent. Ils entamèrent la récolte du caoutchouc.
Les Arabes/Arabisés avaient mal agi: ils arrêtaient des gens et les vendaient comme esclaves. Les Topoke en étaient fâchés, abandonnèrent la corvée (leur imposé par des Arabes/Arabisés) et combattirent les Arabes/Arabisés. Ils (les Topoké) tuèrent le chef des Arabes/Arabisés appelé Lokombe-Lokulu. On leur ravi 11 fusils. Et les Arabes/ Arabisés de dire: "Topoké, vous n'acceptez pas notre travail, et nous partons. Après nous, vous verrez d'autres gens qui nous surpassent, ceux que vous et nous ne pouvons supporter vont venir. Et les Arabes/Arabisés partirent pour toujours. Ils ne sont plus revenus chez les Topoké.
2. ARRIVEE DES PREMIERS BLANCS
Les Balembe étaient sur les bords de la Lomami, là où habitait l'intrépide Lifeta-Libalembe. Tout-à-coup Lifeta vit certaines personnes remonter la Lomami. Ils accostèrent à Balembe chez Lifeta. Aux soldats et aux hommes qui étaient arrivés chez lui Lifeta demanda: "D'où venez vous? Pourquoi êtes vous venus?". Mais les Soldats lui donnèrent des réponses qui ne convenaient pas. Cela surchauffa le moral de Lifeta. Il demanda: "chers compatriotes Balembe, que pouvons-nous faire avec ces gens?" Les Balembe répondirent: "Que nous luttions contre eux. Cela ne fera rien s'ils nous tuent comme leurs prédécesseurs. D'ailleurs ces derniers nous ont fuis". Mais ce Blanc n'avait pas l'intention de faire la guerre. Il était venu seulement pour mettre fin à leurs guerres intestines, et faire régner l'ordre et la paix. Car les Arabes/Arabisés sont allés rapporter ceci au Blanc: "il existe là-bas un peuple appelé Topoké. Ils tuent les gens et les mangent". Les Topoké, très méchants, n'acceptaient pas ces propositions et se battirent avec ces Blancs et soldats. Ils avaient tué beaucoup de soldats. Lifeta avait tué 2 Blancs. Il prit un autre Blanc et lui tailla des tatouages sur le visage, il l'habilla des haillons de raphia et l'enduit du fard rouge sur la tête. Il resta avec lui comme un esclave. Après cela ce Blanc prit un morceau de feuille de bananier, y écrit des mots qu'il remit à un de ces gardes en lui disant: Sauve-toi, va avec ceci donner au Blanc à Kisangani". Ayant vu (la lettre), on prépara la guerre avec de nombreux soldats et deux Blancs de la SAB. Ils se battirent avec Lifeta. Ils avaient maltraité beaucoup de Topoké. Ils avaient arrêté Lifeta et l'emprisonnèrent. Ils construisirent leurs maisons solides à Balembe. Ils avaient exterminé les Topoké. Ils se dirent: "Ce n'est pas comme ça. Il convient de signer l'armistice comme nous l'avons fait avec les Arabes/Arabisés; nous ne voulons plus la guerre". Ils vont chez le Blanc et lui disent: "Lokele senesene, lokele senesene.".Et le Blanc demanda à ses soldats ce que signifiait Lokele senesene. Les soldats le lui expliquent: "Cela signifie qu'ils ne souhaitent plus de guerre avec vous. Donnez leur n'importe quel travail qu'ils le fassent pour vous.
3. RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Le Blanc appela les Topoké et leur demanda: "Que voulez-vous? De deux choses l'une: ou bien la guerre ou bien la corvée?". Les Topoké répondirent: "Nous ne souhaitons plus la guerre. Donnez nous seulement du travail à exécuter pour vous" que voulez-vous, vous autres? Le Blanc entra dans la maisonnette en fit sortir une boule de caoutchouc, qu'il leur montra en disant: "Connaissez-vous cette chose-ci"? Ils répondirent: "C'est du caoutchouc". Et le Blanc d'ordonner: "Il convient que vous récoltiez du caoutchouc. Si quelqu'un désobéit par dérision, il sera pendu". Et voilà les Topoké qui récoltaient le caoutchouc. Ils furent atrocement maltraités, le Blanc tuait ceux qui n'en remplissaient pas les paniers.
Le Blanc engagea un premier Noir appelé Bosoo qu'il envoya avec 14 autres soldats pour la récolte du caoutchouc dans leurs propres villages. Arrivée là-bas, Bosoo déclara: "C'est moi qui avais tué votre patriarche nommé Behululu". C'est le frère cadet du patriarche Lobe. Et Lobe pique la mouche. Il rassembla tous les notables et juges en délibération secrète. Ils décidèrent de tuer Bosoo. On le séduisit le lendemain matin, on l'arrêta, lui et 13 soldats, et on le tua. Un soldat fut pris en otage. Ils récupérèrent 15 fusils, et avec les 11 pris des Arabes/Arabisés, cela faisait 26 fusils. Disposant ainsi de 26 fusils, ils cherchèrent où s'enfuir. Ils émigrèrent vers l'Equateur, repoussant les Bambole, les Boyela et les Bongando; ils atteignirent la contrée des Mpangu, sur la Loile.
Ils maltraitent beaucoup les Mpangu. C'était au moment où le Commandant Longwango était à Mondombe. Les Mpangu vont se plaindre à Mondombe auprès du Commandant Longwango: "Nous sommes exterminés. Il y a chez nous des envahisseurs appelés Topoké, alias Balukuluku, qui nous exterminent par abondance". Longwango prit son soldat appelé Bonina et l'envoya voir ces gens-là.
A l'arrivée du soldat Bonina chez eux, on se battit avec lui. Il rentra informer Longwango en disant: "Ces gens existent réellement, ils sont très méchants. Je me suis battu avec eux comme avec des Blancs. Ils disposent de fusils". Et le Commandant décida d'aller leur faire la guerre.
Chemin faisant, ils rencontrent une femme Topoké, et l'arrêtent. Cette femme ravit le fusil d'un soldat et tua un boy du Commandant Longwango. S'avançant un peu, ils rencontrent encore une femme; ils l'arrêtèrent. Lorsque le patriarche Lobe apprit qu'on avait arrêté sa fille, il alla faire la paix avec le Commandant Longwango. Commandant Longwango leur demanda: "D'où venez-vous"?. Ils répondirent: "Nous venons du côté de Lomami". Et le Commandant: "Alors pourquoi êtes-vous arrivés ici "? Ils répondent: "Nous sommes arrivés ici parce que fuyant le travail du caoutchouc". Et le Commandant: "Vous ne savez pas que la guerre a déjà pris fin. Les gens ne s'entre-tuent plus, pourquoi tuez-vous des gens?. Maintenant, il n'y a plus de guerre, seulement la campagne du caoutchouc. Mais je ne vous imposerai pas la récolte du caoutchouc, car vous avec déserté le caoutchouc de votre village. Votre corvée c'est chasser du gibier. D'autres villages s'occuperont du caoutchouc.
Il prit quelques jeunes gens Topoké et les soldats, et les affectèrent dans les villages Mpangu, Liondo et Moma pour surveiller le travail du caoutchouc.
A la fin du travail du caoutchouc, il ordonna: que les soldats Topoké viennent, le travail du caoutchouc est terminé. Depuis lors les Topoké sont restés sur la Tshuapa, parmi les Mpangu et les Moma dans le territoire d'Ikela.
Si vous remarquez le silence, c'est que j'ai enjambé un arbre couché.

NOTE
1. Auteur de 2 articles dans Etsiko (1953 et 1954) et 3 dans Lokole Lokiso (1955 et 1957) sur: les femmes, le mariage, la fécondité chez les Topoké, la question foncière.
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MUKANDA (Mondombe, Ikela)
405/20-23
Louis BONINA

RESUME: Un mangeur de mangues (noir/blanc?) vient faire la guerre; invasion des fourmis, puis des Arabisés qui prennent fuite. Guerre avec les hommes des Blancs Bompona et Bolemba. Les Kasaïens qui n'ont rien fait; Longwango arrive avec les Blancs de l'Etat et expulsent les Kasaïens, créent des postes et imposent le caoutchouc contre rétribution. Mort du commis de Longwango noyé, en même temps que sa femme. Un Blanc tue un autre à cause d'une femme. Copal, argent, impôt. La femme du Blanc Lokusama, première femme européenne à Mondombe.

TEXTE:
1. Boliamanga était venu ici pour la guerre. Il ne se nourrissait que de mangues et de bananes. Voilà pourquoi on l'avait surnommé Boliamanga, manger de mangues.
2. Après Boliamanga survint l'invasion des fourmis qui attaquaient tout le monde. Les fourmis se sont réfugiées dans les champs. Mais lorsqu'on a brûlé ces champs, les fourmis ont pris fuite, et on a retrouvé le salut.
3. L'invasion des Arabes (arabisés)
Après l'invasion des fourmis, on a vécu quelques temps en paix. Survint alors les Arabes. Ils se sont installés à Baloko, près de Bokombe. Ensuite, ils traversèrent la rivière pour combattre les Ngombe qui ne les supportaient pas. De retour ils prirent la pirogue pour venir se battre avec nous les Mukanda et les Mondombe. Au milieu de la rivière, leur pirogue heurte un obstacle et chavire, noyant ainsi 5 hommes. C'étaient 5 fusiliers. La guerre ne pouvait plus arriver chez nous. Ils allèrent combattre du côté de la Lomami.
4. Après les Arabes, arriva Ikengo y'Atuli. Lui ne combattait personne. Il ne s'occupait que de son commerce. Il achetait la résine de l'essence Symphonie, les fruits de l'Afromomum, et les tiges du Costus. C'était un Blanc. Il n'a pas voulu s'installer, il est rentré à Coquilhatville.
5. Bompona et Bolemba sont venus après Ikengo y'Atuli. Ils étaient venus échanger des perles, les bracelets de cuivre, et d'autres valeurs contre les esclaves et des chiens. Cette première fois-ci il n'y a pas eu de guerre
6. Une autre fois, ils reviennent, mais remontent la rivière. Ils rencontrent un Mondombe nommé Nkake en train de chasser du gibier. Ils l'arrêtèrent et l'embarquent dans leur pirogue. Plus loin, ils rencontrent Is'Otefa en train de chasser aussi. Ils lui ordonnent: "Viens dans notre pirogue". Is'Otefa répond: "D'accord, mais allez-y, précédez-moi, vous êtes presque arrivés au village suivant. Je vous suis immédiatement". Un homme nommé Itongo monte dans la pirogue d'Is'Otefa, et prend sa lance. Is'Otefa dit à Nkake: "Allez dire à mon père Is'Olongo qu'un membre de l'équipage de Bompona et Bolemba a pris ma lance. A leur arrivée au village, ils rencontrent Bokanda et Mondombe dans une maison servant d'atelier. Cette maison appartenait à Bosomba, Bokanda et Mondombe. Itongo sort la lance qu'il a ravie à Is'Otefa. Il le fixe devant la porte de la maison de Bosomba. Isolongo reconnut sa lance, en disant:."n'est-ce pas ma lance?" Ayant entendu cela, Itongo eut peur et prit la fuite. Ce que faisant il heurta une pierre qui se trouvait devant la porte, et se blessa à la tête. Il courut se plaindre chez son capita Itofe en disant: "Bokanda et Mondombe m'ont blessé". Là-dessus le Capita Itofe déclara la guerre. Ils ont tué nos 2 notables: Tolakiekonda et Is'a Yange. Bokanda et Mondombe en revanche ont tué 20 de leurs hommes et en ont fait 10 prisonniers. Voyant cela, Bompona et Bolemba prirent la fuite.
7. Bompona et Bolemba reviennent une troisième fois encore. Cette fois-ci, ils ne sont revenus que pour libérer leurs gens que nous avons arrêtés. Ils nous ont apporté des perles, des bracelets et du cuivre. En contrepartie nous leur avons remis leurs hommes, que nous avons arrêtés.
8. Vinrent les Kasaïens. A l'arrivée des Kasaïens, ils n'ont pas fait la guerre aux Bokanda ni aux Mondombe. Ils se sont battus plutôt avec les gens d'en haut.
Ici chez nous les Kasaïens n'ont rien fait.
9. Trois Blancs sont venus après les Kasaïens:Commandant Longwango, Commandant Pulu et un autre Blanc Iketekelenge,.leur serviteur Pulu et le serviteur rentrèrent à Coq. Longwango resta. A l'arrivée du Blanc, tout le monde fuyait. Ceux des nôtres qui ont été les premiers à contacter le Blanc sont: Is'Olongo, Bakulaki,' Mokanda et Is'Afoki. Ces deux derniers ont cédé au Blanc un lopin de terre. Commandant Longwango a accompli une oeuvre de titan. Il a combattu les autochtones, créé des stations, érigé des postes, expulsé les Kasaïens. Les contrées où un poste a été érigé sont: Mondombe, Moma, Yofofe, Ikela, Yakolo, Iyanga, Bokungu. Là on récoltait le caoutchouc. Au poste de Moma, il affecta un Blanc surnommé Lonkonga. A Yofofe, Isweswe; à Ikela, Menya; à Yokolo, Commandant compagnie; à Bokungu, Mosalampamba; à Iyanga, Itoko. Dans toutes ces stations on ne fait que récolter le caoutchouc. Chacun devait remplir son panier, sinon on le tue. Celui qui remplit son panier est rétribué en laitons, vêtements et sel. Commandant Longwango avait travaillé dur. Il avait vendu certains autochtones, et en avait tué d'autres par balles.
10.
Un autre Blanc Boomandeke est venu succéder à Longwango. Son commis résidait à Yofofe. Itoko était affecté à Moma et Lonkonga à Iyanga; Isangyatokolo à Yokolo et Matiti à Bokungu. Bomandeke avait la même occupation que Longwango: la récolte du caoutchouc. Yema, c'est le Blanc commis de Longwango.
Un jour, Longwango envoya son commis en tourné à Yofole. Nous voguions sur une pirogue. A Loka, nous avons passé 2 nuits. De retour, nous avons perçu un essaim de guêpes. Et c'est moi-même Botema Joseph qui commandait les pagayeurs. J'ai dit au Blanc.: "Faisons passer la pirogue à gauche". Il s'y opposa 3 fois malgré mon insistance. Il s'empara de son fusil et tira sur l'essaim. Ces insectes tombèrent sur la pirogue qui chavira. Le Blanc et sa femme se noyèrent. Sa femme nommée Ekila était originaire de Mbelo. Deux jours plus tard, les cadavres du Blanc et de sa femme furent repêchés. Moi, Botema Joseph je décidai de ne pas enterrer le Blanc ici dans la forêt. On le transféra à Mondombe chez son chef où il fut enterré. Mais la femme fut enterrée où son corps a été retrouvé.
11. Bafutamingi vint remplacer Bomandeke. Ils s'occupait du caoutchouc et des plantations.
12. Mbasi vint succéder à Bafutamingi. Mbasi ne s'occupait que du caoutchouc. Mbasi affecta Itoko et Bafutamingi à Yokolo. Les deux Blancs aimaient une même femme nommée Lokose Josephine. Un jour les deux Blancs se battaient à cause de cette femme. Bafutamingi prit un fusil et tira à bout portant sur Itoko qui en mourut. Il fut enterré à Yokolo.
13. Njoku vint remplacer Mbasi. Il dit: "L'échange du caoutchouc contre les laiton prend fin. Une autre unité monétaire appelée franc sera bientôt en vigueur. Que tout le monde récolte plutôt le copal, des noix palmistes, et fabrique l'huile de palme. On sera astreint l'impôt. On a commencé à s'acquitter moyennant
3 francs. L'application de ce devoir ne s'est pas opéré au temps de Njoku.
14. Lokoka vint remplacer Njoku. Il ne s'occupait que de faire payer l'impôt, créer de nouvelles stations en y construisant de belles et grandes maisons. En ce temps, nous commencions à nous sentir heureux, car on ne s'entre-tuait plus. Même l'Etat ne tuait plus personne.
15. Itoko vint succéder à Lokoka. 1 Son travail, c'est faire tisser des fils du raphia et faire récolter copal et noix de palme. Chaque contrée avait son chef médaillé.
16. Lieutenant Lonkonga vint remplacer Itoko. Il inspectait des postes en voyageant sur son cheval, et achetait copal, noix palmiste et fils de raphia.
17. Lokusama succède à Lonkonga. Il ne s'occupait que du commerce. Il était venu avec sa femme européenne. C'est la première Européenne à Mondombe.
18. Ekumbakula vint remplacer Lokusama. Boloma vint révoquer tous les chefs médaillés, à l'exception d'un seul représentant la lignée aînée. Tel est le récit que m'a raconté mon père Botema Joseph.

NOTE
1. Auteur de 2 articles dans Lokole Lokiso sur Mondombe et sur un fait divers en 1955.
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MONDOMBE (Yalo Lenge)
641/301
Emmanuel BANTAFE

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC A YALOKENGE
Depuis que nos ancêtres vivaient à Yalokenge, nous et les Arabes Batambatamba, on ne se connaissait pas. A vrai dire, on les a vue seulement lors de la guerre entre eux et nous. Leurs deux chefs étaient: Simba et Lingomo. Après eux, nous apprenions, des informations concernant la SAB. Au départ, on a vu deux Blancs Longange et Njoku. Après eux, ce fut le Blanc Misseureur. Ces Blancs nous demandaient: "Vous ne voulez pas du travail"? "Et nous de répondre: "Quel travail donc?". Ils enchaînent: "Du caoutchouc". Ce sont des policiers Ilole Bokombola et Booto qui ont été chargés de nous en tenir informés. Et on récoltait des boulettes de caoutchouc sur ordre des Blancs. Puis on quitta les bords de la rivière Luo pour nous installer sur les bords de la Tshuapa. Nous y avons trouvé l'Etat. Nous ne supportions pas l'Etat, mais plus tard l'Etat ordonna la fin dés guerres et l'avènement de la justice. Le Blanc Longwango nous imposa la corvée du caoutchouc. Puis le Blanc Kitoko nous imposa.: des noix de palme, les fibres du stipe, et du raphia. Depuis lors on vit en paix.
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MONDOMBE. 406/24-27
Pierre LONGOMO, moniteur. K.G. Mondombe

RESUME: Les guerres intestines, un Blanc, les Arabisés. Guerre contre les Blancs, mais auparavant contre les Kasaïens arabisés. L'Etat instaure un ordre nouveau et crée des postes. (argent, vêtement, religion).

TEXTE:
1. Chez nous les Ngombe, (Mondombe), d'abord ici à Luafa.
2. Un Bokutsu vient, nous trouve et nous fait la guerre à nous Mbala, Boende, Lokindola. Ils nous fuites et remontèrent la rivière.
3. Un autre Bokutsu nommé Ekuka arrive. Nous nous sommes battus avec lui. Ekuka se lassa de moi Ngombe. Après vinrent Itene et Ngonda. On s'est battu un peu, et c'était fini. Ils repartirent.
4. Les Mbelo arrivent, suivis dés Iyanga, des Bonkanja, des Baono-Itale.
5. Ensuite tous les Bosaka arrivèrent, suivis des Ngelewa, des Monje, des Yafe, des Nkole, des Basek'Etulu, des Lofoma.
6. Sur ces entrefaites, arriva un Blanc que nous appelions Ikengo y'Atuli. Il remonta la rivière et ordonna que nous lui cherchions du bois de chauffage.
7. Les Batambatamba viennent
a).Bantele vient et s'installe à Bokombe, et descend la Lwafa.
b)Nsimba s'installe sur les bords de la Lofoli, du côté de Luo.
8. Le Blanc revient, et les Batambatamba prennent fuite. Le Blanc abat pour nous un hippopotame, et en distribue des portions. Il descend ensuite en aval.
9. Ce Blanc, nous l'avons surnommé Ikengo y'Atsuli.
10. Après, il y a eu bataille entre ce Blanc et les Yalosaka. Il y eut 2 victimes. Mais de toutes les façons, ce sont les Yalosaka qui ont été le plus méchants; ce n'était pas le Blanc.
11. Ensuite survint Bompona avec la guerre. Il a tué deux personnes parmi nous, mais nous avons tué un de ses hommes. Ils se réfugièrent à la Luo.
12. Et les Kasaï arrivèrent aussi. Leur chef Kingombe-Boina Ngongo (1) étaient restés à Lusambo. Ils avaient tué de gens ailleurs, mais pas chez nous, car 3 Blancs s'y étaient installés. il S'agit:
13. Du Commissaire Mpulo, du Capitaine Longwango et de Sikotsi. Ils avaient accosté d'abord à Bokungu (Iwali), Puis ils arrivèrent ici. Ils rencontrèrent quelqu'un qui s'appelait Bokungu et lui disent qu'ils vont d'abord à Mondombe et n'en reviendraient que plus tard. Ils y arrivèrent avec beaucoup de soldats. Les Mondombe perdurent les vrombissements du bateau et se sauvèrent. Le bateau accosta à Botsuna. Deux personnes vinrent à la rencontre des Blancs. C'étaient:
14. Yambe, originaire Mbelo, et Itoko, originaire de Yanga. Le Blanc leur demanda: "Quels hommes êtes-vous?" "Nous, les Mondombe". "Et alors qui est votre notable et propriétaire de ce beach?". Ils répondirent: "Is'Olongo". Il arriva au bateau accompagné d'un autre patriarche celui de Mbelo, appelé Bokasola. Le Blanc les questionna: "Où sont les gens?". Is'Olongo répondit: "Ils ont fui les Kasaïens, et les voilà qui vous fuient aussi. Les Kasaïens ont tué beaucoup de gens. Ils ne viendront chez vous qu'à condition de signer un traité de paix". Le Blanc répondit: "D'abord, appelez tout le monde Je vous affecterai un Blanc, et un autre ira à Mbelo où réside le chef des Kasaïens. Compris?". Là-dessus, le Capitaine Longwango resta à Mondombe et Sikotsi continua avec le bateau jusqu'à Mbelo. A son arrivé là, il arrêta Kingombe-Wina. Après avoir mangé, le Blanc constata que Kingombe-Wina avait pris fuite. Le Blanc ordonna sa recherche. On le chercha 8 jours sans jamais le retrouver. Puis on rentra chez Sikotsi lui en faire rapport.
Le Commissaire retourna à Coq'ville. Le Capitaine resta avec Isongo et de nombreuses autres personnes, ainsi que de poules et de nombreux esclaves à Bokungu. Il affecta des soldats aux villages suivants: Liondo, Ngombe, Mpango, Boondo. Les Ikela et les Moma apportaient le nécessaire pour le travail. Les soldats allaient recruter la jeunesse à Bokone. D'autres soldats allaient vers Liondo et Bosondongo faire récolter le caoutchouc et amasser la chikwangue. A Mpango chez le chef Lisumbu et à Ngombe chez le chef Nkolo, on fait récolter le caoutchouc aussi. On avait rencontré un Blanc à Bokungu, nommé Bafutamingi. Bomandeke et Iketekelenge étaient à Mondombe. Donc 3 Blancs à Mondombe. Un autre Blanc répondant au nom de Kitoko arriva, et fut affecté à Moma. Lonkonga était à Yokolo. Il avait fait la guerre avec les Yokolo, et 3 de ses soldats furent tués. Chez les Topoké, on tuait des soldats la nuit. Une femme Topoké avait tué le boy de Longwango. Le Capitaine Ndeke alla combattre les Mondje-Yafe. Il eut beaucoup de morts. Sikotsi qui était en guerre avec les Mbelo perdit 3 soldats nommés Loombe, Bokako et Yakuma. Le Blanc, malade n'avait pas pris part à l'opération. Le Blanc Njoku partit pour Mondje Yafe et arrêta le chef Lokofo. Là-dessus la guerre prit fin. On lui ravit les fusils qu'il avait récupérés, et on l'amena en prison à Mondombe.
Au cours d'une guerre à Ngombe-Boendo, Kasakasa fut blessé par lance. Il y eut beaucoup de morts. Les soldats avaient pris fuite, et le sergent fut rétrogradé.
Il y avait aussi une guerre à Bonkone, provoquée par le caporal Lonola. Il y eut 2 morts, et de nombreux blessés parmi les soldats.
Arrivèrent la SAB ou Bokukulu, avec de l'argent appelé "franc". Elle fut suivie par Fesikome, Tolokome, et Equatoriale(2). Désormais on vivait en paix avec ces Blancs et les autres de l'administration. Finies les guerres. Le catéchiste arrive après la SAB, mais rentra à Mondomba.
La suite chronologique des Postes: Mondombe, Mbelo, Bokungu, Moma (chef Bokualonga), Yokolo, Ikela, Yanga, Yolombo, Lokofe, Besomba, Nkone, Ebulukutu, Isanga. Toutes les palabres étaient jugées à Mondombe. Comment se fait-il que maintenant, nous sommes en arrière, alors que c'est à partir de chez nous qu'on allait créer des postes des Blancs? L'Etat fut interpellé dans ce sens.
Ce que je viens d'écrire m'a été rapporté par le notable Lompoko André, catéchiste à la mission de Mondombe. Il avait vu et entendu tout cela dans sa jeunesse.

NOTES
1. S'agit-il de Ngongo Leteta, le célèbre négrier au service des Arabes?
2. Sociétés commerciales.

MONDOMBE
629/280
Jean LOKWA, boy-maçon

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS, ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Le Blanc qui est venu le premier à Nkole fut Wesele. Ses travailleurs étaient: Lotende, Bokombola et Ilole. Peu après, on entendait de la rivière comme le bruit d'un grand vent qui précède la pluie. Ils se demandaient: "Que peut-ce être?" Les uns et les autres disaient: "C'est une cuisine qui passe sur la rivière"?. Cette cuisine, c'est un bateau. Toutes les femmes qui étaient à la pêche rentraient chez elles. On ne pouvait plus continuer à pêcher. Les devins du villages disaient: "Il est interdit à quiconque d'aller à la rivière. Une cuisine y est passée."
Lorsqu'on ne connaissait pas encore du sel dans notre pays, les gens disaient: "Wesele nous a empoisonnés, car nous n'avons jamais vu une chose pareille. Râpez vos langues pour que vous vous sauviez".
Il y a une différence entre les anciens caoutchouc et les actuels caoutchouc. Jadis des boulettes étaient placées dans un panier, tandis que de grosses boules dans 2 paniers, ou 3 ou même 4. Lors de l'achat, si on cite le nom de quelqu'un, celui-là est fusillé. Après le marché on donnait du sel, des perles, des cauries, des morceaux d'étoffes, en guise de rétribution. Tel est le début de la première récolte du caoutchouc.
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MONDOMBE
630/281
Vital NDOLO Ikoko Yotsina, moniteur, Mondombe

RESUME: Longwango arrive et chasse les Boita. Il impose le caoutchouc, introduit l'argent; les vêtements comme rétributions. Avant la SAB ne faisait que tuer. L'Etat pacifie le pays et les missionnaires arrivent. En même temps l'impôt.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Le premier Blanc qui est venu sur notre terre fut le Commandant Longwango. Nos ancêtres avaient collé au bateau le nom de "lonkuka". A ce moment le Commandant Longwango était à la poursuite des Boit'ai-lengwa. Les Boita disaient: "Les Nkole, vous ne nous avez pas supportés, vous ne supporterez pas non plus les Blancs". Les Boita sont rentrés chez eux avec beaucoup de captifs. Et Longwango disait: "Je vous ai sauvés de l'esclavage des Arabisés, il convient que vous récoltiez du caoutchouc". Ils récoltaient du caoutchouc en boulettes et le lui envoyaient. Il leur payait avec des morceaux d'étoffes, des vêtements et des mitakos fabriqués de cuivre ou de fer. A cette époque nos ancêtres ne connaissaient pas les vêtements des Blancs. Ils s'habillaient de peaux de bêtes et de haillons de raphia. Les Blancs qui avaient imposé le caoutchouc étaient: la SAB, Lontende, Bokombola et Wesele. A cette époque, on tuait tout le village dont le caoutchouc avait un poids inférieur à celui exigé ou dont le caoutchouc était de mauvaise qualité. Beaucoup de gens sont morts lors de la campagne du caoutchouc. C'était une guerre meurtrière. Cette guerre était surnommée "tuerie". Les Blancs les tuaient à cause du caoutchouc et eux-mêmes s'entre-tuaient à coup de lances et de flèches. Ils se mangeaient comme des bêtes. C'était une époque très malheureuse chez nous. Lorsqu'on voyait un Blanc porter une caisse, on pensait que la malle contenait des gens qu'il avait tués. Alors que ce n'était qu'une malle Sans plus.
Après le caoutchouc, les Blancs de l'Etat arrivaient. L'Etat disait: '"cessez de vous entre-tuer. Laissez-moi trancher vos palabres. Enlever des peaux de bêtes et des haillons de raphia. Habillez-vous de nos vêtements". Les corvées de l'Etat étaient: le copal, des noix palmistes et des fibres de raphia. Dès lors on avait de l'argent et on commençait à payer l'impôt. on payait l'impôt d'abord avec 2 fr. Les Belges arrivèrent, les assassinats prenaient fin et on vivait en paix avec l'Etat. On recevait aussi les prédications de Dieu, et jusqu'à présent la paix s'est accrue sur notre terre.
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MONDOMBE
421/73
Pierre Louis IKOKO

RESUME: La SAB arrive, puis les Blancs de l'Etat; caoutchouc; sarclage des herbes; fourniture de poisson.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS
Le Blanc qui était venu le premier, c'est Bokukulu. Nous ne savions pas à cette époque qu'il s'agissait d'une société des Blancs. Et on nous dit: "entre la guerre et le marché, que préférez-vous"? Nous y avons répondu: "Nous préférons le marché". Cela a donné lieu plus tard à des inimitiés terribles.
Un Blanc venu par après fut le Commandant Mpulo. Nous l'avons conduit à Mondombe. Nous y avons abordé le notable Nkum'Otondo à qui nous avons laissé le Blanc. Quelques temps après, Monsieur Kitoko vint nous imposer le caoutchouc. Cette corvée avait entraîné beaucoup de morts. Nous sommes allés récolter ce caoutchouc au-delà de Lolaka, très loin. Ensuite Longwango arriva. Le premier bateau qui a accosté chez nous appartenait à la SAB. C'était un tout petit bateau.
Vous (les Blancs) et nous, sommes de même mère et de même père. La peau et la langue seulement nous différencient.
La première corvée qui nous fut imposée fut le sarclage des herbes. Comme rémunération: des sacs vides, et des coupe-coupe. Nous avons ensuite fourni beaucoup de poissons.
Les Bakutu sont nés après nous les Bokote et les Mondombe. Ils furent suivis par les Nkole. La tâche qui nous a été imposée fut le copal. Les Kasaïens ne sont jamais arrivés chez nous. Les Lalia Ngolu non plus.
Père, si vous percevez un silence, c'est qu'il n'y a Plus de son (1)

NOTE
1. Formule de finale.
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MONDOMBE
627/274-276
Henri Bonina, enseignant (1)

RESUME: Arrivée des Arabes après Lofembe, après les Kasaiens; premier bateau et 3 Blancs; 2 personnes rencontrent les Blancs; le patriarche arrive, on ne se comprend pas; le sel en cadeaux; Longwango reste à Bondombe; Sicot à Yalola; ils arrêtent le chef des Kasai, une belle maison des kasaïens; Comm. Paul à Bokungu; caoutchouc et nourriture; dépeuplement; recrutement sur place, nouveaux postes à Yokolo; Bokungu; Moma; Ikela; Yolombo.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS A BONDOMBE ET LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Ceux qui nous ont d'abord trouvés dans mon village Mondombe étaient des Arabes, autrement appelés Batambatamba. Après eux, nous avons combattu Lofembe. Ensuite les kasaïens nous envahirent. Quelques temps après, nos gens se réfugièrent quelque part par peur de ces guerres. Tout-à-coup, ils entendirent un bruit qui ressemblait à une tempête précédant la pluie. Ils en étaient saisis de peur. Ils s'étonnaient et se demandaient: "Qu'est-ce que c'est?". Ils pensaient que la fin du monde était imminente.
Là-dessus, les uns prirent de pagaies, montèrent sur des pirogues et prirent la fuite. Les autres se dispersèrent en se précipitant dans la forêt. Quelques temps après, regardant sur la rivière, ils virent comme une grande maison flottant sur l'eau. Ils se demandaient: "Cette chose-là, c'est quoi? Quel est son nom?". Ils discernent la marche du bateau et les bruits qui en sortent avec tous les travaux qui s'y déroulent comme à la forge. Puis ils le surnomment "Batuli l'okuka". Les autres le surnomment "Ikengo y'atuli". Le bateau s'approcha du beach, les gens y virent 3 Blancs et une centaine de soldats.
Lorsqu'ils eurent remarqué cela, ils ne purent se contenir à regarder dans le bateau, tellement la couleur de la peau des Blancs les impressionnait. Et le peu de gens restés au village se dispersa. Après leur fuite, deux hommes seulement étaient restés. Il s'agit de Yambe et de Itoko.
Et le bateau accosta. Les Blancs appelaient ces 2 hommes par des signes pour qu'ils entrent en contacts mais ces 2 hommes ne comprenaient rien. Ils voulaient même s'enfuir, mais ils prirent leur courage en main et entrèrent dans le bateau. Les Blancs leur serrèrent la main, mais eux fermèrent leur jeux par l'autre main par extrême peur. Ces Blancs leur demandèrent: "De quel village êtes-vous?" Ils répondirent: "Notre village c'est Mondombe". Et les Blancs de demander encore:" Quel est le nom du patriarche de Mondombe"? On lui répondit: "Is'Olongo-Boyenga". Et les Blancs demandent encore "Où habite-t-il"? Et ces jeunes gens de répondre: "Il habite la source d'une rivière appelée Belondo". Ils ordonnent: "Allez chercher le patriarche, qu'il vienne". Et Ils partirent chercher le patriarche.
Il arriva avec ses deux jeunes gens. On lui présenta les Blancs et le patriarche monta au bateau. Ils voulaient causer mais ils ne se comprenaient pas, c'était comme un dialogue des sourds. Ils ne se communiquaient que par des signes.
Le patriarche battit le tam-tam et convoqua les gens. Ils vinrent avec des oeufs et des poules. Le patriarche les offrit aux Blancs. Les Blancs prirent des cigarettes et les leur offrirent. Ils sortirent du sel. Et on le refusa chez nous. On répondit: "Nous ne voulons pas de ces grains". Un blanc fit goûter un grains (de sel) au patriarche. L'ayant goûté, il dit: "Ces grains ont un bon goût". Ils disent: "Le nom, c'est le sel". Les Blancs et les soldats leur dirent: "Son nom, c'est le sel". Après le sel, il leur donna les vêtements des Blancs. Ils commencèrent alors à se débarrasser de leur frousse.
Les Blancs leur demandent: "Pourquoi avez-vous pris la fuite à notre arrivée"? Le patriarche répondit: "Ce n'est pas pour rien que nous avons pris fuite, nous avons eu peur, car un peuple a fait irruption chez nous et a exterminé mes gens à coup de fusil". Et le Blanc de demander: "Quel est le nom de ces gens"? Ils répondent: "Batetela, Kasai; ils sont domiciliés de l'autre côté de la rivière.
Les 3 premiers Blancs qui sont venus nous initier à la civilisation en nous ouvrant les yeux par la vision du bateau, de la cigarette, du sel et des vêtements. sont: le Capitaine Longwango, le Commissaire Paul et Sicot. Ils sont venus d'abord pour développer notre contrée de Mondombe. Après quelques jours, ils se séparent: le Capitaine Longwango resta définitivement à Mondombe. on alla laisser Monsieur Sicot dans un village appelé Yalola. Il était accompagné d'une partie de soldats. Il partit. A son arrivée, on l'informa: "Le chef de Kasai qui est venu avec la guerre est dans un village appelé Mbelo. Il le poursuivit jusque là pour l'arrêter et le ramener en prison à Mondombe.
Lorsque l'information arriva chez le chef de Kasai il demanda à ses hommes de prendre la fuite, pour qu'il reste seul, et soit arrêté lui-même. Il ne prit jamais fuite. Les soldats l'arrêtèrent et l'enfermèrent à clé dans une maison. Le lendemain on le transféra à Mondombe en prison. Le matin, après avoir ouvert la porte, on remarqua que l'homme s'en était évadé. Le Blanc ordonna aux soldats de poursuivre ce gaillard, mais on ne l'arrêta pas. Le Blanc ne cessait de contempler la maison dans laquelle était domicilié le chef de Kasai. Il paraît que cette maison était très belle.
Monsieur le Commissaire Paul descendit la rivière avec d'autres soldats. Il arriva à Bokungu, et dit ceci au Patriarche qui était là: "Maintenant, un Blanc n'est pas encore venu. Je vous laisse seulement un sergent pour assumer l'intérim du Blanc. Il sera relevé de ses fonctions à l'arrivée d'un Blanc". C'est le Capitaine Longwango qui allait à Bokungu.
LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Un peu plus tard, au retour du Commissaire Paul de ce voyage, il écrivit au Capitaine Longwango l'enjoignant de commencer la corvée du caoutchouc. Capitaine réunit tout le monde à Mondombe; il leur ordonna de récolter le caoutchouc. Il répartit des tâches: il désigna les hommes de l'amont pour le caoutchouc, et il nous en fit exemption. Il disait: "Vous, les Mondombe, vous êtes riverains. Il ne convient pas que vous récoltiez le caoutchouc. Vous ne nous fournirez que du poisson pour des soldats". On choisit certains pour conduire les Blancs par pirogues à Yokolo, car la route n'était pas tout-à-fait praticable. En pirogue vers Yokolo ou Moma, on met 4 à 5 jours. Les autres avec le Blanc, descendaient la rivière distribuer des tâches, c.à.d. à Boende. Au retour, on était épuisé par la faim. A la période du caoutchouc, C'était un dépeuplement absolu. Si, pendant que tout le monde est dans la forêt à la récolte du caoutchouc, les soldats trouvent un jeune homme assis au village, on doit le tuer à coup de fusil ou à coup de bâton. On recruta même quelques-uns parmi les Mondombe pour accompagner les soldats afin de combattre les peuples qui voulaient opposer la résistance. Tous les villages proches de Mondombe y apportaient le caoutchouc. Excepté Yokolo, car les Mondombe y allaient par pirogue chercher le caoutchouc.
A l'arrivée des Blancs, leur premier poste, c'est Mondombe. Ensuite ils fondèrent un poste à Mbelo. Après, ils fondèrent Bokungu, puis Moma. Le tout dernier poste créé par eux, c'est Ikele, l'actuel territoire. Enfin, Yokolo, qui est un poste.
A Yokolo, il y a eu une grande guerre entre les soldats et les indigènes, guerre au cours de laquelle les soldats Lisase et Lomamangoi moururent. A ce moment, le Blanc et les soldats habitaient seulement Mondombe, mais de là, ils parcouraient d'autres contrées. Au cours d'un de ces voyages ils fondèrent un poste à Iyanga-Eula. Ensuite ils supprimaient Iyanga-Eula et Mbelo et fondèrent une station à Yolombo encore importante actuellement.
Ici chez nous à Mondombe, c'était un territoire laissé par les Blancs qui étaient venus les premiers. On transféra le territoire à Ikela parce qu'ils ont remarqué que les Mondombe étaient dociles aux lois de l'Etat. Jusque maintenant Mondombe est resté un poste.
A la mort du patriarche Is'Olongo, on le remplaça par son fils Is'Otefa. Il était devenu comme un chef-secteur de tout Mondombe.
On a fondé notre poste de Mondombe en 1902. Maintenant il est devenu très ancien. Des origines à nos jours, Mondombe est situé au même emplacement hérité des ancêtres.
Lorsque les gens fuyaient la guerre de Lofembe, c'est nous les riverains Mondombe qui les avions fait traverser la rivière. C'est nous qui leur avons donné du feu.
Puissent tous les hommes rendre grâces à Dieu avec un élan de juste charité du fait que les Blancs ont mis de l'ordre dans notre pays Congo, en ceci que les guerres et toutes les difficultés ont pris fin à jamais.

NOTE
Auteur, en collaboration avec A. Longomo, d'une chronique sur Mondombe, dans Lokole Lokiso du 15 mars 1955, p.6 et 8.
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TOPOKE
628/277279
Alphonse BASSAY, moniteur M.C. Mondombe

RESUME: Les Topoké ont d'abord été envahis par des Arabisés Batambatamba à qui ils ont ravi 15 fusils, sous les chefs Lifeta à Bolembe et Lobe à Yifulu. Un bateau à bord duquel se trouvaient des Blancs et des soldats accosta chez Lifeta à Balembe. Guerre: des morts de part et d'autres. Un Blanc est fait prisonnier par Lifeta. Deux autres ont été tués. Représailles et libération du Blanc à partir des renforts en provenance de Kisangani. Lifeta arrêté et le Blancs résiste, mais se soumet et accepte la corvée du caoutchouc. Guerre entre sentinelles et les Topoké. Accord de paix, fin caoutchouc et corvée du gibier.

TEXTE

ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC CHEZ, LES TOPOKE
I. Les Topoké vivaient dans leur terroir sur les bords de la Lomami. Ils avaient leurs notables répartis comme suit: Lifeta à Bolembe, Lobe à Yifulu et Bolombe à Bosaa. Ils étaient surpris par la guerre des Arabisés Batambatamba ou Boitakongi. Ils venaient d'où se lève le soleil, à l'Est, du côté de Singitini et de Kisangani. Ils se battaient avec les Topoké. Il y avait de nombreuses victimes de part et d'autre. Quelques-uns de Topoké étaient fait esclaves et amenés à Kisangani. Les Topoké leur avait ravi 15 fusils. S'étant rendu compte qu'on leur avait ravi des fusils, ils rebroussèrent chemin nuitamment vers Kisangani. Ils disaient: "Vous, les Topoke, vous ne voulez pas signer un accord de paix avec nous, ça ne fait rien, on verra. Quelqu'un viendra après nous, c'est la S.A.B. alias Yambuya ou Bokukulu". Et ils rentraient chez eux en toute hâte.
II. Arrivée des premiers Blancs. Les Balembe habitaient au bord de la rivière Lomami. C'est là qu'habitait le notable Lifeta. Tout d'un coup, ils voyaient des gens remontant la Lomami accoster à Balembe, chez Lifeta. Et Lifeta interrogea les soldats: "D'où venez vous?" Mais les soldats ont donné une mauvaise réponse à Lifeta. La fureur saisit Lifete qui s'en référa à ses compatriotes: "Compatriotes Balembe, que ferons-nous de ces gens?" Les Balembe répondirent: "Nous allons nous battre avec eux. Tant pis s'ils nous exterminent comme firent leurs amis Batambatamba. D'ailleurs ils nous ont finalement fuis". Mais ce Blanc n'avait pas des desseins belliqueux. Il était venu plutôt pacifier la contrée. Car les Arabisés avaient informé ceci aux Blancs: "Il existe certaines personnes là-bas, appelées Topoke. Ce sont des gens très méchants. Ils tuent les gens, et les mangent ensuite".
Les Topoke ne voulaient pas se conformer à la volonté du Blanc et livraient une guerre aux Blancs et aux soldats. Ils avaient tué beaucoup de soldats. Lifeta qui en était le notable, tua deux Blancs. Un troisième Blanc fut fait prisonnier. Il tailla des tatouages sur sa figure, le fit habiller d'un morceaux d'étoffe en raphia, l'enduit du fard rouge sur la tête. Il était sous son autorité pendant un bon nombre de jours. Puis le Blanc prit une feuille de bananier, y écrit quelques mots et la confia à un des soldats qui était prisonnier comme lui: "Prends-la et va la remettre aux Blancs du côté de Kisangani". Le soldat prit la missive et la donna aux Blancs à Kisangani. Etant informés du contenu de la missive, les Blancs allèrent en expédition guerrière contre Lifeta et les siens. Ces Blancs étaient agents de la SAB. Ils avaient tué un bon nombre de gens. Il y avait beaucoup de misères. Lifeta fut arrêté et fait prisonnier. Puis ils construisaient une habitation pour eux à Bolembe sur la terre de Lifeta. De là, ils firent des incursions guerrières dans tout le pays Topoke. Ils en étaient vraiment décimés.
Et un autre Blanc du nom de Ikela arriva à Yifulu où était Lifoalina alias Lobe. Il combattit les Lokele, et les Lokele se battaient contre lui comme ils s'étaient battu contre les Batambatamba, avec autant de bravoure. Finalement ils en devenaient exténués. Ils décidaient alors de faire la paix. Ils se rendirent auprès du Blanc et déclarèrent être prêt à exécuter n'importe quelle corvée.
III. Récolté du caoutchouc. Le Blanc Ikela convoqua les Topoke et s'adressa à eux en ces termes: "Que voulez-vous? la guerre ou la corvée?" Les Topoke répondirent: "Imposez-nous une corvée, nous ne voulons plus de guerre. Le Blanc sortit de sa maison une boulette de caoutchouc et la leur présentant en demandant: "Connaissez-vous cette chose-ci?" Et ils répondaient: "C'est du caoutchouc". Et le Blanc de conclure: "C'est bien. Allez récolter du caoutchouc. Mais celui qui refuse de le faire ou qui ne le fait pas bien, sera tué sans plus". Dès lors les Topoke récoltaient le caoutchouc. Chaque fois que le panier d'un village n'est pas rempli de caoutchouc, le Blanc tue une personne de ce village. A cause de ces assassinats, les Topoke devenaient furieux. Le Blanc envoya son soldat noir, le plus gradé, appelé Bosoo, dans tous les villages Topoke avec l'ordre suivant: "Allez avec quelques soldats y surveiller la corvée telle qu'elle est exécutée là-bas". Arrivée là-bas, Bosoo est allé au delà de son ordre de mission. Il parlait sans cesse des souffrances qu'avaient endurées les Topoke. Un jour il dit publiquement et en face de Lobe: "C'est moi qui tua Bekululu". C'est le frère cadet de Lobe tué par ces gens. Lobe devint furieux et convoqua un conseil des patriarches et notables du village. Ils décidèrent de tuer Bosoo.
Le lendemain matin, ils sont allés à l'appel pour commencer le travail. ils l'arrêtèrent et le tuèrent. Ces compagnons subissaient aussi le même mort. Ils leur ravirent 11 fusils et remirent un au Blanc. Ils en étaient restés avec 10. Ayant en tête l'idée qu'ils détenaient 25 fusils, ils étaient hantés par l'idée de combattre, et allaient partout à la recherche de la guerre. Ils atteignirent l'Equateur, par les eaux de la Loile, sur la terre de Mpangu. ' Et ils y rencontrèrent le Commandant Longwango. Les Mpangu se battaient avec eux, mais ne les supportaient pas. Ils allèrent dire au Blanc: 'Certaines personnes sont arrivées, très fortes à la guerre. Le Blanc demanda à son soldat Bonina d'aller voir ces gens. Bonina les trouva et ils le combattirent. Bonina retourna en faire le rapport au Blanc. Allant se battre avec eux, le Commandant Longwango croisa en chemin une femme appelée Bibono. C'était une femme Topoke. Cette femme prit le fusil d'un soldat, et tua le boy de ce Blanc. Mais elle fut tuée immédiatement. Avançant un peu plus loin, ils croisèrent une autre femme. Celle-ci était la fille du notable Lobe.
Apprenant que sa fille avait été arrêtée, Lobe sortit pour signer un accord de paix avec le Blanc. Le Blanc lui demanda: "Qui êtes-vous? Il répondit: "Je suis le père de cet enfant que vous avez arrête. Je sors pour me soumettre et faire la paix. Je ne veux plus de guerre". Et le Blanc d'enchaîner., "Où sont les Topoke?". Il répondit: "Ils sont restés. Je suis venu moi-même qui suis courageux". Et le Blanc demanda: "Où sont-ils?" Il répondit: "Ils sont restés dans la forêt". Le Blanc ordonna: "Allez les appeler". Ils s'y présentaient devant lui. Le Blanc leur demanda: "D'où venez-vous?" Ils répondirent: "Nous venons de la Lomami. Nous sommes en train de nous échapper de la corvée du caoutchouc et de la guerre". Le Blanc dit: "Maintenant la guerre a pris fin, et vous ne serez plus astreints au caoutchouc. Désormais votre corvée sera la fourniture du gibier". Dès lors, ils chassaient du gibier et l'apportaient au Blanc. Tel est l'essentiel sur l'arrivée des Blancs chez nous.
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IKELA
638/297-98
Joseph YAMBE, greffier

RESUME: Premiers Blancs venus de Mondombe; Longwango après deux Blancs; Longwango chasse les Topoke et les Batambatamba; organisation de chefferies; le caoutchouc; activités des sentinelles; Longwango chez les Boyongo et Bondo.

TEXTE
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
1) A Ikela, voici comment les Blancs sont arrivés pour la première fois dans les chefferies: Ene, Boketsi, Ikolomwa, Sondjo, dans le secteur d'Ikela. Les Blancs sont d'abord arrivés dans le pays de Mondombe. Après leur arrivée à Mondombe, ils naviguaient sur la Tshuapa et arrivèrent au secteur d'Ikela. Ils ont habité la rive gauche, chez leur chef, celui-là qu'ils avaient institué en premier lieu, Matela. Les indigènes avaient surnommé les premiers Blancs Mongonjo et Ikomaki. Après ces 2 Blancs, celui qui avait séjourné longtemps, c'est le Commandant Longwango. Il avait plus que les autres entrepris beaucoup de travaux, c'est lui qui avait trouvé les étrangers comme Batambatamba (Ngonyo) et Topoke. C'étaient des guerriers. Ils avaient tué beaucoup d'autochtones, et les autochtones les avaient tués nombreux aussi.
Ayant vu cela, le commandant Longwango les a renvoyés à leurs villages. Commandant Longwango est resté seulement avec 4 Batambatamba. Leurs noms sont: Ikembenanga; Lembalemba, Boleko et Lofataki. Commandant Longwango les avaient désignés pour inspecter les villages.
Les autochtones étaient dans l'ignorance. Ayant constaté cela, le Commandant Longwango renforça son autorité. Il institua alors les chefs des autochtones dans ces 4 chefferies, avec des adjoints et des capitas.
2) Commandant Longwango donna de nombreuses instructions. Le travail le plus ardu, c'était le caoutchouc. Les uns n'en étaient pas d'accord. Les autres le récoltaient. Certaines personnes se réfugièrent dans d'autres contrées. Le Commandant Longwango imposa cette corvée à tout le territoire. Les autochtones ne purent se réfugier chez les voisins. Commandant Longwango se fit adjoindre d'autres Blancs pour ses travaux. Ces 4 hommes parcouraient le villages pour contrôler la quantité et la qualité du caoutchouc et en rapportaient au Commandant Longwango. Ensuite le Commandant Longwango les convoqua avec le caoutchouc. En apportant le caoutchouc, les gens étaient rétribués par des vêtements, du sel, des assiettes, et des coupe-coupes. Ceux qui n'avaient pas récolté la quantité exigée, le Commandant Longwango les mettaient en prison. Lorsque les autres ont remarqué cela, ils s'efforçaient de leur mieux pour en récolter assez. On pesait le caoutchouc à la rive gauche de la Tshuapa.
Le Commandant Longwango révoqua les Batambatamba qu'il avait engagés, mais n'en resta qu'avec un seul nommé Lofataki. Ce Lofataki était mort à Ikela.
Le Commandant Longwango alla travailler encore dans les secteurs Boyongo et Bondo, notamment à Moma-Yosila. L'autre Blanc qui était resté avec nous c'est Isweswe. Le Commandant Longwango avait érigé beaucoup de postes. Et il avait des Blancs à la tête de tous ces postes pour les corvées. Les autochtones n'avaient pas abandonné la corvée du caoutchouc. Ils récoltaient le caoutchouc deux fois par mois.
Au départ du Commandant Longwango, d'autres Blancs lui succédèrent à sa fonction. Les autochtones devenaient un peu plus malins et abandonnèrent des guerres. Maintenant, les gens du secteur d'Ikela sont bien à l'aise.
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IKELA
637/294-296
Jean-Marie ELANGA, facteur des postes à Ikela

RESUME: La SAB arrive et rentre. Guerres intestines, puis avec les Ngongafamba (Bahamba?) apparentés aux Batetela, esclavagistes., à cause du caoutchouc. Les Blancs de l'Etat arrivent; pacification, argent; impôt.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Les autochtones habitaient encore, sur les bords de la Luafa lorsqu'arrivèrent les Blancs. Les premiers Blancs sont arrivés par bateau. Ce bateau était appelé "lokuka" par les villageois. Ces premiers Blancs étaient agents de la SAB. Ils étaient venus pour le commerce. Ils achetaient des pointes d'ivoires contre des perles, des machettes et des couteaux. Ces Blancs qu'on croyait être des albinos étaient surnommés Ikengo y'Esapangunda.
Ces Blancs sont rentrés chez eux parce que les villageois leur livraient des combats tous les jours. Les Blancs n'étaient pas d'accord pour se battre, et retournèrent chez eux. Les autochtones quittaient les bords de la rivière et allaient fonder un autre emplacement. Ce nouveau village s'appelait Bofombo. Ils y vivaient lorsque survint un homme armé de fusil et qui disait explorer toute la terre. C'était un Blanc de l'Etat qui s'appelait Batele. Il continua ainsi ses explorations ailleurs.
Les autochtones se battaient aussi entr'eux. Les nôtres se sont battus avec les Ngongafamba qu'ils tuèrent en grand nombre. Ils en ont fait prisonniers certains. Après cela, c'est la récolte du caoutchouc.
II. RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Après la guerre entre les autochtones et les Ngongafamba, vint la récolte du caoutchouc. Fuyant nos compatriotes, les Ngongafamba sont allés rapporter ceci aux kasaïens: "Venez, vous qui avez des fusils combattre ces gens qui nous ont décimés". Les Kasaïens sont arrivés venger leurs frères tombés lors des combats. D'abord, les Kasaïens disaient: "Autochtones, donnez-nous un emplacement pour construire des maisons". Les villageois répondirent: "Nous ne pouvons pas vous donner un emplacement pour construire des maisons, car vous venez pour la guerre. Il convient que nous nous battions". Les autochtones se battaient avec eux, mais les Kasaïens leur dirent: "nous ne voulons pas la guerre, il convient que vous nous octroyez une concession pour construire des maisons, puis nous allons vous initier à la récolte du caoutchouc. Les autochtones accédèrent à leur demande et leur donnèrent un endroit pour construire des maisons. Ils ont fait valoir deux rangées où ils ont construit leurs maisons. Puis ils invitèrent les villageois pour les initier à la récolte du caoutchouc. Ils allèrent dans la forêt ensemble et leur montraient des lianes caoutchoutières. ils étaient devenus de grands amis. Ils s'échangeaient continuellement des visites. Et les autochtones maîtrisèrent bien cette corvée grâce à l'initiation des Kasaïens.
Quelques temps après, les Kasaïens disaient aux villageois: "Nous vous avons initié à ce travail de caoutchouc. La rétribution que nous vous exigeons est que vous exécutiez ce travail pour nous. Nous, on y travaillera plus". Les villageois répondaient: "Ça ne fait rien". Et ils exécutaient le travail. Les Kasaïens se comportaient comme s'ils étaient devenus leurs chefs. Ils interdisaient à quiconque de rester dans sa maison. Tous devaient aller travailler.
Un certain jour, pendant que les villageois s'étaient rendus au travail, Bolohe, le chef des Kasaïens ordonna à ses hommes d'inspecter toutes les maisons. Quiconque s'y trouvait, devait être fusillé. Lors des perquisitions, ils ont trouvé un patriarche chez lui, n'étant pas allé au travail. Ils fusillèrent ce patriarche comme ordonné par leur chef. Revenus du travail, les autochtones ont trouvé leur patriarche gisant à terre, tué à coup de fusil. Les autochtones en devenaient furieux, puis ils combattirent les Kasaïens. On incendia leurs maisons à minuit, et beaucoup de Kasaïens en moururent. Les villageois avaient mené un grand combat. Il y avait des morts et des prisonniers de part et d'autre. Les Kasaïens avaient légèrement le dessus sur les autochtones à cause des fusils. Jusqu'à présent, la guerre entre les autochtones et les Kasaïens est restée dans la mémoire collective, et les rancunes sont vivaces.

III. ARRIVEE DES BLANCS ET INTERDICTION DES GUERRES POUR PACIFIER LE PAYS
Un Blanc revint de nouveau à bord d'un bateau. Il s'installa d'abord à Bondombe. Lorsque les villageois apprirent que le Blanc était arrivé à Bondombe, ils déléguèrent un émissaire pour dire ceci au Blanc: "Il est bon que vous arriviez chez nous, car la vie est intenable à cause des guerres". L'émissaire s'appelait Lokong'Omboli. Ce Blanc surnommé Etumbalombo. Après avoir pris connaissance de l'information, le Blanc et l'émissaire se rendirent sur les lieux et firent confrontés à la guerre contre les Kasaiens. Le Blanc demanda la cause de la guerre. Ils répondaient: "A cause de la corvée du caoutchouc". Le Blanc voulait s'enquérir plus, et on lui en raconta toutes les péripéties. Le Blanc ordonna aux soldats de faire retourner les Kasaïens chez eux. Et ils y retournèrent définitivement.
Le Blanc convoqua la population et leur dit: "Désormais plus de guerre. C'est la pacification au pays tout entier. Moi-même, je vous demanderai du caoutchouc que j'achète rai avec des perles, des haches, des machettes et des laitons de cuivres". Les villageois étaient d'accord avec les déclarations du Blanc et ses soldats travaillaient bien. Les villageois continuaient à récolter le caoutchouc contre cette rétribution. Le Blanc institua des chefs parmi eux-mêmes, notamment: Bakindoloko, Lokongomboli, Tombo et Lokitela. Le Blanc Etumbalombe partit et fut remplacé par le Blanc Yema. Il n'a pas atteint son poste, car décédé en chemin. Un autre Blanc, Lokonga, y fut affecté. C'est lui qui créait successivement les postes suivants d'Ikela: d'abord Mondombe, ensuite Ikela, et enfin Yolombo. Puis des compagnies s'installaient pour la récolte du caoutchouc. C'est FORESCOM qui arriva la première. Elle avait des postes à Yalusaka avec le Blanc Bafutamingi, et à Mbelo avec Ikotakelenge. Ils achetaient du caoutchouc qu'ils entreposaient à Mondombe avant leur expédition en aval.
Avec l'arrivée des Blancs des Compagnies, le Blanc Lokonga dit aux villageois: "Il est bon que les Blancs vous donnent de l'argent pour le travail que vous exécutez. Avec cet argent vous payerez l'impôt pour l'Etat". On leur donna de l'argent et ils payaient l'impôt, d'abord à 3 fr. Dès lors, l'introduction de l'argent et la profusion des services jusqu'à présent.
C'est fini. Telles sont les choses marquantes dans la chefferie Mongando, territoire Ikela.
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MONIEKA
681/F.H 50 635
Pierre BOSELA (1)

RESUME: Le Blanc Ikoka y arrive le premier. Les villageois s'enfuient mais Ikoka parvient à les convaincre de ses bonnes intentions en leur distribuant des perles. La première station est créée à Lokumo. La SAB s'y installe. Imposition du caoutchouc, tueries. Les Noirs sont envoyés de la mission protestante de Bolenge pour annoncer l'évangile. Les missionnaires catholiques aussi. L'Etat et ses réalisations.

TEXTE
1. ARRIVEE DES BLANCS
A leur arrivée dans nos contrées, les Blancs firent d'abord connaissance des Elinga, car nos ancêtres habitaient près des cours d'eau, or c'est par cette voie que les Blancs sont venus, et continuent à venir jusqu'au moment où j'écris ce récit. Le premier Blanc est venu à bord d'un petit bateau que nous appelons aujourd'hui canot.
Et comme nos gens n'avaient pas encore vu un Blanc, à la vue du premier Blanc, ils se sont enfuis. Un courageux s'approcha de lui pour le regarder de plus près. Le premier Blanc qui arriva fut surnommé Ikoka par les autochtones. Ikoka, ayant remarqué que les villageois s'éloignaient de lui, inventa un appât. Il répandit des perles et les cauris. Quelques gens vinrent se jeter sur ces objets. Ikoka agissait ainsi pour quérir la collaboration des Elinga. Les gens n'eurent plus peur de lui, mais sortirent en sonnant le tam-tam pour appeler les autres à venir voir cet albinos. Ikoka tailla bavette avec les Elinga. Comment Ikoka comprenait la langue des Elinga? Nous ne le savons pas exactement, mais nous pensons qu'il l'avait apprise par des groupes Elinga restés en aval. Ikoka naviguait à bord de son bateau avec une seule personne, originaire de Boloki, qui était comme son guide.
La première station que Ikoka créa sur les bords de la Busira fut Lokumo, que nous appelons aujourd'hui SAB/ Busira. Après avoir érigé ce poste, Ikoka rentra chez lui. Puis il revint avec d'autres Blancs qui s'installèrent à Lokumo. A ce temps là, on connaissait pas le nom SAB, mais Bokukulu. Bokukulu, c'est la première compagnie qui s'installa chez nous, à Busira. Cette compagnie est installé là où les Mbiliankamba et les Bonsela se sont battus il y a longtemps.
2. LA RECOLTE DU caoutchouc
A son arrivée chez nous, la SAB s'intéressa surtout au caoutchouc. Ils étaient venus avec beaucoup de fusils. Les Blancs de la SAB recrutaient beaucoup de jeunes gens Elinga pour faire récolter le caoutchouc. Ils étaient des capitas qui exigeaient le caoutchouc de n'importe qui. Chaque capita et ses adjoints allaient faire récolter le caoutchouc selon l'ordre reçu. D'abord, les Blancs demandèrent aux Bonsela comment on récoltait le caoutchouc. A quoi les Bonsela répondirent: "Nous ne savons pas comment le faire, car depuis longtemps nos ancêtres ne faisaient que la pêche pour échanger du poisson contre ce dont ils avaient besoin".
Les Blancs de la SAB ordonnèrent ceci aux capitas: "Si les gens n'apportent pas beaucoup de caoutchouc, tirez en l'air; ils en auront peur et apporteront beaucoup de caoutchouc". Mais ils répliquèrent: "C'est bien, mais si nous tuons une per sonne, le reste apportera plus de caoutchouc que maintenant". Après quoi, les Blancs de la SAB leur donnèrent l'autorisation de tuer beaucoup de gens sans raison. Beaucoup de gens, Nkundo, Mbole, Nsongo et autres d'autres tribus, étaient tués lors de cette corvée, et ce fut de l'extermination.
Mon père fut Capita en Chef qui commandait plusieurs autres capitas à la campagne du caoutchouc. Mon père faisait récolter dans les villages suivants: sur la Lomela: Ekoliosongo, Iyanga y'anko et d'autres villages moins importants de cette rivière. Puis le Capitas en Chef fut affecté pour créer la station de Bomputu et y faire récolter le caoutchouc.
Mon père me dit que cette corvée a entraîné la mort de beaucoup de gens. Car s'il n'y a pas de caoutchouc, une guerre s'en suit. Les Blancs n'ont tué personne de Bonsela lors du caoutchouc.
Les Blancs se sont battus contre les Monieka à cause de ce qui suit. Quelqu'un du village Likunj'Eale dit à un Blanc de la SAB: "Ecoutez, les Nkundo n'apportent plus le caoutchouc à cause des Monieka qui les en ont empochés". Ayant appris cela, les Blancs vinrent combattre les Monieka. Et les Monieka leur en fournirent des explications, et on ne se battait plus.

NOTE
1. Dans une introduction à ce récit, l'auteur déclare être moniteur à la mission protestante de Bolenge, et pense être né en 1911. En 1935-36, il a signé trois articles dans Ekim'ea Nsango, articles concernant l'école du dimanche, la mission de Bolenge et les ordres de l'état.
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1.4. LA SALONGA

INTRODUCTION
Les groupes mongo qui occupent l'espace aux abords de la Salonga appartiennent, sur la rive droite à une ancienne souche: les Mbole, et sur l'autre rive, on trouve les Eleku (à l'embouchure); et dans le Haut: un groupe des Booli. Les rives mêmes sont peu habitables.
C'est A. Delcommune (1889) et L. Thierry (1893) qui nous ont livré les premières descriptions des habitants des berges de la Salonga. Bomputu et Watsi-Nkengo étaient les plus anciens établissements de la SAB.

BIBLIOGRAPHIE
1890 DELCOMMUNE A., Le Mouvement Géographique, 1890, p.108
1892. Idem, Le Congo Illustré, 1892, p.196-199; 205-206
1894. THIERRY L., L'exploration du Ruki, le Mouvement Géographique, 1894, p.2
1895. Delcommune A., Le Mouvement Géographique, 1895, p.318-320
1922. Idem, Vingt années de vie africaine. Récits de voyages d'aventures et d'explorations au Congo Belge, 2 vol., Bruxelles, 1922
1958. BOELAERT E., Les premières explorations du Ruki et ses affluents, Aequatoria, 21 (1958) 129-130
1982. HULSTAERT G., La découverte de la Salonga, A.Aeq. 3 (1982) 181-185
1986. SULZMANN E., Quellen zur Geschichte und Socialstruktur des Mbole und Imoma (Mainzer Ethn. Arbeiten 7), D. Reimer, Berlin, 1986
1988 VINCK H., Le nom authentique de la Salonga, A.Aeq. 9 (1988) 277-278 CARTE GEOGRAPHIQUE (Archives Aequatoria n°34) Delobbe Leemans, 1930, échelle 1/400.000

NKUSE
463/148
Anonyme

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Le premier Blanc à Nkuse fut Ikoka. Celui, qui signa un pacte d'amitié avec lui, fut Botsangomo. A leur arrivée, les Blancs nous imposaient d'abord du poisson, ensuite du copal. Même les Elinga exécutaient cette corvée. De prime abord, nous n'avons pas récolté du caoutchouc. D'abord, c'étaient seulement du poisson et ensuite du copal. Telles sont les corvées que nos ancêtres exécutaient.
Après le départ d'Ikoka, le Blanc, qui était venu, fut Nkoi. Tel est le récit d'après nos arrières grand-parents.
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BESEFE
422a/75
Jean ITAATA, moniteur à Bomputu

RESUME: Les 2 premiers Blancs ne demandent pas du caoutchouc; le 3è le demande; les villageois se révoltent grâce à Ikakota. Les Blancs maîtrisent de nouveau la situation; fuite dans la forêt; pacte d'amitié; corvées: poules, huile de palme, viande, chikwangues.

TEXTE
ARRIVEE DES BLANCS ET LA RECOLTE DU caoutchouc
Les deux premiers Blancs qui sont venus chez nous furent Ikoka et Malomalo. Ils n'ont fait allusion ni au caoutchouc ni à la guerre. Le deuxième Blanc qui est venu à Besefe fut Nkoi'en'is'Ilonga, accompagné de son commis Bosipele. Il avait ordonné aux Besefe: "Récoltez du caoutchouc". Les premières récoltes furent noirâtres. On en rapportait du Nord et du Sud, et le marché se déroulait à Besefe.
Les Besefe déclarèrent: "Nous ne pouvons pas livrer du caoutchouc ainsi. Nous devons d'abord nous battre". Ensuite ils sont allés obtenir un talisman "ikakota". Le Noir qui accompagnait les Blancs informa son patron: "Si nous tirons les premiers, ils vont avoir le dessus. Nous aussi, nous allons fabriquer des lances. S'ils nous tournent le dos devant notre avancée, alors nous allons utiliser les fusils". Lors du combat, les villageois tournèrent le dos. Et le Blanc utilisa ses fusils. Il y eut beaucoup de morts. Les uns mouraient par la frousse, les autres par des blessures des souches d'arbres.
Ensuite le Blanc créa le poste de Lobako. C'étaient des Blancs de la SAB dont le chef était Bongenda.
Les Basefe sortirent de leur fuite et l'un d'eux Efuna, alla rencontrer Bongenda et lui dit: "Signons un pacte d'amitié, et nous, on va fournir le caoutchouc". Le Blanc répondit: "Vous autres qui êtes près de la rivière, vous fournirez des poules, de l'huile de palme, de la viande et des chikwangues". Ces vivres, nous les avons fournis à Losako..
Ceux d'entre nous qui avaient du travail (chez les Blancs) sont: Mboy'a Ngoi, Mboy'a Nsombo, Ngoy'a Mputu, Nko en'Engelengele, Bontamb'a Nkoso, Ilong'a Mpou, Mputswamba. Ils accompagnaient le Blanc dans d'autres villages des Mbole. C'est fini.
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BESEFE
422b/76
Jean ITAATA, moniteur SAB/Bomputu

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Il est vrai que le village Besefe n'est pas loin de la rivière. Il en est distant d'un kilomètre et demi.
Ikoka et Malomalo arrivèrent chez les Besefe à la suite du commerce entre ceux-ci et les Ngombe. Les Besefe échangeaient les chikwangues et l'huile de palme contre la viande des Ngombe. C'est au cours de ce troc qu'on avait fait leur connaissance. Nous les appelions Bokukulu. Maintenant on les appelle SAB. C'est eux qui ont changé ce nom.
Les Noirs qui étaient venus les premiers à Besefe avaient d'abord accosté à Ngombo. Ils les ont trouvés en plein commerce avec Ngombo. Eux avec leurs bottes de perles noires et luisantes, les Ngombe avec la viande et des chikwangues échangées auparavant (avec nous). Nous voyant venir, les Ngombe dirent aux Noirs: "Ces vivres proviennent de chez les Besefe". Ils nous accompagnèrent au retour. Arrivés à Besefe, ils aperçoivent des vieux et des femmes qui viennent d'accoucher portant le caoutchouc sur la tête (...)
Le poste de Lobako se situe vers Bomputu. Même aujourd'hui, un Blanc, ingénieur en ponts et chaussées réside a Lobako.
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NKUSE
465/152-153
Louis IKOMA, catéchiste à Eanja-Wamba

RESUME: Les Basongo précèdent les sentinelles de la SAB. Tous achètent le caoutchouc pacifiquement. Plus tard les sentinelles de la SAB l'exigent gratuitement, ce qui entraîne des résistances et des tueries. Ikakota. l'Etat vient mettre fin à cette situation en créant un poste à Waka. Introduction de l'argent.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Les Blancs restaient toujours à la rive, puis ils envoyaient des gens à leur service dans les villages. Ceux qui étaient venus les premiers, on les appelait Basongo. Quel était le travail des Basongo? Ils avaient des perles et des étoffes. Ils disaient: "achetez ces biens". Allez-vous voir ces biens, ils vous prennent avec eux pour toujours. Ils ne quittaient jamais leurs pirogues, ils ne mettaient jamais pieds à terre.
Après cela, la SAB envoya ses hommes. Ils accostaient à Nkuse. C'étaient Loboma, leur chef, Mpakama, Ilanga et de nombreux autres. Ils nous disaient: "Apportez-nous du caoutchouc que nous en achetions". Ceux-ci connaissaient le caoutchouc car ils l'utilisaient pour fabriquer des ballons. Effectivement au premier marché ils avaient acheté du caoutchouc. Ceux qui recevaient ce caoutchouc furent Bakele, Iyenge, Lofulo, Tswufya, Beele et Is'e'Ebwala'. Puis ils ravissaient les objets qu'apportaient les villageois venus vendre le caoutchouc. On prenait ainsi de force des lances et des couteaux qu'on faisait ensuite fixer sur des branches d'arbres. Cela s'est déroulé une fois.
Puis ils se dispersèrent. Mpakama alla à Iyonge. A son arrivée, il dit: "Apportez-moi gratuitement du caoutchouc, je ne l'achèterai pas". On rétorqua: "Comment Nous, on accepte ceux qui en achètent". Il répondit: "Ça alors" Il tua alors des gens.
Loboma appela aussi son caoutchouc à Kuse. Il disait: "J'en prendrai gratuitement". Pendant qu'on lui demandait des explications, il tua Ikungulu y'Etuka. Les villageois se disaient:"Ces gens se sont mal comportés, il faut qu'on se batte". Se battant, les villageois les vainquent, et les tuent. La plupart s'enfuyait dans la forêt, même ceux qui étaient à Kuse. Les villageois se disaient: "Maintenant, c'est fini", alors que ce n'était pas encore fini.
Des jours passaient. Quelques-uns accostèrent à Bonyanga et à Injolo. Ils y créèrent leur station. Is'e'Alangi fit la réflexion suivante: "Nous et ces gens, on s'était battu auparavant, maintenant ils reviennent encore"? Il alla à Boangi chercher le talisman "ikakota". A son retour, il convia tout le monde à fois se mettre à ses côtés pour les combattre une deuxième fois. Les villageois en sortirent encore victorieux. Mes amis, "ikakota" est un fétiche très puissant. Il rendait invulnérable aux balles. Le Blanc de la SAB prit fuite pendant à peu près un an.
ARRIVEE DU BLANC
On vivait en paix lorsque on apprit que l'Etat avait accosté à Boangi et qu'il tuait des gens. Ce que faisant, les villageois s'enfuyaient dans la forêt. Même si un enfant pleure, on l'abandonne, et il meurt d'inanition. Et les vieillards et les infirmes en sont morts nombreux. Après avoir investi un village, on y affecte une sentinelle. Après la guerre, il (l'Etat) va créer un poste à Waka. Il appela Mboyo, le chef et lui dit: "Appelez toutes les sentinelles, que chacun rentre chez soi récolter le caoutchouc pour le compte de la SAB". Ils rejoignirent leurs villages et ceux qui y étaient restés.
La récolte du caoutchouc a causé beaucoup de morts d'hommes. Celui qui supervisait l'opération fut Longwango, un Blanc. Puis un autre Blanc vint le remplacer; son nom était Atoso (Attention). Atoso ordonna: "Ne tuez plus les gens. Qu'ils récoltent le caoutchouc". Et les voilà qui récoltaient le caoutchouc. Ce n'est que tard que l'argent fut introduit.
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BOMPUTU/EKONDA MOKE
487/213
Pierre Damien LOWANGO, E.A.A. Boende

RESUME: Un Blanc de la SAB arrive le premier, puis 2 Blancs de l'Etat. caoutchouc, tueries, révolte de la population, caoutchouc contre paiement.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Je vais vous raconter l'arrivée des Blancs, et ensuite le caoutchouc. Le Blanc qui était venu le premier au Congo était Mokemoke. Il résidait à la SAB Bomputu. Puis deux autres arrivèrent, et résidaient à Bonsela. Leurs noms sont: Ekutu Is'e'Ifulu et Bongenda Is'Empempe.
Puis deux Blancs de l'Etat arrivèrent, les nommés Ntangé et Wilima. Ntange résidait à Ikenge. Wilima à Wangata. Le Commandant, qui était leur chef et qui résidait à Wangata, s'appelait Polo. Il avait mis fin aux tueries. Un autre Blanc, venu après, fut Mpimbomingi. Il avait exterminé deux villages: Ekonda et Ikonge. Polo lui a ravi les armes de guerre, puis l'a jeté en prison.
Longetola, le directeur de la SAB était aussi venu.
Avec Polo, le chef de l'administration, les deux sont allés à Bomputu, à bord de deux bateaux bondés de soldats. Là, ils avaient exécuté la fanfare avec toutes sortes d'instruments de musique. Les uns étaient à Ewoko (Bolukumai) et les autres à Elemba. Ils étaient restés 3 jours à Bomputu.
Longotola mourut, et un autre chef le remplaça. Il s'appelait Ikukwantula. Puis d'autres Blancs se succédaient, et jusqu'à présent ils sont en grand nombre.
DU CAOUTCHOUC
Les Blancs qui avaient commencé le caoutchouc étaient au nombre de trois. Celui qui en avait initié la récolte, c'est Longwango. La 2ème récolte Bonjolongo; et la 3è Bonjea. La première récolte avait causé beaucoup de tueries. Longwango avait ordonné la récolte du caoutchouc, mais notre village le refusait. Longwango fut prit de fureur et plaça un soldat de chaque extrémité du village, Ekonda Moke. Les villageois s'étaient réfugiés dans la forêt, mais les soldats les y avaient poursuivis. Les villageois leur avaient ravi des fusils, et les avaient tabassés. Ils avaient introduit la vase et l'eau dans les canons. Ils voulaient les tuer, mais craignaient qu'on ne tue ceux qui son restés au village.
Bonjolongo leur avait demandé de récolter le caoutchouc, mais leur avait dit que cette fois-ci on n'allait plus tuer des gens. Ils acceptèrent, et on les payait par des couteaux les morceaux de fer, des vêtements, car à cette époque l'argent n'était pas encore introduit au Congo.
Bonjea était venu aussi, et il demandait aux gens de récolter le caoutchouc à raison de 40 boules contre 50 francs. Ceux qui en apportaient deux seulement recevaient 1 fr. Au moment où on récoltait le caoutchouc, beaucoup de gens en mouraient. Nos vieux n'aiment pas se souvenir de la campagne du caoutchouc.
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ISAKA (Salonga)
420/68-72
Nivard BONTELA, greffier-comptable, secteur Basse-Salonga, originaire de Isaka

RESUME: Usage traditionnel du caoutchouc; les précurseurs des Blancs: les Basongo; esclaves et ivoire; le premier Blanc Mokemoke institue un chef à Isaka; caoutchouc; sentinelles; perles; attaque et meurtre d'une sentinelle; ruse des sentinelles pour tuer les Isaka; "ikakota"; tue les sentinelles; l'Etat au secours de la SAB: soldats et auxiliaires; le caoutchouc continue; succession des Blancs à Waka; tueries; fin du caoutchouc et tueries.

TEXTE:
RECITS SUR L'ARRIVEE DES BLANCS ET LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC
A Isaka, on ne connaissait pas la récolte du caoutchouc, mais avec le caoutchouc on fabriquait un ballon auquel on jouait par des tiges de l'arbre Chrorophola excelsa. Ces tiges étaient appelés biyonga ou liyonga. On fabriquait ces ballons avec une corde appelée bamuke.
BASONGO
Avant l'arrivée des Blancs ici chez nous, c'étaient d'abord les gens de l'aval appelés Basongo, qui étaient venus. Ils étaient venus acheter des gens et des pointes d'ivoires. Les Basongo étaient venus deux fois. C'est à ce moment qu'on a vu les premiers fusils car les Basongo étaient venus avec leurs fusils. La seconde fois les Basongo dirent aux gens: "Nous partons, nous ne reviendront plus, mais d'autres gens viendront après. Ils s'appelant Blancs".
Les Basongo achetaient des gens contre des anneaux de cuivre. Un homme coûtait 10 anneaux, et une femme 20 anneaux.
ARRIVEE DU BLANC
Et les Basongo partirent. Après quelques jours, on apprit qu'un Blanc avait accosté au beach. On disait: "Venez voir ce brillant homme qui est au beach. Il porte aux pieds les sabots de bête". Là-dessus, on allait le contempler.
Ce Blanc était venu avec ses hommes armés de beaucoup de fusils. Leurs noms étaient: Botsw'Ompinji, leur chef Bongengele, Ikete, Bosolo, Ilangilofoso et beaucoup d'autres encore.
A son arrivée, il avait d'abord salué un des patriarches de Isaka dont le nom était Esangaoi qu'il institua chef des Isaka. Ce Blanc, on l'appelait Bokukulu, c'est-à-dire la S.A.B. mais son vrai surnom était Mokemoke. Peu après, il appela le chef Esangaoi et lui dit: "Moi, je m'en vais, et vous restez avec Botsw'ompinji. Vous récolterez le caoutchouc qu'achètera Botsw'Ompinji". La SAB avait une station à Bomputu et à Lokumo (Busira).
LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Mokemoke laissa Botsw'Ompinji avec beaucoup de gens. C'est le début de la récolte du caoutchouc avec des lianes comme Clitandra cylulosa, njoku et motaka que leur apprirent ces gens. On récoltait le caoutchouc qu'on vendait contre des perles. Le caoutchouc était aussi petit qu'une amende palmiste.
Les agents de la SAB avaient des perles de plusieurs couleurs. Les noms des perles étaient: tsufya, bankonjo, bokongo, beele et autres. Botsw'Ompinji quitta et Bongele le remplaça comme chef. Bongele acheta lui aussi le caoutchouc. Il quitta et on le remplaça par Ikete. Là-dessus le Blanc Mokemoke quitta. Le Blanc Nkoi le remplaça à Bomputu. Le Blanc Nkooi augmenta le nombre des fusiliers. Ils furent affectés à Isaka, à Injolo et à Nkuse. A ce moment on échangeait le caoutchouc contre les perles.
LE MASSACRE
La saison sèche survint pendant qu'on récoltait le caoutchouc. Les Isaka allèrent à la recherche de leur étang. Les fusiliers réagirent: '"N'allez pas à l'étang. Il appartient au Blanc". Les Isaka n'en furent pas d'accord. Les fusiliers leur firent alors peur en tirant en l'air. Les Isaka crièrent: "Efande" ce qui veut dire "rien". Et un homme d'Isaka lança une flèche en direction des fusiliers. Son nom était Nkoninga Lianja. Ayant remarqué que les villageois leur avaient lancé une flèche, les agents de la SAB prirent un fusil et tirèrent à bout portant sur un homme, un jeune homme d'ailleurs. Il s'appelait Lokate j'Onyomi.
Là-dessus, un homme d'Isaka, appelé Bokondo w'Ayaka déclara: "On a tué mon oncle, je ne laisserai pas passer cette affaire". Bokondo w'Ayaka alla à la rivière et rencontra un fusilier qui en revenait. Il s'appelait Ekutsubolo. Il tirait sa pirogue. Et Bokondo lui proposa: "Ekutsubolo, attendez que je tire la pirogue pour vous". Lorsque Ekutsubolo était incliné, Bokondo w'Ayaka retira son couteau et blessa Ekutsubolo à plusieurs endroits. Le croyant mort, il l'abandonna et récupéra son fusil qu'on envoya loin. Les gens se réfugièrent dans la forêt, car ils savaient qu'un d'eux avait tué un fusilier. Voici que le fusilier Ikete informa au Blanc Nkoi à Bomputu qu'on avait tué son homme Ekutsubolo. Ekutsubolo n'avait pas encore rendu le dernier soupir. Ses compagnons le trouvèrent ainsi. Ils lui demandèrent: "Qui t'a tué"? Il répondit: "Bokondo W'Ayaka m'a tué". Là-dessus les fusiliers se dirent: "Si nous disons que c'est quelqu'un d'Isaka qui a tué Ekutsubolo, ils (les Isaka) ne vont pas sortir de la forêt. Il vaut mieux que nous disions qu'il s'agit des Bokote w'Aliko qui l'ont tué". A ce temps-là, les fusiliers appelaient Isaka "Bokote", et Isaka Nkundo ainsi que les villages environnants Bokote w'Aliko.
Voilà qu'ayant appris qu'ils n'avaient pas tué le fusilier, mais qu'il s'agissait plutôt de Nkundo, les Isaka sortirent de la forêt. Et les fusiliers vinrent tuer les Isaka, impitoyablement. Le Blanc Nkoi décréta une guerre atroce et on extermina les Isaka. Les survivants s'enfuirent. Ils étaient sans forces. Ayant remarqué que les hommes lui étaient soumis, le Blanc Nkoi déclara: "Vous les Bokote c.à.d. les Isaka, vous ne vendrez plus votre caoutchouc ici, vous me l'apporterez à Bomputu". C'est le début du caoutchouc les dimanches. A partir de là, les chefs d'Isaka allaient les dimanches a Bomputu pour le caoutchouc. On mettait le caoutchouc dans un panier. A ce moment, le Blanc Nkoi avait déplacé ses hommes à Bomputu. Peu après, Nkoi réaffecta ses gens à Isaka.
Entre-temps, un homme originaire des Injolo, appelé Is'Ekafela ey'Osenga, alla à Boangi prendre un talisman appelé ikakota. Il déclara: "je vais me battre contre les Blancs". C'est alors que les Injolo parvinrent à tuer impitoyablement les agents de la SAB. A ce moment, ce n'est que la SAB qui se battait avec les gens. Ils avaient accosté à Boangi w'Elondo. N'y étaient venus que les soldats seulement. La S.A.B. avait demandé le renfort de l'Etat', car elle était combattue alors qu'elle n'était venue que pour le commerce. Voilà pourquoi il avait fait appel à l'autorité de l'Etat. Les indigènes avaient même pris les fusils ayant appartenus aux gens de la SAB. Quand les soldats ont débarqué à Belondo, la SAB s'en alla combattre les Ngombe.
A l'arrivée des soldats, c'était un massacre total. Les fusiliers de l'Etat étaient aussi accompagnés des gens armés de lances. Ces derniers étaient surnommés Etafenjolo. Là-dessus, les Isaka se réfugièrent vers Waka et Iyele. Les fusiliers étaient là avec leur chef Mboyo ea Loboma. Par village il affecta 2 fusiliers et 40 à 50 hommes armés de lances; à Injolo, on affecta 3 fusiliers car là on avait un talisman appelé ikakota.
Entre-temps, les soldats avaient convoqué des gens et leur avaient dit: "Que choisissez-vous, entre une cartouche et une noix palmiste "? Certaines personnes les avaient conseillés: "Si vous optez pour la cartouche, on va vous tuer; optez plutôt pour la noix palmiste". Et ils avaient choisi la noix. Là-dessus ils leur ordonnèrent de récolter le caoutchouc.
Ils récoltaient le caoutchouc lorsque un Blanc de l'Etat arriva. Le premier Blanc de l'Etat était surnommé Attention. Il avait créé son poste à Waka, et ses soldats étaient dans chaque village. Si un chef ne fait pas récolter assez de caoutchouc, on tue ses hommes. C'étaient vraiment des massacres.
Attention partit et fut remplacé par d'autres Blancs appelés Itumbambilo et Engende. Engende et Meya étaient comme des auxiliaires de Itumbambilo. Itumbambilo avait vraiment exterminé des gens.
Lorsque ces Blancs étaient partis, on les remplaça par le Capitaine Sele et Ikomakoma. Ils imposaient à chacun de récolter son caoutchouc comme ce fut dernièrement le cas en 1943 ou 1944. On tuait tous ceux dont le caoutchouc était de mauvaise qualité ou de quantité inférieure.
Quelques temps après, le capitaine Sele interdit de tuer les gens. Il l'interdit même entre indigènes. Le Blanc le proclama partout. Il alla détruire les
forteresses construites par des indigènes. Ces forteresses protégeaient des indigènes en cas de guerres entre villages. Le Blanc décréta: "Si un homme tue un autre, on le tuera lui aussi". A partir de là, l'abandon des assassinats. On opta pour la prison en cas d'infraction, et ce jusqu'à présent. Si vous remarquez le silence, c'est que je me suis enfoncé dans une forêt inondée (1).

NOTE
1. Formule de finale.
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EFEKA
André NGOY (1)
413/44-45

RESUME: Premier Blanc à Efeka; installation des Blancs de la SAB à différents endroits sur les bords des rivières; noms et localisations; caoutchouc. Succession des Blancs aux postes; Avec Lofembe moins de massacres; SAB sur la Lomela, l'Etat sur la Tshuapa; Salonga sans Blancs; vers Watsi Nkengo Blancs cruels et Blancs charitables.

TEXTE
LE DEBUT DE LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Au début, quand nous menions encore notre vie de primitifs, les premiers Blancs sont venus par la Salonga du côté de Efeka. Ils pensaient que la Salonga était un grand fleuve, pareil à celui qu'ils avaient vu à Lotoko, près de Besongo et de Bonsela. En amont, ils ont remarqué plutôt un lit très étroit. Un Blanc est resté à Efeka, les autres ont descendu la Salonga pour remonter ensuite la Luafa. Longetola, leur directeur est resté à Bonsela. Mr Glissant alias Bongenda, le sous-directeur remonta la Lomela laissant par-ci par là quelques Blancs: Bafutamingi à Bosanga, d'autres à Sombo et à Lenge; Bongola à Yele; Lemesi à Ngombisongu; Bosongo à Bonema (un village important); Bakasi à Bokoka; Ndingiya à Ilonge; Lofembe à Balinga près d'Itoko; Bombende à Esoi; près de la mission catholique de Bokela. Tous ces noms africains leur ont été collés par des autochtones.
Mr Bosongo qui était allé à Bonema habitait Basenga. Ils avaient imposé un autre nom à ce village: Eloko. Quelques mois plus tard, Bosongo quitta Eloko et fut remplacé par Mr De Witte (Huit?) alias Itumbambilo. Après une année, il déménagea pour Bonema, un village plus grand que Eloko. Cette décision était liée à leur volonté de faire récolter la plus grande quantité possible de caoutchouc.
Trois ans plus tard, De Witte alias Itumbambilo part, et il est remplacé par Mr Doflanit alias Ikombakomba. La récolte du caoutchouc se généralise et partout la mort sévit. Après 3 ans Doflanit part aussi, et c'est Mr Pierre Bafutamingi qui va le remplacer. Il était assisté d'un autre Blanc Looko-etenyi, surnommé ainsi à cause de son bras qui était comme courbé.
Après un terme réglementaire de 3 ans, les deux partent, et Mr Ebola-Ngonga arrive. Il n'y a pas fait longtemps et n'a pas tué autant de personnes que ses prédécesseurs.
Il sera remplacé par Lofembe. Jusqu'à présent, il est à Inganda, un village près de Boende (Ekota Likolo). Il ne s'est pas installé à Bonema comme ses prédécesseurs, mais à Luengo au beach même, à l'embouchure du ruisseau Luai. Au temps de Lofembe, la récolte du caoutchouc avait déjà pris fin, et remplacée par le copal. Lofembe n'a pas fait du mal aux autochtones, car avec lui diminuaient les massacres. Peut-être s'était-il comporté autrement ailleurs. Dans tous les cas nous n'en savons rien..
Sur ces entrefaites, la SAB reprit la Lomela et l'Etat la Luafa. Sur la Salonga, de Nongokwa jusqu'à Watsi-Ikengo, il n'y avait plus de Blancs, car les Efeka avaient brûlé la maison d'un Blanc entraînant ainsi la mort de l'occupant.
Bien que la récolte du copal continuât encore, les Blancs qui sont venus par la suite étaient charitables, paisibles et pacifiques. Les Blancs de sinistre mémoire ont été les suivants: Bosongo, Itumbambilo, Ikombakomba, Bafutamingi etc. Mais, c'est avec l'arrivée des missionnaires catholiques qui prêchaient la charité que la campagne du caoutchouc et ses exactions ont pris fin.

NOTE
1. Auteur d'une chronique sur la M. C. Boende, dans Etsiko du 7 août 1954, p.18
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NKASA
412/41-43
Gregoire BOMPETSI, catéchiste

RESUME: Révélation prophétique de l'arrivée des Blancs par un patriarche à son fils; celui-ci meurt peu après; le bruit de l'approche des Blancs court. On fait des fortifications; les Boyeka (Iyomo, et Ibuka) tuent et cherchent des esclaves; la SAB s'installe dans la région; installation des capitas; imposition de caoutchouc; désarmement des Momboyo, résistance et soumission; tueries; l'arrivée de l'Etat; fin des tueries.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Il était une fois un vieux appelé Botama. Son père était un grand patriarche avec beaucoup de femmes et d'enfants innombrables. Alors que le cadet Nkiyeli était en bon terme avec son père, l'aîné, Ekolungu ne l'était pas. Sentant la mort s'approcher, le père convoqua tous ses enfants. Il leur dit: "Venez que je vous bénisse. Mais d'abord, allez dans la forêt me chercher du copal". Immédiatement, tous les fils se dispersèrent dans la forêt à la recherche du copal. Ils en récoltèrent beaucoup. Et le père ajouta: "Allumez tout le copal", mais celui de Ekofolungu ne prendra pas feu, car il avait mangé une vipère. Les choses se passèrent comme le père l'avait prévu. Le copal des enfants était allumé sauf celui d'Ekofolungu. Puis il appela Nkiyeli et lui dit: "Je meurs. Je passerai 3 jours au tombeau, et le 4è jour tu passeras à Iyoke". Iyoke est un beach au bord de la Salonga. Puis il lui recommanda la pratique magique suivante: "Vous prendrez deux oeufs, deux fruits d'afromomum, une boule de fard rouget la fiente du tisseran et des ignames".
Suivant la convention faite avec son père, le fils s'en alla et jeta ces fétiches dans l'eau. Et là-dessus il vit venir un bateau. En ces temps-là on n'avait pas encore vu ni copal ni bateau. Le fils vit son père à bord du bateau. Le père dit à son fils: "Fils, descendez et marchez sur l'eau, et venez qu'on se rencontre, n'ayez pas peur, vous ne serez pas noyés Approchez-y". Pendant
que le père parlait ainsi, son fils avait déjà pris fuite. Le père dit: "Maintenant que vous avez pris fuite, vous avez embrouillé les cartes. Un homme très puissant viendra, il va vous maltraiter beaucoup". Ayant pris fuite, il atteignit Efele et y passa la nuit chez sa concubine.
Le lendemain matin, sa concubine alla inspecter ses nasses au ruisseau. Elle trouva des habits étalés près de ses nasses. Elle eut peur, et courut au village pour en informer les gens. Et elle leur dit: "venez voir la chose qui gît au ruisseau". Les gens s'en allèrent et trouvèrent des habits, devenus plus nombreux. Eux aussi rentrèrent pris de panique en courant, au village. A minuit, un de ceux qui étaient allés voir des vêtements mourut. Nkiyeli se réfugia dans son village Momboyo. Il y mourut deux mois après.
Nous sommes restés encore pendant 6 mois. Puis nous apprenions qu'un certain Bonyeka avait remonté la rivière. Les ancêtres avaient placé des fortifications fabriquées à l'aide de tiges d'arbres et des lianes rotins. Ils pensaient que Bonyeka n'arriverait pas chez eux. Il passait par des villages au bord de la rivière, et tuait des gens dans chaque village. Parfois deux à trois personnes par village. Il est allé jusqu'à la source de la Salonga. A son retour, il prit deux personnes, un homme et une femme appelés respectivement Mboyo Mpona et Bolungyeyoku. Il partit avec eux. Celui qui l'avait aidé à prendre ces deux personnes était Iyomo, avec la complicité de Isampoku et Ibuka (1). Ils étaient originaires de Coq et Boloki, près de Coq.
Puis on apprit que certaines personnes à la peau blanche, mais à la même forme humaine que nous, étaient en train de venir chez nous. Ces gens s'appelaient Bokukulu, ou la SAB. Ils s'étaient d'abord installés à Busira. Puis ils se partagèrent la contrée. Un d'eux appelé Bomoko prit la Tshuapa et la Lomela. Les autres passèrent la Salonga et s'installèrent à Bomputsu. C'étaient Nkoi, Monjolongo et Tonkei. Ils placèrent des Noirs comme chefs dans chaque village. Un Blanc barbu était institué chef à Watsi, et un autre Bosongo s'installe à Ekolie. Ikanamongo et Momboyo Mokc avaient pour chef Bokongo. Momboyo Monene avait pour Blanc un certain Tambola et un Noir Botuli. A Bongila et à Efee, c'était le Blanc Longwango.
Tous (ces Blancs) convoquèrent une grande assemblée à Momboyo Monene et ordonnèrent la récolte du caoutchouc. Les Bomboyo répondirent qu'ils ne connaissaient pas le caoutchouc. A la place du caoutchouc, les Blancs leur demandèrent du cuivre. Et on leur donna 5 paniers à cuivre. Les Blancs leur ordonnèrent ensuite de fabriquer une étagère pour y placer toutes leurs flèches. Ce qui fut fait. Mais un vieux fit la remarque suivante: "Vous autres les Bomboyo, vous êtes des imbéciles. On vous a fait un stratagème". Ce vieux s'appelait Bofonga. Là-dessus, un des chefs appelé Bompoto dit: "Vous, alors que nous demandons aux gens de mettre leurs flèches sur l'étagère, vous parlez pourquoi"? Bofonga prit sa lance et lui transperça la poitrine. Les Bomboyo reprirent leurs armes qui étaient sur l'étagère et se sauvèrent tous dans la forêt. Ils y passèrent 7 jours. Mais ne supportant plus la faim, ils décidèrent de sortir de la forêt. Un d'eux qui en était sorti le premier fut tué à coup de fusil. Il s'appelait Dungu-Bosiko. Pris de peur par l'assassinat de Dungu, les Bomboyo acceptèrent quand même la récolte du caoutchouc. Ayant ainsi accepté la corvée, on institua des chefs locaux, notamment Yeliayelia à Bomboyo Monenc, et Bute à Bomboyo Moke. Chacun récoltait 5 kilos de caoutchouc. On transférait le produit à Bomputu. Ceux qui n'en récoltaient pas assez étaient tués ou mutilés.
Personne n'en était rétribué, ni en argent ni en autre chose. Il n'y eut que le capita qui en était un peu rétribué. On lui donnait une pièce d'étoffe, des perles et une assiette en aluminium. La pièce d'étoffe était en soie. Les gens en étaient en colère: beaucoup de caoutchouc, beaucoup de meurtres, mais aucune rétribution.
Avec l'arrivée de l'Etat, il n'y a plus eu de tueries. On conseillait seulement. Mais les récalcitrants étaient emprisonnés. On emprisonnait aussi pour éviter le vol et la méchanceté. Mais la SAB avait creusé un trou de 15 m de profondeur à Busira.

NOTE
1. Sur Ibuka, cfr Lufungula Lewono, Mbandaka hier et aujourd'hui (Etudes Aequatoria 10), 1990, p.97-105 et H. Vinck, Chefs et patriarches à Mbandaka, Annales Aequatoria 13 (1992) 524-525
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SALONGA/Lomela
488/214-215
Médard BOOTO, E.P.A. M.C. Boende (1)

RESUME: D'abord les Boyela explorent le terrain pour les Blancs de la SAB. Imposition du caoutchouc moyennant rétribution en sel, pièces d'étoffes. Exaction. La population met feu sur la maison des Blancs. Un Blanc meurt. Création d'une force armée pour parer à toute éventualité. Puis les Blancs de l'Etat arrivent; l'impôt; et les prêtres.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC.
LA S.A.B.
Au début, avant que les Blancs n'arrivent, ils envoyaient d'abord les Boyela à la reconnaissance du terrain. Et les Boyela sont venus acheter des vivres et des pointes d'ivoires. Ce sont les Blancs de la SAB qui étaient venus les premiers. Ces Blancs sont: Mr Lofoi, qui explora la Lomela; Mr Wilima était leur chef, MM. Lokoka et Nkombe à Efeka. Mr Yoleyole résidait à Watsi-Nkengo. Mr Ikomakoma à Bonema. Mais nos gens n'étaient pas initiés la récolte du caoutchouc. Puis ils apprenaient qu'un bateau avait accosté. Ils en eurent peur et descendirent au beach de Bamata. Là-dessus Mr Nkonibe leur ordonna de récolter le caoutchouc. Nos ancêtres répondirent: "Si nous récoltons du caoutchouc, qu'est-ce que les Blancs vont nous donner"?. Et Mr Nkombe répliqua: "Si vous récoltez du caoutchouc, je vais vous payer". Et ils commençaient à récolter du caoutchouc.
S'ils voient une liane à latex, ils la coupent et font verser le latex sur des feuilles. Le caoutchouc revêtait deux formes, soit allongée comme des lianes, boit en boulettes. Les Blancs qui achetaient le caoutchouc sont: Lonkoka et Nkombe. Voici comment on traitait le caoutchouc: on mélange le latex avec du jus de costus, qui a un goût aigre, pour que le latex se coagule. On vendait le caoutchouc à ces deux Blancs. Mais à l'époque il n'y avait pas d'argent, et on ne leur donnait que du sel, et des pièces d'étoffes. Les ancêtres se rendirent compte que les misères allaient crescendo. Puis Nkombe leur demanda: "Pourquoi n'avez-vous pas récolté ces deux derniers jours"?. Et les ancêtres répondirent: "Et bien, nous ne voulons pas de caoutchouc. Le caoutchouc ayant engendré beaucoup d'exactions, nous en refusons la récolte". Et une nuit, les vieux du village Efeka, se décidèrent: "Voyez, nous on n'était pas ainsi. Il convient que nous mettions du feu sur la maison du Blanc; qu'ils soient brûlés". Lorsque la nuit devint noire, ils se rassemblèrent, prirent du feu et l'attachèrent aux manches de leurs lances. Ils les jetèrent sur le milieu du toit, et la maison prit feu. Il y avait deux Blancs dans la maison. Mr Lonkoka eut la vie sauve, et fit sortir des biens et le caoutchouc qu'il avait acheté. Pris de panique, Mr Nkombe trouva la mort, brûlé. Mr Lonkoka en sortit indemne, embarqua tous les biens dans son bateau appelé Sangantumbo, et laissa le caoutchouc et le Blanc brûlé. Lonkoka descendit avec son bateau vers Bonsela. Il alla chez leur supérieur qui était à Bonsela et qui s'appelait Mr. Bongende. Les bateaux du caoutchouc étaient Sangantumbo et Ingolongolo. A cette époque les ancêtres ne connaissaient pas les noms propres de ces Blancs.
Et Lonkoka revint. Il y institua quelques chefs pour faire appel aux soldats à la moindre incartade. Les chefs de ces fusiliers avaient tué beaucoup de gens. Et Lonkoka recruta 3 fusiliers à Bonsela. Leurs noms étaient: Lonko-Mboyo, Iloko et Nkoli-Ilongo. On les affecta à Efeka là où on avait tué le Blanc. Ce chef était un homme méchant. Il avait tué beaucoup de gens. A cause, du caoutchouc, il avait exterminé nos gens.
L'ETAT ARRIVE
Mr Itambala et Mr Nkoi avaient désenclavé nos villages. Ils résidaient à Ngombe-Isongu. Ils disaient aux ancêtres: "Désormais, ceux qui habitent loin de la rue, doivent se mettre de part et d'autre de la rue. L'état leur promettaient beaucoup de choses. Il dit: "Vous payerez un impôt de 6 fr. Et on le payait. A cette époque, il était difficile d'avoir de l'argent. Puis on payait 9 fr. Et ce fut le début de l'impôt.
Les ancêtres avaient surnommé cette époque "Ikai" (1). Parce que à l'avènement des Blancs, on punissait ceux qui provoquaient leurs semblables. Il y avait même un Blanc appelé Mr Lofembe qui quitta le service de l'Etat. Il s'est installé actuellement à Inganda, près de Boende. Lui avait beaucoup mal agi envers les gens. C'est lui qui avait révélé aux gens le nom Mbola/Matali. Bola Matadi, comme autre nom de l'Etat.
Voyez, ce sont les Blancs de l'Etat qui sont venus mettre de l'ordre dans la société. Et les prêtres et l'Etat sont arrivés ensemble. Voyez que les Blancs de l'Etat sont venus nous sauver des guerres fratricides. Et voilà que tout ça a diminué sur la terre.
LONDAMBELA
"Londambela", c'est l'expression pour désigner les souffrances que les Blancs ont infligées aux Noirs. Les Blancs étaient venus au Congo pour nous servir. Et comme nos ancêtres souffraient de beaucoup d'épidémies, telle la variole, l'Etat refusait d'y porter secours. Ils ont appelé ces souffrances "Londambela".

NOTES
1. Auteur d'une chronique de Monkoto dans Lokole Lokiso du 1 août 1956, p.3
2. Sur Ikaïe, lire annexe 1, et E. Pauchin, Ikaïe, Bx, 1952.
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ESOI
499/229-230
Joseph BOLAKOFO, moniteur

RESUME: Une révélation en rêve sur l'arrivée d'un bateau porte-malheur. Puis arrive un Noir acheteur de l'ivoire. Guerre avec les autochtones. Arrivée des Blancs; guerre; épidémie; soumission; stratagème pour ravir aux villageois leurs armes; caoutchouc; immoralité des sentinelles. Un Blanc vient pacifier le pays; impôt; missionnaires catholiques.

TEXTE:
ARRIVEE DES PREMIERS BLANCS
Au début, nos voyants étaient des sorciers. Ils ont vu en rêve à la manière des prophètes, et nous ont informés: "Nous avons rêvé une mauvaise chose en train de venir chez nous en provenance de l'aval". Et on voyait Bonyeka w'Akongo arriver au beach acheter des pointes d'ivoires. Il achetait les Pointes d'ivoires contre le cuivre. Puis on a livré un combat qui n'était pas important. Les Esoi avaient tué un homme du camp de Bonyeka appelé Ekofompongo, et eux avaient tué une femme appelée Mpemosokia. Mais Bonyeka w'Akongo n'était pas venu pour la guerre. Il était venu pour le commerce. Il était venu en paix, et rentra dans son village chez les Boloki.
Les gens qui étaient venus pour la guerre étaient: Itumbambilo, Njolenjole, Nkombe, Esukafaya, Bongena et Makasi. Leur chef à eux tous était Bongena. Ils avaient tué beaucoup de gens. Itumbambilo vint faire la guerre à nos ancêtres. Ils les avaient tués en grand nombre. Ils se sont réfugiés dans la forêt où une épidémie de variole les tuait aussi en grand nombre. Ils se sont dit: "Non, pas comme ça. Si nous continuons à demeurer ici, la mort va nous exterminer". Puis un parmi eux sortit pour un accord de paix chez le Blanc. Le Blanc lui demanda: "Qu'es-tu venu faire ici?". Il répondit: "Je suis venu, moi, pour vous supplier de faire la paix". Le Blanc prit la parole en ces termes: "C'est bien". Et il lui offrit un morceau d'étoffe d'un bras (un mètre), et un chapeau. Il l'institua capita et lui ordonna de faire appel à tout le monde. Et on se présenta. Il leur prodigua de bons conseils avec tendresse. Mais c'étaient de faux conseils.
Au lever du soleil, Itumbambilo convoqua tout le monde: "Venez avec toutes vos armes pour que nous fabriquions un fétiche". Il rassembla toutes les armes apportées par les villageois, et tira deux coups de feu en l'air. Tous les villageois furent pris de panique. Le Blanc Itumbambilo était accompagné des gens qui étaient comme des soldats, qu'il affecta à chaque village. En voici les noms: Bombolo de Iyanga, Bontanga-Nemoli de Iyanga, Bontanga-Isumelolo de Nguse, Nyafe Liema de Bololo, et comme originaires de Bolanga: Isongonyo, Elongo, Lianja, Nsomaleka et Nsokela. Les Blancs avaient donné une instruction formelle à ces gens: "Fusillez l'indigène qui ne sait pas récolter le caoutchouc". Puis le Blanc Itumbambilo rentra résider à Watsi-Nkengo. Les fusiliers et un autre membre du personnel restaient dans les villages. Pendant que les indigènes étaient à la récolte, les fusiliers leur ravissaient leurs plus belles femmes, qu'ils prenaient avec eux.
Le capita qui était sorti pour faire la paix fut chargé de surveiller les villageois pendant la corvée. On apportait le caoutchouc au capita et au fusilier qui l'acheminaient chez le Blanc à Watsi-Nkengo. Le Blanc examinait le caoutchouc. Etait-ce de mauvaise qualité, le capita en était tué; et de bonne qualité, on payait au capita 10 pièces d'étoffes, et un sac de sel. Et ainsi de suite, jusqu'à la fin de la récolte. Puis le capita redistribuait à chacun selon son dû.
Mes amis, écoutez que je vous raconte comment ils ont tué nos gens sans pitié. Si on demande aux femmes de fournir des poissons et qu'elles ne le font pas, on les tue et on consomme leurs cadavres. Une autre fois on exige aux gens de leur apporter des ignames. En apportent-ils de mauvaise qualité, on les tue. Au regard des assassinats de leurs semblables, une partie des villageois se réfugia dans la forêt, mais une autre resta sur place. Les femmes, qui mettaient au monde lors de la fuite dans la foret, abandonnaient leurs enfants à l'ombre des arbres. Ceux qui passaient et qui remarquaient l'enfant, le ramassaient pour le manger ensuite. Les ancêtres ne savaient plus si la terre redeviendrait à la normale. Les gens d'armes se comportaient impudiquement: des relations sexuelles à volonté et sans honte. Même en votre présence, on vient solliciter votre mère. On lui demande: "Donnez-nous une natte". La mère tient la natte, et on lui ordonne: "Etalez-la là". Et en présence de son enfant, elle étale la natte et ils font des rapports sexuels. Et puis le fusilier appelle l'enfant: "Approches-toi que tu observes". Si l'enfant refuse, on le tue. Mari et femme sont-ils assis ensemble on parvient à faire des rapports sexuels avec la femme en présence de son mari.
Mes amis, à nous comme aux Blancs, cessez de demander le récit sur l'arrivée des premiers Blancs ni sur la première récolte du caoutchouc. C'est un événement de très sinistre mémoire. Nos grands-pères n'aiment pas s'en souvenir.
Le tout premier Blanc de l'Etat était Ilanga. Il leur interdisait la guerre et commença à faire payer l'impôt à 6 fr. Puis à 9 fr. jusqu'à ce jour. Enfin arrivaient les prêtres pour nous apprendre Dieu.
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NKENGO
417/223-224
Antoine BOYOTO, catéchiste

RESUME: Légende de l'origine des Nkengo; conquêtes par les Nkengo; arrivée pour le commerce d'esclaves en échange d'armes des Boloki, Bokele, Ikenge, Bokuma. Les Itele annoncent la guerre des Blancs. Nkoi de Bomputu amène la guerre dans toute la région; Nkoi recrute des soldats sur place. Installation de capitas; les mains coupées des morts; désarmement de villageois; cruautés; faim et anthropophagie; la paix et le caoutchouc. Marché hebdomadaire du caoutchouc (6 jours); caoutchouc contre paiement, les manquants punis et tués; cruautés. Piège pour les sentinelles et fin de la misère. Un ancien soldat Mboy'Ompona organise la résistance. Les Blancs se retirent; il rentre à Waka et continue son service militaire. Autres prouesses de Mboy'Ompona; baptisé Albert Mboyo. Les Blancs s'installent partout; caoutchouc remplacé par le copal; les géomètres; un cas de vol par les Blancs de la SAB chez les géomètres à Watsi-Nkengo. Fin des massacres; introduction du franc; arrivée des Belges; libération des esclaves, recherche des parents dispersés par les cruautés du caoutchouc; le poste d'Ilenge; épilogue sur la méchanceté de la SAB.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Il parait que les Nkengo sont originaires de Wakintoko, mais ils seraient d'abord descendus du ciel. Les premières personnes à descendre du ciel furent respectivement: Mbombianda, Wangi, Lianja, Bokonji Asongoki et Ilok'a Mboyo. Ces gens descendaient du ciel à l'aide d'une corde très épaisse. La corde se rompit et une autre personne Imoto qui voulut descendre aussi, resta définitivement au ciel. Sur ce terrain fondé par leurs ancêtres, les Nkengo étaient un peuple belliqueux.
1. LES GUERRES DES NKENGO
Voici les villages qui ont été conquis par les Nkengo: Bolenge, Mpenge, Iyete, Loele, Boleng'a Ngele (Yoongo), Mpongo (près de Monkoto-Itete). Les Bolenge habitaient près d'une petite rivière Yenge, sur la haute Salonga. Fuyant les Nkengo, ils ont émigré sur les bords de la Momboyo vers Monkoto. Mais dans cette contrée, d'autres personnes sont venues pour le commerce et pour la guerre. Ils habitaient en aval de Nsafala. Il s'agit notamment des Boloki, des Bokele, des Ikenge, des Bokuma et tant d'autres encore. Ils avaient beaucoup de marchandises (différentes sortes de perles), et des armes. Ils sont passés par la Salonga commercer. Ils avaient des pistolets que nos ancêtres appelaient nkulo ou ifaka. C'est chez eux que les Nkengo vendaient leurs esclaves capturés lors des guerres. Ils échangeaient ces esclaves contres des perles et des armes. Les Nkengo ont utilisé ces armes pour combattre les Bongila, où ils ont capturé 4 esclaves. Il s'agit de: Mboy'Ompoma, Mboy'Osongo et Loali. Je ne connais pas le 4è. Ils ont eu le dessus sur les Bongila à cause de leurs armes à feu appelées pataki ou pupu. Les Nkengo étaient très mauvais. Ils pensaient que personne ne pouvait être plus féroce qu'eux.
2. PREMIERE GUERRE CONTRE LES BLANCS
La première guerre contre les Blancs s'est déroulée à Itete. Les Itete prirent fuite chez les Nkengo, qui se moquèrent d'eux en disant: "Vous n'êtes pas des hommes courageux. Pourquoi fuyez-vous devant des hommes comme vous en leur abandonnant votre territoire "?. Les Itete répondirent: "Ce n'est pas une guerre à minimiser, et même vous autres, les féroces, vous ne pouvez pas y tenir. Car à la détonation de leurs fusils, c'est la débandade totale. Vous ne saurez où sont allés femmes et enfants. Cette guerre arrivera jusqu'ici. Elle ne va pas se limiter à un seul endroit."
Le premier Blanc qui amena la guerre fut Nkoi Is'Olonga. Il habitait souvent à Bomputu. Peu de temps après une rumeur en provenance de Losanga et Ngele (Mondombe) faisait état de ceci: "La guerre est imminente, car déjà Bomputu est tombé". Certaines personnes naviguent à bord d'une maison qui remonte la rivière. A bord les uns dansent, les autres ne font rien. La maison ressemble à une colline. Pas plus longtemps que nécessaire, la guerre atteignit l'aval (Mondombe), puis Losanga. Les échos parvinrent à Nkengo. On alla ériger une barrière entre Losanga et Inkandambongo. Peine perdue; ils furent envahis. Ils ne purent résister malgré leur férocité. De là, les assaillants continuèrent à Bongila (Isaka) en passant par Efele Jwangole et Ntaka. Et ce fut une guerre générale. Mr Nkoy'Is'Olongo recrutait des soldats dans les villages suivants: Ngele, Bokela, Bokeke, Ingende, Mbango, Bonsela, Bomputu. On les appelait Etafenjolo. Ils provenaient aussi de Luankama Nkinji (Nkondi). Ils maniaient avec dextérité des flèches et des couteaux. Nkoy'Is'Olongo distribua des fusils à d'autres groupes. Il institua des capitas pour surveiller les villages.
Les assaillants détruisaient tout sur leur passage: maisons, bétail, en l'occurrence. Dans un village, ils rassemblaient des gens, et leur demandaient des flèches, pour combattre un autre village. Ils leur disaient: "Donnez-nous vos flèches pour les immuniser contre des attaques ennemies. Nous les garderons, puis vous viendrez les retirer après. Ils confisquaient ces flèches et attaquaient les villageois. Ils furent décimés. Le Blanc Nkoy'Is'Olongo ordonna à ses hommes de lui apporter deux mains ou la main droite de chaque cadavre ennemi. Sinon, c'est le soldat qui serait tué. Les soldats se mirent à parcourir des villages, tuant n'importe qui pour rapporter au Blanc autant de mains qu'ils pouvaient: 50, ou 40, jamais en dessous de 30. Les vieux, témoins de ces massacres le racontent avec tristesse. Ils obligeaient mère et fils, père et fille et même d'autres parents ou alliés de s'accoupler publiquement. Quelqu'un qui veut échapper à ces humiliations doit soit présenter sa mère ou sa fille comme étant sa (ses) femme (s), soit les leur offrir en concubinage. La guerre devenue insupportable, les villageois se réfugièrent dans la brousse où ils furent traqués. Ils furent encerclés ne pouvant échapper ni aux balles ni aux flèches des envahisseurs. Ceux qui étaient attrapés indemnes étaient par la suite rassemblés dans une maison où ils furent brûlés vifs. Quelques cadavres furent même dépecés et mangés. La population diminua sensiblement. La variole vint aussi empirer une situation déjà envenimée. La faim entra aussi en danse. On ne se nourrissait que des fruits ou de la chair humaine. Ni chikwangues, ni bananes, encore moins la viande de gibier. Plus de palmiers. Le fruit que les villageois mangeaient, c'était tofonge. Ils mangeaient aussi les beya jeunes blanches de Sarcophrynium macrostachyum. Les gens s'échangeaient des femmes pour les manger. On faisait de même pour des enfants qui avaient survécus de la variole. Ils n'avaient pas horreur de manger des cadavres humains décomposés. En tout cas, les villageois ne mangeaient plus rien de bon, et il est ici inutile d'énumérer les légumes et tous les fruits qu'ils mangeaient. Les jeunes filles attrapées en brousse par les assaillants étaient constituées leurs femmes, et les jeunes gens des esclaves.
Finalement un homme décida de sortir de la brousse pour fraterniser avec les assaillants. Il en sortit en criant: fraternité, fraternité!. Les Blancs l'entendirent et interdirent quiconque de le tirer dessus. Ils l'appelèrent et le comblèrent de nombreux cadeaux. Ils lui dirent: "Allez dans la fort et ramenez hommes femmes, enfants et leurs biens. Nous ne tuerons plus personne". Il s'en alla et en informa ses compatriotes restés dans la forêt. Ils acceptèrent de regagner leur village avec un réel plaisir. Celui qui était sorti le premier, celui-là même qui y retourna convaincre ses frères de sortir de la forêt,fut nommé capita. Le village fut alors chargé de récolter le caoutchouc contre payement.
3. LE MARCHE DU CAOUTCHOUC
On remit à chaque villageois un instrument appelé losanga (genre de flèche) pour extraire le caoutchouc. Le marché se déroulait le dimanche. Mais bien avant, on ne connaissait pas un 7è jour de la semaine. La semaine se limitait à 6 jours seulement. Les Blancs obligeait à tout le monde de se présenter au marché avec la quantité et la qualité exigées. Le contrevenant était fusillé, ou emprisonné. Ceux qui accomplissaient la tâche étaient rétribués en perles, en couteaux, en vêtements ou en sel. Certains contrevenants étaient brûlés vifs ou livrés aux capitas pour devenir esclaves ou pour servir de bêtes à manger. Les chefs dont les villages n'obtempéraient pas aux Blancs étaient obligés de manger le caoutchouc. Certains même pendus, ou fusillés. Il en est de même pour des soldats qui ne surveillaient pas bien la récolte du caoutchouc. Quelques villageois ont été mutilés vifs. On excitait les prisonniers de sexes différents à s'accoupler la journée en plein air. Les soldats s'amusaient à enfoncer des bâtons dans les vagins.
Si la chasse au gibier n'était pas fructueuse, on allait chasser les hommes. On institua une femme responsable de la poche. Mais, la quantité de poisson était-elle insuffisante, toutes les femmes devaient en manger cru.
Excédés, les Noirs se décidèrent de tuer les soldats des Blancs. Ils mirent au point le stratagème suivant: organiser une danse et les inviter avec leurs femmes à y assister. Les soldats répondirent à l'invitation, mais furent arrêtés et tués en même temps que leurs femmes. Les fusils leur furent ravis. Et ce fut la fin des sévices chez les Nkundo, et le début d'une paix plus au moins prolongée.
Il arriva un jour qu'un certain Nkoy'Ompona de Loboma revint d'une expédition militaire à Waka, sur la Momboyo. C'était un ancien de la Force Publique, capturé esclave par les Boyeka de Bakongo. C'est un originaire de Bongila (Isaka). Il revint prêter main forte à ses frères maltraités et exterminés par les Blancs de la SAB. Dans sa fuite, il avait entraîné de nombreuses personnes et leurs familles. Arrivé à son village, il dit: "Je suis venu pour qu'ensemble nous combattions les Blancs s'ils reviennent nous faire la guerre. Maintenant que nous avons des fusils, vous verrez comment je vais les attaquer". Les villageois ne le comprirent pas. Il conclut:, "Apportez tous les fusils chez moi, et attendons les Blancs ici à Bongila". On y resta longtemps sans que la guerre n'arrive. Il progressa vers l'amont avec son escorte et s'installa à Bonjoku.
Les Blancs le suivirent, mais les ayant aperçus, il tira en l'air et les Blancs prirent fuite vers l'aval. Il alla un peu partout avec ses gens recruter des guerriers pour combattre les Blancs. Mais à chaque village de Nkengo, il remettait un ou 2 esclaves à des vieux pour qu'ils les mangent. C'étaient des esclaves ramenés de Waka.
Il rentra de nouveau à Waka maintenant que la paix était restaurée à Nkengo. Il voulait regagner ainsi son service militaire, car il était sergent. Arrivé à Waka, il apprit que ses supérieurs Blancs menaçaient de le tuer, car il était considéré comme déserteur. Ayant appris cela, il décida de rentrer chez lui à Nkengo chercher les fusils ravis aux agents de la SAB. Il retourna, et dit à ses supérieurs: "je suis allé prendre les fusils que mes compatriotes avaient ravi aux agents de la SAB. Les voici". On le pardonna et il fut élevé au grade de premier sergent. Un jour qu'il était chez les Nkengo, il leur demanda: "Qui vous a beaucoup maltraités à la forêt"?. Ils désignèrent Bolantseko de Bonjoku et Yeli de Momboyo Monenc. Le premier fut tué par lui, et il le livra comme viande à manger aux Itete; le second fut aussi tué par lui, et livré comme viande aux Nkengo.
Nkoy'Ompona, de son vrai nom Mboy'Omponde, est ainsi resté au service de l'Etat. Originaire d'Isaka, il fut baptisé sous les noms Albert Mboyo. Il épousa Joséphine Bayenga de Boloki et dont le village précis est Bantoi. Il était surnommé à la Momboyo: Mboyo ea Loboma (Mboyo, le tueur), car il avait tué beaucoup de gens. Il avait eu deux fils: Ikomo Pierre et Mboyo Jean. Le dernier était soldat à Bokote. Albert Mboy'Omponde épousa encore une seconde femme. Il est mort dans un état de péché.
Les enfants qui pleuraient pendant la fuite dans la forêt étaient tués ou enterrés vivants.
Lorsque la palabre avec les Blancs diminua, on imposa encore du caoutchouc aux Noirs contre une rétribution plus ou moins honnête. Il s'agit d'un bracelet de cuivre, d'un couteau ou de 10 mitako. Mais c'était insuffisant. Des Blancs s'installaient partout: Njolenjole, à Isaka (Bongila), Tambola à Watsi Mbole, Mpambi à Momboyo Monene. Mais ils n'avaient pas tué autant d'hommes que Nkoy' Is'Olonga qui était à Bomputu, celui-là même, qui nous extermina. Une lettre vint de Bomputu interdisant la récolte du caoutchouc, désormais remplacée par celle du copal. La récolte devait être effectuée du haut des arbres. Donc ceux qui ne savaient pas grimper avec habileté perdaient leur vie sans plus. Pour éviter des pertes en vies humaines, les Blancs informèrent les Noirs de la présence du copal dans le sol. Donc il fallait creuser. Ils leur informèrent aussi de la présence du copal dans les endroits marécageux, à extraire par une pique appelée bosiki. La rétribution n'était pas satisfaisante. Et Njolenjole s'en alla.
Il fut remplacé par Batalatala. Il ne tuait que quelques personnes. Et un décret vint interdire de tuer les gens. Batalatala et son adjoint commirent une gaffe terrible. Ils venaient de voler des biens appartenant aux Blancs de l'Etat. Ces Blancs de l'Etat, nous les appelions "Ja Metete". Ils voyageaient partout à la reconnaissance de terrains, mais habitaient Bongila où ils avaient un magasin. Profitant d'une de leur tournée, Batalatala et son adjoint Esukafaya, pendant que tout le village était endormi, cambriolèrent leur magasin et volèrent du beurre, du riz, de l'huile, du sel, de la viande, des biscuits, de la farine et d'autres marchandises.
Lorsque les Blancs "Ja Metete" apprirent que les Blancs de la SAB Bongila avaient volé leurs marchandises, ils retournèrent de toute urgence, et en firent rapport au chef de la SAB à Busira. Ayant tranché la palabre, il donna raison aux Ja Metete) et les deux Blancs de la SAB furent licenciés et incarcérés à Coq. Le Chef de la SAB s'appelait Bakasimingi. Il remplaça les deux voleurs par deux autres Blancs à Bongila: Bondele Ngonga (parce qu'il sonnait le clairon chaque nuit) et un autre Babelu. Peu après un décret institua désormais le commerce normal contre rétribution honnête. Et terminé, plus de massacre ni de razzia. La rétribution se faisait par des bracelets de cuivre, des morceaux ou des laitons de fer, des perles, des vêtements, etc.
Et voilà qu'une autre monnaie semblable à celle de l'Europe arriva. Elle est appelée Franc, avec sous-multiple makuta. Désormais tous les salaires seront payés par cette nouvelle monnaie. Toutes les transactions économiques se dérouleront dans cette monnaie.
Peu après, les Belges arrivaient. Ils renforçaient l'usage de la monnaie. MM alias Mpambi et Bafutamingi vinrent relayer Ngonga et Babelu. Et une ère nouvelle s'instaura. Ceux qui travaillaient chez les Blancs voyageaient partout à la recherche de leurs parents dispersés lors des campagnes meurtrières de caoutchouc ou du copal. Les Blancs libérèrent ceux qui étaient en esclavage, mais certaines personnes préférèrent y rester parce qu'habituées. Ils y sont devenus comme, originaires avec la mort des vrais originaires. On ne leur reconnaît plus le statut d'esclave. D'où ils préfèrent y rester, parce que parfois devenus très riches et polygames pour avoir hérité des biens de leurs maîtres.
L'Etat succéda à la SAB et hérita de ses biens. Le Blanc qui le premier a repris la SAB, c'est Itumbambilo. Il habitait Ilenge, vers le secteur de Lomela. Il apprit que les Nkengo n'avaient pas d'argent à cause de leur méchanceté. Itumbambilo, accompagné de 20 soldats, alla payer les premiers francs chez les Nkengo. Il n'avait payé que 3 fr. Il fut remplacé par Lofembe. Il habitait Ilenge (Ikaka). Une maladie l'emporta à Monieka.
La contrée dont question s'appelle Bus-Bloc à cause de la SAB qui s'y était installée sans concurrence, ce qui la poussait à agir comme bon lui semblait. Que de dégâts. Elle rétribuait mal les gens, et tuait à sa guise, sachant que l'Etat viendrait lui succéder. Le "Bus-Bloc" était esclave de la SAB. Maintenant nous sommes régis par l'Etat, car nous lui payons l'impôt. Mais les réalisations de l'Etat ailleurs n'ont pas encore eu lieu ici. D'ailleurs, les étrangers, les Blancs et d'autres catégories d'hommes se sont installés partout, mais sur cette contrée il n'y a encore que la SAB, à Bomputu Likete, Bokonji. Comment peut-on dire que le "Bus-Bloc" s'est affranchi de la SAB? Nous, on ne le voit pas encore. Des étrangers Blancs se sont partout installés, sauf ici. Moi, je pense que nous sommes toujours esclaves de la SAB.
On dit qu'il n'y a plus de gens chez nous. C'est faux. Il sont disséminés et installés partout dans les villes européennes. Car vivre à côté du Blanc, c'est vivre à côté à la source d'un ruisseau. Montrez-nous à Bus-Bloc une seule source Nulle part, même pas chez les Bilinga sur la Lomela ou sur la Salonga. Donc nous restons toujours les esclaves de la S AB.
Nos ancêtres appelaient Ciel "espace découvert du village"; Terre "lomboko"; actuellement bolongo (espace découvert) signifie Ciel.
Voici les noms des Blancs qui ont dirigé les expéditions meurtrières du caoutchouc: Nkoy'Is'Olongo à Bomputu, Njolenjole à Isaka (Bongila), Ntambola à Watsi Mbole; Mpambi à Momboyo Monene. Batalatala et Esukafaya vinrent remplacer Nolenjole à Bongila. Ngonga et Babelu remplacèrent Batalatala et Esukafaya. Finalement Mpambi et Bafutamingi remplacèrent Ngonga et Babelu (à Bongila)

NOTE
1. Auteur de 2 articles dans le Coq Chante du 1-15 juin 1939 p.10-11 (Moralités) et de septembre 1941, p.7 (l'intelligence des Blancs vue par les Noirs).
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LOTULO/Bokela
429/86
Pierre LOKULI, enseignant originaire de Lotulo, M.C.Bokela

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS AU CONGO
C'est par Nkundo, dans le territoire de Monkoto, qu'est entré le premier Blanc venu au Congo. Il construisit un monument en pierre à la Salonga. Il remonta ensuite cette rivière. Il atteignit le Kasaï, chez Ngongo sur les eaux de Lodja. Ngongo livra une bataille avec ce Blanc. Ngongo tua 3 soldats du Blanc.
Le Blanc en question, Bombende, fut administrateur de la SAB. Après ces événements, il rentra en Europe en présenter le rapport à l'Etat, notamment au Commandant Longwango. Ce dernier remonta la Luo et la Loafa pour chasser les Kasaïens. Puis, Bombende remonta la Salonga jusque chez les Kasaïens où il alla se battre avec Ngongo alias Lofaka. L'administrateur de la SAB arrêta Ngongo. On lui ravit ses fusils. On l'attacha contre un arbre. Les soldats ont beau tirer sur lui, il ne mourait pas. Il leur dit: "Tirez-moi dans une de mes oreilles, alors je mourrai". Et il en mourut. Trois oiseaux sortirent de sa tête.
L'administrateur de la SAB imposa alors le caoutchouc aux Kasaïens. Les Nkundo et les Mongo n'y ont été astreints qu'après. Ici remonte l'origine de l'entraide entre personnes de même âge, inongo. Ce fut à Botenga, près de Eboo.
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SALONGA
428/85
Pierre LOKULI, moniteur M.C. Bokela

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS,
Le Blanc qui est venu en premier lieu visiter le Congo, s'appelait Bombende. Ce Blanc de la SAB remontait la Salonga. Il arriva enfin chez les Nkundo, dans le territoire de Monkoto, puis remonta davantage jusqu'à atteindre le Kasai. Il se battit avec les Kasaïens. Les Kasaïens avaient tué ses 3 soldats. Bombende rentra chercher un autre Blanc de l'Etat, répondant au nom de Longwango.
Il remonta de nouveau la Salonga. Il alla combattre les Kasaiens. Il tua les Kasaïens. Il prit leurs fusils, et l'Etat fit soumettre ces gens.
Au demeurant, c'est Bombende, le Blanc de la SAB, qui, le premier, est venu visiter le Congo. Son vrai nom: Esital.
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1.5. LA LOMELA

INTRODUCTION
Aucun rapport sur la découverte de la Lomela, longue 887 Km, ne nous est parvenu. Par contre, une excellente étude de G. Hulstaert, basée sur ses observations en 1926-27, donne une idée globale et parfois détaillée de groupes humains vivant entre la Lomela et la Salonga. Les documents d'archives concernant le martyr d'Isidore Bakanja (1909) nous informent amplement sur la situation engendrée par l'exploitation de l'Etat ou de la SAB (Bus-Bloc). T.W. Dörpinghaus nous livre un témoignage tout parallèle aux faits relatés dans nos récits. L'insurrection d'Ikaye qui atteignit en 1923 la région prouve comment la colonisation n'avait toujours pas réussi à s'allier le peuple.
Sur la rive droite, nous rencontrons les ' Bakutu, les Ikongo, les Bosaka, et à la Haute Salonga, les Boyela. Sur la rive gauche, les Mbole, les Lokalo et les Boyela; à l'embouchure les Ntomb'a Nkole.
La première mission catholique est Bokela (1939). Les protestants ne s'y sont jamais établis.

BIBLIOGRAPHIE
1909 DORPINGHAUS T.W., Deutschlands Rechte und Pflichte gegenüber dem Belgischen Kongo, Reimer Verlag, Berlin, 1909.
1931 HULSTAERT G., Over de volkstammen van de Lomela, Congo (1931) 13-52
1979 CLAESSENS A., Isidore Bakanja, martyr? Etude critique des conflits entre la Mission des Trappistes et la Société Anonyme Belge du haut-Congo, (étude entreprise à l'occasion de la béatification d'Isidore Bakanja (+1909), Mémoire de Maîtrise, Institut Catholique de Paris, 1978-79, 2 tomes (inédit)
1980 Idem, Les conflits dans l'Equateur, entre les Trappistes et la Société Anonyme Belge (1908-1914), Revue Africaine de Théologie 4(1980)
n°7, p 5-18.

IYELE/ILENGE
447/123-124
Augustin NSAMBOLI, catéchiste

RESUME: Les Blancs arrivent par bateau et arrêtent deux hommes. Ils les emmènent en aval où un d'eux reste. Ekof'Otuma seul revient, alors les villageois décident d'attaquer le Blanc, qui riposte atrocement; tueries; caoutchouc. Ekof'Otuma paie le tribut. Affectation des sentinelles et installation du Blanc dans le village.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Un bateau accosta notre beach. Etaient présents Ekof'Otuma et Mboy'Akoto. Le Blanc qui était à bord du bateau avait arrêté ces deux hommes et les embarqua. On les conduisit en aval pendant une année. Puis on les ramena au beach de Iyele. Les villageois y accoururent et y abordèrent Ekof'Otuma. Il était seul. On lui demanda où était son compagnon. Il répondit qu'il était resté en aval. Les villageois décidèrent de se battre avec le Blanc lorsque son bateau allait repasser.
Et le Blanc repassa. Les villageois le combattirent. Mais lui les a tués en masse. Ekof'Otuma exprima son affliction en ces termes: "pourquoi avez-vous fait la guerre avec ce Blanc alors que je vous l'avais interdit"? Ekof'Otuma s'affligea profondément, car on avait exterminé son patelin. Il apaisa le Blanc en lui offrant 6 chèvres. Le Blanc s'appelait Longema. Puis il ordonna à Ekof'Otuma: "Va dire à tes gens de me fournir 6 paniers de caoutchouc que tu m'apporteras". Les villageois exécutèrent l'ordre à cause de leur compatriote. Ekof'Otuma ramena le produit au Blanc. Celui-ci lui dit: "Va dire à ton peuple qu'il a bien fait. Je rentre en aval, nais je reviendrai m'établir chez lui".
Ce Blanc n'avait pas fait longtemps en aval. Il en revint accompagné de deux Noirs nommés Kayomba et Sokela. Il leur donna deux fusils et les affecta comme suit: Sokela au beach d'Iyele et Kayomba à Ilenge. Sokela ordonna aux Iyele d'aller construire un dépôt pour le caoutchouc à Ikili. Ce qui fut fait. Et on récolta le caoutchouc à nos dépens, car beaucoup de gens en sont morts. Nous avons cru que la récolte du caoutchouc était une bonne chose, alors que c'est une très mauvaise chose. Nous ne voulons plus nous remémorer cette période. La palabre de Boyela n'avait pas eu lieu chez nous.
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BAKUTU
439/110
Fidèle ITOKO, élève E.P.A. Boende

TEXTE:
LES DEBUTS DU CAOUTCHOUC
Dans les temps reculés, avant que les Blancs ne viennent au Congo, le premier Blanc qui est venu visiter le Congo fut Diego Cao. Ce Blanc était un véritable riverain à la manière de nos Elinga. Par après beaucoup de Blancs sont arrivés au Congo. C'étaient des Blancs de la SAB, de l'Etat et d'autres.
C'est la SAB qui a instauré le caoutchouc. Elle disait: "Récoltez du caoutchouc pour nous. Même si la quantité est moindre, apportez le produit tout de même". C'est Bongena, le Blanc chef qui avait donné ces ordres. Nos gens entrèrent dans la forêt à la recherche des lianes à caoutchouc. Et la récolte se déroula d'après une méthode appropriée: saigner la liane, en faire couler le latex sur une feuille sauvage, le faire sécher, et en faire des boules.
Le chef rassemble les récolteurs pour exécuter le travail dans un même lieu. Celui qui ne sait pas grand-chose est abattu. Celui qui le sait en est sauvé. On mélange le caoutchouc avec des produits tels que la jus du Costus et autres. Parmi les lianes à caoutchouc, mentionnons la Clitandra cymulosa. Ces produits sont bouillis ou mélangés d'autres produits aigres. C'est Botonga, le travailleur de Bongena qui surveillait ces opérations. Il habitait Ikili et nos gens allaient jusque là vendre leur caoutchouc.
Le capita qui a été affecté chez nous fut Mbula Ifanyankombo, originaire de Basankoso. Le caoutchouc s'épuisa pour avoir été longtemps récolté. Et l'Etat mit fin à la corvée. Il exigea plutôt du copal et des amendes palmistes. Le caoutchouc avait entraîné la mort de beaucoup de nos gens. On en a repris la récolte en 1942.
Silence, c'est la fin.
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NGOMBE'A MUNA
674/359-361
Joseph LIKETE, moniteur à Likete, Plantations SAB

RESUME: Le Blanc Lonkoka y arrive le premier et fait arrêter un autochtone, Iyotsi y'Ofoka, et sa femme. Ils sont emmenés au bateau où Iyotsi est accueilli par un coup de crosse. A Ngomb'Isongu, Iyotsi est débarqué pour chercher des vivres pour les gens du Blanc. Ils en furent rétribués en perles et machettes. 4 Blancs arrivent après que Lonkoka est parti. Ils font la guerre aux autochtones qui, devant la gravité de la situation, signent un accord de paix moyennant caoutchouc. Tueries. Le Blanc Longwango, responsable des tueries est déféré devant le directeur en inspection. Il est révoqué. Eloge du Blanc Bakasi qui a conduit la population à la prospérité. Les Missionnaires.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC SUR NOTRE TERRE DES NGOMBE'A MUNA
Le Blanc qui est venu ici chez nous fut Lonkoka. Voici comment il y est arrivé. Un certain Bokonga, à Isong'a Ngele, avait une dette d'un de nos vieux appelé Iyotsi y'Ofoka, le père d'Elengwa. Le vieux Iyotsi y alla demander sa dette. Tous les vieux s'y étaient réunis et y avaient tranché la palabre en faveur de Iyotsi. Bokonga donna à Iyotsi une femme appelée Esanga. Ils étaient encore là, lorsqu'on entendait un bruit pareil aux crépitements de la pluie provenir de l'aval. La palabre ayant pris fin, Iyotsi y'Ofoka se leva et partit avec la femme qu'on lui avait donnée. A peine étaient-ils arrivés au bout du village qu'ils rencontrèrent un Blanc et ses hommes. Iyotsi s'enfuit en hurlant. Ceux qui étaient restés à la cour virent cet homme blanc, qu'ils voyaient pour la première fois. Tous prirent fuite.
Lonkoka arrêta Iyotsi et cette femme et les emmena au bateau. Puis on démarra le bateau et on remonta le fleuve jusqu'à Bokwankoso et Botende. Ils y ont passé 5 semaines. Pendant qu'ils emmenaient Iyotsi y'Ofoka, les gens qui accompagnaient le Blanc Lonkoka lui assenèrent un coup de crosse sur la tête. Il en fut blessé, et le Blanc le leur interdit. Puis ils amarraient la barque à Ngombe Isongu. Et le Blanc dit à Iyotsi: "allez au village chez vos parents me chercher la nourriture, car mes gens et moi, nous mourons de faim". Ils rassemblèrent tous les vivres qu'ils avaient, et tous allèrent les présenter à Lonkoka. Il leur paya des perles et des machettes. Puis Lonkoka dit aux villageois: "Moi, je m'en vais, mais préparez de la nourriture pour Ntsimoa et Ebosafaka". Il leva l'ancre et s'en alla. Le bateau à bord duquel il était venu s'appelait Engondo, qu'on appelle actuellement Boende.
Après lui, on festoyait joyeusement pendant au moins 6 ans. Puis on entendait les vrombissements d'un bateau qui accosta. Le bateau s'appelait Ewoko, qu'on appelle actuellement Brugman. Quatre Blancs en débarquèrent: Lomesu, Esende, Bosongo et Longwango. Après ils délogèrent les Elinga de Ngomb'Isongu. Puis les Elinga prirent fuite. Ayant appris cela, notre village se réfugia dans la forêt. Ces Blancs ordonnèrent à leurs soldats de tuer des gens. Et ils en avaient tué beaucoup. D'autres furent faits prisonniers. Devant ce spectacle de nombreux morts, nos gens décidèrent de se présenter pour conclure un traité de non agression avec des Blancs. Puis le Blanc Lemesu affecta ses 3 autres Blancs dans nos hameaux. Il affecta Bosongo à Balinga, Esende à Bokoka et Longwango à Likonji. Lui même resta à Ngomb'Isongu et les Nyanganyoli de fournir de la chikwangue et du poisson. Les Bokoka, les Iloma, les Dongo et les Bola w'aliko par contre, devaient fournir de la viande. Deux semaines plus tard, il imposa le caoutchouc. On devait récolter ce caoutchouc de 3 manières: d'abord en paquets, puis en lianes et enfin sous forme plate. Chacun devait en fournir 10 paniers. Pour ceux en forme de paquet, on devait en fournir 10 paquets. La fourniture ne pouvait pas être inférieure à 6 paniers ou paquets. Sinon, on est tué. Beaucoup de gens en sont morts. Les soldats étaient appelés fusiliers ou Bitafenjolo. Le chef des fusiliers, Wilima, habitait Bokoka. Bompenge habitait Ekonda. Un autre appelé Esende, originaire de Injolo et Emeka, originaire de Bokele, habitaient Bokoka. Eale habitait Bongele. Etenaka, c'est-à-dire Paul Iyema qui était catéchiste en chef à la mission de Boende, lui et Beyoko, Botuna ainsi que Eyatsi habitaient Dongo Lofondo. Bompende habitait Iloma. Tous avaient tué beaucoup de gens, à l'exception de Bompende.
Le premier Blanc qui résidait à Bokoka, Esende, quitta les lieux. Il avait tué beaucoup de gens. Longwango le remplaça. Lui aussi avait tué beaucoup de gens. Là-dessus leur directeur, Bongenda, arriva. Un homme de chez nous, appelé Etsim'Alungu, vint accuser Longwango chez le directeur. A sa charge, le meurtre de beaucoup de gens pour délit d'insuffisance de caoutchouc. Puis le directeur révoqua Longwango, et réaffecta Esende à Bokoka. Lui, le directeur, résidait à Busira.
Tous ces Blancs s'adonnaient à la corvée du caoutchouc. Et nos gens ont traversé la rivière vers Bakutu à la récolte du caoutchouc. Ils en sont morts nombreux. Bakasi remplaça Esende. Bakasi nous donna l'occasion de récolter le caoutchouc, de festoyer et d'accéder à la dignité humaine. Bakasi partit, et Bombende le remplaça. La rétribution contre le caoutchouc consistait en perles. Sous son mandat, Bombende supprima le caoutchouc et nous imposa le copal. Le salaire du copal était en perles, puis du sel et des machettes. Dès lors, on cessa de tuer des gens. On commença à nous initier au travail de boy.
Le premier Blanc de l'Etat qui arriva ici chez nous fut Itumbambilo. Il résidait à Boende. Les premiers qui arrivèrent étaient au service de la SAB. A cette époque ils avaient créé un poste à Ngomb'Isongu.
Le premier prêtre qui est arrivé ici fut le Père Berckmans (Brecemasi).Il habitait la mission Wenga/ Busira. Lui et le Père Louis et le Père Becronanoni. A cette époque ils envoyaient leur catéchiste en chef Antoine Loleka. Ils lui disaient: "Vous, allez raconter aux gens les choses de Dieu". Puis le Père Brecemasi arriva après le catéchiste. On érigea la première Eglise à Ngombe Isongu. Terminé.
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NGOMB'ISONGU
424/81
Albert MANGA, M.C. Bokela

TEXTE
LES RECITS SUR L'ARRIVEE DES BLANCS
Le premier Blanc qui est venu chez nous, Lokoka, n'avait pas accompli une année. Il résidait à Ngombe-Isongu. C'est lui Lokoka le Blanc qui a commencé à imposer le caoutchouc aux Ngombe-Isongu. La récolte du caoutchouc se déroula deux fois. Puis Lokoka rentra en aval. Après Lokoka, 4 Blancs accostent à Ngombe. Un d'eux, Lemesu s'installa à Ngombe-Isongu; les autres: Esende, Bomende et Isewanga s'installèrent respectivement à Bokoka, Balinga et Botoka. Bomende quitta Balinga pour Besoi, Isewanga quitta Botoka pour Balinga. Tous ces Blancs ordonnèrent aux indigènes de récolter le caoutchouc. Ces Blancs étaient accompagnés de jeunes gens originaires ethnies suivantes: Boleke, Bonsela, Nkundo, Bokote. Ces gens étaient affectés un peu partout, exactement comme on affecte des catéchistes. Ils ont maltraité au moins dix indigènes. Les Blancs n'intervenaient pas.
Et l'Etat vint intervenir de peur de décimer la population. Ensuite les gens sont restés chez eux. Les Blancs sont restés seuls.
Après le caoutchouc on imposa le copal aux indigènes (2).

NOTES
1. Auteur d'une note sur les contes dans le Coq Chante du 15 janvier 1946, p.6.
2. Note du Père Jaak Smolders attachée au Document 424: "Albert Mpange a été boy des capitas du caoutchouc et a donc participé à la chasse à l'homme. Je l'ai entendu raconter ses aventures à Bosengela".
(Bakutu, en face de Ngomb'Isongu).
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BAMATA
682/Papiers Hulstaert
Pierre ELONGO, Baringa, Botenga (1)

RESUME: Un Noir y arrive d'abord. Mais il tue une femme, et prend sa pirogue pour faire traverser ses hommes. Il tue aussi un homme de Baringa. Le Blanc Bombende ne vient que plus tard. Résistance du capita Iyom'a Nkoi, tué. Sentinelles et caoutchouc. Les Blancs se succèdent, mais seul Esokafania traite dignement les Noirs.

TEXTE:
Is'Ongwa arriva le premier à Bamata. Lui, un Noir il n'était pas Blanc. Puis il arriva à Baringa. A son arrivée à Baringa, il chercha une pirogue, mais il ne l'a pas eue. Il assembla liés avec une corde 4 troncs de bananiers et traversa la rivière. Ayant atteint l'autre rive, il croisa une femme appelée Mbombe en train de voguer à bord de sa pirogue. Is'Ongwa la tua, et par sa pirogue, fit traverser toute son équipe qui l'accompagnait. Lorsque tous eurent terminé à traverser la rivière, ils passèrent par la terre ferme et atteignirent Itoko. Comme ils n'y avaient trouvé personne, ils arrivèrent à Ikongo. A Ikongo ils ne trouvèrent personne et retournèrent à Baringa, Tous les hommes l'attendaient pour la guerre. Il se battit avec les Baringa. Is'Ongwa tua un homme appelé Lompufu. Il abattit à coup de fusil, non à coup de lance. Puis Is'Ongwa retourna à Bamata.
Après 3 mois, Bombende arriva à Baringa. Il convoqua tous les Baringa pour leur imposer une corvée. Il imposa aux Bekonji la fourniture de la viande. Mais le capita de Bekonji le refusa. Le capita s'appelait Iyom'a Nkoi. Après la mort de ce capita, il imposa à tous le caoutchouc. Puis Bombende affecta 3 sentinelles à Nkoto, avec Emeka comme capita. A Bakanja 3 sentinelles aussi, avec Wilima comme capita. Bombende ordonna à Wilima de tuer si le caoutchouc n'était pas suffisant. Bombende imposa à chacun 3 paniers. Si un seul vient à manquer, on tue le contrevenant. Bombende insista auprès de Wilima: "Si un village accomplit 100 paniers de récolte, sortez-en, sinon tuez-les". Tout le monde allait dans la forêt et en sortait pour le marché. Si un village n'a pas pu récolter 100 paniers de caoutchouc, on en tue 20 personnes, conformément à l'ordre de Bombende à Wilima. Bombende s'en alla à son poste; il résidait à Esoi. Puis Lofembe arriva. Il marcha sur les traces de Bombende. Il continuait à faire fournir le caoutchouc, et à tuer les gens. Il résidait aussi à Esoi. Puis le Blanc Mpambi arriva le remplacer. Mpambi faisait récolter aussi le caoutchouc. Il a tué beaucoup de gens. Il résidait aussi à Esoi. Il ravit des fusils, et leur laissa lances et flèches. Avec des flèches, ils ont continué à nous tuer davantage. Mpambi fut remplacé par Longwango. A l'arrivée de Longwango, les assassinats prennent fin. Il envoya toutes les sentinelles à Baringa. Il nous ordonna ensuite de récolter le caoutchouc en forme plate. Pendant que nous exécutions cette corvée, les tueries avaient pris fin. Longwango ordonna aux capitas d'aller eux-mêmes surveiller la récolte du caoutchouc. Puis il s'en alla. Le Blanc Nkombe arriva, et on continua à récolter le caoutchouc de forme plate. Il partit et Lomambe arriva. A son arrivée, on mit fin au caoutchouc plat. On plantait les hévéas chez les Mbole. Puis Lomambe partit. Esokafania arriva. Il nous a fait du bien. On vivait dignement, des fêtes, de la bonne nourriture, et une lueur de bonheur commença à poindre.


NOTE

1. Auteur d'une moralité dans Lokole Lokiso 1 novembre, 1958, P.2.
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BARINGA/Botenga
454/134-135
Pierre ELONGO (1)

RESUME: L'arrivée d'une sentinelle: Is'Ongwa qui parcourt la région et se bat avec les Baringa; Bombende impose les corvées et le caoutchouc; installation des capitas et tueries; succession des Blancs à Esoi; désarmement; caoutchouc plat et après le copal; fin heureuse.

TEXTE:
ARRIVEE DU BLANC ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC (2)
Is'Ongwa est venu le premier à Bamata. C'était un Noir. Il n'était pas Blanc. Et il arriva à Baringa. Après son arrivée, il chercha en vain une pirogue. Il prit 4 troncs de bananiers, les attacha les unes contre les autres par une corde, et traversa la rivière. Il rencontra une femme appelée Mbombe, en train de traverser la rivière. Is'Ongwa la tua, lui ravit la pirogue et fit traverser les hommes qui l'accompagnaient. Après que tout le monde a traversé la rivière, ils empruntèrent un sentier et arrivèrent à Itoko. N'ayant trouvé personne à Itoko, ils sont arrivés à Ikongo. N'ayant trouvé personne à Ikongo, ils sont rentrés à Baringa. A son arrivée à Baringa, il rencontra des hommes en train de se préparer au combat. Is'Ongwa et les Baringa se battirent. Is'Ongwa tua un homme appelé Lompufu. Il l'avait abattu non à coup de lance, mais à coup de feu. Après cela, Is'Ongwa rentra à Bamata.
Trois mois plus tard, Bombende arriva à Baringa. Puis il convia les Baringa au travail. Il imposa aux Bekonji la fourniture de la viande. La capita de Bekonji refusa cette corvée. Bombende tua le capita. Ce capita était nommé Iyom'a Nkoi. Après la mort de ce capita, il imposa le caoutchouc à tout le monde. Il ordonna: "Tout le monde récoltez le caoutchouc". Puis Bombende affecta 3 fusiliers à Nkoto, avec Emeka comme capita; à Bakanja, 3 fusiliers aussi, avec Wilima comme capita. Et Bombende dit à Wilima: "Si le caoutchouc n'est pas suffisant, tuez-les". Bombende imposa à chacun 3 paniers. Celui qui n'en apporte que 2 est tué. Il enjoignit encore Wilima: "Si tout le village récolte 100 paniers, alors sortez de la forêt, sinon tuez-les". Et il s'adressa à tout le monde: "Allez un mois dans la forêt à la récolte du caoutchouc". On y obtempéra et après la récolte on sortit de la forêt. Puis on paya ce caoutchouc. Mais ce que faisant, si la quantité exigée n'a pas été accomplie, c'est-à-dire 100 paniers, on tue 20 personnes. C'est l'ordre donné par Bombende à Wilima. Bombende rentra chez lui. Et Wilima resta à Esei. Puis Lofembe arriva. A son arrivée, Lofembe a agi comme Bombende. Il n'a fait que faire récolter le caoutchouc et tuer les gens. Il habitait aussi Esei.
Après Lofembe, le Blanc Mpambi arriva. Sous son mandat, rien que le caoutchouc. Il tuait beaucoup de gens. Il habitait aussi Esei. Il leur ravit des fusils et ils ne restaient qu'avec des flèches et des couteaux. On nous ravit aussi des flèches et on nous tua davantage. Après le départ de Mpambi, Longwango le remplaça. A l'arrivée de Longwango, les tueries prennent fin. Longwango renvoya tous les fusiliers à Baringa. Longwango nous imposa une légère corvée de caoutchouc. A ce moment, plus de tueries. Longwango ordonna aux capitas d'aller eux-mêmes surveiller la récolte du caoutchouc. Puis il rentra. Nkombe arriva. Avec Nkombe on a continué à récolter le caoutchouc en forme plate. Il partit et Lomambe arriva. A son arrivée, c'est la fin du caoutchouc en forme plate. Nous nous occupâmes à planter des hévéas à Mbole. Puis Lomambe partit. Esokafania arriva. Sous son mandat, il nous imposait le copal. Il partit. Bonjolongo arriva. Il nous fit beaucoup de bien. On s'habillait bien, on festoyait, on mangeait une bonne nourriture, et on vit poindre une lueur de bonheur.

NOTES
1. Auteur d'une moralité sur des promenades nocturnes, dans Lokole Lokiso, 1 novembre 1958, p.2
2. Récit semblable à D.681.
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BOTOKA/ITOKO
430/87
Albert ISONGOLA, catéchiste Chef, M.C.Bokela

TEXTE:
Nous avons d'abord vu Bonyekankoi, le premier Blanc qui est venu chez nous, à la recherche des pointes d'ivoires et d'hommes. Après lui, son chef Iyoma est venu payer un anneau de cuivre et une barre de fer.
Le 2è Blanc, Nkoi de la SAB arriva, armé, et envoya son fusilier Isongola nous tuer. Le Blanc de la SAB alla jusqu'à Balinga. Il affecta un Blanc à Botoka. Celui-ci nous imposa le caoutchouc. Il s'en suit des tueries. Plus personne en vie. Le Blanc Isewanga ne nous payait pas. Nous voyons arriver un Blanc de l'Etat, appelé Longwango. Il interdit la guerre. Il nous demanda de fournir des chikwangues. Le Blanc de l'Etat, Bafutamingi, s'installa à Itoko, et nous demanda de payer l'impôt à 3 francs. Voilà tout.
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BOTOKA/EKOTSOLONGO
437/101
Bernard LOKONIO, moniteur, Booke, Poste Nkakempenge,
M.C. Bokela

RESUME: Le Blanc Is'Ewenga impose le caoutchouc, mais d'abord ce fut la guerre "Ifelafela" entre indigènes. Pendant le caoutchouc la guerre, puis pacte d'amitié. Les sentinelles dans les villages. Eloge des Blancs pour importantes innovations dans la vie des autochtones.

TEXTE:
J'ai demandé aux vieux du village, et ils m'ont dit ce qui suit. C'est le Blanc Is'Ewangi, qui a instauré le caoutchouc. La guerre de Ifelafela précédait l'événement. Et après avoir fait beaucoup de morts, elle prit fin. Is'Ewanga résidait à Ekotsolongo et Bombende à Balinga. Is'Ewanga excita ses capitas Lokoka et Bofili à aller livrer la guerre aux Eale. Beaucoup de gens étaient tués. Mais s'étant dispersés dans la forêt, les survivants s'y réunirent en se posant la question suivante: "Qu'allons-nous faire"? Deux parmi eux, Iyomankoi et Iyengasele sortirent de la forêt et allèrent rencontrer les 3 capitas. Ils leur demandèrent: "Pourquoi nous tuez-vous?". En guise de réponse, ils leur ordonnèrent de récolter le caoutchouc. Ils rentrèrent à la forêt appeler les fugitifs. Ils se rendirent devant ces 3 envahisseurs.
Ils se répartirent les villages. Lokoka et Is'Ewanga résidaient à Ekotsolongo. Eale résidait à Indeka et Bofiji à Mpumanjoku. On récolta une grande quantité de caoutchouc. On vendait le produit d'abord chez Is'Ewanga à Ekotsolongo. Puis à Besoi chez Bombende lorsque Is'Ewanga était parti.
Bombende partit et fut remplacé par deux Blancs: Lofembe-Senior et Lofembe-Junior. Tous ces 4 Blancs qui étaient venus avec la guerre provenaient de Lokolongo. L'Etat arriva et la guerre prit fin.
Nous remercions beaucoup et infiniment les Blancs, car n'eussent été eux, nous serions encore dans l'égarement. Les Blancs nous ont donné des villages, des maisons, des livres et la foi en Dieu. Que de grâce nous avons reçues de Dieu! Mais Stanley reste le premier Blanc venu au Congo.

NOTE
1. Version semblable à 644 du même auteur.
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BOTOKA/EKOTSOLONGO
644/305
Bernard LOKONIO, moniteur, Booke, Poste Nkakempenge, M.C. Bokela

RESUME: Is'Ewanga est le Blanc qui instaure le caoutchouc. Il est accompagné d'un soldat. La guerre, puis affectation de 3 sentinelles à 3 postes. Tueries et refuge dans la forêt. 2 villageois signent un accord de paix avec le Blanc; soumission; d'autres Blancs arrivent tant pour le caoutchouc que pour la religion.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU caoutchouc (1)
J'ai demandé aux vieux du village, et ils m'ont informé ce qui suit. C'est Is'Ewanga, le Blanc qui est venu instaurer le caoutchouc. Il est venu et a fait la guerre, appuyé par son fusilier en chef Isongola. Cette guerre était surnommée Ifelafela. Puis la guerre prit fin. Is'Ewanga résidait à Botoka ou à Ekotsolongo. Il affecta ses chefs: Lokoka, Eale et Bofili. Ils avaient tué beaucoup de gens. S'étant réfugiés dans la forêt, les villageois se réunirent en conseil pour délibérer de la situation.
Deux d'entr'eux, Iyamankoi et Yengasele, sont allés signer un accord de paix chez Bofili, Eale et Lokoka. Puis ces 3 chefs leur ordonnaient de récolter du caoutchouc. Ils retournèrent chercher les réfugiés de la forêt. Ils se sont alors partagé les gens. Lokoka alla à Ekotsolongo. Eale quitta, et Bofili prit sa place à Indeka. Is'Ewanga a créé un poste à Botoka. C'est là qu'on a vendu les premières récoltes du caoutchouc. Is'e'Ewanga y fut remplacé par Bombende. Celui-ci transféra le poste à Besoi. Bombende fut remplacé par deux Blancs: Lofembe-Senior et Lofembe-Junior. Ces 4 Blancs sont venus pendant la guerre du caoutchouc. Leur chef était Bonjolongo. C'était la guerre de la SAB.
Les deux derniers Blancs de la guerre furent les Lofembe, le cadet et l'aîné. Là-dessus la guerre prit fin, le caoutchouc aussi. Depuis lors, les Blancs de toutes sortes viennent sur notre terre.
Nous félicitons infiniment les Blancs. Si les Blancs n'étaient pas venus sur notre terre, nous serions comme des animaux. Nous ne serions pas lettrés, nous serions ignorants des choses de Dieu. Mais avant que ces Blancs n'arrivent au Congo, celui qui arriva le premier fut Stanley.

NOTE
1. Ce texte est la variante de 437 du même auteur (même contenu, mais expression variée).
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BOTOKA/EKOTSOLONGO
490/218
Albert ILANGA, moniteur

RESUME: 2 Blancs (Isewanga et Bomende) se répartissent des postes pour la récolte du caoutchouc. Affectation des sentinelles et adjoints. caoutchouc; tueries. Isewanga et ses hommes se retirent. D'autres Blancs arrivent pour l'instruction et la religion. 'Remerciements aux Blancs.

TEXTE:
LES DEBUTS DU CAOUTCHOUC (LA SAB)
J'ai demandé aux anciens du village, et ils m'ont dit ce qui suit. A l'instauration du caoutchouc, les deux Blancs qui étaient venus dans notre contrée en premier lieu étaient Isewanga et Bomende. Ils s'étaient réparti les postes: Bomende résidait à Balinga et Isewanga résidait à Ekotsolongo (Botoka). Isewanga avait engagé deux personnes influentes et les avait institués chefs. Il leur donna des fusils. Ce Blanc Isewanga affecta chaque chef dans un village, et lui fit adjoindre d'autres personnes. Leurs noms étaient: Eale Bofili et Lokoka à Yongo-Yala. Isewanga ordonna à ses 3 subalternes de faire récolter le caoutchouc par les villageois.
Les ancêtres avaient accepté la corvée et on apportait le caoutchouc à Isewanga dans son poste de Ekotsolongo. C'était une guerre qui avait dépeuplé nos ancêtres. Non longtemps après, Isewanga partit du poste de Ekotsolongo. Il alla créer un plus grand poste à Besoi. Et le caoutchouc que nos ancêtres récoltait n'était plus acheminé à Ekotsolongo, mais à Besoi. Puis le caoutchouc prit fin. La paix revenait.
Isewanga et ses sentinelles étaient partis. Ils léguaient l'autorité à un compatriote en qualité de chef. Cet homme s'appelait Yamankoi, originaire de Bolafa. Isewanga et ses hommes lui avait donné des fusils. L'Etat vint reprendre ces fusils en notre présence. Et les bateaux, les compagnies et les églises commençaient à arriver sur notre terre. Puis les Blancs se dispersaient dans toutes les contrées.
Que de grâces à rendre aux Blancs: N'eussent été eux, nous serions encore dans la forêt. Nous nous tuerions à coup de lances. Nous ne saurions ni lire ni écrire. Nous allions être sans intelligence. Nous ne connaîtrions pas Dieu, et nous ne saurions pas le chemin du ciel.
Mais avant que Isewanga et Bomende ne viennent au Congo, le Blanc qui était venu avant au Congo fut Stanley.
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NKAKE
444/120-121
Augustin NJOLI, catéchiste (1)

RESUME: Les Blancs Is'e'Iwanga et Bombende arrivent et ordonnent à leurs fusiliers de combattre les notables Loola et Ilolo. Ils sont plutôt aux prises avec des Kasaïens. Imposition du caoutchouc; disette; tueries. Un ancien fusilier devient catéchiste des premiers missionnaires dans la région. Début de l'élevage de petit bétail. Enfin la corvée du copal.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS CHEZ NOUS A NKAKE
Tout au début, le Blanc qui était venu chez nous le premier fut Is'e'Iwanga. Il était assisté du Blanc Bombende. Ils étaient très méchants. Ils avaient tué des gens partout. Puis ils sont venus s'installer à Botoka, un hameau de Nkake. Ensuite Is'e'Iwanga ordonna son fusilier Lokoka combattre deux notables d'un village proche de Nkake. Ces notables furent Loola et Ilolo. Lokoka obtempéra et se fit accompagner de quelques autres soldats. Arrivé là, il n'a pas rencontré les deux cibles. Il livra plutôt la guerre aux fusiliers du Kasai. Il en tua beaucoup et en fit d'autres prisonniers. A son retour, il se présenta chez Is'e'Iwanga qui le réprimanda très fort et le jeta en prison. Dès lors c'est la fin du poste de Botoka.
Il est vrai que l'arrivée des Blancs coïncida avec la récolte du caoutchouc. Et chez nous le caoutchouc commença avec l'arrivée de Is'e'Iwanga et de Bombende. Ses soldats étaient chargés de faire respecter la récolte du caoutchouc dans tous les villages. Il reste vrai que ce fut la période de douleurs et malheurs extrêmes. La disette sévissait atrocement, les tueries ravageaient à tout moment. Nous de Nkake remontions la Salonga, spécialement à Mbotolosi, à la recherche du caoutchouc que nous apportions d'abord à Botoka, et à la suppression de ce poste à Besoi. Le commerce consistait à récolter la quantité exigée. En deçà c'est la mort sur le champ. La récolte dont allusion n'est pas comparable à celle de 1940. Le produit de la première récolte était aussi épais que la peau d'un éléphant, et ensuite coupé en morceaux.
Pendant que la récolte devenait redoutable, nous apprenions qu'un fusilier de Bombende, Ifanja Joseph était arrivé chez nous. Il exerce maintenant la fonction de catéchiste. En ce moment, les Blancs démettaient de leurs fonctions tous les préposés non originaires. Le catéchiste accompagnait le Père Bekolonanosi (Père Cornos) (2). C'est le début de l'Eglise chez nous. Après le départ des étrangers de chez nous, nous avons eu des poules, des chèvres et des chiens. Et les gens ont commencé à construire de belles maisons. Maintenant, les Blancs nous ont imposé le copal. Nous voici dans cette corvée.

NOTES
1. Auteur d'une chronique de Bokela dans Lokole Lokiso, 15 novembre 1956, p.6
2. Père Trappiste Cornélius Braun(1885- ). Au Congo 190861913. Quitta l'ordre en 1915. Cf. Ann.Aeq. 1 (1980) II, p.129.
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BOTOKA
427/84
Jean TOSOMANKOI, maçon

TEXTE:
ARRIVEE DU BLANC ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Le Blanc qui était venu ici à Botoka, avant le caoutchouc, c'est Is'Iwanga. La première corvée fut la fourniture de la viande, du caoutchouc, du poisson, des noix de palme. Si quelqu'un ne fournissait pas de caoutchouc, on le tuait. Si quelqu'un n'avait pas de la viande, on le tuait aussi. Et si on demandait aux femmes d'aller à la poche et qu'elles en revenaient bredouille, on les tuait, elles aussi. Le caoutchouc que nous vendions au Blanc n'était pas payé contre de l'argent. D'ailleurs, ce n'était que le capita du village qui était payé moyennant un mètre de drill et un peu de sel. S'il demandait quelqu'un de lui enlever une jique, et que celui-là le refusait, on le tuait. C'est fini.
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ITOKO
452/132
ISONGWA (1), imprimerie M.C.

RESUME: De 1899 à 1952: 29 Blancs avec caractéristiques physiques et occupations spécifiques dans la région: caoutchouc, impôts, routes, noix de palme, abattage des éléphants,

TEXTE:
CHRONOLOGIE DE L'ARRIVEE DES BLANCS A ITOKO
ANNEES BLANCS
1899: Longwango, l'Etat. Il disait: "Je ne veux pas la guerre".
1900: Ikomakoma imposa le caoutchouc et tua 35 personnes
1903: Lekalienge imposa le caoutchouc, mais ne tua personne.
1904: Itobola Itamala (Itambala) imposa le caoutchouc. Il était grand de taille
1905: Iketekelenge imposa le caoutchouc, il était petit de taille.
1906: Bamenga imposa le caoutchouc. Il était grand.
1908: Makasimingi imposa le caoutchouc. Il était gros.
1913: Batalatala, lui, n'a pas fait longtemps. Il instaura l'impôt. Il tomba malade.
1914: Bafutamingi fixa l'impôt à 3 francs.
1.918: Nkoso traçait des sentiers et faisait payer des impôts. Il était petit.
1921: Wanganga faisait payer l'impôt et créait des routes. Il était grand.
1923: Longwango II ordonna d'entretenir des routes, de payer des impôts. Il était grand.
1925: Mulis percevait des impôts, et abattait des éléphants.
1925: Kasakasa entretenait des routes et percevait des impôts.
1925: Ebolabaya construisit une maison en briques à Itoko.
1929: Louis Chesa achetait des noix de palmes, entretenait des routes et percevait des impôts.
1929: Kitoko combattait les Loaya.
1928: Bafutamingi II, chef de poste. S'occupait des routes et de l'impôt.
1930: Nkoi percevait l'impôt. Il était gros. Bellens.
1931: Bomomo: impôt
1932 : Kitoko Bulles; impôt
1933 : Ekangakanga: impôt et routes.
1939 : Likatankoi: routes
1946 : Lokiki Mr Couche - Tochal
1945 : Kitoko Batefa
1948 : Nkake de Huit -De Wit
1948 : Ndeke
1950 : Bolangala Simons
1952 : Maipio Mr Dabois

NOTE
1. Texte anonyme selon E. Boelaert (cf. la liste), mais nous retrouvons Isongwa d'après une addition au crayon sur l'original.
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BOSANGA
416/48-50
Justin BOKOMBE, assistant agricole, à Entongonto (Boende) (1)

RESUME: Les Bosanga poussés par les Ngelewa et Lolingo; un Blanc chez les Bosaka; combat avec le premier Blanc Longwango; à partir de Wema installation du caoutchouc; résistance; soumission; bagarre avec les Bosaka à Wema; nombreux Blancs à Itoko; caoutchouc remplacé par le copal; Wanganga s'intéresse aux traditions et organise la région sur cette base; interdiction de l'esclavage.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC
1. Arrivée des Blancs
Ce qui suit a été raconté par les vieux de Bosanga (territoire de Boende, poste Entongoto, chefferie Toma-Gombe/Toma-Osama).
Au début, nous habitions du côté de Lolingo (Bokungu), près des bords de la Tsuapa. A cause des guerres claniques, nous avons abandonné ce site au profit des Lolingo et des Ngelewa. Survient alors une information en provenance de la haute-Tsuapa, selon laquelle un Blanc s'y est installé et livre la guerre aux Bosaka de l'actuel territoire de Bokungu, et à nos frères de Tomba-Okoni. Il nous a passés outre on ne sait pourquoi, et il a continué vers la Lomela. Nous ne l'avons jamais vu, mais avons seulement entendu parler de lui.
Entre-temps des luttes, ne cessent pas entre nous et les Bosaka. Quelques temps après, on nous apprend de Wema que l'Etat est en train de progresser vers chez nous. Le premier Blanc qui y arriva, c'est Longwango. Une bataille s'engagea entre ses nombreux soldats et nous, mais nous n'avons pas pu du tout résister. La terre était donc jonchée de nombreux cadavres des nôtres. Voyant ainsi, Longwango et ses hommes retournèrent à Wema. Peu après, un autre Blanc, Mboilonge, revint avec ses hommes. Au seuil du village, ils nous prévinrent à haute voix: "Frères, nous ne voulons pas la guerre". Les nôtres n'acceptèrent pas, mais voulurent livrer la guerre, ce à quoi Mboilongo ne fut pas d'accord. Un de nos patriarches, Ntofange, originaire de Moma, s'approcha courageusement du Blanc et lui demanda: "Que veux-tu?". Le Blanc lui répondit: Je ne veux pas la guerre, prenez ce chapeau et ces habits, et que nous devenions des frères. Ntofange remit ces objets à son frère Batoko.
Ceux qui ont voulu la guerre ne supportaient plus la détonation d'un fusil et se réfugièrent dans la forêt. La plupart écoutèrent Ntofange et Batoko, et apportèrent la nourriture pour le Blanc à Esanga (Lotoko-Ikongo). Une partie pensait que ce Blanc était un voleur ou un assassin. Après lui, arriva un autre Blanc surnommé Banunu, toujours en provenance de Wema. C'est bien lui qui commença avec la récolte du caoutchouc.
2. La récolte du caoutchouc
Banunu posa violemment la question suivante à notre porte-parole Batoko: "Où se trouve le caoutchouc? Pourquoi n'avez-vous pas voulu en faire la récolte?". Nous, on ne voulait pas récolter le caoutchouc. S'en suivit une guerre meurtrière. Lui et ses soldats tuèrent cinq personnes. Nous, on tua un soldat nommé Bokungu. Il appela Batoko et l'informa à son retour à Wema.
Son successeur surnommé Lomboto arriva muni d'une lettre de Banunu déclarant que nous ne voulons pas récolter le caoutchouc. Il ordonna: "Vous devez récolter le caoutchouc. Nous ne voulons pas la guerre. Allez dans la forêt, Mettez-vous au travail et nous serons des frères. Nous allons installer un marché à Wema. Chacun sera payé en mitako selon sa récolte".
A la 5è fois que nous nous sommes rendus à ce marché, une bagarre éclata entre nous et les Bosaka. Raison pour laquelle nous avons demandé au Blanc d'aller désormais au marché de Itoko. C'est là que nous rencontrions de nombreux autres Blancs. Et le Blanc de l'Etat appelé Bambenga. Les chefs autochtones de Itoko furent Nkweli et Ilanga. Nous avons beaucoup gagné en sel, en mitako et en couteaux qui nous aidèrent à récolter le caoutchouc.
Bambenga fut remplacé par Bafutamingi. Ce dernier ordonna: "Fini le caoutchouc, mais du copal". On erra partout dans la forêt à la recherche du copal. On ne nous payait que 2,4 fr seulement. Ceux qui n'avaient pas le copal étaient sévèrement punis, ou la prison ou une amende, ou une de ces peines seulement. Puis, le kilo passa à 6,9 fr.
Chaque village avait son chef. Le nôtre fut toujours Batoko, très estimé des Blancs. Le copal des arbres était moins cher que celui qu'on creusait. Ce dernier coûtait 25 fr. Beaucoup de gens mouraient en prison par manque d'argent pour payer des amendes.
Wanganga remplaça Bafutamingi. Il commença à s'intéresser aux généalogies et s'informa beaucoup pour bien administrer. Il nous sépara de Ikongo, et institua Batoko pour du bon comme notre chef. Jusqu'à présent, c'est son fils Nkombe qui est le chef des Toma-Gombe.
Wanganga partit. Bafutamingi revint, et lui succéda. Il interdit l'esclavage. Les patriarches furent mécontents, et évidemment les esclaves s'en réjouirent. Ils regagnèrent leurs villages d'origine.
Plusieurs problèmes étaient résolus et la paix régna. Les Blancs qui vinrent par la suite ne nous rendirent pas la vie impossible. Les Noirs se réjouissaient de ce que les palabres avaient pris fin et de nombreux articles dont ils ignoraient l'origine (des cigarettes, du savon, du sel, etc.)

NOTE
1. Auteur d'un article "Lolaka lokiso" (notre langue lomongo), dans Le Coq Chante, juillet 1943, p 6
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BOKELA/Besolia
Joseph BOLONGO /643/303-304 Catéchiste à Besolia

RESUME: Le premier Blanc vient faire la guerre; ils acceptent la paix; installation des sentinelles; caoutchouc et tueries; cruautés; la SAB et les Bomomo Kasaï; captures et transferts de groupes de personnes; La SAB après les Kasaï. Premier Blanc seulement pour l'ivoire.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Le premier Blanc fut Elemesu. Il était sorti à Isongu et y affecta son fusilier Isongwa. A son arrivée, celui-ci ne faisait que tuer les gens. Il est venu une fois, et continua sa route jusqu'à Ineka une fois aussi. Là-dessus les vieux de Besolia décidaient de signer un accord de paix. Il ne nous tuait pas. Les choses qu'il voulait sont: une chèvre et 4 pointes d'ivoires. Voici les noms de 5 vieux avec lesquels il a signé cet accord: Bafutswa, Nkombo, Nsanganyi, Ntakanyaka et Looto.
Après cela, Lofembe et Bombende arrivèrent à Balinga. Ils étaient tous les deux Blancs. Ils y recrutèrent des fusiliers: Botambe Bof'a Mboka, Bofili wa'Ilimba, Mboy'Itula. Isewanga fut affecté à Botoka. On lui ordonna: "Si quelqu'un ne récolte pas du caoutchouc, tuez-le". Il avait tué beaucoup de gens. Il n'avait épargné personne: femmes hommes et enfants, tous étaient tués. Des femmes qui fournissaient pas du poisson et des hommes qui ne fournissaient pas du gibier, on les tuait. A ceux à qui on infligeait la chicotte et qui séance tenante faisaient sortir des excréments, on obligeait de manger ces excréments. Si vous refusez de les manger, ils vous tuent. Quelques fois, on faisait allumer un brasier dans lequel on jetait plus ou moins 200 enfants. Ils en mouraient. Une femme est-elle enceinte, ils ordonnent: "Eventrez-la pour que nous voyons comment est l'enfant dedans". Il s'en suit la mort de la femme. On coupait à quelqu'un une oreille, et on lui laissait une autre. On obligeait une femme de faire des rapports sexuels avec son fils. Si elle refuse, on la tue. On interdisait de manger ni de la viande ni du poisson. On ne mangeait que des ignames et de fruits sauvages. Eux, ils mangeaient de notre nourriture; nous, on en mangeait plus.
Les Bomomo Kasaï avaient fait du mal comme la SAB. Ils avaient tous tué des gens. Les Bomomo Kasaï avaient tué Nsongenongo et son mari Lomputo, ainsi qu'Ilanga y'Omilo et sa femme Mputsu. Ils ont pris en captivité 300 personnes qu'ils ont amenées chez eux jusqu'à présent. La SAB avait d'abord tué Ilena, puis Nsanganyi. Elle est partie pour toujours, avec certains enfants.
Isongola avait des cauris et des perles. Il achetait des pointes d'ivoires. Il partit de chez nous sans tuer personne. Les Kasaïens, de mauvaises gens. Ils arrachaient quelques dents, et coupaient même les deux oreilles. Ils faisaient éventrer une femme enceinte pour voir comment y est l'enfant. Les Kasaïens ont tué beaucoup d'entre nous, et en ont emporté un bon nombre.
Les Kasaïens partirent, et la SAB arriva. Au début, elle avait bien agi, et tout d'un coup elle tuait des gens comme les Kasaïens. Elle exerçait les mêmes exactions que les Kasaïens.
Les souvenirs des ancêtres sur l'arrivée des Blancs. Nous avons d'abord vu Bonyeka wa Kongo, le premier Blanc. Il nous donna des colliers de perles, des vêtements cache-sexe, et autres biens. Il voulait des pointes d'ivoires et rentra dans son village.
Peu après les Kasaïens arrivaient, et tuaient de nombreux compatriotes. Ils en avaient fait de prisonniers, hommes et femmes. Ils crevaient un oeil à quelqu'un et lui en laissaient un. Ils faisaient couper une mamelle à une femme, et lui en laissaient une. Une femme enceinte était éventrée: et la mère et le bébé en mouraient. Il faisaient arracher une oreille et en laissaient une autre. Nos gens sont au Kasaï, chez Ngongo et Bontenga, à peu près 4000 personnes. Ce sont de gens mauvais.
La SAB arriva à Isongu et convoqua tous les vieux de Besolia:.Nkok'Etsiko, Bafetoa, Nkombo, Loota et Nsangani. Il leur dit: "je suis venu faire le commerce". Ce Blanc était nommé Esende. On lui offrit une pointe d'ivoire et une chèvre, puis il retourna dans son village.
Bomende et Isewanga arrivaient avec leurs fusiliers: Botam'of'a Mboka, Bifili et Mboitsula. Ils faisaient récolter du caoutchouc. Ils ont tué Ilembe et Nsangani. Ceux qui n'avaient pas de caoutchouc, on leur faisait avaler du latex et ils en mouraient. Le chasseur qui n'a pas attrapé du gibier est tué. On leur coupait des gorges. On imposa aux femmes de fournir du poisson. Celles qui n'en avaient pas, étaient tuées. On arrête 20 jeunes gens et 20 jeunes filles, ce qui fait 40 personnes. On les enferme dans une maison sur laquelle on met du feu. On obligeait à un garçon de s'accoupler avec sa mère, sinon on le tuait.
La façon de se comporter de la SAB pendant la campagne du caoutchouc est identique à celle des Kasaïens lors de la même campagne. Nombreux sont nos gens là en aval.
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BESOE, M.C. Bokela
648/309
Bruno NDELA, originaire de Besoi, C/° M.C. Bokela

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Avant l'arrivée des Blancs, nous avons accueilli deux hôtes: les Bosaka qui fuyaient les Arabes, et les Kasaïens. Les Kasaïens furent irruption avec leur 2 chefs dont Ngongo fut le premier. Ngongo avait volé un fusil des Arabes. Kandolo était soldat. Il a été fait prisonnier par l'Etat lors de la guerre avec les Arabes, et ensuite fait soldat. Puis l'Etat chassait les Arabes. Kandolo vint nous combattre, nous et les Bosaka. On s'est battu, puis il rentra. Nous n'avons pas encore récolté du caoutchouc.
Puis la SAB arriva. En voici les noms des premiers chefs: Afulumasi, Onyolongo, Is'Ewanga, Bomende et Mpambi. Tels sont les Blancs qui nous ont imposé du caoutchouc.
Les Blancs de l'impôt étaient: Bafutamingi, Iketekelenge, qui résidaient à Itoko. Le premier impôt était à 3 fr. Tels sont les Blancs que nous avons vus au début.
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BESOI
425/82
Jean BASELE, M.C. Besoi

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Depuis Ilongo, nous n'avions pas de Blanc dans notre contrée. On faisait la chasse, chacun vaquait à ses occupations. On dansait. Puis on apprit qu'un homme remontait le fleuve. Cela ne dura pas longtemps et on vit un Blanc au beach de Besoi. On alla le contempler. On s'en étonnai Car de mémoire d'homme, ils n'avaient jamais vu pareil être chez eux.
Le Blanc les appela et ils l'approchèrent. Il leur ordonna d'aller récolter du caoutchouc. Ils s'en allèrent à la besogne. On en apporta le produit. Le Blanc le pesa. Il les paya des colliers de perles. Il n'y avait pas du tout d'argent.
Le Blanc qui avait instauré le caoutchouc, c'est Isewanga. Puis Bomende, Lofembe et Longwango. S'en était fini avec le caoutchouc lorsqu'arriva Longwango. C'était déjà le copal. Après Longwango, ce furent successivement: Itumbambilo, Nkombe, Itondolo, et Bondele loso.
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BESOI (Bokela)
489/216-217
Albert ENGALA, moniteur M.C. Bokela

RESUME: L'arrivée des Blancs est révélée par un songe, puis c'est la SAB qui accoste et crée des postes; imposition du caoutchouc et surveillance par les fusiliers. Les Blancs de l'Etat, précédés par la guerre avec les Kasaïens. Epidémies, exterminations, impôts l'Etat. Missionnaires catholiques.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
A ces temps-là, un homme appelé Ikasiloata alias Lokokanya, originaire de Mpomanjoku, tomba malade. Peu après, il s'évanouit. Reprenant conscience, il dit: "J'ai vu en rêve certaines personnes venir, mais ils ne sont pas de cette terre". Là-dessus, on apprenait qu'une chose nouvelle était en train de venir de l'aval sans qu'on en connaisse les tenants ni les aboutissants.
Ils vivaient encore entre eux, lorsqu'un homme originaire de Miyaki, appelé Bolengya, entreprit un voyage sur la rivière Lomela, spécialement au village Nkond'a Njoku, dans la contrée de Ikongo-Lotoko. Chemin faisant, il vit brusquement un bateau. Il s'en étonna et dit: "Oh! De quelle nature sont ces hommes-là?". Il rentra en toute hâte alerter la parenté qui était restée au village. Il leur informa: "J'ai vu Bonyeke" (c'est-à-dire, c'est le nom qu'on désignait les Blancs), à bord' d'une espèce de pirogue faisant beaucoup de bruits, et qui avance de lui-même, sans l'action des pagaies. C'est par ce bateau que les Blancs ont envoyé leurs hommes pour commencer la campagne du caoutchouc.
Après le débarquement de ces messieurs à Itoko, ils créèrent des postes à Botoka et à Ineka. Ces gens étaient originaires de Bonsela, Mbango, Bokele, Bosanga, Ekonda et autres. En voici les noms de quelques-uns: Ealimolo, Lokoka, Bofili, Mpongo, Ngoi, etc. Lors de la récolte du caoutchouc, il y a eu des massacres, car la seule punition pour celui qui n'en récolte pas assez, c'est la mort par fusillade. Lors de cette campagne, les gens se mangeaient sans pitié. Ces gens étaient appelés à l'époque "Bokukulu". Comme ils étaient seuls, ils se firent adjoindre par des autochtones, parmi les plus malins, qu'on surnommait bitafenjolo. C'est eux qui étaient chargés d'activer les autres à cette corvée de caoutchouc. Parmi ces gens qui ont en été institués, chez nous était Yamankoi (Lofikekenyi) originaire de Bolafa. C'est bien lui le premier chef chez nous. Chaque chef de la SAB était appelé fusilier, car il portait un fusil avec lequel il tuait les gens. Ces hommes avaient aussi des adjoints et des boys.
Pendant qu'ils faisaient exécuter ces corvées, une rumeur en provenance de Lomela faisait état de ceci: "Un homme est en train de venir. Sa peau est comme un albinos, c'est-à-dire les yeux comme le kaolin blanc, et les cheveux tout-à-fait comme l'oiseau Pycnonotidae". Tous en eurent peur, car on n'en connaissait pas la nature. Tous les hommes avaient des mains sur la bouche par frousse. Ce Blanc était venu inspecter lé travail de sa compagnie. Ce Blanc s'appelait Isewanga. Et il résidait à Botoka. Là, il créa un poste. Et la mort d'hommes devenait incalculable. On mourait pour plusieurs raisons. Les uns mouraient de faim, les autres par défaut de récolter assez de caoutchouc. Somme toute, il y a eu un grand génocide.
Mpambi remplaça Isewanga. Et il agissait de la même manière. Bomena remplaça Mpambi. Il supprima le poste de Botoka et créa le sien propre à Etukolosi, à Besoi précisément. Dès lors le caoutchouc n'est plus envoyé à Botoka, mais à Etukolosi chez Bomene. Pendant qu'il y séjournait encore, Bomene créa une grande plantation de café. Beaucoup de gens originaires des villages de l'aval y travaillaient. Bongenda remplaça Bomene dans la même besogne. Lofernbe remplaça Bongenda. Il fut remplacé par Lofembe-Junior. Sur ces entrefaites, Bokukulu déclara à notre surprise: "Nous, on n'a pas beaucoup d'exactions, mais une autre compagnie appelée l'Etat va bientôt venir. Elle exerce plus d'exactions que nous". Après avoir entendu cela, tout le monde, pris de panique, poussait des jérémiades vers le ciel. Ils avaient tous les mains sur la bouche. Peu de temps après, nous remarquions que la SAB nous refusait les vêtements, les couvertures et les couteaux qu'elle nous distribuait auparavant. Puis, ils partaient nous laissant entre nous-mêmes.
Pas si longtemps, un village des Bosaka, appelé Bokoka vint nous faire la guerre, mais nous, on l'emporta. Bomomo, c'est-à-dire les Kasaïens, vinrent aussi pour la guerre. L'affrontement entre eux et nous eut lieu tout juste à Bolemenguwa, à mi-chemin de Loenga et de Mbelo). C'est là qu'on s'est battu. Et pendant que nous faisions la guerre avec eux, survint l'épidémie de la variole. S'ensuivait le dépeuplement: les uns mouraient à la guerre, les autres tués par des amis qui se nourrissaient de leurs chairs, les autres encore par la relégation très loin, et surtout à cause de l'épidémie de la variole. Même actuellement une bonne partie de notre population vit au Kasai depuis qu'ils y ont été déportés lors de cette guerre. La guerre, avec les Kasaïens prit fin. La variole s'arrêta. Et on avait un peu de pause.
Une rumeur nous provenait de Bokala, en aval, annonçant que l'Etat était en train de venir. Là-dessus, Bafutamingi qui était venu le premier s'installa à Itoko. Il y créa un poste. C'est pourquoi toute notre population devait allégeance à Itoko. Après cela la nouvelle sur l'argent nous parvenait. Cette nouvelle impressionnait tout le monde. Bafutamingi commença à distribuer à la population les livrets d'impôt. Pour la première fois, on payait 3 fr, puis 6 et 9 fr. Bafutamingi fut remplacé par Iketekelenge. Et il disait: "Il convient que je dispose des retraités pour que j'en fasse des chefs". Chez nous, il installa Yamankoi comme premier chef. A ce moment, on changea le nom du village Etsikolosi en Besoi. Et les missionnaires catholiques affectaient un premier catéchiste à Besoi. Il s'appelait Ifanja Joseph. Et le tout premier prêtre qui arriva fut le Père Coronantus (1).
Iketekelenge fut remplacé par Nkoso. Peu après, on institua Bolenganjoku chef, car lui faisait partie de la lignée aînée de notre contrée.
Et la corvée du caoutchouc prit fin. On instaura celle du copal, pour le compte de la SAB et d'autres compagnies qui s'y sont installées depuis lors jusqu'à maintenant. Désormais, plus de guerre ni de cannibalisme.

NOTE
1. Probablement le Père trappiste Conradus Van den Brakel (1879-1919). Au Congo 1912-1919.
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YALIKOMBA (M.C. Bokela)
671/356
Léon LOMINDO catéchiste

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC SUR NOTRE TERRE
Avant l'arrivée des Blancs, les Arabes étaient venus de la source de la rivière. Ce sont eux qui avaient donné des fusils aux Batetela. Ce Blanc s'appelait Arabe. Il est venu de l'aval. Il est venu avec la corvée du caoutchouc. Nos ancêtres récoltaient ce caoutchouc dans de grands paniers. Ce caoutchouc était récolté en forme de boulettes. Si on en récolte de mauvaise qualité, on est tué, à coup de fusil.
Ce Blanc avait tué d'innombrables personnes.
Le Blanc de l'Etat arriva. Son nom était Longwango. Il avait fait beaucoup de bien. Depuis lors notre village devenait très prospère. Nous devenions de gens heureux. Nous sommes devenus comme des Belges. Jusqu'à présent, le bonheur à profusion. Terminé.
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YALIKOMBA (Bokela)
672/357
Antoine ITOKO, chef

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS, ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Avant l'arrivée des blancs, les Arabes étaient venus de la source de la rivière. Ce sont eux qui avaient donné des fusils aux Batetela. Ce blanc s'appelait Arabe. Il est venu de l'aval. Il est venu avec la corvée du caoutchouc. Nos ancêtres récoltaient ce caoutchouc dans de grands paniers. Ce caoutchouc était récolté en forme de boulettes. Si on en récolte de mauvaise qualité, on est tué, à coup de fusil.
Ce blanc avait tué d'innombrables personnes.
Le blanc de l'Etat arriva. Son nom était Longwango. Il avait fait beaucoup de bien. Depuis lors notre village devenait très prospère. Nous devenions de gens heureux. Nous sommes devenus comme des Belges. Jusqu'à présent, le bonheur à profusion. Terminé.
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YALIKOMBA (Bokela)
672/357
Antoine ITOKO, chef

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Ecoutez un peu, que je vous raconte comment nous étions jadis sur les bords de la Luwo. Lorsque nous vivions avant, avant d'avoir des Blancs, nous voyions seulement des Arabes qui étaient comme des Blancs. Mais ils n'étaient pas de véritables blancs.
Les Arabes sont venus chez nous nous imposer une corvée: leur fournir des pointes d'ivoire contre des perles qu'ils avaient. Mais lorsque nous sommes arrivés sur la terre de Basankoso, le premier Blanc que nous avons vu était un Blanc de la SAB. A son arrivée, Bokukulu, le Blanc de la SAB expulsa les Arabes. Et le Blanc de la SAB nous imposa la récolte du caoutchouc. La SAB était une compagnie.
Ainsi, on devenait des gens d'un vrai Blanc à notre arrivée sur la terre de Basankoso. C'est pourquoi les Blancs de l'Etat sont venus nous prendre. Telle est la manière dont nous étions avant. Terminé.
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MPUMANJOKU (Bokela)
665/340-341
Henri IFOTSI, catéchiste à Mpumanjoku, M.C. Bokela

RESUME: L'arrivée du Blanc est précédée de l'arrivée d'un Noir à la recherche des pointes d'ivoires. Il n'arrive pas à Mpumanjoku. Puis arrivent les agents au service du Chef de l'acheteur de l'ivoire. Ils tuent 4 personnes. L'arrivée d'un Blanc est annoncée par ses fusiliers qui imposent le caoutchouc. Il s'agit du Blanc Is'e'Ewanga qui, plus tard sera suivit par 4 autres Blancs. Et c'est l'instauration de l'argent et de l'impôt.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Nos ancêtres vivaient, à leur époque, dans l'égarement 1 à cause de l'immoralité qui détruisait le monde. Comme par un rêve, nous apprenions qu'une personne était venue acheter des pointes d'ivoires. Mais cette personne n'était pas arrivée dans notre village. On en avait eu seulement des échos. Il s'était limité sur la terre de Belondo. Il s'appelait Bonyeka w'Akongo.
Brusquement survient la guerre d'Ifelafela dont les combattants armés de fusils étaient appelés fusiliers ou Bitafenjolo. Le chef en était Isongola. Ifelafela veut dire, qui ne dure pas plus de 2 à 3 jours dans un même village.
Voyez qu'à l'arrivée de Bonyeka w'Akongo, certaines personnes voulaient le tuer. On ne sait pas si à son retour Bonyeka en avait fait un rapport à son supérieur. A cette époque on ne savait pas s'il existait quelque part un chef. Mais nous ne faisions que supputations. Sur ces entrefaites, Ifelafela était venu avec des hommes en fusils. A son arrivée, il arrêta d'abord Bokee. La raison en était que Bokee lui avait lancé une flèche. Mais voulant s'enfuir Isongola lui dit: ''Si tu cours, je te tue à coup de fusil." Mais il n'en est pas mort. On avait plutôt tué: Bakanya, Bakau, Mpela, et Nkomilonga. Peu de temps après, la guerre d'Ifelafela continua vers l'amont de la rivière Salonga.
Comme d'habitude une rumeur circulait faisant état de quelqu'un qui était en train de créer des postes. Ce fusilier s'appelait Lokoka. Lokoka créa un poste à Mpumanjoku. A la fin des travaux de la construction du poste, il ordonna la récolte du caoutchouc: "Récoltez du caoutchouc. Chacun en fera un emplacement. Je ne fais qu'exécuter des ordres de celui qui m'a envoyé. L'homme en question a une peau comme le soleil, et des cheveux comme une femme. Quelle différence avec nous!" Et Lokoka de continuer: "Son nom est Is'e'Ewanga. Et si vous récoltez le caoutchouc selon des normes prescrites, il vous rétribuera par du sel d'Europe". Et comme Lokoka l'avait ordonné, on alla dans la forêt récolter du caoutchouc. Le premier marché prit fin, vint le deuxième. Puis il ordonna: "Que chacun en fasse deux entassements". Au 3è marché Is'e'Ewanga arriva. Quelle frayeur! On tremblotait. Peu après Is'e'Ewanga ordonna d'en récolter 4 entassements. On ne l'écouta même pas et on se sauva dans la forêt. Et Lokoka vint nous chercher dans la forêt. De retour de là, Is'e'Ewanga révoqua Lokoka et le fit remplacer par Botambawayaka. Il disait: "Je suis au courant de tous vos souffrances". Et il recruta une sentinelle appelée Nkulu. Nous, affamés on ne faisait que récolter du caoutchouc, ne se nourrissant que de fruits. On était devenu ici comme des singes. Comme il avait installé des sentinelles dans les champs, nous allions voler ce qui s'y trouvait. Allant inspecter des champs, Botambawayaka se rendit compte qu'il n'y avait plus rien. Botambawayaka furieux, prit un fusil et tua Nkulu. Après la mort de Nkulu, Is'e'Ewanga y affecta d'autres sentinelles: Eale, Bofili Nkolikwa etc.
Arriva un jour où celui qui ne récolte pas assez de caoutchouc est tué. Parfois on pouvait tuer 10 à 15 personnes. Les uns mouraient de faim, les autres de maladies. Enterrait-on quelqu'un, on allait le déterrer pour le manger.
Brusquement Is'e'Ewanga arriva avec 4 collègues: Is'e'Ewanga fut remplacé par Lofembe; Mpambi alla à Baringa, Bombende à Besoy, et Esende à Bokoka. C'est l'interdiction du caoutchouc. On imposa la fourniture du copal, des amendes palmistes, et la faim diminuait petit-à-petit. Peu de temps après, Bafutamingi remplaça Lofembe. Bafutamingi ordonna qu'on paye l'impôt à 4 francs par adulte monogame. Celui qui a deux femmes paye 2 francs supplémentaires pour l'autre femme. C'est Bafutamingi qui a instauré la liberté dans nos villages. Félicitations à lui aussi. Grâces soient rendues à la Vierge Marie à cause de la diminution de ces phénomènes effroyables.
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LONGOLONGO (Bakwala, M.C. Bokela)
645/306
André ESOMEYOKO, catéchiste à Longolongo
(Bakwala, M.C. Bokela)

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Je me suis renseigné auprès des vieux, et des villageois, et ils m'ont dit que les premiers Blancs qu'ils avaient vus dans notre contrée étaient Bomende et Lofembe. Ils nous ont imposé du caoutchouc. Mais à causes des misères qui en résultent, nous avons pris fuite vers les sources de la rivière Salonga. Nous y avons rencontré un autre Blanc qu'on appelait Mongola. Il avait un poste à Booto. Ils nous a distribué des boutures de manioc, des jeunes bananiers, des grains de maïs et d'ignames. C'est bien ce Blanc qui nous a fait beaucoup de bien, entre autres nous interdire de nous combattre inutilement. C'est depuis son avènement que nous payons l'impôt moyennant l'argent.
Nous félicitons beaucoup les Blancs. Nous ne vivons que par la bienveillance des Blancs.
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MBELO-BOOLI
646/307
Georges ILANGA, catéchiste à Mbelo-Booli, M.C. Bokela.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Tout au début, dans notre contrée, le Blanc qu'on a vu le premier fut Is'Ewanga. Il résidait d'abord à Botoka puis à Ikombo. Après Is'Ewanga, ce furent les Blancs Bombende et Mpambi. A leur arrivée, ils ont ordonné à tous de récolter du caoutchouc.
Chez nous à Ngony, nous avions une sentinelle répondant au nom de Ikwa. Il habitait Mbelo. Il nous avait imposé une seule boule de caoutchouc.
Quelques jours plus tard, il devint dur et méchant envers nous et nous ordonna de fournir trois paniers de caoutchouc, sinon les récalcitrants étaient tués.
Les hommes étaient continuellement dans la forêt, et les femmes à l'extérieur. Il y a eu beaucoup de morts, par maladies, car à cette époque de la récolte du caoutchouc, la variole sévissait.
Les gens qui étaient venus nous envahir étaient des Kasaïens. Ils étaient venus nous demander du caoutchouc, mais ils n'en ont pas eu. La toute première sentinelle en provenance de ce côté s'appelait Kalema. Il était venu sur ordre du Commissaire Cambanda-Kitambala. Là-dessus, les Blancs devenaient nombreux dans notre pays.
La récolte du caoutchouc était meurtrière, et les gens se sont exilés un peu partout. Les sentinelles fusiliers qui étaient ici ont tué une grande partie de la population. Et puis on avait les échos d'un Blanc appelé Père et d'un homme Ifania Joseph. Ils habitaient Besoi. Et c'est là le début de l'Eglise dans notre contrée.
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ISAM'ELONGO (M.C. Bokela)
621/266
Boniface BOSIKO, M.C. Bokela (1)

RESUME: Le Blanc Longwango arrive et impose la viande et du bois. Son successeur Ikomakoma instaure le caoutchouc. Exactions de son soldat Boliya, Trêve de caoutchouc et reprise sous le Blanc Kasakasa, sans exactions; fin du caoutchouc sous les Blancs Bamenga et Itambala.

TEXTE:
Vous n'ignorez pas vous-mêmes que les premiers hommes n'avaient pas assez d'intelligence pour compter les années, les mois et les jours. Ce que j'écris n'est que de bouche à oreille.
Le premier Blanc qui est venu ici chez nous fut Longwango. Les corvées de Longwango étaient la viande et du bois. Puis il retourna. Et le Blanc Ikomakoma arriva. Il ordonna de récolter le caoutchouc. Et il affecta ses soldats dans chaque village pour surveiller la récolte du caoutchouc. Ikomakoma ordonna aux soldats de tuer le village qui refuserait de récolter le caoutchouc. A peine avons-nous commencé à récolter le caoutchouc qu'un de ses soldats appelé Boliya entama une véritable guerre. Nous, les Isam'Elongo, les Lotoko et les Ikongo, on y avait fait face. Devant cela, on se dispersa partout dans la forêt. Mais lorsque Ikomakoma apprit que ses soldats se battaient avec les gens, il se jeta dans l'eau et mourut. Ensuite, le Blanc Leeka Lieyenge arriva. Il recommanda avec cette même corvée de caoutchouc. Puis il rentra, et on oublia la corvée du caoutchouc. Entre-nous seulement des rixes et des plaisanteries à volonté.
Beaucoup de temps s'écoulèrent et on apprit qu'un Blanc appelé Kasakasa était en train de venir pour restaurer la corvée du caoutchouc. Un de nos hommes qui était à Elome et qui s'appelait Bosangya, dit: "Que tous les Isam'Elongo récoltent du caoutchouc. Que chacun entasse sa récolte et l'apporte à Lotoko pour que le Blanc se rende compte que les Isam'Elongo ont bien commencé avec la corvée du caoutchouc".
Et au passage du Blanc, il dit: "Comprenez-moi bien, je ne veux pas la guerre. Je veux seulement la corvée du caoutchouc. Déposez des flèches et des couteaux. Je ne veux pas de guerre. Je veux que nous cohabitions en paix pendant la récolte du caoutchouc". Puis le Blanc Kasakasa envoya des messagers pour que des gens mettent le caoutchouc dans des paniers. La campagne du caoutchouc prenait fin avec les Blancs Bamenga et son ami Itambala.
Un proverbe dit: arrange les choses que tu vois de tes yeux, n'arrange pas les choses que tu ne vois pas (2).

NOTE
1. Auteur de 3 moralités, dont 2 dans Etsiko de mars 1954, p7; p13-14 et dans Lokole Lokiso du 15 avril 1956, p.6
2. Application inconnue.
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YONGO-BOOLI
446/124
Nicolas LOTELE, catéchiste M.C. Bokela

TEXTE
ARRIVEE DES BLANCS CHEZ LES YONGO-BOOLI ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Dans notre contrée, le Blanc qui est venu le premier était Is'Iwanga. Pour faire asseoir son autorité, il avait recruté des gens munis d'armes à feu. Et il les affecta dans plusieurs villages. Les plus célèbres furent Bofiji, Lokoka, Eale, et Ifanja. Ce sont eux qui ont exagéré en tuant qui ne fournissaient pas assez de caoutchouc. A cette époque beaucoup de gens étaient morts.
On avait aussi engagé des domestiques pour les aider lors la récolte du caoutchouc. Eux aussi n'étaient pas épargnés de tracasseries. Bombende avait remplacé Is'Iwanga. Il installa le poste à Besoi. Bombende fut succédé par Lofembe et ce dernier par Iketekelenge. Celui-ci interdit la fourniture du caoutchouc, et ordonna celle du copal, moyennant paiement. Nous voici encore dans la besogne.
En ce moment arrivaient de nombreuses églises. Nombreux aussi des catéchistes et des moniteurs. Les prêtres ne se lassent de prêcher.
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NGELEWA/LOMELA
620/265
Léon LONGOMO, M.C. Bokela

TEXTE:
Les Blancs qui avaient instauré le caoutchouc chez nous les Ngelowa et les Lomela sont: Lofembe Is'Ikoko, Is'Ewanga, et Bomende. Les chefs noirs qui étaient leurs adjoints sont: Bofili, Etukansombo et Etonaka.
Nous, les Ngelewa et les Lomela, avions commencé la récolte du caoutchouc en même temps que les Elinga, les Moma et les Booli. Le premier marché a eu lieu à Malinga, un autre à Besoi. On récolte du caoutchouc à Lokas'auta.
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NGELEWA
673/358
Pierre LOKULI, moniteur

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS AU CONGO ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
1.Les Kasaïens, les Boita, eux étaient venus avant. Leurs chefs étaient Nsima, Lofanja et Lingombo.
2.Le Blanc qui est venu était appelé Isekalisa
3 Le Blanc qui est venu était appelé Longange
Tels sont les Blancs avec qui nous avons récolté les premières boulettes de caoutchouc.
4.Lingonjo était de la SAB. Cette compagnie apporta beaucoup de biens dans les sacs: du sel et autres.
5. Nous récoltions du caoutchouc dans les ruisseaux de la rivière Luwo. Ces ruisseaux sont Lolaka et Loolo.
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YALOKOTA (Mundji-Yafe)
436/100
Paul LOKWA

TEXTE:
HISTOIRE DE L'ARRIVEE DES BLANCS ET DE LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Le Blanc que nous avons vu le premier fut Ingwangwa Junior. Le deuxième fut le Commandant Longwangwa (Henri Steule) qui est venu nous combattre à l'Equateur, et qui est allé aussi combattre les Kasaïens (Tambatamba).
Après lui, Bomene, de la SAB est venu nous imposer le caoutchouc. Le produit récolté était enroulé sous forme de boule.
Nous les Mundji Yafe, on ne connaît que ces Blancs comme étant les premiers chez nous. Nous n'en connaissons pas d'autres. C'en est fini ainsi. Ceux qui avaient vu les premiers Blancs sont: Loola Joseph et Imama Louis (1).

NOTE
1. Récit similaire au 434.
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BOKELA
647/308
Jean LONKOSE, moniteur, M.C. Bokela

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
1. Le Blanc qui arriva le premier dans notre contrée de Monje Yafe était Basikotsi. Il n'a pas travaillé, lui ne faisait que des explorations. A son retour, noyé à Loka.
2. Le premier Blanc qui imposa la récolte du caoutchouc dans notre contrée de Munji Yafe était le Commandant Longwangwa. On récoltait des boulettes de caoutchouc. Mais je n'en connais pas la date exacte, car à cette époque on était illettré.
3. Après cela, un Blanc vint faire payer l'impôt. Il s'appelait Kitoko. A cette époque on en payait 3 fr. C'est là le début de l'impôt dans notre pays.
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MUNDJI-YAFE
434/98
Pierre LOMBO, greffier

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS AU CONGO
Jadis nos ancêtres ont beaucoup souffert à cause de la guerre que Lofembe leur avait livrée. Les Kasaïens sont venus aussi les maltraiter. Cela a causé les déplacements des villages. Le tout premier Blanc venu s'approprier le Congo, fut Kasakasa. C'est lui qui a placé des bornes un peu partout. Il fut suivi par le Blanc Ingwangwa Junior qui inspectait ses bornes. C'est le Commandant Longwangwa (Henri Steule) qui est venu livrer la guerre au Congo. A partir de là, l'imposition du caoutchouc par un Blanc de la SAB, Bomende. C'est l'origine d'autres corvées au Congo. Voilà pourquoi, ils sont pour nous précurseurs de l'arrivée des Blancs au Congo. Le caoutchouc récolté devait être enroulé sous forme de.boule. Celui qui raconte tout ceci c'est Lola Joseph à Yalokata. La transcription est de Lombo Pierre, greffier à Mundji-Yafe (1).

NOTE
1. Similaire au récit 436
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ISANGA
435/99
Joseph LIFEKE, catéchiste à Isanga

TEXTE
Au Congo, notre pays, le premier Blanc qui est arrivée était Stanley. Il avait d'abord envoyé le Commandant Longwangwa et Léopold II pour faire la reconnaissance du fleuve Congo. Il a d'abord débarqué le 17 novembre 1874 lorsqu'il a reconnu le lac Victoria en Ouganda, et le lac Tanganyika.
A son arrivé chez nous les Mondji Yafe, le Commandant Longwangwa avait trouvé les Batetela. Après avoir chassé les Batetela, il nous a imposé la récolte du caoutchouc. Pour cela, il nous payait du sel, et une pièce d'étoffe d'un mètre. Lorsque le caoutchouc fut supprimé, on imposa la fabrication des tissus de raphia. Voilà ce qui s'est passé au début chez nous les Mundji Yafe. C'est fini.
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BOKELA
675/362
Antoine LOKULI, catéchiste à Yosenge Nkole, M.C. Bokela

TEXTE
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Voici le récit des événements qui se sont déroulés sur la contrée des Nkole, à l'arrivée des Blancs. A cette époque, les Nkole habitaient les bords de la Luwo. Le premier Blanc était appelé Wosele Isekibuku. Il imposa à notre population la corvée du caoutchouc. Nos compatriotes ont exécuté la corvée une fois. Sur la route vers le marché du caoutchouc, les Lofole et les Liinja ont fait la guerre aux Nkole. Là-dessus, la fourniture du caoutchouc fut supprimée. Ce Blanc était celui de la S.A.B. Puis l'Etat arriva sur notre terre des Nkole. Le premier Blanc en était Longwangwa. Paulo vint imposer le caoutchouc aux Nkole pendant qu'ils habitaient les bords de la Juafa. Pendant qu'on récoltait le caoutchouc, les Blanc tuaient les notables.
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MOMA-ELINGA
426/83
Jean TOSOMANKOI, maçon, mission catholique Bokela

RESUME: Isiwanga et ses hommes imposent le caoutchouc. Bombende
interdit le caoutchouc et fait planter des arbres fruitiers. Le copal, puis l'impôt. Huile de palme. Caoutchouc en 1940-44. Puis le copal. et le riz.

TEXTE:
ARRIVEE DES, BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC DANS NOTRE VILLAGE MOMA-ELINGA
A la récolte du caoutchouc, le premier Blanc fut Isiwanga. C'est lui l'instaurateur de la récolte du caoutchouc. Il était accompagné de fusiliers, et faisait la guerre aussi. Il rentra, et un autre Blanc, Longange, arriva. La récolte du caoutchouc se poursuivait. Il partit et un troisième Blanc, Bombende arriva. C'est lui qui interdit le caoutchouc. La guerre prit fin. On fit rentrer tous les soldats en aval.
Bombende s'installa ici à Besoi. Il nous ordonna de planter des palmiers, des goyaviers, des Afromomum, des Hevea, des orangers, des avocatiers et autres arbres fruitiers.
Un Blanc de la Compagnie, Lofembe Isikoko arriva et nous imposa le copal. Et cela pour du bon. Il résidait toujours à Besoi. Nous avons continué avec le copal. Cela n'a pas duré, et on vit arriver un 5è Blanc, le Blanc de l'Etat. Il s'appelait Bafutamingi. C'est lui qui instaura l'impôt. On payait 3 francs. Il fut remplacé par le Blanc Iketekelenge. Il faisait payer aussi l'impôt. Avec lui l'impôt passa de 3 à 10, 15, 19 jusqu'à 20 francs. A cette époque, il n'y avait que des pièces de monnaies. Il partit, et un autre Blanc, Mpambi, arriva sur les mêmes traces.
Puis on nous interdit le copal, et on nous imposa de concasser les amendes palmistes et de fabriquer l'huile de palme. Après les amendes palmistes et l'huile de palme, on nous imposa de nouveau le caoutchouc de 1940 à 1944. Cela dura 5 ans. Après le caoutchouc, ce furent: du copal, et du riz. Jusqu'à ce jour, on ne nous impose que du riz.
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BOOKE
453/133
Georges ILANGA

RESUME: Attaques des Kasaïens; libération par le Blanc Mongola. Le Blanc impose le caoutchouc, mais exige la culture des bananes, des ignames, et l'entretien du village. Le caoutchouc contre l'argent; l'impôt.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS DANS NOTRE PAYS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
C'étaient d'abord des Kasaïens qui avaient attaqué notre pays. Ils ont fait des prisonniers qu'ils ont emmenés chez eux. En cours de route, ils rencontrent un Blanc, appelé Mongola qui libère ces prisonniers. Il arrive chez nous et dit: "Cessez la guerre". La femme que les Kasaïens avait fait prisonnière s'appelait Loota. Et Loota insista aussi pour que cesse la guerre. Et deux hommes, Lokango et Njongobe, rendirent visite au Blanc. Il leur offrit une perle et une pièce d'indigo. Puis il leur demanda de faire venir les autres. Ce qui fut fait. Et le Blanc leur dit: "Récoltez le caoutchouc. Cultivez les ignames et plantez des bananes. Et entretenez votre village". Puis le Blanc rentra à Loto.
Un autre Blanc Tongondo arriva et nous imposa le caoutchouc. Son successeur Isongwololo ne fit pas autrement. Longwango achetait du caoutchouc avec des francs. Un autre Blanc, Menemene arriva et percevait l'impôt à un franc. Boomandeke lui succéda et en percevait 5 francs. Puis il rentra à Loto. Voilà comment les choses ont commencé chez nous, comme nous racontent les patriarches indigènes.
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1.6. L'IKELEMBA

INTRODUCTION

Les publications spécifiques concernant l'Ikelemba et sa population sont plutôt rares. La petite rivière sinueuse est serrée entre deux grandes rivières soeurs et plus importantes: la Lulonga et la Ruki-Tshuapa. Grenfell l'avait explorée le premier (1884). Les populations sont les mêmes: Mongo et Ngombe. M. Eggert, dans une récente campagne de fouilles archéologiques, (1987) apporte des données neuves qui peuvent préciser nos connaissances de la région.
La région de l'Ikelemba a été tour à tour sous la férule de l'ABIR et de la SAB. Une mission catholique y a été établie pour une brève période (Bombimba, 1904-1905). Les protestants de la Congo Balolo Mission étaient établis à Yuli à partir de 1911.

BIBLIOGRAPHIE

1886 GRENFELL G., Le Mouvement Géographique, 3 juin 1886, p.4546
1987 EGGERT M.K.H., Archäologische Forschungen im Zentralafrikanischen Regenwald, Salzburg, 1987,.3238-3240
CARTES GEOGRAPHIQUES (Archives Aequatoria)
(1) n° 325: Régions des Lingoi et des Bonyanga. Echelle 1/200.000 Trappistes 1911. Très détaillée: ruisseaux, villages, sentiers.
(2) n° 327 a b: "Région des Gombés", idem.
(3) n°328: "Région de Waolas et de Buya", idem, (entre l'Ikelemba et la Tsuapa)

BOYENGE
456/137
Ivon APOTAPONGO, moniteur, M.C. Boyenge

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET DEBUT DU CAOUTCHOUC
Le tout premier Blanc, venu ici, était Molo. A son arrivée, il nous livra la guerre et nous tua à coup de fusils. Certaines personnes se réfugièrent dans la forêt par peur de la mort. Après cela, nous avons vu un autre Blanc appelé Esakiliki qui est venu nous dire: "Je ne vais plus vous tuer. Mais je vous impose la corvée du caoutchouc". Chaque capita rassemblait le caoutchouc de ses hommes. Si la quantité est insuffisante, on arrête le capita. Ses hommes doivent apporter d'autre caoutchouc pour remplir le panier. Tout le monde n'y allait pas, car on avait tué beaucoup de gens. Ensuite nous avons vu certains Noirs armés de fusils venir nous tuer aussi. Leur chef était Lofembe. Ils avaient tué beaucoup de gens et en avait arrêté d'autres.
Après que la guerre a pris fin, d'autres Blancs sont venus nous imposer la récolte du copal. Depuis lors, on n'a plus connu d'autres problèmes. On continue seulement à exécuter les corvées de l'Etat.
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BOYENGE
676/Papiers Hulstaert
Yvon APOTAPONGO, enseignant à Boyele, M.C. Boyenge

RESUME: Conflits armés et anthropophagie parmi nos ancêtres avant l'arrivée des Blancs. Les Arabes viennent les tuer et les déporter. Les Blancs arrivent, installent les capitas et imposent du caoutchouc. Les Missionnaires.

TEXTE:
CONCOURS SUR LES RECITS DE MON VILLAGE
Ecoutez-moi, que je vous raconte les événements qui ont survenu à nos ancêtres.
1. Jadis nos ancêtres vivaient en conflits amers: ils se battaient avec d'autres villages; ils tuaient, prenaient des otages et s'adonnaient au cannibalisme.
Ils se tuaient aussi entr'eux-mêmes. Soupçonnait-on quelqu'un d'être la cause d'une maladie d'un des leurs, on lui faisait subir l'épreuve de poison à avaler ou on le décapitait, et il en mourait. Ou il demandait qu'on le laisse vivant avec promesse de faire guérir le malade. Si on lui fait avaler le poison et il en survit, il va dans la forêt chercher des médicaments pour faire boire le malade qui va se sentir bien, dans un ou 2 jours.
2. Après cela, nous avons vu venir des gens de l'amont, et qui nous tuaient comme des animaux. Ils déportaient des gens dans leurs villages. On appelait ces gens: 'Batambatamba. Mais actuellement nous pensons que ces gens étaient des Arabisés.
3. Après ces gens, nous avons vu certains Blancs nous imposer la corvée du caoutchouc. Le premier était appelé Molo. Il avait institué dans chaque village un capita pour le caoutchouc. C'est le capita qui expédiait au Blanc le caoutchouc récolté par les villageois. Ils avaient tellement peur du Blanc qu'ils redoutaient la mort. Si la fourniture n'est pas suffisante, le capita est arrêté jusqu'à ce que ses gens fournissent suffisamment de caoutchouc. S'il n'y a pas de caoutchouc, on tue des gens, et parfois on coupe des mains ou des pieds des cadavres. On offrait au capita des anneaux de cuivre, des couteaux et autres biens pour un travail bien fait. Le capita les distribuait ensuite aux gens qui avaient fourni du caoutchouc.
Le 2è Blanc s'appelait Esakeki. Il nous a astreint aussi au caoutchouc. Il a d'abord agi comme Molo, puis il informa aux gens: "Je ne tuerai plus de gens. Mais, je veux un bon travail de caoutchouc". Puis d'autres Blancs arrivaient et nous imposaient le copal. Dès lors la méchanceté diminuait jusqu'à présent. Actuellement nous sommes occupés au travail de l'Etat, et à la prière, comme tout le monde. Nous voici remerciant les Blancs, car ils nous ont délivrés du comportement des ancêtres. Les Blancs des Compagnies sont devenus nombreux aussi ici chez nous.
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BOMBINJO
472/175-177
Pierre ABOKOMBE, Ecole de moniteur de Bokakata, par Basankusu.

RESUME: Par un ruisseau, les soldats vont attaquer Bombinjo. Ils en informent le Blanc qui va leur imposer le caoutchouc. Les gens se soumettent. Atrocité, puis refuge dans la forêt. Le fétiche des indigènes, ikakota, inefficace. Institution de 3 chefs indigènes. Caoutchouc, tueries. Arrivée de la SAB. Copal contre vêtement rouges. Paix avec les Blancs.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC A BOMBINJO
Jadis, les Bombinjo habitaient un endroit appelé "Bomoi" (1).Là, c'était une grande forêt, et ils n'étaient pas connus du reste du monde. Sur ces entrefaites, les Blancs arrivèrent dans notre contrée. Ils avaient remonté l'Ikelemba; puis ils atteignaient un ruisseau appelé Mindonga. Ce ruisseau est tributaire de deux autres ruisseaux, dont un plus grand et un plus petit. Bombinjo est situé sur les bords de ce petit ruisseau appelé Mbata. Les Blancs ne connaissaient pas le petit ruisseau. Ils naviguaient seulement sur le grand ruisseau et s'étaient arrêtés au beach appelé Bosukela. Là, ils avaient trouvé beaucoup de gens. A la vue des soldats, ils se sont livrés à une grande bataille. Ils avaient tué beaucoup de gens. Ils s'étaient ainsi combattus par 3 fois. Finalement, ils en avaient marre, et ils ont accepté les lois des Blancs.
Leur chef dit au Blanc: "Il y a tout près de nous d'autres gens. Le nom de leur village est Bombinjo". Le Blanc demanda qu'on en indique le chemin aux soldats. Et on leur montra ce petit ruisseau. Le Blanc ordonna aux soldats de se battre avec les Bombinjo. A peine prenaient-ils le ruisseau qu'ils l'abandonnèrent pour emprunter un sentier sur la terre ferme. C'est par là qu'ils débouchèrent à l'entrée du village Bombinjo.
Les gens vaquaient à leurs occupations lorsqu'ils virent les soldats, les hommes qu'ils ne connaissaient pas. Les femmes et les enfants se sauvèrent, mais les hommes combattaient les soldats. Mais ils ne purent tenir tête.
Les soldats avaient tué beaucoup de gens. Les gens avaient peur des détonations de fusils. Les soldats se replièrent à la rivière. Les gens qui étaient de l'autre côté du village voulaient s'enquérir. On leur rapporta ceci: "nous avons vu des gens de habillés de noir, portant de chapeaux jaunes, et armé de fusils". Les gens appelaient ces soldats "Bambulumbulu".
Après quelques jours, le Blanc envoya encore des soldats dans notre village. Ils ont encore combattu nos gens Ils étaient venus avec un Blanc appelé Monjolongo. Ils s'étaient battu encore une fois avec nos gens. Les femmes et les vieux restaient toujours dans la forêt. Ils avaient atrocement faim en fuyant ainsi le Blanc.
Les gens disposaient d'un fétiche qu'ils utilisaient lors des guerres entr'eux. Ce fétiche, On l'appelait Ikakota. Ils pensaient qu'ils seraient invulnérables aux balles.
Mais ce fut de nul effet.
Remarquant que le Blanc ne se lassait pas, ils abandonnèrent de se battre avec les soldats. Se rendant compte que les gens lui étaient désormais soumis, il convoque tous les villageois pour choisir des chefs. Il choisit un chef par clan. Il institua 3 chefs: Mbunja, Lombo et Mbosamole. Puis Monjolongo choisit un emplacement pour ériger sa station. Il la créa entre Bombinjo et un village appelé Bwatsi. Il recruta beaucoup de gens à son service, avec qui ils construisaient beaucoup de maisons. Et ce site devenait un grand poste. Le Blanc Monjolongo convoqua les chefs pour leur parler de la récolte du caoutchouc. Il leur demanda: "Savez-vous récolter le caoutchouc?". Ils acceptaient cela avec beaucoup d'effroi. Ils connaissaient des lianes à latex qui se trouvaient dans la forêt.
Les chefs sont rentrés le rapporter aux villageois. Personne ne l'accepta. Et insistant les chefs disaient: "Si vous refusez de récolter le caoutchouc, alors le Blanc va nous tuer tous".
Ainsi dit, 118 gens se soumirent. A cette époque, il y avait beaucoup de caoutchouc dans notre village. Mais ce qui était difficile, c'est de monter sur les arbres. Beaucoup en mouraient. Avant d'entrer dans la forêt, on cherchait des feuilles de bananiers ou celles du Sarcophynium qu'on rouissait. Puis on allait dans la forêt à la
recherche des lianes à latex. Ces lianes sont: ekwa, mangenu, ngongo, mobkekula, etc. Pour récolter le caoutchouc à partir de ces lianes, ils les faisaient mélanger avec le jus de Costus afer. (En 1945, on utilisait plutôt du citron).
Ce jus fut versé sur des feuilles dans lesquelles on mettait le latex. On montait sur des arbres pour couper des lianes à caoutchouc. On les coupait ensuite en plusieurs morceaux. On avait érigé une étagère au dessus de laquelle on mettait ces lianes qui faisaient couler un produit blanc comme du lait, et qui tombait sur des feuilles. Le latex s'emballait et formait une boule qu'on allongeait ensuite. On s'enduisait d'huile de palme aux mains de peur que le latex n'y soit collé. Au marché, chaque chef ordonnait à ses hommes de rassembler le caoutchouc dans un panier prévu. A ce moment femmes, vieux et enfants se réfugiaient dans la forêt. A la station, les chefs allaient d'abord se présenter au Blanc. Les soldats en informaient le Blanc. C'était un phénomène très effroyable. A la pesée, si les soldats remarquaient que le panier ne contenait pas assez de caoutchouc, on arrêtait le propriétaire et son chef retournait au village chercher le supplément. Si il n'en obtenait pas, le chef était arrêté, mais pas tué. Le Chef annonçait qu'il n'y avait pas assez de caoutchouc par le gong, ce qui effrayait les gens. Car s'en suivaient des exécutions sommaires ou des mains droites coupées. C'était l'époque d'une profonde affection.
Après que cette corvée était devenue atroce, les gens commençaient à s'enfuir. D'autres étaient déjà tués. Certains autres morts d'inanition. Cela est la conséquence de l'arrivée des Blancs à Bombinjo et la récolte du caoutchouc.
Après le départ de Monjolongo, le Blanc de la SAB arriva. Il demanda aux villageois de récolter du copal. Il était échangé contre des vêtements rouges. Cela marque le début de la convivialité entre nous et les Blancs.
Tel est le récit de l'arrivée des Blancs dans mon village Bombinjo.

NOTE
1.Mot lingala signifiant vie
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BOMENGE (Boyenge)
455/136
Bernard ITONGI, catéchiste Bomenge (1)

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Nos pères avaient surnommé ces Blancs Nsongo et Lianja. Puis avec l'instauration du caoutchouc, un Blanc qui s'appelait Molo arriva. Après Molo, un autre appelé Ekutu.
Mes conversations prennent fin.

NOTE
1. Même auteur que celui du récit 662
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BOMENGE
662/336
Bernard ITONGI, catéchiste Bomenge (i)

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Moi, j'ai rassemblé des vieux du village, et je les ai interrogés. Ils m'ont répondu que le Blanc qui a fait récolter le caoutchouc au début avait pour nom Molo. Ensuite chez les riverains Balinga, le Blanc qui a commencé à faire récolter le caoutchouc s'appelait Ekutu

NOTE
1. Même auteur du récit 455
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BOS'ELOMBO (Ngombe)
469/167-169
Pierre BEKYE, Ecole normale de Bokakata, via Basankusu

RESUME: Les Blancs essaient d'atteindre le village par Esobe, mais les barrages des Bos'Elombe leur font grand obstacle. Exténués, ils rentrent chez eux. Puis, Lofembe vient de Basankusu semer la terreur. Un Blanc à Bokuma le fait chasser. En contre partie, il impose le caoutchouc. Tueries et mains coupées. Le Chef Ngombe ordonne de tuer les Riverains. Les Riverains se plaignent auprès du Blanc qui leur fournit un renfort en soldats. Ikakota chez les Ngombe, mais en vain. Actes de cannibalisme de la part des soldats et des Ngombe. Fin de la guerre. Arrivée de la SAB qui impose le copal, contre paiement. Effort de guerre.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC A BOS'ELOMBO (NGOMBE)
Les Blancs qui étaient venus les premiers accostèrent à Esobe. Quelqu'un qui était allé à la rivière les rencontra. A son retour au village, il informa les siens: "Moi, j'ai vu certaines personnes à la rivière, la forme de leur corps est comme la nôtre, mais ils ont une peau claire et de longs cheveux. Ils ont des pirogues différentes des nôtres. Je n'ai même pas compris leur langue. Il convient de couper les arbres pour barrer leur traversée afin qu'ils n'arrivent pas ici". Et ils avaient agi comme leur ami leur avait dit. Mais les Blancs disposaient de scies qui leur permettaient de couper des arbres. Les villageois s'en étaient fortement étonnés. Mais quand les Blancs rentraient au beach, les gens remettaient des arbres sur la route. Ils agissaient ainsi plusieurs fois. Les Blancs en étaient fatigués et sont rentrés. Ils n'avaient pas atteint notre village cette fois-là.
Après le départ des Blancs, certaines personnes venaient du côté de Basankusu. Ils s'appelaient Lofembe. Ils avaient déstabilisé plusieurs contrées chez les Mongo et chez les Ngombe. A leur arrivée chez nous, ils avaient combattu nos gens, mais nos gens les avaient beaucoup tués aussi. Malgré cela, ils ne se lassaient pas. A cette époque un Blanc habitait Ikenge (Bokuma). Un vieux avait une femme à Ikenge et alla appeler le Blanc. Et le Blanc avait ordonné aux soldats de les disperser.
Puis le Blanc ordonna à son chef appelé Nsonge d'imposer la récolte du caoutchouc aux Ngombe. N'eut été ce Blanc qui avait envoyé les soldats pour disperser Lofembe, nous ne serions pas ici. Et les gens acceptaient de récolter le caoutchouc. Mais si le caoutchouc n'est pas suffisant, on tue ces gens, on leur fait couper des mains qu'on fait sécher et qu'on achemine en même temps que le caoutchouc à Ikenge chez le Blanc.
Un jour, les Riverains Bilinga étaient venus acheter du caoutchouc contre du poisson chez nous. Notre chef ordonna qu'on tue les riverains. Et on en tua beaucoup. Les survivants allèrent le rapporter au Blanc en ces termes: "les Ngombe nous ont exterminés". Le Blanc envoya les soldats pour combattre nos gens. Nos gens avaient un talisman "ikakota" qu'ils croyaient rendre invulnérable aux balles. Alors que c'était une chose vaine. Ils se battaient avec des soldats, mais les soldats en avaient tué beaucoup. Eux aussi avaient tué les soldats à qui ils avaient ravi des fusils.
Ils avaient mangé les soldats. Les soldats les avaient mangés aussi.
Puis le Blanc envoya un message selon lequel la guerre avait pris fin. Après la guerre, un Blanc de la SAB accosta au beach de Esobe. C'est lui qui avait instauré la récolte du copal. Notre deuxième corvée après l'arrivée des Blancs fut le copal. Il donnait à nos gens des perles, des bracelets et des cauris à faire suspendre sur le cou, et des vêtements. Ces vêtements étaient appelés "mbangala". Et nos gens lui fournissaient le copal.
Hommage soit rendu aux Belges qui nous ont apporté les biens de la civilisation. Surtout à Stanley qui a découvert notre pays, le Congo.
Les soldats avaient beaucoup maltraité des gens lors de la récolte du caoutchouc. Quelqu'un tue-t-il une bête, on doit la leur donner. Sinon, on est tué. Avez-vous une femme, on la courtise en votre présence, sans que vous ne sonniez mot. Ils mangeaient comme ils voulaient. A Bos'Elombo, ils avaient institué 4 chefs autochtones qui étaient: Wanombamba, Is'ek'Etongo, Lokulakoko et Agbonga. S'ils vont acheter du caoutchouc et qu'il n'en est pas suffisant, un des chefs est pris en otage jusqu'à ce que son village accomplisse la quantité exigée. On ne tuait pas les chefs. On tuait les récolteurs. Lors du marché de caoutchouc, les paresseux, les femmes et les enfants s'enfuyaient dans la forêt. Ils ne sortaient de la forêt que si le gong le leur signalait. Sinon ils s'enfuyaient pour de bon. Un jour, ils voulaient tuer Lokulakoko, parce que ses hommes ne voulaient plus récolter le caoutchouc.
Lors de la récolte du caoutchouc, on avait tué beaucoup de gens. Jusqu'à ce jour certaines personnes dont on avait coupé des mains ou ceux dont la peau était écorchée, survivent encore. Ils en avaient beaucoup souffert. Imaginez-vous qu'on écorche à quelqu'un la peau, et que cette personne survive. A cette époque les femmes préparaient la viande sous des chikwangues. C'était très triste. On enterrait les os.
COMMENT RECOLTER LE CAOUTCHOUC
Les lianes à caoutchouc sont: ngongo (caoutchouc en lingombe), mongemu, bokula, ekwa. On faisait bouillir la bokula, mais la ngongo et la mongemu étaient mélangées du jus du Costus afer. Le produit en était de très bonne qualité. On creusait des trous d'au moins 1m3 et sur des feuilles, on versait le latex obtenu. En enlevant ce latex, on allait installer le produit dans un étang où les femmes mettaient du manioc. L'heure du marché sonnait-elle, on avertissait les gens pour la corvée.
Le premier caoutchouc avait entraîné des guerres lors du marché. C'est pourquoi lors de la récolte de 1944-45, les gens pensaient que la guerre avait repris.
Mes amis, s'il vous plaît, moi je ne suis pas Mongo, je suis Ngombe. Ayez de la compassion pour mes fautes de langage.
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MONIANGA (Boyenge)
457/138
Adolf ENDJOKOLA, catéchiste, M.C. Boyenge

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Les Blancs qui étaient venus ici chez nous, les Ngombe, pendant l'ancienne récolte du caoutchouc en 1914-1918 sont: Ikolaka, Esakiliki. Après ces deux, ce fut Bompembe (Lofembe). Bompembe institua Tawolingoa comme chef. Bompembe ordonna à Tawolingoa de convoquer tout le monde pour récolter le caoutchouc. Tawolingoa était un chef femme(1).Puis le caoutchouc devint un grand travail pour nous. A cette époque si le caoutchouc n'est pas suffisant, on tue des gens. Lorsque le travail du caoutchouc s'accrut, on interdit de tuer des gens. On ne demandait que du caoutchouc. Après la corvée du caoutchouc, on imposa le copal.

NOTE
1. Un chef peu sévère, à la manière d'une femme.
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1.7. LA LULONGA (LOLONGO) -- LA LOPORI (LOFOLI) -- LA MARINGA (LUWO)

INTRODUCTION
La description des groupes humains qui peuplent les rives et l'arrière-pays de la Lulonga a été entreprise par les premiers explorateurs: G. Grenfell et C. von François (1885) et J. McKittrick (1887). Boelaert en a récolté et discuté les textes publiés dans Le Mouvement Géographique et La Belgique Coloniale. Il s'agit principalement de son étude inédite sur "L'Histoire de l'Equateur" (Archives Aequatoria, Fonds Boelaert H1, B.45, Film 17, P.1679-83, fiches FB 2-5/Papiers De Ryck, Madison Memorial Library, n° 27).
La littérature parallèle à notre période et ayant la même préoccupation est accumulée dans un grand nombre de publications autour de la période de la récolte du caoutchouc: publications des Missionnaires de la Congo Balolo Mission (à partir de 1889), de la Congo Reform Association, les rapports de la Commission d'enquête et divers témoignages publiés ici et là. Boelaert avait préparé une longue étude fouillée sur ce problème (Archives Aequatoria, Boîte 41, film 17, fiche FB 10.11).
L'Abir y a été active entre 1892 et 1906. R.W. Harms et D. Vangroenweghe en ont récemment dédié plusieurs études.
Autour de ces rivières, différents groupes de Mongo et de riverains acculturés (Eleku, Boangi) à côté des Ngombe, se sont installés au cours d'une période relativement récente, suite à des poussées migratoires locales. Les missionnaires catholiques y sont présents à partir de 1905.
Les documents enthnohistoriques de l'administration coloniale comportent une masse de données encore peu exploitées (Documents Arch.Aeq. Fonds Boelaert H31. et 3. 2., botte 4344, film 6, fiches FB 90110 et Fonds Aequatoria, boîte 112, film 33, fiches 5/18 et 5/1823).

BIBLIOGRAPHIE

1885 VALKENAERE, Le Mouvement Géographique, 27 décembre 1885, p.109
1886 GRENFELL G., Voyages of the SOUS Peace on the Congo affluents Journal of the Manchester Geographical Society, Londres, 1886
1887 McKITTRICK J., Le Mouvement Géographique, 11 septembre 1887, p. 84c VAN GELE A., ibi, 3 juillet 1887, p. 59
1888 von FRANCOIS, C., o.c., P; 37.54.55.61.65.72.76.78.79
1890 DELCOMMUNE A. Le Mouvement Géographique, 1890, p.108
1893 GLAVE E.J., Six Years of Adventures in the Congoland, London, 1893
1895 FIEVEZ L., Le District de l'Equateur, Le Congo Illustré, 1895, P.92-95; 97-99
1899 DELCOMMUNE A., Explorations de la Lulonga, Le Mouvement Géographique, 1899, 61c-62b.
1922 Idem, Vingt années de vie africaine, op.cit. vol,I, p.325-329
1946 HEIJBOER B.M., De Ngombestammen van het Lulonga stroomgebied, Aequatoria 9(1946)128-134
1954 BOELAERT E.: En complément d'une étude de l'auteur sur l'Abir déjà mentionnée dans An.Aeq. 16(1995)27, nous signalons ici l'existence de son autre étude inédite: L'Abir, 1954, 32 p. (Original: Papiers De Ryck à la Memorial Library, Madison, Wisconsin; photocopie: Archives Aequatoria)
1970 LAGERGREN.D., Mission and State in the Congo. A study of the relations between Protestant missions and the Congo Independant State authorities with special reference to the Equator District. 1885-1903, Uppsala 1970
1975 HAEMS R.W., The end of red rubber: a reassessment, Journal of African History l6(1975)173-188
1982 Idem, The Worl Abir made: The Maringa-Lopori Basin, 1851-1903 Paper presented to the Conference of Business Empires in West-Central Africa, SOAS, Londres, 21-23 mai 1982, 13p.
1985 HULSTAERT G., Avec Glave à l'Equateur, Zaire Afrique 25(1985) n° 196, p.376-377
VANGROENWEGHE D., Le rapport Casement, Enquêtes et Documents d'Histoire africaine 6(1985) 63-94
1986 VANGROENWEGHE D., Charles Lemaire à l'Equateur. Son journal inédit, A.Aeq. 7(1986) 37-50
1987 BONTINCK Fr., Le rachat d'enfants esclaves dans les rivières équatoriales (1889-1897), Revue Africaine de Théologie, 11 (1987) n°19, p.51-64
1990 LONKAMA E.B., Dossier: éléments pour une ethnohistoire de Basankusu (Equateur, Zaïre); en marge d'un centenaire (1890-1990), A.Aeq. 11 (1990) 365-408
S.D.GUINNESS H., The Conflict in Congoland: the story of the Congo Balolo Mission, London, s.d. (après 1910).

LIFUMBA-WAKA (Basankoso)
450/130-131
Bruno BAFALA, moniteur M.C. Waka, décédé (1)

RESUME: Les Lifumba quittent leur site original à cause des exactions des agents de l'ABIR. Ils s'installent à Boilinga (Baringa), puis définitivement au sud de la mission de Waka. Les agents de l'ABIR leur ont imposé du caoutchouc et les tueries n'ont pas manqué. Puis l'impôt.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
A l'origine, nous avons été confrontés à la guerre de Lofembe. Nous autres, on n'avait pas d'emplacement fixe. Les descendants de Mpetsi étaient de leur côté: Bolima, Boendo, Wala, Lolungu, Ndeke. Nous, les descendants de Bongwalanga: Lifumba, Ekombe, Lileko, Lumo, Bokele W'aliko, Loolo, Boeke, Losania, Bolima et Ntomba. Les Esanga descendants de Ngoya. Les Bolima étaient de l'autre côté de la rivière, c.à.d. Iyokokala au-delà de la Luwo. Nous, on était à Esulu'Okungu.
Il faudra bien distinguer, car les Blancs sont venus de l'aval jusqu'ici. La guerre a commencé lorsqu'une sentinelle est venue du poste de Bokongoongolo. Il a 1 appelait Lokwama. Il nous ordonna de récolter le caoutchouc. Le lendemain, le Blanc lui même arriva. C'était un Blanc de la compagnie ABIR. Il dit aux villageois: "Donnez-moi un nom". Et on le nomma Bosekota. Il nous donna un délai de 10 jours pour commencer la récolte du caoutchouc. Après ce délai, on commença.la récolte, mais il tua 2 personnes: Is'a Lofonde, originaire de Baenga et Mpetsi, originaire de Lifumba. Leur bourreau était Lokwama. Nous avons traversé la rivière, et on s'installa à Baringa, particulièrement à Boilinga. Le beach était à Ingonda. Lokamba, le Blanc de la compagnie ABIR fut affecté chez nous. Après lui ce furent successivement: Ilombo et Is'Ewanga. Pendant qu'on pesait le caoutchouc, on se battait: eux avec des fusils et nous avec des flèches. Les fusils en question étaient des pistolets, et ensuite des albini. On nous rémunérait moyennant: harpons, chaussures, draps de lit, tissus indigos et ceintures rouges.
Ensuite le Blanc Mpetsi arriva et ordonna à son tour le caoutchouc. Il nous payait des couteaux, de longues machettes, du sel et des cauris. Pendant qu'on commerçait ainsi, les sentinelles tuaient des gens. A cause de cela, on désarma les sentinelles. Peut-être que les missionnaires protestants étaient dans les parages, mais ce ne sont que Jimisi et Elese qui sont arrivés chez nous pour la prédication.
Le Blanc qui est arrivé chez nous nous avant fut Longwango de l'ABIR. Il avait vu notre forgeron Elumbu en plein exercice de son métier. Il ordonna à ses sentinelles de le tuer, et on le tua. Le Blanc, missionnaire protestant, lui dit: "Vous avez mal agi". Le missionnaire en fit rapport en aval. Il s'appelait Ngenangena. Le soldat qui avait abattu Elumbu, était Jangi. Les autres soldats étaient Lonkonjo, Likyo et Wunju. Ils rentrèrent en aval. Personne n'en est revenu.
ARRIVEE DU BLANC DE L'ETAT
Pendant qu'on rassemblait le caoutchouc, un Blanc de l'Etat, appelé Basikotsi arriva au poste et chercha le Blanc de l'ABIR. Il le fit arrêter; on lui plaça des menottes et on l'achemina en aval. Et le Blanc (de l'Etat) dit: "Terminé avec l'ABIR. L'Etat reprend toute l'autorité". Il nous trouva à Baringa, au beach de Ingonda. Un autre Blanc arriva répondant au nom d'Is'e'Ongembe. Puis il rentra à Basankoso. Après cela, les Bakela nous envahirent. Habillés de peaux de bêtes, armés de lances et boucliers, ils entraient de maison en maison en nous frappant et en nous dispersant. Nous, les Lifumba, en avions eu peur et nous voici installés aujourd'hui dans les parages de Basankoso.
Nous sommes à Basankoso à cause des exactions de la compagnie ABIR et à cause de vous les Belges. Il n'y avait pas encore d'argent ni d'impôt. On était encore à l'entrée de notre nouvel emplacement lorsque le Blanc de l'Etat Itoko, nous ordonna de récolter encore le caoutchouc à fournir au Blanc Longwango, qui déclara: "Je ne le veux pas, rentrez à Baringa". Et on lui répondit: "Nous ne l'acceptons pas". Nous avons été jusqu'à Basankusu exposer nos doléances chez l'administrateur Is'e'Ongembe. Nous étions 5 hommes, Bofondo, Lilinga, Lokembya, Lomboto et Etoi. Après nous avoir écouté, il nous ordonna d'aller habiter au sud de Waka, et de là expédier le caoutchouc. Is'e'Ongembe était l'administrateur principal. Nous avons travaillé bénévolement. L'argent a été introduit avec le copal et les amendes palmistes. Voilà pourquoi une partie de Lifumba est venue ici pendant qu'une autre est restée à Befale. Puis le Blanc ordonna de payer l'impôt. Nous avons payé l'impôt chez Kukulu, puis les Blancs devinrent nombreux. Silence.

NOTE
1. Auteur d'un article (ingratitude des élèves envers leurs moniteurs. Lokole Lokiso, 1 nov. 1955, p7) et d'une chronique (permutation des enseignants, ibi,
1 déc. 1956, p.3).
*****

WAKA/LILANGI
606/241-242
Raphaël BOKOKA, élève à l'école Normale Bokakata, puis enseignant et longtemps directeur de l'école Primaire de Waka. Originaire de Wala (1).

RESUME: Les missionnaires protestants y arrivent d'abord, puis les Blancs de l'Etat, pendant que les Waka et les Lilangi combattaient les Ngombe à Lofale. La coalition était dirigée par les chefs Wese de Lilangi, et Efoloko de Waka. Les Blancs imposent le caoutchouc, Wese et Efoloko opposent un refus, et saccagent les paniers à caoutchouc. Mpetsi et Booneengo, frères de Efoloko, et Wese sont tués. Paix. caoutchouc. Efoloko institué chef des Waka, mais Wese se réfugie à Ikelemba..Après négociations, il est institué chef des Basankusu. Entre-temps deux Blancs sont tués à Basankusu par Lomama. Ikakota.

ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Chez nous de la lignée de Waka, notre grand patriarche était Efoloko. Il était le grand ami du chef Wese de Lilangi. Ils s'estimaient mutuellement, et avaient une identité de vue.
Les premiers Blancs étaient des missionnaires protestants. Puis deux autres Blancs appelés Bomende (1) et Bonjolongo (2) arrivèrent. A cette époque, les Lilangi et les Ngombe se battaient à Lofale. Depuis lors on parle de la guerre entre les Lilangi et les Ngombe. Revenus de Lofale, les Lilangi étaient confrontés à Bomende et à Bonjolongo. Bomende et Bonjolongo se conduisaient mal, et Lomama qui était à Baenga les tua.
Pendant la guerre avec les Ngombe, les vaillants combattants de Lilangi étaient Is'e'Imengo, Is'e'Imeka, Is'ea Nkoli, Efambe, et notre chef Efoloko de Waka. Chez les Lilangi, Wese était le plus vaillant. Entre Waka et Lilangi, il y a 80 Km. Notre chef est allé à Lilangi prêter main forte à Wese pendant la guerre de Lofale.
Les Blancs ordonnèrent: "Récoltez le caoutchouc"! Mais Wese, et notre chef Efoloko n'en étaient pas d'accord. Efoloko et Wese se disaient: "Comment accepterionsnous d'être asser vis par des étrangers venus ici. Nous, on ne va pas
s'y s oumettre". Furieux, Efoloko et ses frères cadets, tels que Mpetsi et Lontange, de concert avec Wese et ses frères à lui aussi, saccagèrent des paniers dans lesquels les gens avaient mis du caoutchouc. Efoloko et Wese interdirent leurs gens en disant: "Ne récoltez plus de caoutchouc. Nous ne reconnaissons pas cette corvée".
De retour de Lofale où les Lilangi et les Waka étaient en guerre, on constata que les Waka avaient accepté de récolter le caoutchouc. Les Lilangi acceptaient aussi que tout le monde récolte le caoutchouc. Mais Wese et Efoloko se concertèrent: "Cette corvée du caoutchouc devient atroce. Il convient que nous déclarions la guerre aux Blancs pour voir qui sont les plus forts entre eux et nous".
A ce moment on tua le frère cadet d'Efoloko, nommé Mpetsi. On tua aussi le frère cadet de Wese, nommé Booneengo. Efoloko et Wese tuèrent aussi les serviteurs du Blanc (ces serviteurs sont appelés actuellement soldats). Efoloko leur revit 6 fusils et Wese 10. Pendant cette guerre un autre Blanc arriva. Ce fut Is'e'Ongembe. Pendant qu'ils fuyaient la guerre, ils contractèrent un fétiche "ikakota", rendant invulnérable aux balles. A ce moment un autre Blanc arriva de l'Europe. Son nom était Mpaka. Il n'était venu que pour le caoutchouc. Ce Blanc demanda à Efoloko et Wese d'accepter de récolter le caoutchouc, quitte à les payer. A cause des assurances émises par ce Blanc,ils acceptèrent de récolter le caoutchouc en boulettes.
Efoloko et Wese, chefs de toutes les contrées de Basankusu, rassemblèrent leurs frères et leur dirent: "Nous et les Blancs, on s'est battu, mais nous ne les vainquons pas. Ils ont tué nos gens. Nous avons aussi tué les leurs. Cela ne fait rien. Travaillons pour eux. Cela ne fait rien.
Le Blanc Lompembe résidait à Coq et envoyait des Blancs en leur disant: "Allez amadouer Efoloko à Waka, et Wese à Lilangi. Faites de même pour leurs frères". Le Blanc qui était venu pour cela fut Nina. Lompembe dit à Nina: "Va instituer Efoloko, chef des Waka jusqu'à Bontongo et Wese, chef de contrées de Basankusu". Mais cet homme Wese était très rancunier. Il s'enfuit à Ikelemba. Il dit: "Moi et les Blancs, on ne peut pas se rencontrer, car ils ont tué mon frère cadet". Après cela, les Blancs venaient chez sa ntère lui offrir du sel et d'autres articles pour qu'elle fasse revenir Wese.
Le Blanc ordonna: "Tuez tous les hommes, exepté Wese. Arrêtez-le seulement, qu'il vienne ici". Wese arriva et on l'institua chef de tous les villages de Basankusu. Efoloko, qui était peu bouillant, ne reçut que quelques hameaux. Il était un grand chef à Waka. Il est mort avant que je ne sois né.

NOTES
1. Auteur d'une chronique (décès) dans Lokole Lokiso, 1 janvier 1958, p.3
2. Bomendc: le s/lieutenant César Peters, né à Lens, en 1867, tué à Basankusu le 16 janvier 1893. Lire e.a. BCB, III, 677-679; D. Vangroenweghe, Du Sang sur les Lianes, op.cit., p37; 38-39
3. Bonjolongo: le commis, Lucien Termolle, né à Liège en 1860, tué à Basankusu le 16 janvier 1893. Lire BCB, III, 840-841 et D. Vangroenweghe, ibidem.
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LOMA
605/240
Ferdinand BOKAMBA, école normale Bokakata

RESUME: Les Loma voient débarquer chez eux un Blanc Lokwekwe accompagné de 2 boys. Il y recrute des policiers, et fait récolter le caoutchouc. On tue les contrevenants. Un autre Blanc arrive et interdit de tuer les gens. Il institue Etafalaki, chef de tous les Loma. Scission des Loma en deux. Et finalement un seul chef pour tous les Loma.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Nous sommes les Loma. On nous appelle Loma-loka-Lokuli (1). Le père de Loma, c'est Lokuli et sa mère Booya. Nous sommes venus de Itulu Mpembe, mais à cause de la guerre, nous sommes arrivés à Imposo, c'est-à-dire sur les bords de Lomako. A cette époques nous les Lona, on n'était jamais en paix: toujours en guerre.
Là-dessus, on vit brusquement une pirogue venir en aval de Lomako. A bord de la pirogue, il y avait un Blanc nommé Lokwekwe, ses deux boys et beaucoup de vivres. Il habitait nos maisons en pailles. Une semaine plus tard, il recruta 31 personnes en faveur de qui il confectionna des vêtements noir et des chapeaux rouges. Il nous demande d'appeler ces gens policiers. Il payait à chaque policier 4 mitako. Il ordonna aux gens de construire une grande maison en pisé. Cela fut réalisé, et la maison était construite près de Lomako. Après deux mois, il imposa la récolte du caoutchouc en boulettes. Cette instruction fut suivie par l'armement de chaque policier: chaque policier recevait un fusil. Il leur en expliqua la manipulation. Cela présageait une guerre éventuelle lors de la récolte du caoutchouc.
Nos compatriotes récoltaient le caoutchouc. Deux qui ne s'y soumettaient pas étaient tués par des policiers du Blanc. On les tuait père, mère et fils, ceux qui refusaient de récolter le caoutchouc. Un autre Blanc arriva qui travaillait avec lui, et qui s'appelait Bosiyo. Il imposa le caoutchouc plat et non en boule comme le faisait faire Lokwekwe. Il ordonna aux policiers ainsi qu'au Blanc Lokwekwe de ne plus tuer des gens. Il achetait le caoutchouc contre des pièces d'étoffes, des cigarettes et des mitako.
Puis ces deux Blancs instituaient un homme nommé Etafalaki, chef de tous. On lui confia d'autres policiers pour qu'ils veillent sur la contrée. Ces Blancs nous avaient obligés de les appeler chefs. Là-dessus, les Loma se fâchèrent et se divisèrent en deux branches: Loma Nongo, avec comme chef Etafalaki et Loma Lofongo avec comme chef Isungi.
Tous récoltaient le caoutchouc pendant 7 ans, puis un autre Blanc arriva. On l'appelait Nkoku Ebola Babanga. Il nous déplaça d'Imposo pour Lingunda. Il révoqua le chef Etafalaki et n'en maintint qu'un seul: Isungi. Isungi mourut et légua la fonction à son fils Bofola Albert. Actuellement nous sommes à Lingunda sous notre chef Bofola Albert.

NOTE
1. Loma de Lokuli, ancêtre fondateur du clan.
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NSONGOMBOYO,
636/293
Manas BOTULI, Nsongo Mboyo, Bolongo, Mission protestante Mompone)

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC (1)
Une autre chose dont nous faisons part à vous, nos Blancs de l'administration est la suivante. Des illettrés ont déjà occupé toutes les fonctions officielles, où donc travailleront des lettrés? Toutes les fonctions, vous les attribuez aux illettrés: chef, policier, capita, planton, chef de secteur, juge. Où travaillerons-nous qui avons étudié?
Nous voulons que vous organisiez un test destiné à ceux qui occupent ces fonctions, car ces personnes nous oppriment beaucoup. Si vous, nos Blancs, vous n'organisez pas un test, nous ne cesserons jamais de protester par des écrits. Nous voulons qu'un chef, un policier, un capita, et un juge soient des gens instruits.

NOTE
1. Add. Boelaert: "Copie du n° 634".
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NSONGO-MBOYO
634/290-291
Pius BOSIYO, Bolongo, C.I. Songo Boyo, moniteur M.C.
Mompono

RESUME: Les Boita Tosase, des Noirs, font irruption et tuent les gens pour s'emparer de leurs terres. Mais ils sont rentrés chez eux. Les Riverains Baenga viennent ensuite pour le commerce. La SAB, le caoutchouc, tueries. Un Blanc, Lomema, probablement de l'Etat, vient interdire le caoutchouc qu'il fait remplacer par les corvées suivantes: du manioc et de la viande. Puis: l'argent, l'impôt, et le copal.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS, ET RECOLTE DU caoutchouc
Au Congo, nos ancêtres habitaient d'abord à Bomenda, sur les bords de l'embouchure. Boita Tosase nous a trouvés au milieu de Impambo, à Lofoso. Ils étaient venus par la rivière. Les Boita refusaient des marchandises. Ils étaient venus pour la guerre. Les Boita voulaient s'emparer de notre terre comme les Blancs. Le capita de Tosase Boita était Simba Bokong'a Nkoi. C'étaient des Noirs. Ils n'étaient pas blancs. Ils étaient de noirs habillés et portaient des bonnets comme des sénégalais. Ils marchaient en légion. Ils ont atteint Nsongo Mboyo et y ont tué 3 personnes. Ils sont rentrés par peur des albinos. Les Boita Tosase avaient aussi tué les Lonola. Ils y sont arrivés par un sentier. Par peur des albinos, ils sont allés s'installer à Befori. Ils avaient aussi atteint Balongo Losango où ils tuèrent 3 personnes: Likau, Inonga, et Ilondo. Ils rentrèrent passer la nuit à Lonola, et partirent de là pour toujours. Les Boita étaient venus par un seul chemin, pas deux.
LES BAENGA
Les riverains Baenga sont perçus à Likake. Ils sont venus acheter des pointes d'ivoires et des esclaves. C'étaient des gens très insolents. Les Baenga étaient venus entre autres avec des cauris, des perles. Les Baenga n'étaient pas allés chez les terriens Mongo. Ils faisaient leur commerce le long de la rivière. Avec nous, c'était a Likake.
LA S.A.B.
La SAB s'est installée à Mompono. Le Blanc qui était chez nous, c'est Bolutampelu. Nous ne connaissons pas le nom du boy qui l'accompagnait, car ce Blanc n'avait pas fait longtemps chez nous. Il a été remplacé par Longange. Nous appelions des Blancs "albinos". Le Blanc Longange ordonna à tout le monde de récolter le caoutchouc. Nous y sommes soumis. Puis il jeta Ikala en prison. Avant de faire récolter le caoutchouc, il arrêta la femme de Djombo et tant d'autres. Il tua aussi Bayolo Bononga et fit arrêter Nsombo et Bolumbu. Nos patriarches donnèrent des poules et des oeufs à Ikala pour qu'il les présente au Blanc. Celui-ci répondit: Je n'apprécie pas ces cadeaux. Je veux que vous alliez récolter le caoutchouc". Dès lors on récoltait le caoutchouc. Il tuait des gens pour se faire obéir lors des corvées. Les surveillants qu'on avait imposé lors du caoutchouc étaient: Lotende et Likau, originaires de Basankoso. Les capita en étaient: Imbako, Bokombola, Bomongola, Ilole, Imposo-Efulaka. S'il n'y a assez de caoutchouc dans le panier, on est tué ou jeté en prison. On tua un homme appelé Bofambola et on arrêta 3 personnes. Bokoo ordonna à tous de récolter le caoutchouc. Ils continuèrent chez les riverains proches de Likake.
Longange fut remplacé par Bosele. Puis Bosele mourut à Mompone. La femme de Bosele s'appelait Boona, originaire de Mompono. Ils avaient mis au monde un enfant appelé Balisa. Ekutu vint remplacer Bosele. Sous Ekutu, on continua à récolter le caoutchouc. On tua Bosio et Linyangola. La sentinelle qui l'avait tué, fut Empukulu. Les villageois tuèrent une sentinelle appelée Bokoyo à Ikala. On arrêta une femme de ce village et on l'achemina à Mompono.
Au début, on récoltait des boulettes de caoutchouc. Puis on ne récolta de plus grand. Contre le caoutchouc, on payait des cauris, des vêtements noirs des draps de lit et un peu de sel. Plus tard, on nous payait des couteaux et des machettes. On en donna d'abord à Ikala, car c'est lui qui, le premier, avait fait la connaissance des Blancs. Le Blanc lui donna des chapeaux qu'il distribuait d'autres villages. Une fois encore, le caoutchouc était échangé contre un anneau de cuivre. Le Blanc Longange fut remplacé par le Blanc Lomema. Le Blanc Lomema dit: "Terminé avec du caoutchouc. Moi, je veux que tout le monde cultive des champs pour du manioc, et chasse du gibier. Vous m'en fournirez, et j'en achèterai". Pour la livraison de ces vivres, on donnait: des laitons de cuivre ou de fer, des vêtements noirs et des draps. Le Blanc Lomema fut remplacé par les Blancs Bolengu et Jambo. Bolengu n'y fit pas longtemps et Jambo resta seul. Il demanda des pointes d'ivoires pour les acheter. Il les acheta avec de l'argent. Jambo fut remplacé par Lingondu qui distribua à tout le monde des livrets pour impôt. On commença à payer l'impôt à un franc, jusqu'à 10 fr en 1954. Lingonju imposa aussi la fourniture du copal. Il l'acheta d'abord avec 1 fr, et progressivement jusqu'à 10 fr. Bongola remplaça Lingondu, et nous trouva en pleine corvée du copal. Bongola fut remplacé par Mandefu et continua avec le copal. Mandefu fut remplacé par Kukulu, et ce dernier par Njoku Ekukola Blavier. Ce dernier nous imposa l'aménagement des routes pour faire prospérer le pays.
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LONOLA 635/292
Léon Georges ISENGE, moniteur-catéchiste à Mompono-Befale

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Ici à Lonola, le Blanc qui est venu le premier, c'est Longange. Il ordonna aux chefs: "Que tout le monde récolte du caoutchouc plat". Lors du marché, on donnait aux gens du sel et un mètre de drap. Si votre panier ne contient pas assez de caoutchouc, vous êtes tué sur-le-champ. Chaque sentinelle apportait au Blanc 15 à 20 mains mutilées des cadavres. Puis le Blanc ordonna: "Je veux du caoutchouc en boulettes".
Peu de temps après, leur chef hiérarchique, Ekotolongo fit des affectations suivantes: Malomalo à Lingunda, Lomema à Imposo, Bosiyo à Imposo, Bongenge là aussi. Isekutsu à Bontoku et deux autres à Bekombelengana. Deux autres aussi à Liyoko et à Lingomo. A cette époque beaucoup de gens mouraient pendant la fuite dans la forêt. Ceux qui mouraient à coup de fusils étaient innombrables. Quelle extermination!. Lors du marché, on donnait aux villageois du sel, des perles, une machette et un mètre de drap..
Nos pères vivaient dans la misère. Le départ de la SAB de chez nous se déroula à l'improviste. Personne n'en était au courant. Toutes les sentinelles étaient originaires de Basankusu. C'est pourquoi, les originaires de Basankusu qui arrivent à Mompono sont considérés depuis lors comme chez eux. Et cela depuis longtemps. Les enfants qui naissaient à l'époque de la SAB étaient appelée les hommes du ciel, les enfants né en plein air.
Avec l'arrivée de l'Etat, les gens devenaient de plus en plus raisonnables. On institua des chefs à Lonola. Au début Lonola avait 6 chefs: Sombola à Likunjuamba, Loola à Bononnkoi, Isenge à Nkone, Ilanga à Ekalankoi, Bolika Mpembe à Lokole et Bolika wa Yo à Bokumbe. Tels sont les souvenirs que les vieux m'ont livrés.
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BONGANDANGA
470/170-171
Hubert-Justin BOMPUNGA, M.C. Bokakata. Enseignant, puis directeur d'école primaire, Décédé en 1996 à Basankusu.

RESUME: Un missionnaire protestant arrive à Bongandanga, accompagné de sa femme. L'accueil est cordiale de la part du chef de la contrée. Les Blancs de l'Etat. caoutchouc. Le frère du chef, un forgeron, est tué. Guerre. Paix. caoutchouc effort de guerre.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
A ce propos, les vieux du village et nos pères se souviennent de ce qui suit:
I. ARRIVEE DES BLANCS CHEZ NOUS
Au début, dans notre contrée, on a d'abord vu un Blanc de la mission protestante. Ce Blanc avait pour nom Is'ek'Ifele, et sa femme Yaek'Ifele. Notre pays en était très affolé, car on n'avait jamais vu auparavant une peau aussi claire. Et les gens voulaient tuer ce Blanc, mais notre chef Lontemba, relativement civilisé, déclara: "Il est un Blanc de Dieu, quel intérêt sa mort va-t-elle nous procurer?". Et les gens étaient d'accord avec la déclaration du chef, car c'était une personne très écoutée dans sa contrée. Et on accueillit ce Blanc en paix. Et on vivait en paix avec lui, et il leur enseignait les choses de Dieu. Ce n'est qu'après que les Blancs de l'Etat sont arrivés. Le premier fut Luter (1); et les autres après.
II. RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Le caoutchouc a été introduit chez nous comme suit. Tout au début, on refusait de récolter le caoutchouc. Mais les Blancs avaient réagi par la guerre. Et beaucoup de gens en étaient morts. Et le Blanc usa de corruption à l'égard du chef en lui offrant des biens tels que du riz, du savon, du sel et une variétés d'autres biens. Et le Blanc se lia fortement d'amitié avec Lontembe. Et les ancêtres appelaient l'époque du caoutchouc "Tompai".
A cause de beaucoup de misère, Lontembe demanda à ses gens de récolter le caoutchouc. Et tout le monde était d'accord, et on commença la corvée du caoutchouc. C'était après tout une entreprise qui a entraîné beaucoup de morts d'hommes, car on tuait ou on emprisonnait ceux qui ne récoltaient pas la quantité exigée.
Lors d'un marché, le frère cadet du chef Lontemba, appelé Bofau, n'avait pas récolté assez de caoutchouc. Le Blanc le fit arrêter et le tua. Remarquez que le Blanc rendit le chef très courroucé. Car son frère était un forgeron (celui qui fabrique des armes). Et les gens de ce côté n'avaient obtenu des couteaux, des flèches, des machettes, que grâce au frère du chef, parce qu'il était comme leur "mécanicien". D'ailleurs vous-mêmes, vous n'ignorez pas l'affection qu'éprouve chacun à l'égard de son frère cadet. Lontembe prit de fureur déclara: "Si jamais le Blanc revient encore ici pour le caoutchouc, nous allons lui livrer une grande guerre. Laisserait-il l'aval pour venir nous asservir ici?".
Et le Blanc revint chez le chef en lui disant: "Amenez des gens au caoutchouc". Et le chef se fâcha, et les gens venaient avec l'envie de faire la guerre. Le Blanc disposait de soldats, et ils se battirent. Mais le chef et ses hommes ne purent y faire face, car les soldats avaient des fusils et ils avaient tué beaucoup de gens. D'un autre côté le chef avait fait prisonnier certains fusiliers. Les fusiliers étant arrêtés par le chef, le Blanc abandonna la guerre. Mais le chef dit: "Moi, je ne peux pas abandonner cette affaire impunément. Je dois descendre en aval pour cette palabre". Et le Blanc supplia le chef et on classa l'affaire. Si quelqu'un apporte assez de caoutchouc, on le rémunère d'un laiton de cuivre ou d'une pièce d'étoffe.
Et tout dernièrement en 1940-42, on récoltait le caoutchouc dans notre contrée, mais l'entreprise ne fut pas meurtrière comme avant. Le mal en fut seulement qu'on emprisonnait certaines personnes, et certaines autres enrôlées dans l'armée.
Même si aujourd'hui, ma contrée vit en paix, il faut reconnaître qu'on a beaucoup souffert à cause de la guerre du caoutchouc. C'en est fini. Agréez mes salutations.

NOTE
1. Add. Boelaert: (Lothaire?)
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YOFOFE (BONGANDO)
604/238-239
Joseph BAFOKOLI, élève à l'Ecole Normale Bokakata.

RESUME: Les Blancs y arrivent à l'improviste. On les considère comme des êtres mythiques. Les villageois décident de les combattre et tuent tout Blanc qu'ils rencontrent seul. La riposte est plus meurtrière. Institution des chefs après la guerre. Caoutchouc. Autres corvées.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Je vais raconter un peu ce qui s'est passé dans mon village, tel que je l'ai appris. Ce n'est qu'un résumé, je n'en sais pas plus.
Mon village, c'est Yofofe (Bokumbo). A leur arrivée chez nous, les Blancs ont rencontré nos gens vers Losofo, dans l'ancien emplacement à Tokolitate. Ils s'y réfugiaient, car il y avait des guerres intestines. Ils ne vivaient pas en paix. Ils s'entre-tuaient exactement comme des bêtes.
Là-dessus, et à l'improviste, les gens qui ont une autre peau les trouvèrent. Ce sont des Blancs. A la vue du Blanc, ils paniquaient. Ils se demandaient: "Qui sont-ce?". Les uns et les autres disaient: "Ce sont des mânes, ce sont des ressuscités". Ils éprouvaient une horreur effroyable des Blancs. Ils ne les supportaient pas. Puis, ils s'enfuyaient dans des forets lointaines. Ils disaient: "Nous avons vu des revenants". Dans leur refuge, ils ont réfléchi: "Qu'allons-nous faire avec les gens d'une telle nature? Nous ne savons pas d'où ils sont venus. Nous ne comprenons pas non plus leur langue. D'où viennent-ils précisément?" Ils concluent: "Il convient que nous leur livrions un combat". Ils ignoraient que le Blanc disposait d'une chose plus puissante pendant la guerre: l'arme à feu.
Là-dessus, ils tuaient tout Blanc qu'ils rencontraient seul. On déshabillait le cadavre, on en coupait des doigts, et on le dépeçait comme une bête. Les Blancs qui étaient venus n'étaient pas nombreux. Mais apprenant ces meurtres contre eux, ils commençaient à résonner les fusils qu'ils avaient avec eux. Nos gens en eurent peur, surtout qu'ils voyaient de nombreuses victimes de fusillades. Ils se disaient: "Ces gens sont bien capables de nous décimer". Et ils se réfugièrent dans la forêt. Mais ils tuaient tout Blanc qu'il rencontraient. Petit-à-petit, les Blancs, hommes malins, se sont rapprochés d'eux, et la guerre a pris fin.
Après la guerre, les Blancs choisissaient parmi nos gens des chefs pour activer la construction des maisons d'habitations des Blancs et pour l'aménagement des routes. Et un début de paix s'amorçait. Les chefs qui étaient chez nous à l'époque furent Is'Onandongo, Elongoluka et Is'Ofonganyongo. Il y avait quelque deux Blancs qui firent appel aux chefs pour leur demander de faire récolter le caoutchouc dans forêt. Chaque village récoltait une grande boule de caoutchouc. Je ne fais pas allusion à la récolte de 1945, mais plus exactement de l'époque de nos ancêtres, pendant que je n'étais pas encore né. Ceux qui n'en récoltaient pas avaient pieds et poings liés, et étaient fusillés en présence des leurs. Ainsi par peur de la mort, les gens acceptèrent de récolter le caoutchouc. Il parait que les Blancs avaient tué des récalcitrants comme des bêtes. C'était une corvée qui a engendré des malheurs et des misères.
A la fin de la corvée du caoutchouc, les Blancs prenaient le caoutchouc et l'expédiaient en Europe. Ils imposaient désormais d'autres corvées: aménagement des routes, construction des maisons. Depuis lors, la paix s'instaura. Le poste le plus important était dirigé par Is'Onandongo. Ces postes étaient appelés "batuka" (clans). On déplaçait ce poste jusqu'à la contrée où nous vivions maintenant. Les Blancs devenaient de plus en plus nombreux. Ils érigeaient des territoires et des postes. Et le pays devenait paisible. Voilà la fin.
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SIMBA (Bongando)
477/191-192
Simon ILONGA, moniteur M.C. Simba, plus tard Directeur d'école.

RESUME: Vie traditionnelle avant les Blancs. Les Arabisés. Les Blancs, le caoutchouc. Résistance, les villageois attaquent un poste des Blancs. Renfort demandé de l'aval. Les villageois impliqués étaient acheminés à Basankusu ou à Coquilhatville.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
1. AVANT LES BLANCS LES ARABES
Au début, pendant que les Blancs et les Arabes n'étaient pas encore arrivés sur la terre des Bongando, il y en avait qui étaient notables, et d'autres des esclaves. De grandes routes pour véhicules n'existaient pas encore, seulement de petits sentiers. On se visitait entre amis, et on dotait des femmes par des objets.
Une femme ne pouvait pas avoir des relations sexuelles avant le mariage. Une femme parvient-elle à fuir le toit conjugal, le mari va au village de la femme fugitive, et prend en otage 6 filles, qu'il amène chez lui. Si les parents des filles apprennent que leurs filles ont été kidnappées, ils se fâchent extrêmement, et ordonnent à la femme fugitive de regagner le toit conjugal. Si la femme le refuse, les deux villages se mettent en guerre, jusqu'à ce qu'on tue cette femme ou jusqu'à ce qu'elle paye un grand rançon.
Si dans un village, un notable venait à mourir, d'autres notables s'assemblent pour détecter son tueur, au moyen de l'épreuve de poison consistant à faire boire le jus de la plante Alchornes floribunda. S'il y a deux coupables, on les tue pour qu'ils soient enterrés dans la même tombe que le notable. Et si celui que le breuvage a fait détecté, est un notable, on lui fait payer seulement une forte amende.
Lors des guerres atroces les gens se réfugiaient sur des arbres géants où ils installaient des lits, et où ils amenaient femmes, enfants et bétail. Et si d'autres personnes viennent les attaquer d'en bas, ils leur jettent des lances et des couteaux, et les assaillants prennent fuite.
Si un village allait chasser dans la forêt d'un autre village, et qu'on y tuait 5 sangliers, on en apportait au patriarche de ce village 5 gigots en lui disant: "Voici votre part, car nous avons chassé dans votre forêt".
A cette époque, si quelqu'un avait un esclave, on ne pouvait pas dire à cet esclave: "vous êtes l'esclave d'un tel". Les esclaves étaient considérés comme des fils de sang.
Ainsi vivaient les Bongando partout dans leurs forêts. Pendant que les Arabes avaient envahi les contrées des environs d'Isangi, les Topoke qui quittaient là, sont venus chuchoter à l'oreille des Bongando: "Voici que certaines gens venues de loin et appelées Tongoole sont en train de progresser vers ici". Après cela, les Bongando voyaient d'autres personnes qui étaient comme leur policiers. Ils étaient en rangs, armés de fusils, et ayant beaucoup de biens matériels. A ce moment, ils avaient commencé à convoquer les notables locaux pour leur indiquer des lianes à latex. Mais certaines personnes prenaient fuite. Ceux qui en étaient restés demandaient à ces gens: "Vous êtes les hommes de qui "? Ils répondirent: "les hommes du chef Simba". Mais Simba lui-même habitait des stations près de Bongando. Les Bongando voulaient refuser, mais ils avaient peur de fusils et des souffrances. Et ils récoltèrent le caoutchouc.
2. ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Un Arabe, qui était adjoint à Simba, fut Lokutu. Il habitait parmi les villageois de Yokana. La corvée qui y était imposée était les pointes d'ivoires, le copal et le caoutchouc. Et cet homme Arabe allait faire le marché à Isangi. Il en revenait avec de nombreux esclaves et de beaucoup de marchandises. Sur le Fleuve Congo, de retour des expéditions chez les Isangi, les Bangelema et les Topoke, cet Arabe et les gens voyaient un petit bateau à bord duquel se trouvaient deux Blancs, c'est-à-dire Pimbomingi et Lofembe ' (Pimbomingi, c'est le Blanc Stanley). Et ils rencontraient l'Arabe Lokutu en aval d'Isangi. Et ces Blancs demandaient aux gens pourquoi Lokutu leur avait livré la guerre. Ils répondirent: "Parce qu'il nous avait imposé la corvée des pointes d'ivoires et du caoutchouc". Ces Blancs notaient tout cela sur du papier, puis ils allaient vers Lokamawa, c'est-à-dire sur la rivière Aruwimi. A leur arrivée à Basoko, ils arrêtèrent Lokutu et l'amenèrent en aval. Ayant appris que Lokutu a été arrêté et tué par les Blancs, les Arabes qui étaient non loin de Bongando décidèrent de rentrer en amont. Ils s'écrivaient mutuellement des lettres et allaient vers Kisangani.
Un Arabe qui était chez les Bongando de la province de l'Equateur s'appelait Simba. Lorsqu'il apprit cette nouvelle, il descendit. Il avait passé la nuit ici à notre mission. Et il avait instruit au grand notable du village que ce village se nommerait Simba. Actuellement, nous sommes à la mission Simba ici en tant que les hommes de Simba. Leurs travailleurs qui étaient restés ont été combattus par les villageois. Et comme les fusils et les munitions étaient épuisés, on les tuait par pendaison, et finalement c'était la paix.
3. LA VRAIE ARRIVEE DES BLANCS
Après, la terre redevint sereine comme avant. Petit-à-petit, les gens qui étaient partis avec les Arabes revenaient, et déclaraient: "Certaines personnes, à la peau claire, mais autres que les Arabes, sont en train de venir. Ils sont maintenant à Barumbu et à Basoko. Leur nom, c'est Besongo." Et les Bongando se résolurent de convoquer les notables pour qu'on aille à Basoko et à Barumbu dire aux Basongo qu'ils ne veulent pas la guerre comme c'était avec les Arabes. Nos chefs avaient pris des pointes d'ivoires et d'autres valeurs, et allaient chez les Basongo. Il s'agit de: Longomba (Yahuma), Bafosambi (Ngombe ), Wil'a Ntela (Ngima), Bafatsin'a Ngombe (Yofeko), Bombong'a Mpata (Liotsi), Lokutu a Yanjenge (Yanjenge), Lisambola (Lisoku), Bafosambi a Yokane (Yokana), Lokutsu a Yangili (Djombolokutu), Litsinj'Okila (Lifumba), Iloko Bongole a Likombe (Buma), Boliye (Liyango). Ils avaient fait des dons aux Blancs, et les Blancs en étaient très contents. Ils leur demandèrent ensuite de quelle contrée ils étaient. Ils répondirent: "Nous sommes les Bongando. Il ne convient pas que nous venions ici fréquemment. Nous voulons qu'un Blanc aille chez nous". Ainsi d'autres enfants des Bongando étaient restés au service du Blanc. Et les Blancs leur donnèrent certains vêtements très resplendissants aux yeux de leurs amis. Puis le Blanc prit congé des notables, en disant: "Je retournerai une autre fois".
Après quelques mois, les Blancs envoyèrent leur sentinelle pour la corvée du caoutchouc. Les villageois en étaient furieux et commencèrent à attaquer ces hommes. Les villageois se réfugièrent dans la forêt mais on en arrêta d'autres qu'on amena chez les Blancs. Les Blancs armaient ces hommes de fusils et ils maltraitaient les villageois comme à l'époque des Arabes. Les villageois Bongando ne voulaient pas d'oppression et se défendaient. Si le capita ne venait pas avec des gens, il avait une palabre ou on lui refusait des vêtements, des sacs de sel; et si on attrape ces gens, on les tue.
Encore une fois, les Bongando devenaient furieux, et déclarèrent: "venez pour que nous fassions comme auparavant".
Nous leur cédons nos femmes, nous leur donnons des vivres, nous exécutons leurs travaux, et ensuite ils décident de nous tuer. Non! Il convient que nous tuions ces hommes et quelques Blancs. Et la nuit, ils arrêtèrent les hommes des Blancs, leur ravirent des fusils, et on les tua nombreux. Puis ils prirent tous fuite dans la forêt équatoriale. D'autres chefs à eux comme Mbwolema et
d'autres étaient encore à ce moment en prison, car ils n'avaient pas fait récolter assez de caoutchouc.
Certains Blancs avaient demandé un renfort de fusils de l'aval. On les distribua à certaines personnes pour qu'ils deviennent sentinelles des villages abandonnés. Mais les gens qui étaient dans la forêt n'avaient pas de nourriture, ni de bananes, ni de l'huile. Et lorsqu'ils étaient sortis la nuit pour s'approvisionner, ces gens qui montaient la garde les tuaient à coup de fusils leur donnés par les Blancs. Et on arrêta beaucoup de Bongando. On appela aussi ceux qui étaient dans la province de l'Equateur. Ils étaient venus et les Blancs les soumettaient à la corvée du caoutchouc.
D'autres Blancs qui étaient venus avant ici chez les Bongando étaient Ebanja et Lokonga. Un était Lokelenge et un autre faisait des navettes sur la rivière Lopori. Ils avaient érigé un grand poste à Betutu. Là, ils avaient insisté avec pression sur la récolte du caoutchouc. Les soldats étaient armés de fusils et tuaient même des innocents. Les souffrances avaient débordé.
Et les soldats prévinrent le Blanc: "Voici que les villageois veulent nous faire du mal; construisons une grande forteresse". Le Blanc ne fut pas de cet avis. La nuit, les villageois firent irruption et combattirent les hommes des Blancs. Ils avaient tué beaucoup de soldats. Le Blanc prit fuite et on le pourchassa. Mais les Lopori, poltrons firent échapper le Blanc, jusqu'à Simba. Dès lors Simba devenait un grand site, avec un chef aussi. Et les villageois pillaient les biens du Blanc, son magasin, et tout autre avoir. La famine sévissait atrocement à ce moment. Et les gens s'entre-tuaient comme des bêtes. Ils se mangeaient entr'eux. Un père n'avait même pas pitié de son fils. Il le tuait exprès par manque de nourriture. Les Lopori noyaient leurs enfants. Là-dessus certaines personnes, se sauvèrent; les chefs et certaines autres personnes les poursuivaient jusque dans la forêt. Ils tuèrent beaucoup de fusiliers.
A cette époque, un Blanc de l'Etat était affecté à Basankusu. Et comme on tirait des gens exprès, les coupables étaient amenés à Basankusu ou à Coq pour le jugement. C'est le moment où beaucoup de Portugais et d'autres Blancs de l'Etat arrivaient successivement. Et les misères prenaient fin petit-à-petit. Ici c'est le début de la paix dans notre contrée. Certains Blancs sont morts aussi lors de la récolte du caoutchouc. Et comme la palabre du caoutchouc avait pris fin, les gens étaient de nouveau en paix.
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SIMBA (Bongando)
475/181-185
Nicolas AFOLEMBE, école de moniteur, M.C. Bokakata, Basankusu (1)

RESUME: Les Arabes s'installent à Liotsi qui prend le nom de leur chef Simba. Ils tuaient et razziaient. Les Bongando aussi. L'ABIR remplace les Arabisés et impose le caoutchouc. Guerre, Paix. Lors de la guerre exode de la population, Puis retour d'une partie dans les sites originelles. Les Blancs attaqués. Renfort en provenance de Basankoso. L'Etat et la prospérité.

TEXTE:
DES RECITS DE L'ARRIVEE DES BLANCS ET DE LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC
1. LES SOURCES
Longtemps avant que les Arabes ne viennent dans notre contrée, nos ancêtres n'habitaient pas les villages comme dans les emplacements actuels. On procédait comme suit: si tu épouses une femme, tu te sépares de ton père, et tu vas commencer dès lors ton demeure ailleurs. On ne s'en distanciait pas très loin pour parer à des guerres brusques. C'est ainsi qu'il y avait une petite forêt seulement entre tel emplacement et tel autre. Une palabre survenait-elle entre les enfants, le père la tranchait, car il habitait à mi-chemin de leurs emplacements.
2. LES ARABES Dans notre contrée, et précisément dans la chefferie.
Losaila, il est vrai que les Arabes y étaient arrivés. Un de leurs chefs appelé Simba (Lion), habitait un village appelé Liotsi. C'est là que se situe maintenant notre mission de Simba. Normalement cette mission devrait s'appeler "Mission Liotsi". Mais nos vieux, depuis le départ des Arabes de chez nous, n'ont pas oublié l'emplacement où leur chef résidait. Et à l'arrivée des Blancs, ils habitaient toujours le même site. Et ils appelaient cette station Simba. Et parce que toute la Losaila était sous la domination de ce chef des Arabes, jusqu'à présent nous sommes appelés "Losaila-Simba".
A l'époque des Arabes (Batambatamba en notre langue longando), un homme était comme une bête sauvage. Nos propres gens les avaient imités. Ainsi ils tuaient des gens sans pitié, et constituaient des harems. Moi-même, j'en connais deux: un qui vient de mourir récemment, et un autre qui est actuellement notre chef. Très vieux. Celui qui est mort était originaire de Liotsi même, mais son surnom était Rumaliza.
Si les Batambatamba (Arabes) avaient continué, moi, je ne serais pas né. Car ils n'ont pas pu tuer ni mon père ni ma mère, à leur jeune âge. Pitié. Je cesse de raconter l'histoire des Arabes, et je passe à la récolte du caoutchouc.
3. LA RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Après le départ des Arabes de chez nous les Bongando, ce sont les Blancs du caoutchouc qui les ont remplacés. Les vieux appellent ce temps, l'époque de la compagnie Abir. Leurs postes étaient Yahuma, Simba, Bolese et Betutu. Les Blancs qui étaient dans ces stations, nous n'en connaissons pas de vrais noms. Mais les villageois leur donnaient des noms à eux, des sobriquets. Voici tels que: Longange, Itomotomo'a Likoso, Lilang'atumbe, Likoke, Bokunjw'a Lomuma, Bongenge, Bolembo, Nkoy'Isenge, Bambelu, et d'autres encore. Leur travail était d'imposer le caoutchouc aux autochtones.
Le caoutchouc n'était pas acheté n'importe quand ni n'importe où. Il y avait de jours et des endroits précis. On l'achetait seulement aux postes que j'avais déjà cités avant: Yahuma, Simba, Betutu et Bolese. (Ici je ne parle pas de la partie Bongando sur l'autre rive de la Lopori, mais de notre rive de la Lopori).
Pendant qu'on pèse, si votre caoutchouc est inférieur au poids exigé, on vous chicotte et on vous jette en prison.
Chaque village avait un capita institué par les Blancs pour activer les gens à récolter le caoutchouc. C'est de là que les gens ont souffert. Comment les capitas étaient-ils traités? Et pourquoi?. A chaque pesée du caoutchouc, si le poids du caoutchouc du capita ou de quelqu'un de son équipe n'est pas suffisant, le capita est puni, et la punition de la population, c'est la chicotte et la prison. C'est pourquoi les capitas tuaient beaucoup de gens. Avant d'aller à la pesée, on vérifiait si le poids de la récolte de chacun était suffisant. Celui qui récolte moins est tué. Ainsi beaucoup de gens en sont morts.
J'ai déjà signalé les 4 postes où on achetait le caoutchouc: Yahuma, Simba, Betutu et Bolese. Je vais parler tout de suite des événements qui ont eu lieu à Betutu. Je raconterai ensuite ce qui s'est passé à Simba.
Ils ont pesé le caoutchouc à Betutu, c'est-à-dire aux chefferies de Bokote et de Nkok'a Lopori (2). Ces deux chefferies constituaient une seule chefferie.
Ayant constaté que les souffrances ont débordé et que le caoutchouc est devenu rare, ils ont pris la fuite. Ils ont traversé la Lopori en amont se distanciant ainsi de leur terroir pour s'installer à Mompono sur la rivière Luwo. Ils y sont restés plus ou moins longtemps. Un jour, les Mompono tuèrent le fils de Baolangi. Devant ce fait, ils prennent mouche et déclarent: "Il est bon que nous rentrions dans notre terroir, même si on nous y tuait, ça ne fait rien". Et ils rentrèrent.
Beaucoup redoutaient les souffrances qu'ils avaient endurées avant. C'est pourquoi, ils ont commencé à rester chemin faisant, créant de nouveaux emplacements. Un père et ses enfants, et ainsi de suite. Une autre partie de gens traversèrent la Lopori et retournèrent dans leurs villages d'antan.
Ceux là qui restaient chemin faisant ont constitué de grandes chefferies: Maringa, Nsema, Balanga et Nkok'a Lopori. Ayant appris que certaines personnes étaient rentrés dans leur terroir d'antan (chefferie Bokote), les Blancs retournèrent à la station de Betutu et restaurèrent la récolte du caoutchouc. Le Blanc qui en était le chef à l'époque était Longange. Son remplaçant fut Lilangatumbe.
Encore, et comme je l'ai déjà dit avant, si le caoutchouc n'est pas suffisant, on est puni. Maintenant le caoutchouc est devenu rare et les villageois n'avaient plus une autre façon de récolter le caoutchouc. Comment s'en étaient-ils tirés?.
Et ceux qui avaient traversé la Lopori et ceux qui restaient chemin faisant lors de leur exode de Mompono, se concertèrent et décidèrent de mettre feu à toutes les stations où résident les Blancs, en commençant par celui de Betutu. Ils se sont regroupés pour la guerre. Un jour, ils attaquèrent le Blanc et ses hommes, et gagnèrent le combat. Ils intimèrent au Blanc l'ordre de quitter les lieux. Les riverains de Betutu l'embarquèrent tout nu, protégé de quelques feuilles sauvages, sur une pirogue, et on le débarqua à Simba.
A SIMBA
On venait peser le caoutchouc à Simba, dans la chefferie de Losaila-Simba. Le Blanc qui était chef à ce moment était Bolembo, en collaboration avec d'autres Blancs.
Lorsque les villageois ont vu que la station de Betutu avait été détruite, ils projetèrent une offensive plus grande consistant à brûler la station de Simba. Avec la population de Losaila-Simba, ils se concertèrent et eurent une même idée; puis ils se rassemblèrent pour la guerre.
Devant ce spectacle, les Blancs de Simba érigèrent une clôture en treillis et installèrent des sentinelles de chaque côté. Ainsi ils seraient avertis de l'attaque, et enfermeraient le personnel domestique et les soldats dans la clôture, qui serait immédiatement fermée.
Un certain matin, les tam-tams, les cors et chants de guerre se firent entendre. Une grande foule d'hommes fit irruption, puis se cacha. A ce moment les Blancs, les soldats et tout le personnel rentrèrent dans la clôture. Le Blanc en chef distribua aux soldats des balles, avec les instructions suivantes: "Ne tirez pas avant qu'ils ne s'approchent; ne tirez pas non plus l'un après l'autre. Tirez ensemble après mon commandement, mais à condition qu'ils nous attaquent les premiers avec leurs flèches". Quelques temps après les villageois s'approchèrent avec des bruits de tam-tams et de cors, ainsi que de chants de guerre. Avec grand bruit, ils s'arrêtent à quelques mètres, boucliers en mains. Ils ont enduit leurs corps du kaolin blanc (3) et du charbon de bois. Ils ont l'apparence des léopards. Peu de temps après, ils lancent des flèches en direction des Blancs et de leurs soldats. Et voici que le Blanc ordonne aux soldats de tirer. A la première détonation, vous voyez des cadavres jonchant l'autre côté de la clôture comme meurent des fourmis sur lesquelles on a mis du feu. A la deuxième détonation, vous ne voyez plus personne sur les lieux, tous ont pris fuite et nombreux en sont morts. Ceux qui ont pris fuite pillaient les biens des Blancs sur leur passage. Tous se sont dispersés. Ceux qui étaient dans la clôture sortent et vont à leur poursuite. Ceux qu'on attrape, on les tue pour anéantir leur méchanceté.
Ayant anéanti les indigènes, les Blancs interdisent aux soldats de tuer les gens. Ils ordonnent de les arrêter et de les mettre en prison. Cette guerre entre les Blancs et les villageois n'était pas fini de si tôt. Plusieurs fois les villageois combattaient les soldats, leur ravissaient des fusils et les tuaient.
Dès lors, les Blancs envoyèrent un message à Basankusu, et de nombreux soldats de Basankusu étaient venue, accompagnés d'autres Blancs. Ces Blancs étaient appelés Mbulamatale. Les soldats combattaient les villageois et les avaient anéantis.
Se rendant compte qu'ils ne l'emporteront pas, les villageois s'armèrent de courage et désignèrent le plus courageux parmi eux qu'il soit intermédiaire entre eux et les Blancs. L'intermédiaire alla dire aux Blancs ce que voulaient les villageois, c'est-à-dire la paix. Puis ils remettent aux Blancs des fusils qu'ils avaient ravi aux soldats, en signe du retour à la paix et de la fin de toutes les palabres.
Les Blancs en étaient d'accord et les gens s'étaient de nouveau approchés des Blancs. On commença à exécuter leurs corvées et la quiétude élit domicile dans notre contrée. Depuis lors, on commença à tracer des routes pour des villages. Les routes étaient créées entre les villages. Les guerres interclaniques avaient pris fin. Les gens commençaient à être payés en laiton de fer. Le pays devint organisé comme il se doit pour que tout soit comme maintenant.
Depuis ce temps où les villageois et les Blancs de l'Etat avait signé un accord de paix, jusqu'à présent, nous appelons ce temps: "Belles", c'est à dire Belge (4). C'est pourquoi, dans notre contrée, et jusqu'à présent, si quelqu'un agit comme un villageois, on lui dit: "Toi, tu agis comme un vulgaire, tu ne sais pas que "Belesi est venu?"

NOTES
1. Auteur de deux articles: Le Coq Chante, fév.1943, p.14-15 (moralité) et Lokole Lokiso 1 janv 1955 (en faveur du journal).
2. Récente étude par Lingomo Bongoli, Nkoko Lokoli, un "peuple bongando", Annales Aequatoria 16 (1995) 339-354
3. sur le, lire P.Korse, Le fard rouge et le kaolin blanc, Annales Aequatoria 10 (1989) 9-39
4. Congo-Belge.
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BOKAKATA (Bekolongo)
476/187-189
Maurice EJAMBO, moniteur, M.C. Bokakate, Basankusu

RESUME: Les missionnaires protestants, pacifiques, précèdent la SAB, coercitif. Tractations entre la SAB et la population pour un terrain. Résistence de la population, puis soumission. Pour cette population riveraine, pas de caoutchouc, mais fourniture du poisson, pagayage, matériaux de construction, chefs de village et sentinelles.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC A BEKOLONGO/BOKAKATA
1. ARRIVEE DES BLANCS
Avant l'arrivée des Blancs, on avait seulement des juges qui mettaient de l'ordre dans le peuple. Ils vaquaient à leurs occupations lorsque brusquement ils virent les Blancs arriver. Ces Blancs là n'étaient pas méchants; ils étaient pacifiques; c'étaient des missionnaires protestants. Leurs sobriquets étaient Niolona et Mpunguntando.
Quelques temps après, d'autres Blancs arrivaient. On appelait ces Blancs Bokukulu, c'est à dire la SAB, la première compagnie. Ils étaient comme l'état avec des lois à eux. Après leur arrivée, ils demandèrent un emplacement. mais on ne le leur octroyèrent pas. Un Blanc appelé Bongena convoqua les vieux du village et leur dit: "Donnez-moi une concession". Et les vieux de répondre: "Comment vous donnerions-nous sans raison la terre de nos ancêtres? Nous ne le voulons pas". Et Bongena de rétorquer: "si vous ne le voulez pas, nous et vous, on va faire la guerre". Ils étaient sur le point de se battre lorsque les vieux intervinrent pour les empêcher: "Vous voulez la guerre alors que vous n'avez pas beaucoup de gens. Vous voyez clairement qu'il a des fusils. Nous n'avons pas de fusils. Comment allons-nous nous battre? Il convient seulement de lui concéder un terrain. On le rapporta au Blanc et il interdit la guerre". Le Blanc demanda: "M'avez-vous vraiment donné une concession?". "Oui, nous vous l'avons donnée, pourvu que nous vivions en paix".
Dès lors les Blancs arrivaient sans cesse. En voici quelques-uns: Bonjolongo, Bongena, Lokwama, Lokoka, Malomalo, Ikundu, Bolabola, Is'Ongembe.
2. RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Sur ces entrefaites, le Blanc Bongena instaura la corvée du caoutchouc. Il est une réalité claire que les riverains Baenga ne savent pas monter sur les arbres. Bongene qui en était certainement conscient leur dit: "Je vois vous imposer vos 5 corvées adaptées à vous".
Voici ces corvées:
1) Capturer des poissons.
Ces poissons avaient une double destination. D'abord pour la nourriture des Blancs. Si les poissons viennent à manquer, parce qu'on en a pas fourni assez, le Blanc envoie ses soldats inspecter les foyers. Si on trouve une arrête de poisson gisant à côté, on vous arrête et on vous tue. Une seconde destination du poisson était la pesée. Le poids en était imposé d'avance. Ceux dont le poids était inférieur à celui exigé, étaient arrêtés, tués ou relégués.
2) Pagayer.
Ils étaient chargés de pagayer pour conduire les Blancs où ils voulaient aller, acheminer à Coq ou à Lolanga le caoutchouc récolté par les Mongo et les Ngombe. Si on est en retard pour convoyer le caoutchouc, il est clair qu'on sera emprisonné et on subira d'atroces sévisses. C'est pourquoi les gens ramaient nuit et jour.
3) Couper des pieux et des arbres.
Ils coupaient des pieux et des arbres pour construire des maisons. Ces pieux et arbres étaient envoyés à d'autres stations. Si ces arbres ne sont pas suffisant, ou bien on vous arrête ou bien on vous tue. Comme charpentiers pour fendre les arbres et fixer les portes, ce furent Is'Ofuwa et ses confrères.
4) Ceux qui étaient proches des Blancs étaient affectés comme chefs de villages disposant de soldats pour le caoutchouc; ils étaient chargés d'arrêter et d'acheminer chez le Blanc tous les récalcitrants. Ces chefs avaient beaucoup maltraité les gens. Ils en tuaient d'autres expressément. Quelques-uns parmi eux: Efinda qui était à Ifomi, Lofole à Lokokoloko, et bien d'autres ailleurs. Le caoutchouc était récolté pour le compte de la SAB. Le capita du marché fut Is'e'Ikokolokoto.
5) Les Blancs avaient enrôlé d'autres personnes dans la milice pour combattre ceux qui ne voulaient pas récolter le caoutchouc. A cette époque, le Blanc le plus méchant et le plus zélé pour le caoutchouc fut Bolabola. Le Blanc le plus haut placé à l'instar d'un Commissaire de District fut Is'Ongembe. Puis on institua des chefs et des capitas sur ordre de l'administration.
FINALE: Même si nous n avons pas récolté le caoutchouc, nous avons enduré quand même des souffrances analogues à ceux qui ont été soumis à cette corvée.
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BOKAKATA
603/236-237
Adrien LOMBOTO, élève Ecole Normale Bokakata

RESUME: Pérégrinations des Baenga du site originel de Maobe, chez les Bangala, jusqu'au site actuel de Bekolongo et de Bobangi où un premier Blanc vendant des perles les trouvent. puis deux Blancs tués à Basankoso. Représailles violentes, mais le Blanc Bongena y met fin en imposant le caoutchouc aux Mongo, du poisson aux riverains Baenga, et de la chikwangue aux femmes.

TEXTE:
ENTRETIEN CONCERNANT BOKAKATA
Ce qu'on peut considérer comme Bokakata, c'est Bekolongo et Bobangi. Eux, ils sont des Beenga (Riverains). Avant l'arrivée des Blancs, ils habitaient à Maobe, chez les Bangala. Ils ont quitté ce site après une rixe avec les Mooko. Puis ils sont descendu en aval du fleuve Congo. Pagayant, ils ont atteint un village appelé Lolanga chez le chef Intsongo. Avec ce chef, ils n'ont pas eu de palabres. Ils vivaient en paix. Ils continuèrent le voyage en remontant la rivière Lulonga. Chemin faisant, ils échangeaient des biens avec des familiers et d'autres personnes qu'ils rencontraient. Ils continuaient à pagayer, et atteignirent une forêt mitoyenne appelée Bonginda. Là, les frères Nkumba et Loleka s'arrêtèrent avec leurs suites pour y résider. Les autres continuèrent et atteignirent une autre forêt mitoyenne appelée Losombo. Là, Longenda et sa parenté restèrent pour y résider. Les autres continuèrent et atteignirent un village appelé Bonjeka. Là, Ewando et ses gens restèrent. En fin de compte, le dernier lot prenait deux directions: Bobanga et ses gens habitèrent Malongo et Lokwela à l'embouchure de la rivière Intaando. Ils faisaient le commerce avec les terriens Mongo qu'ils y avaient trouvés habitant l'autre côté de la rivière.
Les Mongo habitaient un site appelé Yefaila. Mais se rendant compte que le site occupé par les Mongo était meilleur, les Baenga décidèrent de s'installer de ce même côté. Et ils y cohabitèrent: les Mongo en amont, et les Baenga au bord de la rivière. A l'arrivée des Blancs, la paix et la guerre s'alternaient entre les Baenga et les Mongo.
Le Blanc qui arriva le premier fut Maminono (Mandefu). Il vendait des perles. Il ne cherchait pas la guerre avec les villageois, mais comme ils ne connaissaient pas encore un Blanc, les Noirs en avaient eu peur. Après lui, deux Blancs arrivèrent: Bomende et Bonjolongo. Les Baenga de Basankusu ne les supportaient pas, et ils les tuèrent. L'homme qui les avait abattus, c'est Engwanjala. Lorsque cela fut révélé, on fit appel à d'autres Blancs et aux soldats. Ils avaient fait la guerre dénommée "ikakota". En pleine. guerre, un autre Blanc arriva. C'était Bongena. C'est lui qui instaura le caoutchouc. Après avoir ordonné la récolte du caoutchouc, il mit fin à la guerre.
Il imposa le caoutchouc à tous les Mongo et non à nous, les Baenga. La corvée des Baenga était de fournir des poissons. Celui qui ne récoltait pas le caoutchouc était tué. Après que le caoutchouc a été séché, on se rassemblait, les Mongo avec du caoutchouc et les Baenga avec des paquets de poissons. Ils étaient repartis en groupe ayant chacun un capita. Les femmes fournissaient des paniers de chikwangues. Après la vente, on s'aperçut que cela ne posait pas de problèmes. Chaque groupe ethnique exécutait normalement sa corvée: les Baenga apportaient du poisson et les Mongo du caoutchouc. Dès lors, le pays devint pacifiée. Quelques années plus tard, après la guerre en Europe, on interdit de récolter le caoutchouc. Les Blancs ont importé leur propre caoutchouc, issu de la saignée des hévéas, dont ils ont créé des plantations. C'est la fin de la récolte du caoutchouc et de la guerre. Et depuis lors, l'ère de la paix a sonné. Nous remercions les Blancs à cause de leur oeuvre de civilisation et de prospérité à l'économie au Congo.
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LILANGI (BASANKOSO)
471/172-174
Bernard LINUNDA, moniteur M.C. Bokakata, et avant de mourir dans les années 70, chef de Collectivité

RESUME: Pendant que Wésé, chef des Lilangi combat les Ngombe, arrive un missionnaire protestant, suivis de deux Blancs terrifiants tués par Lomama des Baenga. Imposition du caoutchouc au grand refus de Wesé qui, après négociation avec les Blancs se soumet et est réhabilité dans ses fonctions antérieures.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS A BASANKUSU (1)
Avant l'arrivée des Blancs, nous avions un grand patriarche nommé Wesé. Il avait deux frères: Is'e'Imek'ea Linunda et Is'ea Nkoli ey'Efambe. Au même moment Wesé commença à interdire les guerres entre les Lilangi et leurs voisins, et devint le chef de tous les autres villages. Lorsque les Ngombe apprirent cette suprématie de Wesé, ils décidèrent de provoquer une guerre contre lui, afin de lui ravir tous les villages qui lui étaient soumis. Ayant appris les desseins des Ngombe, il ordonna aux autres villages de rester, et ne prit que les Lilangi pour contrecarrer l'incursion Ngombe. Il en tua nombreux, et parvint à repousser les survivants. C'est en ce moment qu'arriva le premier Blanc, un missionnaire protestant. On allait le contempler, car jamais vu pareil être humain. Wesé qui était en guerre fut prévenu, et alla lui aussi à sa rencontre. On appela ce Blanc "ntendele" à cause de sa peau claire. Deux autres Blancs arrivèrent: Bomende et Bonjolongo. Ils ont maltraité beaucoup des nôtres. Lomama les tua. Après leur mort, arrivèrent deux Blancs surnommés Moto et Ilombo. Ils vengèrent impitoyablement Bomende et Bonjolongo. A cause de cette terreur, Wesé et les siens se réfugièrent à Lofale où ils ont vaincu les Ngombe. Nos gens finirent par demander la paix. Moto et Ilombo leur demandèrent de fournir beaucoup de caoutchouc, sinon la guerre continuerait. Les gens l'acceptèrent malgré eux. Ils craignaient que Wesé n'apprenne qu'ils récoltent du caoutchouc pour le Blanc. Mais Wesé n'en était pas d'accord. Il en interdît énergiquement la récolte, et vociféra: "Pourquoi le caoutchouc pour ces idiots venus chez nous?". Il en confisqua de nombreux paniers et les brûlèrent. Apprenant cela, les Blancs ordonnèrent à leurs soldats de combattre Wesé et ses hommes; la guerre se généralisa.
Wesé tua plus de soldats qu'eux ne tuèrent ses hommes. Il parvint à saisir 10 fusils comme butin. La guerre n'avait pas encore pris fin qu'un autre Blanc, Iséongémbé arriva. Il surchauffa les esprits et la guerre devint plus atroce. Les gens inventèrent un fétiche appelé "ikakota" qui les rendrait invulnérables aux balles. Un Blanc Mpaka vint de Kinshasa, et signa l'armistice avec Wesé. On tomba d'accord sur la fourniture de caoutchouc contre payement, et la guerre prit fin à cause du Blanc Mpaka.
Malgré cela, si on ne fournit pas la qualité maximale, les Blancs vont tuer le chef du village. Voyant que son frère Booneengo est tué Wesé prend fuite dans la forêt, et interdit la fourniture du caoutchouc. Un Blanc, Lofémbé, résidant à Mbandaka envoya un émissaire auprès de Wesé pour l'apaiser. Car faire la guerre avec lui, c'est décimer sa population. Les émissaires lui proposèrent de le réhabiliter dans ses fonctions antérieures. Ces émissaires étaient Nina, et un autre de la compagnie Bile. Non convaincu, Wesé s'enfuit vers Ikelemba. Les Blancs supplièrent sa mère et ses frères Is'e'Imeka et Is'ea Nkoli de le faire revenir pour son investiture. Wesé revint et redevint le grand patriarche des Basankusu. Malgré cela, Liyoko dut faire face à beaucoup d'ennuis de la part des Blancs. Silence, c'est que la langue est rentrée dans sa cavité. Quelle malveillance dans le coeur (2).

NOTES
1. Original en lomongo publié dans Lokole Lokiso, 1 mars 1955, p7 et 8. Traduction française par Lonkama dans An.Aeq. 11 (1990) 368-370. Récit presque identique au 601, d'après add.E.Boelaert.
2. Allusion aux manières impitoyables des Blancs lors de la campagne du caoutchouc.
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LILANGI (BASANKOSO)
601/233-234
François BOLONGO, moniteur M.C. Bokakata

RESUME: Cf.Récit 471.

TEXTE:
Pendant que les Blancs n'étaient pas encore venus, nous avions un grand chef nommé Wesé (Lioko). Wesé avait deux frères cadets: Is'e'Imeka ea Linunda et Is'a Nkoli ea Efambe. A ce moment Wesé empêchait la guerre à Lilangi et dans les contrées proches de lui. Lorsque les Ngombe ont appris l'investiture de Wese en qualité de chef, ils sont venus combattre Wese et tous ses sujets. Et Wese ordonna à tout le monde: "vous resterez ici pendant que moi et les Lilangi allons faire la guerre aux Ngombe". Un autre nom des Ngombe, c'est Ngungu.
Ils étaient encore en pleine guerre lorsque les premiers Blancs, les missionnaires protestants arrivèrent. C'étaient Is'e'Ifele et Lofambala. Toute la population allait à la rencontre de ces gens à la peau claire, qu'on n'avait jamais vu au Congo sauf à Basankusu. Ils en étaient étonnés et paniqués, car jamais vu pareil être aussi étrange. Les protestants, quant à eux, ils n'ont pas du tout tué les gens. Ils étaient plutôt des hommes de Dieu. Ils ne faisaient que l'apostolat, et enseignaient les commandements de Dieu.
Après que les gens ont vu ce phénomène, ils ont envoyé un message à Wese pour qu'il vienne voir cette nouveauté. Et Wese sortit de la guerre. A cause de la clarté de leur peau, les gens appelaient ces Blancs "ntendele" ce qui signifie "blanc".
Après cela, d'autres Blancs sont arrivés. Leurs noms étaient Bomende et Bonjolongo. Ils avaient beaucoup maltraité les gens. Certaines personnes trouvaient la mort pendant ces mauvais traitements. A Baenga, près d'Ikau, vivait un homme appelé Lomama. Il tua Bomende et Bonjolo.
Après que Bomende et Bonjolongo ont été tués, deux Blancs sont venus les venger. Leurs noms dans notre langue sont: Moto et Ilombo. A ce moment Wesé et ses gens étaient à Lofale où ils s'étaient battus avec les Ngombe. Ils étaient encore là lorsqu'ils ordonnèrent aux gens de récolter le caoutchouc. Les villageois l'acceptèrent par peur de la guerre. Mais ils redoutaient Wese de peur qu'il ne les tue.
Ayant appris que ses hommes ont récolté le caoutchouc pour les Blancs, Wese arriva, leur ravit le caoutchouc, et en saccagea les paniers. Il vociféra: "Récolteriez-vous le caoutchouc pour ces voyous venus de l'aval? Si je remarque que vous récidivez, je vais vous tuer tous". Apprenant que Wese a fait brûler le caoutchouc et menacé ses sujets de mort, les Blancs ordonnèrent aux travailleurs armés de fusils d'aller combattre Wese et ses sujets. Ils se sont battus et Wese a ravi 10 fusils aux travailleurs. Là-dessus arriva un Blanc appelé Is'Ongembe. Il généralisa la guerre. Les gens avaient marre de la guerre, mais ils n'avaient pas décroché. Ils ont cherché un moyen pour éviter la guerre. Le moyen s'appelait "ikakota", qui rendrait invulnérable aux balles des Blancs et de leurs travailleurs.
Non longtemps après, un autre Blanc arriva de Kinshasa; son nom était Mpaka, c'est à dire Zatino. Le Blanc Mpaka supplia Wesé en ces termes: "Cessez la guerre. Acceptez seulement de récolter le caoutchouc qu'on l'achètera". Et Wese
d'accepter: " Cessons la guerre, récoltons tout simplement le caoutchouc, car jamais vu pareil dépeuplement". A la demande du Blanc Mpaka, on récoltait le caoutchouc. Depuis lors, c'est la récolte du caoutchouc. Et les guerres avaient définitivement pris fin. Et la paix régnait de nouveau. Si on vient peser le caoutchouc, et qu'il est de quantité inférieure, on en tue le chef du clan.
Même si Wesé ordonna aux gens de récolter le caoutchouc, lui-même n'avait toujours pas envie de voir les Blancs en face. La raison profonde en est qu'ils avaient tué son cousin Booneengo.
Puis un Blanc appelé Lofembe arriva en provenance de Coq. Et comme il avait appris des rumeurs sur Wese et ses gens, il se dit: "Combattre cet homme c'est détruire le pays". Il envoya les Blancs de la Compagnie Mbile et le Blanc Nina pour apaiser Wese en le réhabilitant chef des clans comme par le passé.
Les Blancs se sont mis en route et sont arrivés là. Ils ont effectivement apaisé le coeur de Wesé. Pendant qu'ils étaient en conseil pour investir Wesé, ce dernier prit la fuite vers Ikelemba. Les Blancs arrêtèrent sa mère Ounamaka, et ses deux frères cadets Is'e'Imeka es Linunda et Is'a'Nkoli ea Efambe. Mais comme il avait entendu les plaintes de sa mère et de ses frères, il sortit de la forêt et on l'intronisa chef de tous les villages de Basankusu. Malgré cela, Wese et ses frères avaient enduré beaucoup de souffrances à Basankusu.
Etes-vous ainsi informé de la récolte du caoutchouc à Basankusu?. Un proverbe dit: "Cherches-tu le pouvoir qu'avait Wese?".
Se dit de quelqu'un qui cherche une autorité très étendue comme avait Wesé qui était un vrai chef, car aucun chef noir n'était comme lui.

NOTE
1. Identique au 471.
*****

BOMATE (BOKAKATA/BASONKOSO)
670/354-355
André ITOKO, catéchisme, Bomate, M.C. Bokakata

RESUME: Les missionnaires protestants arrivent les premiers dans les parages. Puis, c'est le Blanc Lompembe qui, à Bomate vient intimider les gens par un coup de fusil détruisant les manches des lances du vieux Ntando. Il rentre à Basankoso et renvoie 3 sentinelles qui tuent une femme de Lokamba, et font prisonniers une autre femme et son fils, qu'ils amènent à Basankoso. Le Blanc renvoie le fils de Lokamba, Longefa, ordonner à ses oncles paternels de récolter le caoutchouc. Le Blanc gratifie en l'instituant chef des Bomate.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS SUR LA TERRE DE BOMATE-LEZ-BOKAKATA
Les premiers à arriver étaient des protestants, ensuite nous avons vu un deuxième Blanc, Lompembe. Lompembe tira un coup de fusil sur notre vieux Ntando. Les balles détruisirent les manches de ses lances. Les vieux de Bomate en étaient stupéfaits. Ils disaient: Nous ne saurons pas faire face à cette guerre qui est arrivée. Et le Blanc Lompembe retourna à Basankoso.
A Bomate, on vivait parmi nous, lorsqu'arrivèrent de Basankoso 3 sentinelles appelées: Imbooko, Lokanga et Baluwa. Nous étions au village lorsque nous entendions une détonation de fusil. L'ayant ainsi entendu, nous tous, les Bomate, on prit fuite, car on avait tué une femme. La victime était une femme appelée Yek'Iloku. Puis ils arrêtèrent une femme appelée Ntswa. On arrêta aussi un garçon appelé Longefa. L'homme qui était à l'extrémité de Bomate était appelé Lokamba. La femme qu'on avait tuée, et celle qui était arrêtée, ainsi que ce garçon, tous étaient domiciliés chez Lokamba. Lokamba était le père de Longefa. Les deux femmes étaient épouses de Lokamba. Longefa et sa mère étaient amenés en prison à Basankoso. A Basankoso ils avaient trouvé le Blanc Ilombo. Le Blanc Ilombo demanda à Longefa: "Etes-vous l'aîné?". Longefa approuva: "Oui, je suis l'aîné à Bomate. Puis, le Blanc Ilombo dit à Longefa: "Je veux du caoutchouc de la part de vos oncles paternels. Je vais l'expédier en Europe". Le Blanc enchaîna: "Prenez une corde et faites en 7 noeuds, symbole de 7 jours après lesquels vos oncles doivent apporter le caoutchouc ici à Basankoso".
Longefa amena les 7 noeuds chez ses oncles à Bomate. A la vue de 7 noeuds et par compassion à leur neveu, les oncles acceptèrent de récolter le caoutchouc. Puis les oncles apportèrent le caoutchouc chez le Blanc Ilombo. Puis le Blanc libéra la mère de Longefa qui était en prison. Elle retourna à son village Bomate. Mais Longefa restait toujours en prison. Le Blanc Ilombo paya à ses oncles une grosse somme d'argent: 2000 mitako. Les oncles rentrèrent au village. Et le Blanc dit aux oncles: "Après deux semaines, apportez-moi du caoutchouc. ce n'est qu'après cela que je vais libérer votre neveu Longefa".
Deux semaines plus tard, les oncles apportèrent du caoutchouc. A la vue de cela, le Blanc libéra Longefa et le renvoya dans son village. Le Blanc dit à Longefa: "Je vous institue chef de Bomate". Et il fit à Longefa un don de 1.500 mitako. Il dit: "C'est grâce à vous que j'ai obtenu du caoutchouc. Vous êtes vraiment aîné des Bomate". A son arrivée au village, le Blanc lui envoya deux sentinelles appelées Ifomba et Lotsili. Ils arrivèrent chez Longefa à Bomate. Il avait ordonné aux sentinelles de demander à Longefa de rassembler les Bomate et de leur ordonner de récolter du caoutchouc. Contre ceux qui ne veulent pas, les sentinelles vont en guerre. Les villages près de Bomate acceptèrent la corvée. Il s'agit de: Lokombo, Toenga, Ekalankoi, Nkake.
Avez-vous entendu comment le caoutchouc a commencé sur la terre de Bomate? Cet homme Longefa est là. Il vit encore. Il est baptisé, et son prénom est Joseph. Il est un homme au coeur d'un Saint. Il est marié religieusement. Terminé.
*****

BASANKUSU (environs)
656/325-326
Bernard BOYAU, moniteur M.C. Abunakombo et Augustin EKUMBO, moniteur à la Compagnie SICOMAC Jebe-Ifomi, informés par Balofo Is'a Mboyo et Ekombe Is'ek'Ombola.

RESUME: Les premiers Blancs sont des missionnaires protestants à Ikau. Passage de Wijima; Bomende et Bonjolongo; on les tue; réaction des Blancs et opposition des protestants; fondation d'un poste de l'Etat et de deux sièges de compagnies; ivoire et caoutchouc; refus et tueries, protestation des protestants; fin du caoutchouc; épilogue sur les cruautés de Bombende et Bonjolongo.

TEXTE:
ARRIVEE DES BLANCS ET RECOLTE DU CAOUTCHOUC
Jadis nous ne connaissions pas de Blancs chez nous. Mais les premiers Blancs que nous avons vus étaient des missionnaires protestants. Nous étions à Benkuka-Sekea, vers Lilangi. C'est là que nous habitions. Les missionnaires protestants étaient venus à bord de leurs pirogues comparables aux bateaux. Nous étions émerveillés par les pirogues des Blancs. Les protestants s'installèrent d'abord à Basankoso, précisément à Ikau.
Et après les protestants, d'autres Blancs étaient venus. Mais ils ne sont pas arrivés dans notre contrée. Ils se limitèrent sur la Lulonga. Leurs noms étaient: Wilima, qui se permettait tout; après lui ce fut un Blanc de l'Etat. Ensuite deux compagnies vinrent s'installer à Basankoso. Nous n'en connaissions pas de noms, et nos vieux s'en souciaient peu. Ces deux Blancs s'appelaient Bomende et Bonjolongo. Des Blancs très agaçants. Mais deux vieillards, Wane et Engbanjala, les accompagnèrent pour une visite chez les protestants. De retour, les deux vieillards se concertèrent et se demandèrent: "Ces Blancs sont très agaçants, comment allons-nous nous en débarrasser?". Ils cherchèrent alors comment les tuer.
Peu après, ils voient un oiseau milan et disent: "Blanc, regardez un oiseau, tuez-le pour nous à coup de fusil". Contrôlant ses poches, le Blanc ne trouva pas son pistolet. Mais lorsque les deux vieillards ont remarqué que le Blanc n'avait pas de fusil, ils tuèrent Bomende et Bonjolongo à cause de leurs exactions.
Ayant appris le meurtre de ces deux Blancs, les protestants envoyèrent une lettre à Wilima, le Blanc de l'Etat. C'était un mauvais Blanc. Et ce fut le déclenchement d'une guerre qui entraîna le dépeuplement. Mais quand les protestants ont remarqué que les Noirs étaient décimés, ils demandèrent à l'Etat d'arrêter la guerre.
Sur ces entrefaites, un Blanc Ilombo et son frère cadet Moto, vinrent y créer une station administrative. A Boyeka, il y avait une compagnie Molo. Ses concessions étaient à Bonginda, Losombo, Bobanga, Wenga, et Lokoloko-Ifomi. Une autre compagnie était à Bokakata. Son chef s'appelait Ekot'Olongo, un Blanc de la S.A.B. Le Blanc se choisit les gens les plus influents pour lui acheter tout ce qu'il voulait. Le Blanc leur remit des mitako pour lui acheter des pointes d'ivoires, et le caoutchouc. Le Blanc Ilombo ordonna: "Apportez-moi du caoutchouc que j'achète". Et les Noirs lui répondirent: "C'est quoi, le caoutchouc?" N'est-ce pas que vous ne mangez pas les fruits d'une plante rougeâtre? Et bien, coupez les lianes de ces plantes, enduisez-en le latex sur votre ventre, ensuite enlevez-en le caoutchouc. Les vieux rentrèrent chez eux à la récolte du caoutchouc, qu'ils apportèrent au Blanc. Il en acheta contre des laitons de fer. Et le Blanc s'en alla.
Un jour, il dit aux Noirs: "Prenez des feuilles de bananiers ou des calebasses, et allez encore une fois récolter de caoutchouc. Mettez-y le latex qui sort des lianes. Arrivés au village, mettez-y le liquide du Costus bokaako et vous verrez quoi". Les vieux firent comme le Blanc leur avait ordonné, et virent que tout le latex ne formait qu'une seule boule. Ils prirent toutes les boules et les remirent au Blanc. Le Blanc les acheta contre des perles, des laitons de fer et des vêtements.
Ayant vu le caoutchouc, le Blanc s'en réjouit intensément. Il se dit: "Itswaki yolenya lokoso losila (1). Puis il ordonna: "Allez pendant sept jours récolter le caoutchouc, que chacun m'apporte un panier de caoutchouc". Les Noirs s'exécutèrent, mais à leur retour, tous ceux qui n'avaient pas rempli leurs paniers étaient tués à coup de fusil. A la place du marché, le Blanc avait placé un soldat chargé de tuer ceux qui ne remplissaient pas leurs paniers. Les Noirs eurent peur et se rendirent compte du fait qu'au début le Blanc les avait appâtés. Ils refusèrent alors de récolter le caoutchouc à cause de ces tueries. Mais. les Blancs n'avaient pas cessé de réclamer le caoutchouc. Ils avaient donné des fusils à leurs soldats et les avaient envoyés dans tous les villages à la recherche du caoutchouc. Les Blancs avaient fait tuer beaucoup de Noirs.
Là-dessus, un Blanc de l'Etat surnommé Is'Ongembe arriva, accompagné du commandant Asito (2), un Blanc originaire de Jamani qui avait tué beaucoup de gens. C'est pourquoi on entend jusqu'aujourd'hui: "la guerre de Jamani" en souvenir de ce Blanc lors de la guerre du caoutchouc.
A ces temps là, un Blanc missionnaire protestant, surnommé Jefeli, était à Bongandanga. Il arriva à Ikau et déclara: "Pourquoi les gens sont ainsi exterminés ici au Congo?". Je m'en vais en Europe poser la question au grand chef Lowa Yapolu (3). Je vais lui dire que le Congo est exterminé, peut-être va-t-il faire cesser la guerre. Puis il s'en alla très fâché.
Là-dessus, le roi envoya un commandant appelé Waisi(4) pour faire cesser et interdire la guerre. Il trouva le Blanc de l'Etat Is'Ongembe et l'apostropha: "Comment les gens sont ainsi décimés au Congo? Pars d'ici, et va chez les Ntomba, tu as tué beaucoup de gens". Waisi interdit la guerre, et le caoutchouc prit fin.
LES EXACTIONS DE BOMENDE ET DE BONJOLONGO
Ces deux Blancs ont commis de mauvais actes qu'aucune personne ne peut commettre. Lorsqu'ils arrêtaient quelqu'un et que sa mère ou sa soeur lui rendaient visite en prison, ils les faisaient arrêter eux aussi. Ils installaient en plein air une moustiquaire transparente et y faisaient entrer un frère et une soeur ou une mère et son fils, et les excitaient à s'accoupler. Ceux qui y désobéissaient étaient fusillés. Alors que Dieu est contre le fait d'exciter des gens à commettre le mal. Si on les a tués, c'est à cause de cela.

NOTES
1. Proverbes mongo n°1270: "Ce qui était perdu est retrouvé, la recherche prend fin".
2. Hagström, d'après add. E.Boelaert.
3. Roi Léopold II (d'après idem)
4. Wahis? (major, idem)
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1.8. AUTOUR DU LAC TUMBA

INTRODUCTION
Les Ekonda et les Ntomba autour du lac Tumba n'ont pas été atteints par l'enquête de Boelaert ni par celle de De Ryck. Ces groupes humains, faisant partie de l'ethnie Mongo, ont été très touchés par le red rubber. Nous pouvons l'illustrer par le récit de vie ci-après d'un témoin direct. Les protestants y étaient déjà installés en 1894 à Ntondo (d'abord l'American Baptist Foreign Mission Society, puis la Baptist Missionary Society). Les catholiques (lazaristes) n'y viendront que plus tard en 1926 (Bikoro)

BIBLIOGRAPHIE
1945 ROMBAUTS H., Les Ekonda, Aequatoria 8(1945)121-127
1946 Idem, Ekonda e Mputela, Aequatoria 9 (1946) 138-152
1961 BOELAERT E., Le syndicat des tabacs et la fondation de la Mission d'Ikoko, Aeq. 24 (1961) 59-64
1974 VAN EVERBROECK N., Ekond'e Mputela. Histoire, croyances, organisation clanique, politique, sociale et familiale des Ekonda et leurs Batoa, MRAC, Tervuren, 1974, 306 pages.
1985 SULZMANN N E., La soumission des Ekonda par les Bombomba, A.Aeq. 6 (1985) 317
1998 MEEUWIS M & YOKA-MPELA, J-R., 'The influence of English on Lontomba (Democratic Republic of the Congo)'. In: Johan van der Auwera, Frank Durieux & Ludo Lejeune (réd.), 'English as a human language: To honour Louis Goossens'. München: LINCOM Europa Academic Publishers, pp252-263.

*****

MPOMBO (Ekonda)
680/Ekelesa Ekiso, 1975, no 6, p.12-14
BOLANJABE (Papa Losambo)

RESUME: Les villageois fuient les Blancs dans la foret où ceux-ci les dénichent. Tueries. Sortie de la foret. Traité de paix moyennant caoutchouc. Les Blancs et les sentinelles désarment la population et leur interdisent l'usufruit de leurs bananeraies et palmiers. Arrivée des missionnaires d'abord protestants à Bolenge, puis catholiques à Bamanya. Un Blanc de la SAB vexatoire est tué. Ikakota. Fin de la guerre à cause des rapports des missionnaires en Europe.

TEXTE:
Je suis né au village Mpombo avant l'occupation européenne (± 1880). Mpombo est situé en plein pays Ekonda, près de la mission d'Itipo. Mon père s'appelait Isangamela et ma mère Ntombi. Mon village, c'est Nkuma, toujours près de la mission d'Itipo. Papa et maman eurent 7 enfants: 4 garçons et 3 filles.
Lorsque survint la guerre de l'occupation européenne, j'étais encore au village Mpombo, mais ensuite on se réfugia dans la foret. Les Blancs nous poursuivaient jusque là dans la foret, pour nous tuer. On est finalement sorti de là, car il n'y avait rien à manger. La guerre s'étendit sur toutes les contrées, et on cherchait refuge partout. Notre dernier refuge fut au village Boala. Maman mourut pendant la fuite dans la foret d'Iboko. Puis on a continué jusqu'à Bolia; on voulait même aller chez les Booli; mais une rivière nous fit obstacle. On ne pouvait pas nous faire traverser, car nous en avions peur. On emprunta une autre voie, dans la forêt et on déboucha sur un village Bolia appelé Boota Longemba. On nous mis à la disposition de certaines personnes avec lesquelles on alla commencer un emplacement et une grande palmeraie. Et on arriva au village appelé Bikole-Elonda. On y résida, et chacun se choisit un ami qui lui donnerait des vivres. On y résida à peu près une année entière.
Les Blancs ordonnèrent à leurs hommes de nous rappeler pour qu'on signe un traité de paix et qu'on réside hors de la forêt. Tous ceux qui habitaient avec nous en étaient informés. Nous avons demandé à nos hôtes de venir voir comment nous traversions la rivière, car nous avons eu peur que quelqu'un ne nous noie. Celui qui accepta de nous surveiller s'appelait Bongongo w'Otsio. Il se posta à la rive, armé de flèches et de bouclier pour que quelqu'un du village Ilako l'Akoko ne nous noie. On avait réquisitionné les pagayeurs pour assurer notre traversée. Dans la pirogue, on nous interdit de pousser un cri de peur d'être noyé. La rivière avait pour nom Mput'Efanyango. Et on nous traversa la rivière. On arriva à un village Besongo appelé Booli. On traversa tous les villages de Bondongo et de Lokongo, et on arriva à notre village d'origine, Lonyanyanga.
Nous avons choisi 4 personnes qui nous précédaient avec des jeunes de palmier, signe d'amitié et de fin de la guerre. Ces gens étaient arrivés à Bombenga et Lifumba où résidaient des Blancs, et leurs sentinelles. Les Blancs questionnèrent ces 4 personnes: "Ou sont d'autres personnes?". On leur répondit: "Tout le monde est arrivé pour rentrer chacun dans son village". Arrivés à leurs villages, les gens ne trouvèrent plus leurs maisons. Les Blancs avaient tout brûlé. On construisit de simples huttes provisoires pour s'abriter.
Les Blancs ordonnèrent aux gens d'apporter les outils de travail: couteaux, flèches, lances. Personne ne put laisser aucune arme dans sa maison, sinon on est tué. Cinq Blancs résidaient à Butela. Chaque village exposait ses armes que deux sentinelles étaient chargées de ramasser. On entreposa toutes les armes dans un local qu'on ferma à clé. On interdit à quiconque de tenir une arme sous peine de d'être tué.
Puis, s'adressant à la population, ils déclarèrent: "Nous avons pris tous vos champs; que personne n'y récolte quoi que ce soit. Nous nous sommes approprié vos bananeraie, que personne n'aille y cueillir des bananes. Nous avons réquisitionné toute votre palmeraie, que personne n'y coupe des régimes des noix de palme". On affecta deux sentinelles par village pour surveiller les champs, les bananeraies et des palmeraies. Les gens vivaient affamés au milieu des tortures et des souffrances. Beaucoup en étaient morts. Les sentinelles accusaient les villageois de transgresser les instructions alors que c'étaient elles qui allaient cueillir des fruits des champs et on les tuait.
Les Blancs ordonnèrent ensuite aux gens de récolter le caoutchouc. La première récolte n'était pas suffisante, et on alla dans la forêt avec des sentinelles. Nous sommes restés longtemps à Lolima. Puis le chef des sentinelles ordonna aux gens de sortir avec le produit pour inspection afin d'en procéder à l'envoi à Bokatola. Le caoutchouc était mis dans un panier. Lorsque montant dessus, le produit se dégonfle, le propriétaire est tué. Tout le caoutchouc était acheminé à Bokatola où résidait le Blanc Bayunu.
Ici chez nous le caoutchouc s'épuisa et on envoya des gens très loin, à Lioko, pour la corvée. Nos gens ne connaissaient pas leurs forêts. Ils ne trouvèrent pas de caoutchouc. Ils mouraient de faim. Ils prirent fuite, et regagnèrent leur village Mpombo. Les sentinelles allèrent rapporter à leurs chefs la fuite des Mpombo. On y envoya une expédition de 5 sentinelles et d'autres travailleurs pour arrêter tout le village Mpombo.
Les sentinelles y procédèrent à l'appel nominal des Mpombo. Les absents étaient tués. On aligna les Mpombo en fil indienne et on les mit en marche, corde aux cous jusqu'à Butela. On érigea 4 troncs d'arbres à chacun desquels en attacha un homme. Les sentinelles passèrent pour les éventrer. On fit appel aux suivants, et ainsi de suite jusqu'à ce que tous les infortunés furent exterminés. Puis on dépeça des corps qui furent distribués entre sentinelles. Tout le village Mpombo était exterminé. Et on nous prit, nous les enfants, jusqu'à Butela. On coupa des mains aux cadavres. On sécha ces mains qu'on envoya ensuite emballées dans un sac à Bokatola.
Les protestants arrivèrent les premiers avec leur religion à Bolenge. Les catholiques à Bamanya en 1895.
Le premier Blanc était venu pour le compte de la SAB; il s'appelait Bokukulu. Il avait des fusils meurtriers. Il résidait à Iyonda, près de Boangi. Lui aussi ordonna aux gens de lui apporter du caoutchouc. Au début on obtempéra à son ordre, puis les gens se disaient: "Récolterions-nous du caoutchouc pour cet homme blanc comme un revenant? Il vaut mieux que nous le tuions". Le Blanc se défendit en tirant un coup de feu qui ne tua personne. Les gens se saisirent alors du Blanc qu'ils tuèrent. On ne le mangea pas à cause de sa blancheur comme un esprit.
Les Blancs envoyèrent une lettre en Europe signaler le fait que les Noirs, ayant refusé de récolter le caoutchouc, avaient assassiné Bokukulu.
Lors des premiers combats avec les sentinelles, nous nous utilisions le talisman "ikakota", et nous étions vaincus. Puis la guerre prit fin avec les rapports des missionnaires protestants et catholiques sur l'extermination des Noirs par les premiers Blancs venus ici.
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